Année A – 18ème dimanche ordinaire


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

1°) Jésus demande aux Apôtres de nourrir la foule affamée…

Les Apôtres cherchent a se dérober vu le nombre... Jésus insiste. Avant de faire le miracle, il veut que chacun fasse un effort de partage... seul un enfant donne tout ce qui lui reste.

2°) Nous aussi, nous voudrions arguer du grand nombre des affamés pour nous dérober…

Mais Jésus insiste : il veut que l’on partage… que l’on fasse profiter les autres gratuitement de ce qui nous a été donné pour le bien commun.

3°) Il faut rappeler sans cesse ce principe :

a. Parce qu'il doit imprégner le comportement de tous les chrétiens.

b. Parce que beaucoup admettraient encore, comme au tempe de Proudhon, que l'inégalité est voulue de Dieu comme une punition du péché originel.

C'est à l’antipode de la doctrine chrétienne.

Jésus : Lazare et le mauvais riche - le chameau (ou le câble) et le trou de l’aiguille - le jugement dernier - donnez gratuitement - le signe de ralliement des chrétiens = la fraction du pain

Saint Paul : que règne l’égalité... - pas de repus à côté d’affamés…

c. C’est parce que ce principe n’a pas été assez rappelé aux chrétiens qu’ils ont été trop souvent absents de la lutte pour la justice.

d'où : le christianisme a été jugé inutile, inintéressant et abandonné par les masses uniquement préoccupées par ce problème..

d 'où : Réaction de ceux qui ont pris conscience de cette cause majeure de la " mort de Dieu " dans les masses et veulent y remédier en tombant dans l'excès opposé comme si cet engagement social était tout le christianisme...

Ne pas tomber dans ces exagérations :

Car la libération chrétienne n'est pas que temporelle et matérielle…

L’homme ne vit pas que du pain... il faut aussi penser à nourrir l’âme : ex. du Christ.

Cependant, il est essentiel pour leur propre salut spirituel que tous les chrétiens, sans distinction, agissent pour que ces principes passent dans les lois et les structures

Et en attendant ?…

- il ne faut pas laisser les gens a leur misère...
- d'autant que l’inégalité, la misère peut venir d'autres causes...
- Constituer une en entraide chrétienne pour répondre à l'attente de tous ceux qui, spontanément, regardent vers nous... et continuer ainsi l'action du Christ en appliquant d'ores et déjà ces principes du partage.

 


HOMELIE

 

QUEL VISAGE RADIEUX ! QUELLE FRIMOUSSE ENSOLEILLEE ! Ah ! le bon gosse ! Voilà, j’ai tout donné ! Jésus avait dit : "J'ai pitié de cette foule qui a faim. Donnez-leur à manger." Les Apôtres avaient cru pouvoir se charger de cette responsabilité devant l'importance de cette foule : "260 deniers ne suffiraient pas à leur acheter un morceau de pain." Mais, d'après le récit parallèle de Saint Marc (ch.6, v.38), Jésus avait insisté : "Combien de pains avez-vous ? Allez donc voir." Et les Apôtres étaient passés dans les rangs pressés de la foule pour faire la quête. J'imagine que beaucoup ont dû cacher les provisions qui leur restaient, un " en-cas ". Mais ce gosse, lui a tout donné, donné tout ce qui lui restait. Ravi de donner ses cinq petits pains et ses deux poissons pour nourrir, oh ! naïveté merveilleuse, cinq mille personnes. Et grâce à lui, grâce à ce geste de charité, Jésus a pu faire le miracle..

Dans le monde deux hommes sur trois souffrent de la faim ! Comment ne pas se sentir écrasés par un tel nombre ? Comment ne pas être tenté d'y trouver, nous aussi, prétexte à dérobade ?

Et quand on pense à tous les autres affamés de par le monde, à tous ceux qui, pour reprendre les mots du Père Duval, n'ont pas tout leur compte de vie, tout leur compte de joie, tout leur compte d’amour de culture et de foi, tout leur compte d'hommes, en un mot tous ces sous-développés ! Oui, ce nombre !!!

Mais Jésus nous l'a bien donné à entendre, il n'accepte pas cette excuse : "Qu'avez-vous ?... Allez voir !... Faites le bilan. Avez-vous tout donné, tout ce que vous pouviez donner...? Ne pouvez-vous pas vraiment faire davantage...?" Seule une réponse loyalement positive à cette question peut nous décharger du poids de la responsabilité de ces faims qui tenaillent tant et tant d'hommes.

SI NOUS GARDONS EGOISTEMENT POUR NOUS CE QUE DIEU NOUS DONNE POUR EN FAIRE PROFITER LES AUTRES, SACHONS-LE BIEN, ENCORE UNE FOIS, NOUS VOLONS NOS FRERES !

J’ai eu déjà l’occasion de vous le dire et de développer cette idée devant vous il n'y a pas si longtemps, mais il faut le répéter sans cesse pour que cette idée devienne pour nous une conviction qui commande tout notre comportement, le comportement de tous les chrétiens, d'autant que, encore une fois, il ne s’agit pas de quelque chose de facultatif, mais de quelque chose qui, au dire du Christ lui-même, met en cause, nous allons le revoir, notre salut éternel.

Cette doctrine, il faut nous la rappeler sans relâche car, aujourd'hui encore, combien de chrétiens acceptent, en fait, la doctrine économique et sociale que Proudhon, le père du socialisme français, prêtait à l’Eglise et qui le révoltait.

Voici en résumé l'idée, qu'en s'appuyant du reste sur l'attitude et même sur les écrits de certains chrétiens de son époque, Proudhon se faisait sur la doctrine économique et sociale de l'Eglise : "Avant le péché originel, l'égalité devait régner entre les hommes. Ce péché est venu et il a entraîné avec lui la concupiscence qui a déchaîné chez l'homme tous ses mauvais instincts et, en particulier, l’égoïsme. Cet égoïsme, à son tour, a produit l'inégalité, chacun réservant pour soi ce qui était donné pour tous. Cette inégalité est donc une conséquence, si vous préférez un châtiment inéluctable du péché originel. On peut essayer d’y pallier plus ou moins par la charité, mais on ne peut la supprimer. Il faut l'accepter, il faut s'y résigner." Voilà !

A combien de chrétiens bien nantis il parait tout normal aujourd'hui encore d'avoir plus que les autres, même si cela ne tient a aucun mérite de leur part, mais provient seulement d'un coup de chance qui fait qu’ils sont mieux doués, qu’ils, sont des héritiers avantagés au point de vue financier ou culturel ! Oui, pour beaucoup de chrétiens cela parait encore normal et ils ne se sentent redevables de rien vis-à-vis des autres...

C'est pourtant à l'antipode de tout ce que nous a enseigné le Christ.

Rappelons encore une fois la parabole du mauvais riche condamné à l'enfer (rien que ça, s'il vous plaît) parce qu'il avait laissé le pauvre Lazare mourir de faim à sa porte et n'avait pas partagé avec lui.

Rappelons-nous que Jésus fait du dépouillement une condition indispensable pour que le riche puisse entrer dans son royaume. Et il s’agit d'un dépouillement tel que le Seigneur le déclare humainement impossible, il y faut l'aide de la toute puissance de Dieu : "Il est plus facile de faire passer un câble (ou un chameau les deux traductions sont possibles) par le trou de l'aiguille, que de faire entrer un riche dans mon royaume ! C'est impossible aux hommes, mais c'est possible à Dieu. (Luc, ch.18, v.25) Rappelons-nous la parabole du jugement dernier en laquelle sont condamnés à la "Peine éternelle" (encore une fois !) ceux qui n'auront pas secouru l'un des plus petits (Matthieu ch.25, v.31 46).

Rappelons-nous ce principe énoncé par le Seigneur, et que j'ai eu l’occasion, il n’y a pas si longtemps, de vous commenter : " ce que vous avez reçu gratuitement, donnez-le gratuitement " (Matthieu ch 10, v.8).

Rappelons-nous que Jésus a donné à ses disciples comme signe de ralliement et comme moyen de perpétuer sa présence et son sacrifice parmi nous, la " fraction du pain ", si souvent mentionnés dans les Actes des Apôtres (ch. 21, v.42 et 46 - ch. 20, v.7 et 11).

Ce refus de partage, il est à l'antipode de cet esprit de famille que Jésus veut voir régner entre nous : l'homme riche qui dit "Notre Père" à Dieu, ne dit pas toujours vraiment " mon frère " à l'homme pauvre...

Ce refus de partage, il est à l’antipode de ce qu’enseignait Saint Paul aux premiers chrétiens sur l'égalité qui devait régner entre eux (2ème lettre .aux Corinthiens" ch. 8, v.13-15), sur le fait qu’Il était inadmissible que l'un fut repu alors qu’à ses côtés son frère avait faim (1ère aux Corinthiens, ch. 11, v. 21).

Ne croyez-vous pas que si les chrétiens avaient été davantage imbus de tous ces principes évangéliques, on ne les aurait pas vus aussi souvent complices d’injustices parfois criantes…. ?

Une revue, dans laquelle tout n’était certes pas parole d'Evangile, pouvait écrire il y a quelques années cette terrible constatation : "Observez deux industriels, l'un croyant, l'autre libre penseur. Bien souvent, vous ne trouverez dans la façon dont ils mènent leurs affaires, dans leur comportement à l'égard du personnel, dans leur attitude devant le problème des salaires ou des grèves, aucune différence appréciables...". Et l'auteur poursuivait : "Il existe encore des pays où le catholicisme est reconnu comme religion d'état, où l'épiscopat bénéficie de l'appui des gouvernements où l’Eglise, par conséquent, a toute latitude pour manifester sans conteste l'utilité sociale de la religion : il y a l'Espagne, le Portugal, maints Etats d'Amérique du Sud. Pensez-vous que dans ces pays les travailleurs, ouvriers ou paysans, aient particulièrement sujet de se réjouir de la place que l'on y fait à Dieu...."

Il faut bien reconnaître que si l'Eglise a perdu la masse, comme l'on dit, si pour tant et tant d'hommes " Dieu est mort ", c’est parce que, à en juger par l'attitude de ses adorateurs, la croyance en Dieu est apparue à ces gens-là comme n'apportant rien pour cette construction d'un monde plus juste et plus fraternel qui faisait l'objet de toutes leurs préoccupations. Dès lors, Dieu leur est apparu inutile.

Quand on a découvert que la cause principale de la mort de Dieu dans notre monde provient de ce que, trop souvent, les chrétiens se sont réfugiés dans leur vie rituelle et sacramentelle, mais ont été absents de l’arène où se livrait le combat pour la justice…

Quand on s'aperçoit que les chrétiens ont laissé s'installer tant d'injustices sans se révolter, sans protester, parfois même en s'en faisant plus ou moins consciemment complices, alors que, détenteurs de cette charité du Christ qui dépasse la mesure de justice, elle aurait dû les pousser à donner aux autres non seulement leur droit, mais plus que leur droit…

Quand on se rend compte que les chrétiens ont commis la lourde faute, qu'ils expient si durement aujourd'hui, de s'être endormis alors que Karl Marx et Proudhon menaient le combat pour la justice…

ON COMPREND AISEMENT QU'AUJOURD'HUI BEAUCOUP DE CHRETIENS ET DE PRETRES, DANS LA MESURE MEME OU ILS SOUFFRENT DE CETTE MORT DE DIEU DANS LES MASSES, SOIENT TENUS DE SE LAISSER ALLER A L’EXCES OPPOSE, comme si cette lutte pour le meilleur être matériel et temporel de leurs frères devait être leur seul objectif.

Ils nous disent : "Laissez-là vos rites et vos prières, plongez-vous dans l’action au nom de votre foi et de votre charité." Ils nous répètent, parfois jusqu'à nous en casser les oreilles et à longueur de sermon : "Engagez-vous, rengagez-vous dans les syndicats, les partis politiques…. Agissez aux côtés des autres et avec les autres pour construire un monde plus fraternel, plus juste. La résurrection de Dieu dans ce monde est à ce prix ! Tant que vous n'aurez pas fait cela, il est inutile de parler à tous ces gens-là de Dieu ou de religion..."

CERTES, IL EST EXAGERE ET ERRONE de ramener la libération et le salut apportés par Jésus-Christ, à une libération et à un salut purement temporel et matériel, comme certains sont tentés de le faire aujourd'hui.

Certes nous n'avons pas le droit, nous chrétiens, d'oublier que "l’homme ne vit pas seulement du pain matériel", mais qu'il a aussi une âme à nourrir. L’exemple du Christ, dans le passage parallèle de l'Evangile de Saint Jean, nous le dit clairement : "Jésus après avoir multiplié les pains, ne craint pas de parler à ces gens qui l'ont poursuivi jusque de l'autre-côté du lac, parce qu’il leur a donné à manger du pain tout leur soûl"  "Travaillez non pour la nourriture périssable, mais pour la nourriture qui demeure en vie éternelle, celle que vous donne le Fils de l’homme." (Saint Jean, ch. 6, v. 26-27). Pourtant, Jésus ne devait pas se faire illusion sur l'accueil qui serait fait à son discours sur le pain de vie éternelle. "Dès lors, dit l'Evangile, nombre de ses disciples se retirèrent et cessèrent de l'accompagner." (v.66)

EN TOUT CAS, IL N'EN RESTE PAS MOINS VRAI. que nous devons, nous chrétiens, sans distinction de classes, LUTTER GENEREUSEMENT ET PERSEVERAMMENT POUR L'AVENEMENT DANS LE MONDE DE CES PRINCIPES D’ECONOMIE CHRETIENNE.

Nous devons assurément., en vertu de tous ces ordres du Christ, qui mettent en cause, redisons-le encore, notre salut éternel, être à l'avant garde pour lutter contre toute injustice et réformer les structures et les lois dans le sens d'un monde plus fraternel où chacun comprendra qu’il n’a pas le droit de tirer argent de ce qu'il a reçu gratuitement et par pure chance.

MAIS EN ATTENDANT cette réforme, allons-nous laisser les gens à leur malheureux sort ? Certains, qui nous reprochent parfois de faire du social "à la petite semaine", diraient presque "oui" pensant qu'ainsi en hâtera l'avènement de ces réformes en suscitant la révolte de ces victimes et en laissant leur misère crier l'urgence de ce changement. Cela est peut-être conforme aux principes marxistes, mais assurément pas aux principes chrétiens. Autant du reste, laisser mourir les cancéreux en attendant le remède magique pour que l'hécatombe crie plus fort l'urgence de la recherche et force la main pour obtenir de plus les crédits de la part du gouvernement. Qui s'y risquerait ? En tout tas, pas le chrétien authentique qui a prêté attention à la parole du Christ : "J'ai eu faim, j'ai eu soif, j'étais sans vêtements, malade... et vous ne m'avez pas secouru… Allez au feu éterneol." (Matthieu, ch. 25, v. 4l-46).

D'autant plus que, dans bien des cas l’inégalité n'est pas le fait des seules lois ou des seules structures. Elle peut être empirée par la malchance, la maladie, le malheur. C'est une famille nombreuse où le papa et la maman sont arrêtés par la maladie : qui va s'occuper des enfants... ? C'est telle autre famille menacée d'expulsion. Peut-être y a-t-il eu quelque négligence dans le versement des loyers (ils sont parfois si exorbitants !). En tout cas, la menace est là, imminente, si un acompte n'est pas versé. C'est une autre famille qui vient de perdre le papa qui assurait sa subsistance, encore une autre où le papa a perdu son travail ou vient d'être licencié...

Et sans doute, il nous faut lutter de toute notre énergie, de tout notre amour, pour que cesse cette spéculation sur les loyers pour que soit assuré le reclassement des licenciés, pour que le secours de la société pour ces cas de malchance soit mieux prévu et mieux exercé... Mais, en attendant, encore une fois; laisserons-nous ces pauvres gens se débrouiller, écrasés par le poids de la vie... ?

Spontanément ceux qui se trouvent dans la détresse se tournent vers les chrétiens, vers la communauté chrétienne parce que, malgré tout, quelles que soient leurs opinions, ils pensent que les chrétiens doivent posséder quelque chose de ce feu de la charité que Jésus-Christ est venu allumer sur la terre. Allons-nous les décevoir... ?

Certes, je le sais bien, certains sollicitent indûment. Aussi bien, il ne s’agit pas de se laisser "rouler". Vous connaissez ma formule : "Le Christ nous demande d'être bons, il ne nous demande pas d'être "poires" !  Il ne s’agit d'encourager ni la paresse, ni l'incurie, ni le vice. Il faut donc du discernement et nous nous refusons d'intervenir avant d'avoir vu des cas plus complexes, avant d'avoir consulté, les gens qualifiés ès sciences juridiques.

Il ne s’agit pas davantage de supplanter les organismes officiels. Parfois il suffira de leur signaler tel ou tel cas ou d'orienter vers l'assistante sociale qui indiquera aux intéressés leurs droits ou les démarches à faire et les aidera à les faire. Mais, en attendant... en attendant... ?

Ne dites-pas à ceux qui se trouvent ainsi dans la détresse des "vous n’avez qu’à…" faire ceci ou cela, vous adresser ici où là. Un tel langage ressemblerait étrangement à celui que Saint Jacques condamne dans son Epître parce que devant "un frère ou une sœur qui sont dans le dénuement et dépourvus de la nourriture quotidienne", on se contente de leur dire : "Allez en paix, chauffez-vous, mangez à votre faim, mais sans leur donner les choses nécessaires aux besoins de leurs corps." (Saint Jacques, ch. 2, v.16).

Voilà pourquoi, à l'instigation de quelques-uns d'entre vous, nous voudrions créer une association d'entraide chrétienne. Si chacun de nous pouvait mettre de côté chaque mois une somme, fut-elle bien modique, comme le faisaient les premiers chrétiens en faveur des frères de Jérusalem tombés dans la misère (1ère aux Corinthiens, ch. 16, v.2), nous aurions ainsi un fonds de dépannage immédiat. Inutile de dire qu'il ne serait utilisé qu'à bon escient et après l'avis donné, sur enquête discrète, par un comité de gestion nommé par tous les participants.

Notre rôle dans le monde, n'est-il pas de continuer Jésus-Christ en soulageant toute souffrante, toute détresse et même et surtout en y apportant de la joie et beaucoup d'amour ?

Pour nous, ce partage avec nos frères proches ou lointains sera assurément la source d'une joie en tout semblable à celle qui irradiait la frimousse de ce gosse qui avait donné à Jésus son "quatre heures" au jour de la multiplication des pains.

 

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