Année A – 14ème dimanche ordinaire


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SOMMAIRE DE L'HOMÉLIE

1°) Qu'est-ce qu'une oraison jaculatoire ?...

- c'est une forme on ne peut plus chrétienne de prière...
- elle suppose et crée une intimité avec Dieu...
- 2 moyens signalés par cet évangile pour arriver à cette intimité

= le matin, prendre les consignes du Seigneur... le soir, lui faire un compte rendu...
= dans la journée... oraisons jaculatoires...

2°) L'orgueil de l'esprit obstacle à la réception du Message

- il faut revenir à la logique de l'enfant...
- les savants, à l'époque du scientisme... Aujourd'hui...
- se méfier de ceux qui cachent la vacuité d'idées sous de grands mots... les rappeler au bon sens......

3°) Expérimenter que le Seigneur n'est pas un tyran ni un despote, mais qu'il est Il doux et humble

- en allant à lui quand on est écrasé..
- en prenant son joug... (sa loi nous apporte l'épanouissement...)


HOMÉLIE

 

SAVEZ-VOUS CE QUE C'EST QU'UNE "ORAISON JACULATOIRE"

Cela vient du mot latin "jaculum" qui veut dire flèche, javelot... C'est une prière très courte qui s'élance vers Dieu. C'est un cri du coeur.

Parler d'oraison jaculatoire, aujourd'hui, n'est-ce pas revenir au temps des grand-mères ? ... Et pourtant voilà bien une forme de prière authentiquement chrétienne ... puisque c'est une des façons de prier de Jésus Lui-même . A preuve, dans cet évangile de 10 lignes, je trouve deux oraisons jaculatoires jaillis du coeur du Seigneur.

Saint Luc semble mieux situer les paroles de l'Evangile d'aujourd'hui dans leur contexte historique. Les 72 disciples que Jésus a adjoints aux Apôtres pour les seconder dans leur oeuvre de prédication, reviennent ravis. Leur mission a parfaitement réussi : " Pense donc, Seigneur, même les démons nous étaient soumis en ton Nom !" Jésus, vous le pensez bien partage leur joie.

Saint Luc ajoute En cet instant, Jésus tressaillit de joie sous l'action de l'Esprit-Saint". Et l'évangéliste cite alors deux oraisons jaculatoires, deux cris qui jaillissent spontanément du Coeur de Jésus : d'abord un " merci " à son Père : " Je te bénis Père, Seigneur du ciel et de la terre ! " et il ajoute cette autre qui est un acquiescement plénier à cette volonté du Père de révéler ses secrets aux petits et de les tenir cachés aux sages et aux malins : " Oui, Père ! car tel a été ton bon plaisir ! " (Luc, ch. 10,v. 21-22).

Savons-nous, nous aussi, lorsque nous éprouvons une joie de quelque ordre qu'elle soit, laisser sourdre de notre coeur un "merci" à l'adresse de notre Père du ciel ? Savons-nous, à propos de tous les événements heureux ou malheureux, faire notre cette autre oraison jaculatoire du Christ qui traduit son acquiescement filial à la volonté de son Père : " D'accord , Père, puisque tel a été ton bon plaisir ?..."

Ces cris jaillis du Coeur du Christ témoignent de son intimité constante avec le Père. De même ces oraisons jaculatoires ne peuvent jaillir que d'un coeur constamment uni au Seigneur, ou du moins elles conduisent tout normalement à cette union.

Cette intimité avec Dieu, avec le Christ, comme elle doit nous tenir à coeur ! ... C'est la vraie source de la sérénité chrétienne. Et là, nous avons deux excellents moyens de l'entretenir qui nous sont suggérés par ce passage de l'Evangile surtout, encore une fois, tel qu'il est situé en Saint Luc.

Avant de partir en mission, les 72 disciples ont pris les consignes du Seigneur, au retour ils lui en rendent compte. Pourquoi ne pas faire pareil ? Avant de partir au travail le matin : demander un peu les consignes, les avis du Seigneur. Aujourd'hui., Seigneur, je dois faire ceci ou cela, comment le ferais-tu à ma place ? Aujourd'hui, je vais rencontrer telle personne ou telle autre, un tel qui est un ami, tel autre que je n'aime guère, comment les traiterais-tu, Seigneur, à ma place ?... Et le soir, au retour; faisons aussi au Seigneur notre petit compte rendu, sûrs que Jésus partage notre joie quand ça a marché du tonnerre ", persuadés aussi qu'auprès de Lui, nous le dirons tout à l'heure, nous trouverons assurance et réconfort quand " tout aura raté " et que nous sommes au bord du découragement...

L'autre moyen d'entretenir cette intimité avec Dieu, c'est à l'exemple du Seigneur, de jalonner notre journée, à propos des moindres événements, d'oraisons jaculatoires lui exprimant mentalement notre merci, ou notre accord, ou implorant son secours.

Et de quoi donc Jésus remerciera son Père ? Quel est le point sur lequel, en cette circonstance précise, il proteste de son accord plénier avec son Père ?... " Je te rends grâce, Père, de ce que tu as caché cela, ces mystères du royaume, aux sages et aux malins et de ce que. tu l'as révélé aux "petits"...

Ainsi donc, non, non, n'y comptez pas, esprits tarabiscotés, ergoteurs esprits remplis de suffisance, gonflés d'orgueil, vous qui voulez passer au crible de votre petit intellect les mystères de Dieu, vous qui voulez les rabaisser au niveau de ce que votre petite raison peut comprendre, de ce qu'elle peut admettre, non, n'y comptez pas, vous ne comprendrez rien au Message du Seigneur... " Vous ne pouvez entrer dans mon royaume, dit Jésus, si vous ne devenez comme des enfants..."

Ainsi donc, il nous faudrait renoncer à cet esprit ergoteur qui cherche à cacher sa vacuité sous des arguties pour retrouver, au contraire, cette saine logique, cette logique désarçonnante de enfant qui vous confond un adulte, le laisse tout pantois, parce que, lui au moins, ne sait pas biaiser. En un mot, il nous faudrait revenir à ce bon sens naturel auquel nous faisons constamment appel dans la vie courante, qui est le degré d'intelligence vraiment humain parce qu'adapté pleinement à un esprit incarné ; alors que celui qui veut s'en évader, extrapole au delà de sa zone et ne peut que déraisonner en croyant raisonner...

Il fut une époque où, parce qu'on découvrait les lois qui président aux transformations et qui les expliquent, on a cru qu'il n'y avait plus besoin de Dieu, mais que l'on avait ainsi la réponse au dernier pourquoi. On opposait alors facilement Science et Foi, on voulait réduire le réel à ce que l'intelligence humaine pouvait comprendre et saisir. Les "Savants", du haut de leur Sagesse, jugeaient péremptoirement du possible et de l'impossible ! Mais voici que les progrès de la Science sont venus contredire des jugements aussi assures. Si bien que le grand philosophe Bergson écrivait : " Il est impossible de prouver "a priori" l'impossibilité d'un fait ! " et Jean Guitton disait dans un article : " La science a progressé en assimilant les faits jugés inconcevables et impossibles, ainsi le mouvement de la terre, ô Galilée (Critique de Bultmann parue dans la Croix du 27-28 février 1972).

Aussi il faut reconnaître aujourd'hui, qu'à part quelques esprits assez primaires "demeurées" à ce stade, la vraie science devient source d'humilité, parce qu'elle découvre de mieux en mieux ses limites. Elle se rend bien compte que ces lois qu'elle découvre et qui expliquent tant de choses, c'est pour elle un "donné" et non pas un "produit" par elle, et que donc ces lois la renvoient plus haut et plus loin.

Mais attention aujourd'hui à ces gens qui, en religion, veulent se faire passer pour des savants et qui cachent leurs théories les plus pernicieuses, leurs élucubrations les plus farfelues, les plus hétéroclites, sous des mots ronflants et inhabituels, voire sous un jargon qu'on ne trouve que chez les ecclésiastiques !

Ainsi en agissaient les Gnostiques dès le début de l'Eglise. Ces hérétiques géant sans doute que l'Evangile était trop simple, voulaient le transformer par une fausse philosophie en une science ésotérique réservée à quelques initiés ! Saint Pierre, Saint Paul, Saint Jude, même le doux Saint Jean, se montrent féroces pour ces gens-là. (cf. Saint Paul, Colossiens, ch.2,v.8-23 - lère à Timothée, ch.l,v.3-8, ch.4,v.1-8 - Tite, ch.3,v.9-11 etc... 2ème Saint Pierre, ch.2 Saint Jean, lère épître, ch.2,v.18-28, ch.4,v.1-7, 2ème épître,v.7-12 etc.)

C'est le cas de reprendre toutes les recommandations que ces saints Apôtres faisaient aux premiers chrétiens Restez enracines dans la foi telle qu'on vous l'a enseignés " (Col. 2,v.7) " Persévérez dans la foi, affermis sur des bases solides, sans vous laissez détourner par une philosophie de tradition toute humaine (Col. ch.l, v.23 et ch.2, v.8), par des doctrines étrangères, des fables, des spéculations (des généalogies) sans fin (lère Tim. ch.l,v.3-4), par de folles recherches (Tite,ch.3,v.9). Pour avoir dévié de cette ligne, dit Saint Paul, certains se sont fourvoyés en un creux verbiage ; ils ont la prétention d'être des docteurs de la loi alors qu'ils ne savent ce qu'ils disent ni de quoi ils se font les champions. (lère Tim. ch.l,v.6-7) " Ils vous promettent la liberté, alors qu'ils sont eux-mêmes esclaves de la corruption (2ème épître de Saint Pierre, ch.2,v.18-19).

A tous ces beaux phraseurs, demandez-leur donc avec insistance de s'exprimer en langage de tout le monde, en langage de bon sens, en vous appuyant sur le vieil adage : " Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement...". vous verrez alors leur embarras et la vacuité de leurs belles phrases...

Enfin, dans cet Evangile, Jésus nous demande de faire une expérience, à savoir qu'Il n'est pas, absolument pas, ce Dieu despote et tyran que l'on pense trop souvent, ce Dieu qui se plairait à faire sentir son autorité de façon vexatoire et arbitraire, mais qu'au contraire, Il est doux, plein de bonté et de tendresse et d'humilité.

Cette expérience, Jésus nous invite à la faire de deux manières :

En allant le trouver lorsque nous sommes écrasés par la vie : "Venez à Moi, vous tout qui peinez et ployez sous le fardeau. Je referai vos forces et...vous trouverez le repos de vos âmes ". Nous avons tous fait, un jour ou l'autre, cette expérience-là, je pense. En tout cas, il nous la faut faire. Lors de certaines déceptions plus cuisantes, lors de certains découragements, plus profonds, lors de certaines épreuves plus douloureuses, lors de certains deuils plus cruels, il n'y a d'autres oasis où nous puissions trouver repos, consolation et réconfort qu'auprès du Seigneur Jésus.

L'autre expérience que Jésus nous demande de faire, c'est de prendre sur nous le joug de sa loi. Nous verrons alors qu'elle ne vient certes pas d'un tyran, ni d'un despote, mais que cette loi qui, vue de loin, nous rebute peut-être, parce qu'elle nous apparaît bien exigeante, lorsqu'on la vit, parait au contraire non seulement légère mais suave, agréable, source d'un épanouissement profond de tout notre être.

C'est ainsi que nous essayons d'agir avec les enfants dans nos groupements chrétiens. Nous leur faisons ratifier la loi chrétienne ou leur loi scoute après qu'ils ont pu expérimenter la joie qu'apporte son observation. C'est ainsi, qu'après une journée où toute l'atmosphère a été très franche, on leur demandera de ratifier l'article de leur loi tiré de l'Evangile sur la montagne " La parole d'un chrétien vaut un serment ! " Un autre jour où tout le monde aura eu le souci de tout préparer dans le moindre détail, on demandera aux scouts de ratifier l'article 7 de leur loi : " Le scout ne fait rien à moitié!"

Oui, que de fois nous sommes obligés de reconnaître que Jésus a raison, que ce qu'Il veut en définitive c'est notre vrai bonheur ! Que nous sommes plus heureux lorsque nous L'écoutons et prenons à la lettre ce qu'Il nous dit, lors que nous essayons de faire généreusement ce qu'Il nous demande.

N'oublions pas de le Lui dire à l'occasion : c'est le plus bel hommage que nous puissions lui rendre ; cela assoira en nous plus profondément cette certitude qu'Il ne veut que notre bonheur et nous préparera à Lui redire, nous aussi en toutes circonstances, notre accord de principe : "Oui ! d'accord, Seigneur, puisque tel est ton bon plaisir..."

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