Année A – 15ème dimanche ordinaire


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SOMMAIRE DE L'HOMÉLIE

Thème : Pourquoi les lenteurs et les échecs dans l'oeuvre d'évangélisation.

l°) Pourquoi Jésus se met à parler en paraboles :

- Il se défend contre la conception politique du messianisme.
- Il veut attirer l'attention et susciter l'intérêt et la curiosité des âmes droites et simples...
- Il veut dérouter par cette présentation simple les esprits orgueilleux.

Nous avons opté pour ce mode de présentation "chrétienne".

2°) Pourquoi la Parole et la Grâce de Dieu sont si souvent, apparemment, stériles.

- Les esprits superficiels = le chemin
- L'égoïsme et le manque de volonté = Le roc, avec une mince couche de terre.
- Les soucis des "affaires"... et les passions = les broussailles.
- La mauvaise graine (l'ivraie) semée par dessus le bon grain par l'Ennemi,... (cf. Evangile de dimanche prochain).

3°) CONCLUSIONS

- Apprendre à "réfléchir" et à "vouloir"
- Arrêter le tourbillon de la vie (des affaires et des passions).
- Nous rendre capables de détecter "l'ivraie"... et ne pas s'endormir tandis que "l'Ennemi" travaille...


HOMÉLIE

 

UN MYSTERE ! UN SCANDALE POUR BEAUCOUP ! POURQUOI LE ROYAUME DE DIEU AVANCE-T-IL SI LENTEMENT ?

Si la grâce est si puissante, si l'idéal du Christ est si attrayant, si emballant, pourquoi ces lenteurs, pourquoi ces échecs, pourquoi tant d'indifférence, pourquoi tant d'espoirs déçus ?...

Les Apôtres et les premiers chrétiens se posaient, semble-t-il, déjà cette question. Nous nous la posons aujourd'hui encore davantage peut-être. Si les évangélistes nous ont conserve cette parabole du Semeur, c'est pour nous apporter la réponse de Jésus à cette question angoissante.

Une première remarque sur cet Evangile : décidément Jésus se méfie de la politique ... C'est pour cela qu'Il va parler de son Royaume sous le couvert de paraboles ...

Pour beaucoup de juifs, de son temps, comme peut-être pour bien des chrétiens aujourd'hui, tout le problème du salut se ramenait à un problème politique. Que le Messie arrive, qu'il chasse les Romains, qu'il prenne le pouvoir, qu'il assure l'hégémonie d'Israël sur les nations païennes ! alors il pourra imposer des lois justes, il pourra même imposer la vraie religion à toutes les nations. Cette conception d'un messianisme politique transpire même dans bien des passages des livres saints.

Or il est clair que Jésus n'en veut absolument pas, qu'Il n'entend absolument pas sauver le monde de cette manière, par voie d'autorité. Voilà pourquoi il use d'une extrême prudence dès que nombre de ses auditeurs qui comprennent le messianisme de cette façon-là risquent de tirer à eux ses paroles et ses gestes. Saint Marc, en particulier, souligne ce que l'on a appelé : "le secret messianique". Chaque fois que quelqu'un, fut-ce le démon, subjugué par son enseignement ou frappé par ses miracles, proclame qu'il est sûrement le Messie, Jésus lui commande de ne pas le dire (Marc, ch.l, v.34 - ch.4, v.43 - ch.7, v.24 - ch.9, v.30 ), tant il a peur que l'on ne vienne l'enlever pour le faire roi et que cela suscite la bagarre, la lutte politique, qui sait la guerre civile.

Nous débutons aujourd'hui ce chapitre 13 de Saint Matthieu qu'on appelle le "discours parabolique" parce que l'évangéliste y a regroupé toutes les paraboles du Seigneur. A lire les récits des évangélistes, il semble bien que Jésus inaugure à partir de ce moment, une nouvelle forme de prédication, si bien que ses Apôtres s'en étonnent : "Pourquoi leur parles-tu en paraboles ?" (Matthieu, ch.13, v.10).

Jusque là, comme nous le voyons dans le sermon sur la montagne, Jésus avait exposé son idéal. Dans ce domaine, il pouvait y aller franchement, sans ménagement. Le seul risque qu'il courait, il le souligne du reste Lui-même en finale de ce discours, c'était qu'il n'y ait que peu de gens qui acceptent de s'engager dans cette voie étroite et exigeante. (Matthieu,ch.7,v.13-14)

Mais maintenant Jésus va parler de son royaume, du royaume messianique qu'Il entend instaurer. Ce mot, dans le contexte historique de cette époque, prête à confusion étant donné la conception politique du royaume messianique qui était si répandue. Dès lors Jésus était affronté à un double danger en parlant trop ouvertement de ce royaume. D'abord le danger que ses auditeurs n'interprètent ses paroles dans un sens politique. Ensuite le danger que les autorités politiques en place n'en prennent ombrage en voyant en Lui un rival, et ne cherchent à l'arrêter avant qu'il n'ait eu le temps d'accomplir sa mission. C'est pourquoi Jésus va voiler son enseignement sous le couvert de symboles, de comparaisons très simples qui retiendront l'attention et susciteront l'intérêt et la curiosité de ces paysans et de ces pêcheurs galiléens d'autant mieux qu'elles ont empruntées à leur vie quotidienne. Mais, en même temps, comparaisons trop simples pour les esprits retors, ergoteurs, orgueilleux des Scribes et des Pharisiens ! Un royaume comme celui-là, non, pour eux, ce ne peut être le royaume messianique qu'ils attendent. Jésus n'est qu'un doux rêveur inoffensif !

C'est ainsi que cette manière de présenter le "mystère" du royaume de Dieu est voulue par le Seigneur, à la fois pour dérouter d'une part ces esprits orgueilleux, bouffis d'eux-mêmes que Jésus ne peut sentir - et ce leur sera une punition - et pour piquer d'autre part la curiosité des âmes de bonne volonté qui, tels les Apôtres, voudront approfondir et Lui demanderont des explications. "A vous, à toutes les âmes ouvertes, il est donné de connaître les mystères du royaume de Dieu ; aux autres, cela ne leur est donné qu'en paraboles pour qu'entendant, elles ne comprennent pas..."

De nos jours encore, combien d'esprits forts récuseront l'enseignement du Seigneur, ne chercheront même pas à l'étudier et à l'approfondir parce qu'il leur paraîtra trop simpliste ! Nous avons déjà souligné cette attitude, ce refus à propos de l'Evangile de dimanche dernier, et cela répond déjà en partie à la question que nous nous posions tout à l'heure : pourquoi tant d'âmes, aujourd'hui encore, n'admettent-elles pas la religion du Christ ?

Ici, une petite parenthèse. Chargé de poursuivre l'enseignement du Sauveur, pourquoi ne pas calquer notre façon de le présenter sur la sienne ? Accrocher l'attention, susciter une curiosité dès le départ et, ensuite, user de comparaisons familières et faciles qui nous empêchent de nous évader dans des spéculations d'autant plus scabreuses et stériles que nous quitterions le contact avec le réel, avec "le vécu", comme on dit aujourd'hui. Vous devez vous rendre compte que c'est cette façon de présenter notre religion que délibérément j'ai choisie, non seulement pour nos enfants au catéchisme, mais aussi pour vous, mes chers frères. Revenir au bon sens, accepter de raisonner dans le domaine religieux comme nous le faisons dans la vie courante, dans la vie pratique ! Pourquoi, je crois l'avoir déjà dit, y aurait-il deux poids et deux mesures dans notre vie ?... Combien de problèmes s'éclairciraient, combien d'objections tomberaient si nous adoptions de plus en plus les méthodes du Seigneur !

Voyons donc maintenant comment cette parabole du Seigneur répond à notre question, explique les échecs apparents de son message, de sa parole et de sa grâce.

Dieu, nous ayant fait libres, refuse de brimer cette liberté. C'est pourquoi Il n'imposera pas sa religion par voie politique mais Il nous demandera toujours notre libre collaboration.

Si nous faisons attention à ce qui se passe autour de nous, nous verrons sans peine que l'incroyance ou l'indifférence religieuse provient toujours de l'une ou l'autre des raisons indiquées par le Christ, surtout si, aux trois qui sont indiquées dans cette parabole, nous ajoutons celle qu'Il nous indiquera dans l'Evangile de l'ivraie que nous lirons dimanche prochain.

Cette parabole nous signale trois causes d'insuccès, de stérilité de la prédication évangélique et de la grâce du Seigneur :

  • la légèreté d'esprit des auditeurs
  • leur égoïsme et leur manque de volonté
  • enfin le tourbillon des affaires ou des plaisirs qui les emporte.

La graine tombe d'abord sur le chemin, sur la terre battue et elle n'y pénètre pas : légèreté d'esprit ! Tant de choses sollicitent notre attention, plus que jamais peut-être de nos jours avec tout le cliquetis de propagande, d'images qui défilent devant nous ! Tous ces "passants" ont piétiné la terre qui est devenue un vrai macadam, un chemin. Le message, comme la grâce du Seigneur qui demande un peu de réflexion pour nous pénétrer, ne peut que glisser sur ces esprits superficiels qui ne s'arrêtent à rien... Et là, on est parfois un peu catastrophé quand on voit combien nos enfants aujourd'hui, peut-être même à cause du système d'éducation moderne, sont peu entraînés à la réflexion j'ai eu l'occasion de le souligner déjà bien des fois... On développe chez eux toutes leurs facultés sauf les deux facultés qui sont le propre de l'homme la raison et la volonté...

La volonté ! Voilà justement la seconde cause d'échec mentionnée par le Seigneur. La parole, la grâce divine tombent sur une terre qui au premier abord semble très perméable. L'accueil a peut-être été enthousiaste, fervent, mais il n'y a pas de fond, il n'y a pas de racines, il n'y a pas de volonté ; il y a le roc, le roc de l'égoïsme...

La graine, dit le Seigneur, est tombée sur le roc. Il y a une petite couche de terre. Aux premiers rayons de soleil, voici que très rapidement elle germe, elle pousse, elle apporte une très grande espérance : on croit que "ça y est". Et puis, quand le soleil continue à darder ses rayons, cette frêle tige se dessèche : elle n'avait pas de racines profondes parce qu'il y avait le roc. Et Jésus ajoute : " C'est la même chose, ma parole on la reçoit parfois avec enthousiasme " : Ah ! ça y est, on a découvert un idéal, on a découvert la source de la vraie joie ! et puis, lorsqu'il s'agit de l'acheter, cette joie, au prix d'un sacrifice, au prix d'un effort, au prix d'une continuité, d'une persévérance... plus rien ! tout a disparu, tout s'est desséché : il y avait le roc, il y avait la dureté de l'égoïsme, il y avait le manque de volonté, le manque d'énergie... et la parole, la grâce du Seigneur ont été stériles, elles n'ont rien produit...

N'est-il pas vrai, mes frères, que nous l'avions, nous aussi, accueillie avec joie cette parole du Seigneur ? Cet Evangile "tout cru", et nous promettions, nous aussi, de grands espoirs, et nous avions goûté une joie que nous n'avions trouvée nulle part ailleurs. Mais lorsqu'il s'est agi d'acheter cette joie, la continuité de cette joie, au prix de quelques efforts généreusement continués, plusieurs ont dit : " Non, non, ce n'est pas cela l'Evangile de Jésus-Christ ! Il n'en demande pas tant, le Seigneur ! " et tout est tombé !... Que cela nous fasse reconnaître tout au moins que, dans la mesure où nous prenons au pied de la lettre les paroles du Christ, nous avons une plus grande joie, nous nous sentons plus dilatés. Quoi d'étonnant ? Le Seigneur qui nous a construits sait le mode d'emploi que nous devons faire de notre vie pour que "ça tourne rond". Si nous voulons bien le croire, si nous voulons bien le suivre au pied de la lettre, si nous voulons bien faire les efforts qu'Il nous demande, eh bien ! oui, "ça payera", ce sera rentable, il y aura de la joie... au centuple, dit le Seigneur !

Et puis, la graine est tombée dans les broussailles et Jésus dit : " ces broussailles qui enchevêtrent tout, qui étouffent tout ", ce sont les soucis, ce sont les affaires, ce sont les plaisirs.

Il est bien évident que, dans un esprit obsédé par ses affaires, qui ne pense qu'à ça, dans un esprit et dans un coeur obsédés par ses amours, disons plutôt par ses passions, qui ne pense qu'à ça, la parole de Dieu et sa grâce sont étouffées ! Celui qui est pris dans ce tourbillon de la vie et qui ne s'arrête jamais pour pouvoir un peu réfléchir afin que la parole de Dieu pénètre en lui, il est bien évident que cette parole sera stérile chez lui et ne portera aucun fruit..

Quand je vois combien est chargé le carnet d'emploi du temps de nos jeunes eux-mêmes ! Tant de disciplines diverses, tant de sports, tant d'ateliers plus ou moins artistiques les sollicitent que les instants pour réfléchir sur les problèmes, pourtant essentiels de l'existence humaine, se trouvent de plus en plus réduits... et cela fait frémir quant à l'avenir de la religion et de l'esprit chrétien dans le monde qui se construit ainsi tout en façade !

La parabole de l'ivraie nous dit que "l'Ennemi" est venu semer l'ivraie, la mauvaise herbe," pendant que les ouvriers dormaient ". C'est bien ce qui se passe aujourd'hui. Nous nous sommes endormis, vous les chrétiens et surtout nous, les prêtres. On a laissé courir toutes sortes de déformations de notre religion, toutes sortes d'accusations contre elle, sans y répondre. Elles ont fait leur chemin dans bien des âmes que nous n'avions pas assez solidement formées pour qu'elles puissent, d'elles-mêmes, détecter ces erreurs, répondre à ces accusations... leur foi en a été ébranlée. Certes, n'étant pas infaillibles par nature, nous avons tous le droit de nous tromper, mais cela n'enlève aucunement le droit de toute intelligence humaine à la vérité. Par conséquent, ceux qui s'aperçoivent d'une erreur, même par simple charité pour leurs frères, ne doivent pas la laisser circuler et faire ses ravages, mais au contraire la denoncer et y répondre immédiatement, même sans attendre d'avoir pu connaître ceux qui s'en sont fait les auteurs.

Cet Evangile vous explique donc, mes frères, non seulement le pourquoi de la façon dont nous vous présentons le message du Seigneur, mais encore :

  • pourquoi nous insistons pour obliger, même nos enfants du catéchisme, à réfléchir...
  • pourquoi l'un des objectifs majeurs de nos groupements est de forger la volonté de leurs membres...
  • pourquoi nous vous vantons si souvent les avantages de ces moments de silence pour nous arracher au tourbillon de la vie qui nous emporte...
  • pourquoi aussi nous essayons dans la faible mesure de nos possibilités, de faire de vous des chrétiens "ferrés" sur leur religion et de combattre les idées néfastes répandues dans le monde comme l'ennemi sème l'ivraie dans le champ par-dessus le bon grain.

NOTRE UNIQUE BUT, en tout cela, c'est de PREPARER VOS AMIS A RECEVOIR LA SEMENCE DE LA PAROLE ET DE LA GRACE DIVINES dans une bonne terre, dans une excellente terre qui lui fasse produire trente, soixante et même cent pour un., comme s'exprime Saint Marc (ch.4,v.9).

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