Année A – 12ème dimanche ordinaire


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SOMMAIRE DE L'HOMÉLIE

On voudrait faire passer les chrétiens pour de saintes nitouches... Le Christ serait-il un fabricant d'amoindris ?...

1°) Voyez un peu ses propos.

- Celui qui veut le suivre doit être prêt

= à sacrifier sa vie... (texte d'aujourd'hui)
= à sacrifier ses affections les plus légitimes...
= il doit dominer ses sens... si ton oeil etc...

- Jésus n'admet aucun compromis. (est-ce là des formules à fabriquer des nouilles ?)

- Jésus ne veut pas que nous soyons des "moutons"

= esclaves du qu'en dira-t-on
= faisant " ce qui se fait"... on vous a dit... Moi, je vous dis...

2°) La vrai interprétation de deux textes que l'on invoque pour dire que le chrétien doit tout encaisser.

- ne pas éteindre la mèche qui fume encore...
- tendre l'autre joue... cela suppose, au contraire, une "drôle" de maîtrise de soi (texte de Chamberlain...)

3°) Conclusions

- Comprendre les défaillances... mais ne pas supporter que le pécheur veuille donner le ton.
- ne pas rougir :

= d'avoir la foi...
= de poursuivre un idéal au lieu de suivre ses instincts...

- essayer d'apporter aux autres cette richesse spirituelle.


HOMÉLIE

 

SAINTE-NITOUCHE ! des SAINTES-NITOUCHES ! ... Combien voudraient faire passer les chrétiens, surtout les chrétiens pratiquants, pour de saintes-nitouches ! Nouvelle caricature, non plus du Christ cette fois, mais de ses disciples, que l'on colporte pour les tourner en ridicule.

Et ce qui est le plus révoltant, c'est que ce sont des pauvres types, esclaves de tous leurs instincts, de pauvres types qui, eux, n'ont aucune personnalité, qui colportent cette calomnie ! Et ce qui est encore plus révoltant, c'est que bien souvent certains chrétiens en sont parfois gênés à croire qu'ils se reconnaîtraient dans cette caricature !

Le Christ serait-Il donc un fabricant d'amoindris, de demi-portions, de sous-produits, de sous-hommes ?...

Certes, il peut y avoir de faux chrétiens qui prêtent le flanc à cette critique, mais ce sont des faux. Va-t-on juger de la valeur d'un crû sur une bouteille frelatée ?... Ecoutez un peu, en lisant l'Evangile, ce que doit être un chrétien " appellation contrôlée".

Vous venez d'entendre dans l'Evangile que nous venons de lire quelques consignes du Christ à l'adresse de ses disciples : "Ne craignez pas ceux qui tuent le corps mais ne peuvent pas tuer l'âme, craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l'âme aussi bien que le corps... Celui qui aura rougi de Moi devant les hommes, Moi aussi, je rougirai de lui devant la face de mon Père qui est dans les cieux." Croyez-vous que de telles formules fabriquent des sous-produits, des sous-hommes ?...

En voici bien d'autres aussi énergiques et tranchantes.

Le Christ exige de ses disciples d'être prêts à tout sacrifier pour Lui et pour l'idéal qu'il leur propose :

"Si ton oeil, si ta main est pour toi une occasion de péché, arrache ton oeil, coupe ta main ; il vaut mieux pour toi perdre un seul de tes membres que de voir tout ton corps s'en aller dans la géhenne." (Matthieu, ch.5, v.29-30)

"Celui qui veut venir après moi et ne me préfère pas à son père, à sa mère, à sa femme, à ses enfants, à ses frères et soeurs et même à sa propre vie, ne peut être mon disciple." (Matthieu,ch.10,v.38 - Luc, ch.1-4, v.25-26).

Jésus n'accepte pas les compromis : avec Lui, ce doit être "oui quand c'est oui et non quand c'est non".

"Celui qui n'est pas avec moi est contre moi." (Matthieu ch.12,v-30)

"Vous ne pouvez servir à la fois Dieu et l'argent." (Matthieu, ch.6, v. 24)

Oui, Jésus a bien raison de le dire : "ce sont les violents, les « casse-cou » qui emportent d'assaut le royaume de Dieu." (Matthieu, ch.11, v.12). Est-ce, en effet, avec des « formules » de ce goût-là que l'on va former des « nounouilles », des amoindris ? N'est-ce pas là, au contraire, une école où normalement devront se forger des personnalités « du tonnerre » ? Dès lors, comment le pratiquant, qui accepte joyeusement de se mettre à cette école tous les dimanches, n'aurait-il pas, même seulement en vertu des lois les plus élémentaires de psychologie, plus de chances de devenir « quelqu'un » que celui qui a cessé d'y aller parce que, soyons francs, il a capitulé et ne veut pas risquer d'avoir des remords en cédant à ses passions et à ses instincts ?...

Jésus oppose l'attitude des Pharisiens, qui cherchent à se faire voir, qui cherchent les flatteries de « la galerie », à l'attitude de ses disciples qui doivent se moquer pas mal du qu'en dira-t-on pour ne se préoccuper que du « qu'en dira Dieu ». (Matthieu, ch.6,v.1-19)

Car Jésus n'entend pas former des moutons, des gens qui basent toute leur vie sur ce qui est admis, sur ce qui se fait autour d'eux... Au contraire, Il veut que ses disciples tranchent sur leur entourage... même sur l'entourage qui suit la loi de Moïse... "On vous a dit... Moi, Je vous dis..." Tout son discours-programme, si je puis ainsi parler, tout son sermon sur la montagne est construit sur cette opposition radicale.

Alors aujourd'hui, chrétiens, quand autour de vous on vous traite "d'anormaux" parce que vous ne vous calquez pas sur ce que fait la masse, sur ce que tout le monde fait, que ce soit dans le domaine des affaires ou dans celui de l'amour et de la pureté... réjouissez-vous, soyez fiers ! Vous n'êtes pas un mouton. Certains même de nos jeunes qui ont mieux compris leur idéal et qui en sont d'autant plus passionnés, proposaient de fonder l'Association des A.V.J., traduisez : l'Association des " Anormaux, Volontaires et Joyeux " ! (pas si mal l'idée).

Ceux qui veulent faire du chrétien un « béni-oui-oui » se gardent bien de citer toutes ces paroles évangéliques qui sont « à l'emporte-pièce ». Ils prétendent justifier la caricature du chrétien qu'ils veulent nous présenter comme étant leur idéal en s'appuyant sur une interprétation tendancieuse de deux passages de l'Evangile, en particulier. Cette caricature du chrétien, on essaie de la justifier par des textes évangéliques !

Le Christ n'a-t-il pas dit qu'il ne fallait pas étouffer la mèche qui fume encore ?

Certes ! Non seulement il l'a dit en effet (Matthieu, ch.12, v.20) mais il l'a fait.

Je pourrais rappeler ici ce que je vous ai dit lorsque nous avons parlé de la Samaritaine : chez cette hérétique et cette pécheresse, Jésus décèle un brin de franchise et à partir de là, Il la conduit à la reconnaissance de la vérité totale.

Je pourrais évoquer la parabole de l'enfant prodigue : du moment que ce fils veut revenir à la maison paternelle, même si le motif n'est pas très pur, très désintéressé (il pense qu'il y sera mieux nourri), le père lui ouvre tout grands ses bras !...

Le chrétien doit s'ingénier, lui aussi, à déceler dans ceux qui l'entourent la plus petite étincelle de bon désir enfouie sous la cendre pour y souffler dessus, pour la mettre en valeur... Il y sera d'autant plus attentif qu'il reconnaîtra là le fruit de la grâce divine qui travaille toute âme. Mais, si nous devons savoir déceler la plus petite parcelle de bien, nous devons, à l'exemple du Seigneur, démasquer et stigmatiser le mal et savoir dire la vérité. Jésus l'a fait avec la Samaritaine. Jésus l'a fait avec les Pharisiens.

Pour justifier cette bonacité du chrétien, on cite souvent encore la recommandation du Seigneur : "A qui te frappe sur la joue droite tend encore la joue gauche, à qui veut te prendre ta tunique, abandonne encore ton manteau." (Matthieu, ch.5, v.38-42)

Mais ici, attention ! s'il vous plaît. Il y a deux façons de pratiquer ce que demande ici le Seigneur.

Il y a la façon du pusillanime qui ne dit jamais rien, qui encaisse tout, qui courbe l'échine et encourage par là son adversaire à continuer dans le péché, à poursuivre sa brutalité, à voler encore davantage ! Croyez-vous que ce soit ce que demande Jésus-Christ ? encourager le péché ? Vous voyez ça ! Il y a une autre façon d'entendre ces paroles et de les pratiquer et nul ne contestera que c'est celle-là qui correspond à ce qu'a voulu Jésus-Christ : c'est de sidérer son adversaire, c'est de le rendre tout pantois, c'est de « l'avoir à l'estomac » comme on dit vulgairement, en gardant tout son sang-froid et en lui offrant (avec une certaine ironie, il est vrai), plus qu'il ne demande. Vous voici en face de quelqu'un qui est déchaîné, rouge de colère, qui n'est plus maître de lui et qui subitement est devenu « une brute »... Comment arrêter la bagarre ? Ce n'est pas en ripostant de la même manière. La seule façon qui peut avoir une chance de le rappeler à lui-même, d'en refaire un homme, c'est de garder soi-même tout son sang-froid, tout son calme, toute sa personnalité. " Tiens, mon brave, tu veux taper ? Tape donc encore, si le coeur t'en dit !... Tu veux me prendre ma tunique ? Tiens, voilà encore mon manteau, mes chaussettes, mes souliers..." Mettez-les lui sur les bras... S'il reste encore quelque chose d'humain en cet adversaire, c'est la seule façon de le faire resurgir... Jésus Lui-même a agi de la sorte au jardin des Oliviers. Judas avait dit à ses sbires : "Faites bien attention qu'Il ne vous échappe pas" (Marc, ch.14, v.44). Alors ils sont là qui le cherchent à la lueur de leurs lanternes, presque apeurés. Or, voici que loin de s'enfuir, Jésus s'avance Lui-même vers eux : "Qui cherchez-vous ?" - "Jésus de Nazareth" - "C'est Moi." Alors, ils sont saisis, « estomaqués » ils "tombent à la renverse" dit Saint Jean (ch.18,v.4-8). Jésus est obligé de leur demander à nouveau : "Qui cherchez-vous ? " et de leur redire une fois encore : "C'est Moi.". Mais alors son ascendant sur eux est si grand qu'Il leur commande, certain d'être écouté : "Prenez-moi mais laissez partir mes disciples." et ils lui obéissent au doigt et à l'oeil !...

Voilà. On ne le dira jamais assez : le christianisme est une école de grandeur d'âme. Qu'on le veuille ou non, il nous « élève »... C'est lui qui a fait sortir les peuples de la barbarie et de la sauvagerie. C'est lui qui a apporté la civilisation qui n'est autre chose que la victoire de la raison sur les instincts et les passions, la victoire de l'homme sur la bête. Les faits sont là aujourd'hui qui nous montrent, en sens opposé, que dans la mesure où on abandonne le christianisme, on revient à cette sauvagerie, à cette barbarie. Et là, je ne puis m'empêcher de vous citer une fois encore un passage de La Genèse du XXème siècle du philosophe Chamberlain.

« Quand Jésus enseigne : " Si quelqu'un te frappe sur la joue droite, présente lui l'autre, si quelqu'un prend ta tunique, abandonne-lui aussi ton manteau..." qui ne voit que ces paroles sont étroitement liées avec les suivantes : "Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent" et qu'ici se traduit dans les faits la conversion accomplie intérieurement... Une fois ma volonté "retournée", une fois "converti", je ne puis agir autrement... La vieille loi "oeil pour oeil, haine pour haine" définit un mouvement réflexe aussi naturel que celui qui contracte les jambes d'une grenouille déjà morte si l'on excite ses nerfs. En vérité il peut bien être dit "un nouvel Adam" l'homme qui est devenu à ce point maître de son "vieil Adam" qu'il résiste à la contrainte de la loi des réflexes. » (p. 279)

Et un peu plus loin, le même auteur ajoute :

« A celui qui veut suivre le Christ, il faut avant tout le courage, et le courage sous sa forme la plus épurée, le courage intérieur chaque jour retrempé au feu, celui dont les preuves n'éclatent pas seulement parmi l'ivresse sensuelle de la mêlée et le fracas des armes, mais, qui s'atteste dans l'endurance et la patience et qu'affermit chaque heure de la lutte engagée dans une poitrine d'homme contre les instincts d'esclave » (p.283).

Si quelqu'un n'arrive pas à se commander, à commander à ses passions et à ses instincts, nous sommes tout prêts à le comprendre parce que cela nous arrive à nous aussi parfois. Mais que celui qui se laisse aller à tous ses instincts veuille « la ramener » et en remontrer à celui qui fait effort pour suivre sa raison, pour réaliser son idéal, là, ça ne marche plus ! Il ne faut pas, se laisser intimider ; il faut, par charité, oui, je dis bien par charité, pour son bien à lui, le faire rougir... Le Christ n'a nul intérêt, bien au contraire, à ce que ce gars-là donne le ton, pas plus qu'il n'a intérêt à ce que ses disciples passent pour de « bonnes poires ».

Chrétien, toi qui crois, qui doit croire d'une façon raisonnée parce que tu as réfléchi et que tu n'as pas voulu, tel un animal, te contenter d'enregistrer ce que tu vois, mais qui a voulu aller plus loin et chercher le pourquoi, le dernier pourquoi de ce que tu vois, de ce que tu constates et observes, pourquoi rougirais-tu devant celui qui, telle la vache qui voit passer le train, se contente de voir se dérouler l'enchaînement des phénomènes, des événements, se répétant comme au régiment : « Cherche pas à comprendre ! » ?

Chrétien d'aujourd'hui, quand tu veux respecter la morale et ton idéal évangélique et que tu en vois d'autres qui rigolent à côté de toi, ces autres qui, eux, marchent à quatre pattes, qui sont des bêtes, qui sont comme chiennes et chiens, qui suivent leurs instincts dévoyés, alors que toi, tu veux suivre ton idéal, tu veux suivre ta raison, ton intelligence, tu veux suivre ta foi, tu veux suivre Jésus-Christ, pourquoi tremblerais-tu devant cet animal ? Pourquoi rougirais-tu de ne pas lui ressembler ? Pourquoi accepterais-tu qu'il te marche sur les pieds ou qu'il te morde ?...

Oui, mes frères, soyons fiers de notre idéal, soyons fiers de ce que nous sommes de par la grâce de Dieu.

Cette fierté n'est pas orgueil car nous savons bien (nous ne sommes tout de même pas si bêtes pour ne pas savoir) que sans cet idéal qui, par la grâce de Dieu, nous a saisis et dopés, sans le soutien et l'aide de cette grâce divine, nous ne serions pas mieux que les autres.

Appliquons seulement, dans ce domaine spirituel, le principe que je vous demandais dimanche dernier d'appliquer dans le domaine temporel : "ce que nous avons reçu par grâce de Dieu", ne le gardons pas jalousement pour nous, mais efforçons-nous de le diffuser, de la faire partager à nos frères.

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