Année A – 2ème dimanche ordinaire


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HOMELIE

"Une maquette", nous devons être, mes frères, une maquette ! Les textes de cette messe nous invitent à réfléchir sur la mission de Jésus-Christ, et, à la veille de cette semaine de l’unité qui commencera samedi prochain, de cette semaine durant laquelle nous prierons pour l'unité des chrétiens, ces textes nous incitent à voir Jésus comme le " Grand rassembleur ".

Dans le premier texte, Isaïe nous présente ce Serviteur que Dieu s'est choisi pour rassembler tout son Peuple d'Israël, pour regrouper tous les rescapés, et pas seulement pour rassembler ce peuple, ce peuple élu, ce peuple choisi, mais aussi pour s'adresser à toutes les nations et apporter ainsi son salut jusqu'aux extrémités de la terre ...

Saint Paul de son côté, s’adresse à la Communauté de Corinthe, qui est appelée à former le Peuple de Dieu, avec tous ceux qui, en tous lieux, se rallient au Seigneur Jésus-Christ !

L'Evangile nous fait entendre d'une autre manière cette même idée. Jésus nous est présenté par Jean-Baptiste comme "l'Agneau de Dieu". Ce mot "Agneau de Dieu" évoque pour nous le sacrifice de Jésus, son immolation sur la croix ; or le même Saint Jean d'où est extrait ce passage, nous dit, à la fin de son Evangile, que si Jésus est mort sur la croix, " c’est pour rassembler dans l’unité, tous les enfants de Dieu dispersés ".  (Jean, ch.11, v.52)

Et, vous venez de l’entendre, cette unité, Jésus la réalisera en donnant à tous ceux qui voudront l'écouter un même esprit, Son esprit. " Il vous baptisera dans l'Esprit-Saint ". Justement, quand nous lisons Saint Paul, il nous, dit que cette diffusion de l'Esprit-Saint produit en chacun de nous des dons très différents, mais que toutes ces qualités, si différentes soient-elles, tous des talents, tous ces ministères si différents soient-ils, ont un seul but : faire de l'humanité toute entière comme le Grand Corps de Jésus-Christ qui grandira de plus en plus jusqu’à ce que, ne faisant tous plus qu’un dans la foi et la naissance du Fils de Dieu, ce Corps ait atteint la stature, la taille de sa majorité. (Ephésiens, ch.4v. 11-14)

C'est là le, plan, c’est la le rêve de Dieu, c'est le rêve de Jésus. Cela ne nous étonne pas, du reste, puisqu'Il vit dans cette communauté, dans cette unité indissoluble qu’est la Trinité Sainte. Aussi sa dernière prière à son chevet de mourant, ses dernières volontés dont il fera part à son Père avant de mourir, ce sera que ses disciples soient unis entre eux, comme Lui l’est à son Père. (Jean, ch.17, v.11,21,22). Voilà le programme, voilà le plan !

Mais, vous savez très bien que lorsqu'on veut décider les gens à faire quelque effort un peu difficile, même au point de vue pécuniaire, il ne suffit pas de leur décrire un grand et beau projet, il faut leur en montrer une ébauche, une "maquette"... On a l'habitude de le faire, par exemple, pour les constructions d'églises. Pour inciter les gens à donner, on ne se contentera pas de dire "notre église, elle sera faite comme-ci ou comme-cela", on mettra à l'entrée du début des travaux une maquette qui montrera ce que l’on veut réaliser. Alors les gens pourront voir de leurs yeux, et cela les décidera à être généreux. Eh bien ! pour que Dieu, pour que Jésus-Christ puisse réaliser son rêve, il faut qu'Il puisse présenter à l’humanité toute entière qui est en attente d'elle ne sait trop quoi, comme un spécimen, comme une maquette de ce qu'Il a voulu faire de cette Humanité en lui envoyant son Fils..

Or, cette maquette du Grand Corps de Jésus-Christ, de la famille de Jésus-Christ, ce sont les chrétiens, c'est la Communauté des chrétiens. Tant que les chrétiens s’entre-déchireront, tant qu'ils seront divisés, opposés, le monde ne pourra pas reconnaître Jésus comme l'Envoyé de Dieu, puisque le signe de cet envoi, le signe que Jésus a voulu donner de cet envoi, c'est l'unité qui règne entre ses disciples - "qu’ils soient un, qu'ils soient soudés entre eux, demandait le Seigneur dans sa dernière prière, pour que le monde sache que tu m'as envoyé" ! (Jean, ch.17, v.21) Certes, il y déjà entre les différentes confessions chrétiennes, un rapprochement, un meilleur climat de charité. On se connaît mieux, on se respecte, on s’estime, on se fréquente même. C'est déjà un pas. Mais cette union charitable, j'allais dire sentimentale, ne suffit pas : Saint Paul s'écriait : "Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême un seul Dieu et Père (Ephésiens, ch.4, v.5). il faut que du niveau du cœur l'union monte jusque dans l'intelligence, jusque dans la foi. Et comment y arriverons-nous à cette unité de foi ? En demandant à Dieu de mettre dans le cœur de tous ceux qui se réclament du Christ, cette disposition que le Pape Paul VI exprimait lors de son entrevue avec le patriarche Athénagoras à. Jérusalem, le 5 janvier 1964 : l'unique souci de la pensée authentique de Jésus Christ de ce qui dérive de " l’Evangile et de la tradition authentique ". Chercher ensemble ce qu'a pensé Jésus-Christ, ce qu'Il a voulu, ce doit être là notre hantise commune. Dans la mesure où l'on a été animé de cet esprit, nous avons vu se faire bien des rapprochements au point de vue dogmatique auxquels nous ne pouvons qu'applaudir. C'est ainsi que l'on a pu sortir une traduction de la Bible faite d'un commun accord, même des passages de la Bible jusqu’ici, étaient interprétés si différemment par les uns et par les autres, comme l'Epître de Saint Paul aux Romains. C'est ainsi qu'un rapprochement doctrinal très sensible s'est fait avec nos frères protestants au point de vue de l'Eucharistie, non seulement sur la présence réelle du Christ dans ce sacrement, mais aussi sur l'aspect du sacrifice.

Cette prière, cette demande nous pouvons la faire aujourd'hui aussi, pour les catholiques entre eux. Combien qui, poussée par le vent de la contestation, par le souci d’être à la mode, au goût du jour, s'écartant de la doctrine que nous a transmise la Tradition depuis Jésus et les Apôtres jusqu’à nous, comme si, jusqu'à eux, tous les suiveurs de Jésus-Christ s’étaient trompés dans l’interprétation de son message, comme si l’Esprit-Saint les avait attendus pour nous conduire à la vérité plénière !...

C'est à tel point qu'aujourd'hui on se sent plus proche parfois de certains frères protestants que de certains frères qui veulent pourtant, que, malgré cette déviation patente, on les considère toujours comme des Catholiques ! Oh oui, puissions-nous tous ne rechercher qu'une seule chose. Quelle a été, quelle est la pensée et la volonté de Jésus-Christ plutôt que de nous laisser emporter à tous vents de nouveautés, à tout souci de nouveautés. Puissions-nous être uniquement soucieux d'être vraiment l'Eglise de Jésus-Christ, telle que Jésus l'a inventée, telle que les Apôtres l'ont réalisée. A ce moment-là, l'union, l'union en profondeur, puisqu'elle ira jusqu’à l'intelligence, se refera ! Prions, oui, prions ardemment, pour cela.

Prions, mais agissons aussi, au niveau de ce que nous pouvons réellement Certes, il ne nous est pas possible d’agir directement au niveau du monde, ni au niveau des Eglises, mais il nous est possible d'agir au niveau de nos communautés paroissiales, elles aussi, je dirais, elles surtout, parce que plus proches d'un chacun, plus concrètes, plus palpables, elles doivent être des maquettes. Comme le dit quelqu'un que l'on ne peut soupçonner d'intégrisme, le Cardinal Suenens dans son livre Une nouvelle Pentecôte ? (p. 178) : " Prenons garde de ressembler à ces personnes qui sont d'humeur chagrine chez elles, et charmantes avec l'étranger. La charité commence à la maison, de proche en proche elle doit gagner les autres hommes... Pour une large part, ajoute le Cardinal, le renouveau dans l'Eglise se fera à partir des communautés chrétiennes devenues foyer de lumière et de chaleur pour le monde ambiant "

Justement, si nous avons voulu mettre au centre de nos paroisses une communauté de Religieux, c'est pour que cette communauté soit comme un spécimen, un prototype, une maquette de ce que nous voudrions réaliser à l’échelon paroissial, et bien au-delà, à l'échelon du monde. Si déjà cette communauté n'est pas étroitement soudée, si on n'y trouve pas un esprit que l'on ne trouve nulle part ailleurs, s'il n'y fait pas meilleur que lorsqu'on est " dans le monde ", alors inutile de penser rallier le monde entier pour en faire le Corps du Christ, ça n'attirera personne !

Eh bien ! de même si nos communautés chrétiennes, si nos paroisses ne donnent pas un spécimen attirant de ce que c'est que cette vie chrétienne, et de ce que c’est que cette union familiale en Jésus-Christ, tout est perdu ! tout notre travail d'apostolat sera vain ! Si on va "à la pêche à la ligne", on pourra ramener celui-ci ou celui-là, mais une fois qu'il sera rentré chez les chrétiens et qu'il aura vu de ses yeux ce que c'est, il sera vite dégoûté, il sera vite déçu, il nous quittera, et mieux vaudrait sans doute pour lui qu’il ne soit jamais venu, parce que lorsqu'on a été déçu une fois, on n'a pas envie de revenir ! Cela a été le drame de combien, à l’époque où le catéchuménat fleurissait !

C'est donc là une responsabilité terrible que nous portons tous : donner au monde un spécimen de ce que Jésus a voulu réaliser, un spécimen de cette Famille de Dieu que doivent former les chrétiens.

Saint Matthieu que nous lisons justement cette année, a groupé dans le chapitre 18ème de son Evangile, que l’on appelle pour cela " le discours écclésiologique ", toutes les recommandations de Jésus au sujet des différentes qualités qui doivent caractériser la Communauté des disciples du Christ.

La première chose qu’il nous dit, c'est que dans cette communauté, c’est le petit qui sera Roi. Le petit, c’est-à-dire celui qui est le plus méprisé, le plus délaissé, celui qui est le plus pauvre. Que de fois je vous ai répété que, dans une vraie famille, si jamais il y un des enfants qui est un peu handicapé, c'est lui qui est le petit Roi. Tout le monde est a son service, pas seulement papa et maman, mais aussi tous ses frères et sœurs. C’est cela une famille.

Si nous avons en nous cet esprit du Christ, cet Esprit de la Famille de Dieu, c'est donc le plus petit, le plus abandonné, le plus pauvre, c’est celui là dont les chrétiens doivent d'abord s’occuper. Et ça, ça se voit, et ça, ça frappera .... c'est si peu courant, hélas !

Dans ce même chapitre de Saint Matthieu, la seconde caractéristique de, la communauté chrétienne qui nous est donnée, c'est qu'il y aura une entraide, même matérielle, de tous les membres. Saint Paul développera cette idée. Il nous dira qu'il est indispensable pour les chrétiens qu'il y ait entre eux, encore une fois comme dans une famille, une certaine égalité. Il est impensable qu’il y en ait qui soient repus à côté d'autres qui ont faim ! Quand il y en a un qui est dans le besoin, il faut que tous les autres se précipitent pour le secourir et l'aider, il faut qu’il y ait partage. (cf. 1ère aux Corinthiens ch.11, v. 21 - ch.12, v.4-27 ; 2ème aux Corinthiens ch. 8, v. 9-16).

La troisième caractéristique de la Communauté des disciples du Christ, toujours d'après ce chapitre 18ème de Saint Matthieu, c’est l’entraide spirituelle, qui suppose que, lorsque quelqu'un d'entre nous s'écarte du bon chemin, ses frères, s'ingénient pour l'y remettre. Ce qui suppose encore que ce groupe rassemble des gens qui sont tellement " mordus " de l'idéal du Christ, qu'ils considèrent les remontrances charitables et fraternelles, du responsable de la communauté (le prêtre) ou de leurs frères, comme un vrai acte de charité à leur égard, et leur en sont reconnaissants. Si tous ceux qui font partie de nos communautés sont ainsi vraiment épris, s'ils font tous effort, chacun à sa mesure, pour le réaliser, à travers toutes nos faiblesses humaines, il sera bien évident, que la vie entre nous sera très agréable parce qu'on aura tous le même but qu'on aura tous le même esprit, et les gens qui. viendront, sentiront tout de suite qu'il y a là quelque chose de tout à fait spécial, quelque chose que l’on ne trouve pas ailleurs .... si on le trouve ailleurs, pourquoi venir là ? C’est là, vous le voyez, un point très important.

Cette entraide spirituelle, elle se manifeste encore par le fait que c’est toute la communauté chrétienne qui se souciera de la " brebis égarée ". C'est à cet endroit en effet que Saint Matthieu raconte cette parabole de Jésus. Toute la communauté devra s’ingénier à essayer de récupérer la brebis qui s’est éloignée, peut-être justement, parce qu’elle a été dégoûtée ! Et Dieu sait si à notre époque, il y en a qui ont quitté l’Eglise, parce qu'ils ont été dégoûtés, parce qu'ils n'ont pas trouvé chez nous la fraternité qu'ils cherchaient, et ils sont allés voir ailleurs Dieu sait où ! dans d'autres petites communautés voire, dans ces sectes qui pullulent, où ils ont cru pouvoir trouver plus de chaleur ! Cela aussi doit nous préoccuper et nous poser problème !

La quatrième caractéristique de la Communauté des disciples du Christ, c’est là prière en commun. Là aussi le fait de prier en commun, de chanter en commun notre foi, de chanter en commun notre idéal, et surtout notre Christ, et notre Grand Dieu, cela aussi c'est une drôle de soudure, et cela tisonne drôlement notre flamme.

Enfin, dernière recommandation que Jésus fait aux membres de sa communautés, savoir se pardonner mutuellement. Dans toute communauté humaine, il y aura toujours des faiblesses et nous aurons toujours à nous pardonner. Jésus le sait bien, jusqu'à 77 fois 7 fois dit-il. Mais si ça fait partie du programme, si c'est admis par tous, mon Dieu ! qu’on peut très bien faiblir et qu’il ne faut pas s’en formaliser, qu’il ne faut pas en garder rancune, je pense qu'alors tous ces petits heurts qui peuvent surgir entre nous, sont très vite effacés par cette charité qui, submerge tout cela.

Voilà mes Frères, ce que je voulais vous dire aujourd'hui. Est-ce que nous prenons conscience de la responsabilité que nous portons en commun ? Le monde cherche aujourd'hui plus que jamais, mais comment voulez-vous qu'il cherche du côté des chrétiens si leur groupe, leur communauté ne donne rien qu'on ne puisse trouver autant et mieux ailleurs ? S'il n'y a pas chez nous, plus de ferveur, plus d'enthousiasme, plus de charité, plus d'affection, plus de joie, plus de jeunesse d'âme, c'est évident, on ira chercher ailleurs.

Disons donc au Seigneur, tous ensemble, aujourd'hui, que nous voulons lui faire honneur et devenir une "micro-réalisation" de son rêve, sa "maquette" qui incite toutes les âmes de bonne volonté à nous rejoindre pour construire son " Grand Corps " !

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