Année A – 1er dimanche de l'Avent


Retour au menu 

 

SOMMAIRE DE L'HOMELIE

 

3 mètres d’épaisseur de boue...!

Evocation des naufragés du Déluge...

Noé paraît ridicule quand il construit son arche sur la terre ferme...

Nous paraîtrons " vieux jeu ", nous aussi, en parlant de la communauté paroissiale comme de " l’arche du salut "...

Mais le Déluge est là aujourd’hui, emportant bien des âmes !

La pression sociale, le milieu ambiant, les moyens de propagande battent en brèche les valeurs essentielles sur lesquelles reposait la société...

Nous sommes ainsi ramenés au matérialisme éhonté du paganisme antique dont le christianisme avait sauvé la société...

Et justement, comment l’avait-il sauvé ?

En faisant entrer les âmes de bonne volonté dans l’arche, dans une Communauté chrétienne bien vivante.

Or, à la veille de ce Déluge, on s’en est pris :

à la communauté chrétienne paroissiale...

à la " religion sociologique "...

Le remède : reconstruire " l’arche ", recréer ces communautés.

L’influence du milieu vient de ce que l’homme est fait pour vivre en communauté.

Et cela, parce que Dieu qui est Trinité l’a créé à son image...

Jésus a entériné cette loi psychologique de l’influence du milieu en créant une Eglise...

Les Apôtres ont fait de même...

St Paul... ses épîtres témoignent de sa sollicitude pour ses " communautés ".

Recréons ces communautés au sens large...

Pour ce ces communautés soient ferventes, cela suppose un " gardien du phare " qui entretienne la flamme : c’est le rôle du prêtre...

On a attaqué aussi ce rôle du prêtre...

On a attaqué son célibat qui lui permet d’être uniquement préoccupé des " choses de Dieu "… (cf. St Paul).

 

Conclusion :

Formons une communauté des " mordus " de Jésus-Christ.

Permettez-nous de remplir notre rôle en vous stimulant sans cesse.

Alors notre communauté sera belle et resplendissante de toute la beauté de l’Evangile vécu... et elle attirera les naufragés.

 


HOMELIE

 

TROIS METRES D'EPAISSEUR DE BOUE... D'ARGILE !

Vous m'entendez ? Trois mètres d'épaisseur ! Dieu ! Dans quelle profondeur de boue ont été engloutis ces naufragés du Déluge !

C'est, en effet, la trace que les archéologues ont retrouvée aux alentours des villes de Ur et de Kisch en Chaldée, la trace d’une terrible inondation qui avait dû avoir lieu dans ces régions quelque 3 millénaires avant Jésus-Christ et sur laquelle la littérature des pays avoisinants, et pas seulement la Bible, avait greffé l'histoire du Déluge.

(Eclats de rire) Ah ! Ah ! Ah ! Ils devaient bien rire les contemporains du vieillard en le voyant travailler durement pour rassembler toutes les poutrelles et toutes les planches, et s’appliquer avec tant de soin à les bien rejointoyer pour qu’elle soit bien étanche, son arche !... Ils devaient bien rire tous ceux qui, comme le disait tout à l’heure l’Evangile, continuaient à manger, à boire, à se marier, comme si de rien n’était ! Construire un bateau sur la terre ferme ! En voilà bien une idée de vieillard déphasé.

Et pourtant, le travail du vieux Noé est bien récompensé : les torrents de pluie ont déferlé, l’ouragan a souffle, l’arche a surnagé... Il a sauvé sa famille : il est bien récompensé !

Au loin dans la nuit, des appels au secours, les mains qui se lèvent, des gens qui se noient !... Ils viennent de très loin ces appels, une grande distance les sépare de l’arche, c’est vrai... mais, assoupis peut-être dans l’arche, le vieillard et sa famille n’ont pas entretenu la flamme du fanal... et les naufragés là-bas n’ont rien vu, ils n’ont pas su où diriger leurs efforts... Les cris se sont tus... C’est fini : ils sont noyés, perdus !

 

Moi aussi, aux yeux de plusieurs, je vais paraître bien " vieux jeu " ; mais peu m’importe du moment que ce que je vais vous dire me semble correspondre à l’idée, à l’intention du Seigneur. Du reste, l’idée du vieux Noé pouvait peut-être paraître bien bizarre lorsqu'il construisait son arche sur la terre encore ferme ; elle eût paru beaucoup moins farfelue si, lorsqu'il entreprit son travail, le Déluge avait déjà commencé...

Or, il est bien là, le Déluge. Il y a plusieurs années qu’il a commencé et les vagues de boue se succèdent emportant des âmes qui, bien souvent, nous touchent de très près... enfants élevés avec tant de sollicitude, amis et connaissances, prêtres, séminaristes, religieux, religieuses !...

Qu’est-ce qui provoque ces naufrages ? La pression, la pression sociale, le milieu ambiant, l’atmosphère que nous respirons au point de vue intellectuel et moral... Les esprits sont conditionnés par toutes les idées les plus saugrenues, les plus contradictoires lancées tumultueusement en l'air par tous les moyens de propagande : les journaux, les livres, les films, la radio, la télévision... Tous les principes sur lesquels reposait la société sont battus en brèche... Le doute est insinué sournoisement des les esprits et les consciences... Les vannes sont ouvertes au déferlement de toutes les passions exacerbées. Une soif de jouissance effrénée, une abdication complète de la raison au profit des passions et de l’instinct, au nom de la liberté sexuelle... Une vague de matérialisme éhonté nous ramène, par-delà vingt siècles de civilisation chrétienne, à cette pourriture du paganisme antique dont le Christianisme avait à ses origines sauvé la société.

Et comment avait-il réussi à la sauver ? En faisant entrer les âmes de bonne volonté dans l’Arche, c’est-à-dire dans l’Eglise de Dieu, par le baptême qui était l’engagement d’une bonne conscience dans une vie toute nouvelle, comme nous le dit St Pierre (1ère Epître, ch 3, v 20-22). Oui, tous ceux qui croyaient en Jésus Christ, tous ceux qui voulaient le suivre, formait une vraie communauté, comme nous le voyons dans les Actes des Apôtres...

N’est-il pas symptomatique que, comme par hasard, ou, comme tout exprès, à la veille du déclenchement du déluge qui emporte notre monde d’aujourd’hui, on s’en soit pris avec tant d’acharnement à ces communautés chrétiennes, à ces communautés paroissiales qui, il y a 10 ou 12 ans, florissaient un peu partout et attiraient de plus en plus d’âmes, au point que l’on pouvait parler d’un " printemps de l’Eglise " ?

Au moment même où l'irréligion, l’immoralité devenaient sociologiques par l'influence du milieu ambiant savamment conditionné en ce sens, on a attaqué sans merci ce que l’on appelait d’un terme de mépris : la religion sociologique ! Et l'individu se trouve désormais seul pour faire face à toutes ces pressions qui s’exercent sur lui. Comment pourrait-il tenir ?... Ce ne pourra être le fait que de quelques personnalités très fortement trempées,... Et nos novateurs s’en réjouissent... Encore une fois, ce sont les plus pauvres, les plus démunis, qui vont " trinquer " ! Tant pis pour eux ! Et j’allais dire tant pis pour Dieu ! Car, si ce Dieu est Père, comme nous l’a tout de même enseigné Jésus-Christ, il ne peut pas accepter que ces petits qui sont ses enfants, s’abîment se matérialisent, s’animalisent parce qu’ils n’ont pas un milieu qui puisse les soutenir pour épanouir le meilleur d’eux-mêmes, un milieu qui soit l'antidote du milieu délétère dans lequel ils sont plongés du matin jusqu’au soir... Si ce Dieu est un Père, il ne peut pas accepter que ces petits, ses enfants, se matérialisent au point de ne jamais penser à lui : donner signe de vie parce qu’ils ne la trouvent pas a leur porte la famille de Dieu, l'Eglise, la communauté chrétienne qui les entraînerait et les empêcherait de l'oublier, ce Père...

Cette influence du milieu, elle tien du reste à cette nature sociale que Dieu nous a donné : l’homme est fait pour vivre en communauté...

Nous, chrétiens, nous comprenons mieux que quiconque, du reste, qu’il ne pouvait en être autrement du fait que Dieu, qui est Lui-même communauté de trois personnes, nous a créés à son image.

Cette influence du milieu, Jésus l'a entériné au point de vue surnaturel en inventant l’Eglise : la communauté de tous ceux qui veulent vraiment vivre son idéal, et Il nous a même donné la charte de cette communauté dans ce chapitre de St Matthieu que les exégètes appellent justement le discours écclésiologique (St Matthieu, ch 18).

Aussi il n’est pas étonnant de voir que les Apôtres, dès le début, avaient le souci de grouper en communautés bien vivantes les nouveaux convertis.

St Paul, lui-même, le plus itinérant peut-être de tous les Apôtres, est obsédé par ces communautés qu’il crée partout où il passe. Il nous dit qu’elles sont son souci quotidien (2ème aux Corinthiens, ch 11, v 28). Il y revient sans cesse, il les visite, il y fait de longs séjours... C’est à cette sollicitude que nous devons toutes ses épîtres ; supprimez ce souci de ses " paroisses ", de ses communautés : nous n’aurions plus aucun de ses écrits. Il sait très bien qu’il ne servirait à rien de parcourir le monde pour prêcher l'Evangile et faire de nouveaux convertis, si ceux-ci n’étaient agrégés - ainsi s’expriment les Actes des Apôtres (ch 2, v 47) - à une communauté, car, sans cela, ils ne tiendraient pas le coup ! Et ce serait le " tonneau des Danaïdes " ! C'est bien ce qui se passe aujourd’hui : on veut aller vers ceux qui sont loin pour leur apporter le Christ, je pense, et c’est bien, mais ceux qui étaient déjà chrétiens abandonnent parce qu’il ne reste plus personne pour entretenir chez eux la flamme... Aussi bien, à la tête de ses communautés, St Paul à soin de nommer des Anciens, des Presbytres (cf. Actes ch 14, v 22 - Tite chap. 1, v 5) et des épiscopes, des évêques, c’est-à-dire des " surveillants " qui doivent veiller sur le troupeau qui leu a été confié (Actes, ch 20,v 28).

Dans la dernière lettre qui nous reste de lui et qui est adressée à son cher disciple et collaborateur Timothée, St Paul indique le rôle de ces responsables des églises : " Proclame la parole, insiste à temps et à contretemps, réfute, menace, exhorte avec une patience inlassable et le souci d’instruire. Car un temps viendra où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine, mais, au contraire, au gré de leurs passions, avides d'entendre des nouveautés, ils se donneront des maîtres en quantité et détourneront l'oreille de la vérité pour se tourner vers les fables " (Timothée II, ch 4, v 1-5). En d'autres termes, le rôle de ces presbytres ou épiscopes, c'est d'animer ces communautés, d'entretenir la flamme de l’idéal et de la foi authentiques.

Dès lors pourquoi ferions-nous figure de " vieux radoteurs " et de gens moyenâgeux parce que, tel le vieux Noé rassemblant ses poutrelles et rejointoyant ses planches, nous voudrions rassembler tous ceux qui veulent échapper au naufrage de la foi et des mœurs et recréer de vraies communautés, disons même le mot de vraies communautés paroissiales, non pas tant au sens territorial du mot, mais au sens large, comme le groupe de chrétiens, qui, indépendamment de leurs différences sociales, se retrouvent d'habitude pour célébrer ensemble l'eucharistie et se ressourcer ce qui suppose du reste de toutes façons - remarquons-le en passant - une certaine proximité territoriale ?

Pour que ces communautés soient authentiquement chrétiennes, pour qu'il n'y ait pas de voies d'eau, pour quelles restent bien dans la ligne du Christ et pour qu'aussi, comme le disait la première lecture, elles soient ce phare, ce fanal qui sera signe d'espoir et de ralliement pour les naufragés éloignés, il faut que nous soyons toujours en éveil, comme vient de nous le demander St Paul. Cela suppose qu'à l'intérieur de ces communautés il y ait un " gardien de phare " qui veille à ce que la flamme ne s’éteigne pas, ne baisse même pas ! C'est là le cela de vos prêtres.

Ce rôle, lui aussi, comme par hasard juste au moment où il devenait plus important que jamais, on l'a minimisé, méprisé... Et là encore, la critique a porté et on a vu les jeunes prêtres mépriser cette humble tache d'animateurs de communautés paroissiales, de communautés chrétiennes, pour se lancer à corps perdu dans tous les milieux dans lesquels beaucoup se sont littéralement noyés au point de faire, comme l'on dit, une "crise d'identité", ne sachant pas même très bien ce qu'ils avaient à y faire ! ... Dès lors, qu'on le veuille ou non, hélas la flamme a baissé ; souvent même, elle a vacillé aux vents de toutes ces doctrines nouvelles, pour reprendre les expressions de St Paul ; il y a eu des voies d'eau... Le bateau s'est disloqué et chacun s'est retrouvé seul face à la tempête !

Comme par hasard également, au même moment, on a essayé de distraire le veilleur et le nautonier. Ne faudrait-il pas trouver là une des raisons profondes des attaques acharnées contre le célibat des prêtres ? L'un des motifs, en effet, de celui-ci, n'est-ce pas pour que, selon l'expression même de St Paul, le prêtre soit totalement et exclusivement à son affaire, préoccupé uniquement des choses de Dieu ? (cf. 1ère aux Corinthiens, ch.7,v.8 et v.32-36). Pris par les nécessités de la vie, par les " choses du monde ", emportés par le courant général, les hommes, même les chrétiens, ont tendance à se laisser totalement absorber par les soucis matériels et à laisser s'estomper en eux leur idéal, cet idéal qu'il importe pourtant tellement, pour le bien de l'humanité tout entière, d'entretenir si l'on ne veut pas que l'on sombre dans un pur matérialisme avare, égoïste, débauché... Il est donc indispensable pour le bien même de l'humanité qu'il y ait des permanents totalement dégagés de ces tâches matérielles et de ces soucis familiaux pour pouvoir être uniquement préoccupée par cet idéal à promouvoir sans cesse dans le monde. Si ces " permanents " étaient eux-mêmes impliquée complètement dans les affaires de ce monde, ils auraient les mêmes difficultés que les autres hommes à ne pas se laisser totalement accaparer par elles jusqu'à en oublier cet idéal. Ils ne pourraient donc remplir avec autant de force et de constance la charge qui leur incombe dans la société et dans l'Eglise, à savoir celle de rappeler et de promouvoir sans cesse cet idéal de Jésus-Christ.

 

Mes frères, ne tombons pas dans tous ces traquenards qui sont tendus à l'Eglise de Dieu.

Pour notre humble part, sans nous laisser arrêter ni intimider par les ricanements et les sarcasmes de tous ces novateurs dont les méthodes - c'est clair maintenant - ont fait fiasco, pour faire face au Déluge actuel, plus que jamais formons une communauté avec des gens qui, sans distinction d'âge et de classe, sont des " mordue " de Jésus-Christ et veulent vivre à fond leur Evangile.

Et pour cela permettez-nous, à nous, vos prêtres, de remplir notre rôle qui est de vous stimuler sans relâche dans ce sens. Et si parfois vous nous trouvez trop exigeants, notre excuse sera celle de St Paul à l’adresse de la Communauté de Corinthe : " Excusez-moi et supportez de ma part un grain de folie, je vous aime en effet de l'amour jaloux dont Dieu Lui-même vous aime, car je vous ai fiancée à un époux unique, au Christ et je veux pouvoir vous présenter à Lui comme une vierge pure. " (2ème aux Corinthiens, ch.10 v.18).

Pensez, pensez, mes frères, à toutes ces âmes qui dans la nuit et la boue de ce monde ont la nausée et le dégoût, et qui se disent : " Ce n’est pas possible, il doit y avoir quelque chose de plus beau à faire dans sa vie, il doit y avoir tout de même quelqu'un au-dessus de nous. "

Pour que notre Eglise soit le fanal qui indique la planche du salut, pour qu’elle soit ce signe de ralliement dont parlait la première épître, pour qu’elle rallie toutes ces bonnes volontés, il faut qu'elle soit belle et resplendissante de toute la beauté de l'Evangile vécu ! C'était le rêve du bon Pape Jean XXIII, C'était un but qu’il assignait au concile. Ce but même du Concile, nous voulons le faire notre. Nous voulons, comme St Paul, pouvoir présenter au Christ une épouse - entendez une communauté, une Eglise - qui soit belle, resplendissante, sans tache, la seule qui soit digne de Lui, la seule qui puisse Lui donner des enfants en attirant les rues sinon tout est raté...

 

Haut de la page