Année A – 16ème dimanche ordinaire


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SOMMAIRE DE L'HOMÉLIE

LE SCANDALE DU MAL ET DE LA SOUFFRANCE DANS LE MONDE

Notre petite raison, éclairée par ta foi, peut projeter quelques lueurs sur ce problème qui restera toujours pour nous un mystère.

1°) L'existence du Mal ne met pas directement en cause l'EXISTENCE de Dieu... exemple...

2°) L'existence du Mal ne met pas en cause la JUSTICE de Dieu.

A. Cela est évident quand le mal nous arrive parce que nous n'avons pas voulu tenir compte des défenses que Dieu, tel un Père, nous faisait, parce qu'Il savait que telle chose nous était nuisible...

B. Mais quand la Mal atteint des innocents ?... Même alors, il ne serait contre la JUSTICE de Dieu que si le Mal ne pouvait être autre chose qu'une punition, comme nous avons tendance le croire...
Or le Mal peut être bien d'autres choses :

a. Il peut être comme l'envers du bien, en sorte qu'en supprimer la possibilité, équivaudrait à supprimer des biens de grande valeur.

- des choses excellentes peuvent comporter un mauvais côté : exemples : le feu... la loi de la pesanteur... surtout la liberté...
- des difficultés peuvent être source de très grandes valeurs : exemples : le monde à achever... le dévouement - le cran - l'héroïsme etc...

b. Le Mal peut être une EPREUVE de la gratuité de l'amour
Exemple de Job
Le fiancé...
Jésus Lui-même a accepté que son amour soit soumis à ce test.

3°) L'existence du Mal ne met-elle pas en cause la BONTE de Dieu ?
- Ceux qui voudraient que Dieu mette des limites physiques à la liberté humaine sont bien souvent ceux qui protestent qu'Il lui ait des limites morales...
- Dieu est bon à sa manière qui n'est pas la nôtre.

Déjà chez nous, chacun ne se fait pas la même idée sur la bonté (maman énergique - maman "gâteau")

4°) Conclusion : Notre comportement

- quand nous sommes nous-mêmes dans la souffrance (prière de rouspétance, exemple Job)
- quand nous nous trouvons devant un souffrant.


HOMÉLIE

 

JE SUIS INNOCENT !... JE SUIS INNOCENT !... JE SUIS INNOCENT !...

Qui d'entre nous, s'il a assisté, ne serait-ce qu'au cinéma ou à la télévision, à un jugement, n'a été bouleversé en entendant tel ou tel condamné s'éloigner par les corridors conduisant à sa cellule en répétant à satiété ce cri de protestation ?...

Ce même cri retentit tout au long des 42 Chapitres qui composent ce roman à thèse qui est un des livres de la Bible et qui porte le nom de son héros le livre de Job".

A l'encontre de la thèse universellement admise à l'époque 5ème siècle avant Jésus-Christ,) et qui voulait que le mal et la souffrance soient toujours la conséquence d'une faute, Job, torturé par la souffrance physique et morale, clame, hurle son innocence à la face de Dieu.

Quoi donc ! Dieu punirait-il des innocents ?

Où donc est alors sa justice ?...

Où donc, à plus forte raison, est sa bonté

Et s'il n'est ni bon, ni juste, Dieu est-il encore ? ... Non, il n'y a pas de Dieu

Eternelle pierre d'achoppement pour la foi de beaucoup que ce problème, que ce mystère de la souffrance ! Aujourd'hui plus que jamais parce que toutes les souffrances, toutes les catastrophes nous arrivent des quatre coins du monde, additionnées grâce à tous les moyens modernes de télécommunication.

Que dire devant ce terrible problème ?

Certes, il restera toujours pour nous un grand mystère et je ne prétends pas pouvoir l'élucider parfaitement, pas plus que je ne voudrais l'escamoter. Mais je pense que notre petite raison, éclairée par la foi, peut tout de même projeter sur lui quelques lueurs...

Remarquons tout d'abord que la présence du mal et de la souffrance dans le monde NE MET PAS EN CAUSE L'EXISTENCE DE DIEU, tout au moins directement.

En effet, ce n'est pas parce que le monde est imparfait, parce qu'il y a du mal dans le monde, que cela prouve que le monde SE SUFFIT A LUI-MEME, qu'il est l'Etre plénier, parfait, en un mot qu'il est Dieu lui-même et n'a besoin de personne pour le faire exister...

De même que ce n'est pas parce que quelqu'un est difforme qu'il n'a pas eu besoin de parents pour lui donner la vie.

Remarquons ensuite que, malgré ce qui peut nous apparaître de prime abord, l'existence du mal NE MET PAS EN CAUSE LA JUSTICE DE DIEU.

Cela est évident quand ce mal provient de ce que nous n'avons pas voulu tenir des défenses que Dieu, tel un Père plein de sollicitude, nous faisait parce qu'Il savait bien, Lui, que telle chose nous était nuisible.

Dieu nous défend d'être paresseux, d'être gourmands. Or, voici un paresseux qui, malgré toutes les remontrances, n'a pas voulu travailler sérieusement à l'école. Il n'a ni diplôme, ni C.A.P. Il ne peut s'en prendre qu'à lui-même si, par la suite, il ne trouve pas de travail.

Voici quelqu'un qui a exagéré dans le boire ou le manger... Il a une indigestion, il souffre du foie ou de l'estomac. A qui la faute ? Peut-il s'en prendre à Dieu qui, à bon escient, lui défendait la gourmandise ?...

Ce qui nous révolte, C'EST QUAND LE MAL ATTEINT DES INNOCENTS.

Là, avouons que si le mal ou la souffrance ne peuvent être qu'une punition et, qui plus est, ne peuvent être qu'une punition infligée par Dieu Lui-même, nous avons bien raison de nous révolter : Dieu serait injuste puisqu'Il punirait des innocents.

Mais le mal et la souffrance ne peuvent-ils pas être "autre chose" qu'une punition ?

Sans doute, de tous temps, l'homme a eu tendance à identifier mal et punition ; mais que vaut cette identification ? Est-elle inéluctable ? Ne peut-on trouver une autre raison à l'existence du mal ?

Disons d'abord qu'il est un mal inhérent à tout être créé : c'est de n'être pas l'Incréé, l'Etre plénier, infini et parfait, mais d'être nécessairement limité, imparfait...

Ensuite, il faut reconnaître que le Mal est souvent comme l'envers d'un bien, en sorte qu'en supprimer la possibilité reviendrait à supprimer des biens de grande valeur. C'est ce que nous explique cette parabole du bon grain et de l'ivraie.

Il est même bien des choses sur cette terre qui sont "ambivalentes", qui ont un bon et un mauvais côté si étroitement liés qu'on ne peut supprimer l'un sans supprimer l'autre, tout comme on ne peut supprimer l'envers sans supprimer l'endroit. Le mal est comme le " revers de la médaille " de certains biens.

Je m'explique. Par exemple le FEU est une chose excellente, il m'éclaire, me réchauffe, cuit mes aliments ... mais il cuira, brûlera ma main si, par mégarde, je la mets à la place du bifteck. Combien de maladies, d'accidents ou de catastrophes sont les résultats négatifs de Lois par ailleurs excellentes et fort utiles ? C'est à cause de l'attraction terrestre que je tombe et " me casse la figure mais c'est grâce à elle aussi que la force centrifuge de la rotation terrestre ne m'envoie pas en l'air, etc...

Parmi toutes ces réalités ambivalentes, celle qui est à la source des choses les plus merveilleuses sur la terre mais aussi des plus horribles, c'est assurément la LIBERTE HUMAINE. C'est elle qui donne toute la valeur morale à mes actes. Que vaudrait le bien s'il était forcé ? Mais justement pour pouvoir faire le bien spontanément, librement, il faut que je ne sois pas " forcé " de le faire... que je puisse ne pas le faire et donc faire le mal. Que de souffrances sur terre remontent à cette source !

Nous rejoignons ainsi la parabole de l'Evangile d'aujourd'hui. Comment arracher l'ivraie sans arracher aussi le bon grain ? Comment empêcher le feu de me brûler même lorsque je commets l'imprudence d'y mettre la main dessus, sans lui enlever tout pouvoir de cuire et de chauffer ? Comment m'empêcher de faire le mal sans me forcer à faire le bien automatiquement, en lui enlevant donc toute sa valeur ?

Il est ainsi des maux dans le monde que Dieu Lui-même, semble-t-il, ne pourrait supprimer qu'en supprimant du même coup, de grands biens ...

En sens inverse, il a des difficultés, des imperfections qui sont sources ou occasions de très grandes valeurs.

C'est un fait que le monde que Dieu nous a donné est un monde inachevé. Il nous a laissé le soin de l'aménager nous-mêmes à nos risques et périls.

C'est ce qu'expliquait l'ex-abbé Barreau dans son excellent petit livre "Où est le mal ? " qu'il avait écrit alors qu'il était encore vicaire à St Honoré d'Eylau ! Il raconte comment, lors des débuts de son ministère parmi les blousons noirs, il avait cru bien faire en mettant à leur disposition un foyer moderne, dernier cri, dans lequel ils trouvaient tout ce qu'ils pouvaient souhaiter pour se distraire et se cultiver. Résultat : ces jeunes, ne trouvant pas, l'occasion de s'affirmer en construisant, s'étaient affirmés en détruisant, en cassant. Alors il eut l'idée d'adopter à leur égard une attitude moins "paternaliste " . Il leur fournirait le gros oeuvre qu'ils n'auraient pu réaliser eux-mêmes, leur donnerait les matériaux nécessaires, mais ensuite leur laisserait le soin de monter, d'aménager eux-mêmes ce foyer à leur idée et par leur travail. C'est à partir de ce jour que ces jeunes y prirent goût et en firent "leur" foyer.

Dieu, lui aussi, au lieu de nous donner du "tout cuit" nous a fourni le gros oeuvre et les matériaux, mais Il nous laisse le soin d'utiliser au mieux les dons qu'Il nous a départis pour aménager, parachever sa création, améliorer le monde matériellement, socialement et spirituellement. Dès lors, Dieu ne vient pas se substituer à nous pas plus qu'aux autres causes secondes. Il agit en nous donnant le pouvoir d'agir, en nous poussant à agir, non en agissant à notre place. C'est ainsi que Jésus a lancé le mouvement de fraternisation universelle et de lutte contre la souffrance, nous laissant le soin de le poursuivre.

Dans le même sens, il est des valeurs irremplaçables de maturité d'esprit et de caractère, de dévouement, de cran, d'héroïsme et même des joies extraordinaires qui ne peuvent exister que grâce à des efforts et des sacrifices.

Celui qui a travaillé dur pour décrocher un examen est d'autant plus heureux de sa réussite. Le succès d'une entreprise apporte d'autant plus de joie qu'elle a été plus périlleuse. Nous admirons. tous le cran et l'héroïsme qui ne peuvent exister qu'au milieu de difficultés, de dangers, de coups durs...

Enfin le livre de Job dans la Bible, non seulement est une protestation contre la théorie alors si répandue de l'identification du mal et de la punition, mais il projette sur ce terrible problème une lueur, pour lors assez nouvelle le Mal peut être une épreuve de la gratuité de l'amour.

D'entrée de jeu, dans ce livre qui est comme une pièce de théâtre inspirée, Satan, l'adversaire, apparaît et lance à Dieu un défi. Dieu se félicite de la fidélité de son serviteur Job, mais quel mérite a ce saint homme à aimer Dieu alors que tout lui réussit à souhait ? " Touchez-le donc un peu dans sa fortune, ses affections ou sa santé et on verra bien s'il continuera "gratuitement" à vous aimer ou si, au contraire, il vous maudira en face. " Dieu a relevé le défi. Voilà Job volé, ruiné ; une catastrophe lui enlève tous ses enfants ; son corps atteint par la lèpre devient une pourriture insupportable pour sa femme, le voilà sur son fumier ! Ses amis viennent le voir et lui posent le terrible dilemme ou tu as péché et tu es puni justement, ou tu es innocent et tu dois maudire Dieu. Mais Job, tout en proclamant son innocence, refuse de maudire Dieu : "Dieu m'avait tout donné, il m'a tout repris... je le bénirai quand même !" La preuve est faite : Job aime vraiment Dieu gratuitement, et non pas par intérêt ; aussi Dieu récompensera-t-il au centuple sa fidélité.

Le mal, la souffrance peuvent être une épreuve de la gratuité et de la profondeur de notre amour : aimer gratuitement, sans que çà nous rapporte rien, aimer au prix d'un effort, d'un sacrifice ! Nous-mêmes ne jugeons-nous pas de l'affection de nos amis d'après ce critère ? Si quelques gouttes de pluie empêchent le fiancé d'aller voir celle qu'il prétend aimer, que pensera-t-elle de cet amour ?

Jésus a dit : " Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime"

Et Saint Thomas commente en disant : " On montre d'autant plus d'affection à quelqu'un que, pour lui, on est prêt à sacrifier quelque chose qui nous tient plus à coeur."

Jésus lui-même a accepté de soumettre son amour pour nous à ce test.

Mais me direz-vous tout cela est bien joli, MAIS QUE DEVIENT LA BONTE DE DIEU ? ... C'est bien elle, tout au moins, qui est mise en cause par l'existence du mal ? ... Et par exemple, sans enlever notre liberté, Dieu ne pourrait-il pas empêcher cette liberté de " dépasser les limites... ? " Tout en nous laissant le soin d'aménager le monde, ne pouvait-il pas nous éviter d'avoir à apprendre à nos dépens tant de lois de la nature ?...

Je répondrais volontiers que, bien souvent, ceux qui reprochent à Dieu de ne pas empêcher la liberté humaine de "dépasser les limites" sont les premiers à transgresser les limites morales que Dieu leur a fixées, trouvant que le Seigneur a ainsi brimé leur propre liberté...

Mais allons plus loin et plus profond.

Peut-être, en effet, que l'idée de la bonté de Dieu qui se dégage de tout cela rentre difficilement dans nos catégories... Nous nous serions peut-être fort bien accommodés d'un Dieu "paternaliste" qui nous aurait fabriqué d'emblée un monde plus confortable, plus douillet, et nous aurait évité de faire de dures expériences ... Aussi bien, la saine philosophie nous répond que Dieu est bon mais "analogiquement". C'est à dire qu'il n'est pas bon à notre manière à nous !

Déjà, parmi les hommes chacun de nous a un peu son idée sur la bonté : voici deux mamans, l'une énergique, l'autre est "maman gâteau"

La maman énergique pense être bonne en étant exigeante pour son enfant: elle veut en faire " quelqu'un " !

La " maman-gâteau " pense n'être pas moins bonne envers le sien en lui passant tous ses caprices.

Ces deux mamans ne se comprendront pas. Chacune reprochera à l'autre de ne pas aimer son enfant, chacune dira de l'autre : " Si j'étais à sa place, je n'agirais pas de la sorte !"

Ainsi en va-t-il de nous avec Dieu. Que de fois nous serions tentés de douter de son amour et de lui dire Si j'étais à votre place, non, je ne tolérerais pas cela !" Et c'est vrai !...

Lorsque nous sommes outrés, déroutés par la façon dont Dieu nous semble agir, nous pouvons, nous devons le Lui dire, ne serait-ce que pour décharger notre coeur, au lieu de refouler tout cela dans notre subconscient, ce qui n'aboutirait qu'à nous aigrir.

Nous pouvons, nous devons le Lui dire, mais à une double condition.

La première c'est que nous fassions notre " scène " à Dieu " en pleine figure " sous la forme d'une prière de révolte (de "rouspétance") et non " par derrière Lui, en dehors de Lui " ! Dieu ne nous en voudra pas. De même que si des parents se croient obligés, pour le bien de leur enfant, de le soumettre à une opération pénible ou douloureuse, ils ne lui en voudront pas de se décharger en leur faisant une scène ! Ils voient bien que çà lui fait du bien de se décharger ainsi, que c'est peut-être même encore-là un signe de sa confiance en eux...

Nous pouvons faire ainsi une "scène" à Dieu à une seconde condition : c'est qu'après avoir dit à Dieu tout ce que nous avions sur le coeur. nous nous taisions quelques instants devant Lui pour que sa grâce, sa présence divine apaise notre coeur. C'est ainsi qu'agissait le saint homme Job que la Bible nous cite en exemple. Après de si longs chapitres de protestations, le livre s'achève par la contemplation de la Grandeur, de l'immensité de Dieu qui nous envoûte de toutes parts." Jusqu'ici j'avais entendu parler de toi, maintenant je t'ai vu (je t'ai senti près de moi !)." C'est là le dernier mot de Job (ch.42,v.5)

Pour finir, un dernier conseil.

Quand nous nous trouvons devant quelqu'un qui souffre et qui est révolté, gardons-nous bien de lui faire de longs discours sur la souffrance. Il lui est totalement impossible sous le coup de "raisonner" sa souffrance, tout comme on ne peut "raisonner" quelqu'un qui est sous le coup d'une violente colère. Sachons nous taire, nous faire tout accueil ; que ce souffrant puisse déverser dans notre coeur toute sa peine, toute sa révolte, certain d'être compris. Puis allons nous-mêmes porter à Dieu cette souffrance, cette révolte ; allons lui faire la scène " que le pauvre souffrant n'aura peut-être pas songé lui-même à lui faire. Disons à Dieu que nous ne comprenons pas, qu'à sa place nous ne tolérerions pas cela ! Puis sachons nous taire quelques instants pour que l'apaisement rentre dans notre coeur et surtout dans celui de l'affligé que nous avons voulu secourir. C'est la seule façon, je pense, de lui apporter quelque soulagement et consolation.

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