SOMMAIRE DE L'HOMELIE
Pourquoi une réponse si dure à la Cananéenne de la part du Christ.... ?
Jésus serait-il raciste... ?
Non, mais Jésus est fidèle...
Jésus veut susciter, chez cette païenne, une foi qui force ladmiration des juifs eux-mêmes et souligne comme ils ont tort de mépriser ces païens...
Luniversalisme chrétien n'est admis aujourd'hui quen partie seulement :
Le ségrégationnisme racial disparaît
Le ségrégationnisme social demeure jusque dans lEglise
Il est pourtant contraire :
- à lexemple du Christ...
- à lenseignement des Apôtres, surtout de Saint Paul...
Cette fusion des classes dans le Christ doit donc être une des caractéristiques de la Communauté chrétienne :
- Texte de Lénine...
- Réformes sociales amenées par ce principe...
Si la spécialisation de l'Action Catholique est requise pour une plus grande efficacité de lapostolat, elle ne doit pas détruire cette unité du Corps du Christ.
Cette unité se vit surtout dans la paroisse
Si un chrétien., de quelque milieu qu'il soit, est amené par la force des. choses à entrer en lutte avec le groupe de ceux qui veulent maintenir, à leur profit, linjustice,
Il doit fraterniser avec tous ceux qui veulent plus de justice et damour...
Que nos paroisses donnent lexemple...
SERAIT-IL RACISTE, LE SEIGNEUR ?
Cette question paraîtrait aujourd'hui presque blasphématoire tellement, en grande partie du reste sous l'influence du Christianisme, ce mot, ce qualificatif est devenu péjoratif.
Non certes, nous le verrons, Jésus n'est pas raciste, mais Dieu est fidèle. Il avait choisi le peuple juif pour l'associer à son uvre de diffusion de la révélation. Ce n'est qu'après le refus catégorique du peuple juif de rentrer dans le plan e Dieu que Jésus enverra ses disciples vers les non-juifs, les païens.
Toujours cette même économie, ces délais du Seigneur. S'adresser de suite aux païens, ceût été blesser les juifs,. les cabrer définitivement contre lui. Que sais-je ? peut-être s'en seraient-ils pris tout de suite à ce Christ, leur compatriote, comme ils s'en prendront à Saint Paul lorsqu'il portera l'Evangile aux païens ? peut-être s'en seraient-ils pris tout de suite au Christ sans lui laisser le temps de diffuser son message ? Jésus, avant de se tourner vers les païens, préfère agir sur les esprits, changer les mentalités en proclamant l'universalisme de son message. Quand cette idée aura pénétré les esprits, alors il pourra envoyer ses Apôtres à toutes les nations, non sans avoir dabord averti les juifs que puisqu'ils ne voulaient pas entrer dans le plan de Dieu, le Seigneur de son côté, renoncerait à en faire ses associés. C'est la parabole des invités au festin qui se récusent ; c'est la parabole des vignerons homicides.
Voilà ce qui explique ce changement dans les consignes du Seigneur recommandant tout d'abord à ses Apôtres, au début de leur ministère de ne pas prendre le chemin des païens, de ne pas entrer dans une ville de Samaritains, mais d'aller plutôt vers les brebis perdues de la maison d'Israël (Matthieu, ch.10, v.5-6). A la fin, quand il aura été rejeté et crucifié par les juifs, Jésus ressuscité donnera cette consigne à ses Apôtres : " Allez, enseignez toutes les nations païennes " (Matthieu, ch.2,v.19). De même, Saint Luc nous dira que le jour de l'Ascension, Jésus demandera à ses Apôtres, lorsqu'ils auront reçu le Saint Esprit, d'être ses témoins à Jérusalem, dans la Judée et la Samarie et jusqu'aux confins de la terre (Actes des Apôtres, ch.l,v.8).
Par ailleurs, le Seigneur en répondant " à la juive " à cette païenne (pour les juifs, en effet, les païens n'étaient que des "chiens de païens"), Jésus répondant à la manière juive à cette païenne voulait assurément susciter chez elle une foi qui force d'autant plus l'admiration de ses Apôtres quelle contrastait davantage avec la dureté de la réponse. C'était leur faire comprendre combien les juifs avaient tort de traiter ainsi de chiens ces païens qui étaient parfois capables d'une foi supérieure à la leur. Jésus avait déjà dit, lors de la guérison du fils du centurion romain : " Je n'ai jamais rencontré pareille foi en Israël ! " (Matthieu, ch.8, v.10). C'est ainsi que Jésus préparait les esprits à admettre l'universalisme de son message.
Cet universalisme chrétien est aujourd'hui passé dans les mentalités. Peu de gens accepteraient de passer pour racistes. Le ségrégationnisme racial est dénoncé et on essaie d'établir des relations amicales entre les différents pays, les différentes races. Par contre, le ségrégationnisme social sévit dans un grand nombre desprits notamment dans l'Eglise d'aujourd'hui. C'est au point que, alors que l'on trouve très bien - et on a raison - qu'un français serre la main d'un allemand, d'un africain ou d'un chinois, certains ouvriers qui se disent chrétiens, refuseraient presque de serrer la main dun patron qui fréquente la même église et les mêmes sacrements. Et réciproquement...
D'où vient cela, sinon de ce que l'esprit du monde a pénétré dans nos rangs, qu'une fois de plus, les chrétiens, au lieu de garder leur originalité, se sont mis à la remorque d'une idéologie qui n'est certes pas celle du Christ.
Cette attitude, en effet, n'est certainement pas conforme à celle du Christ, ni aux consignes données par ses Apôtres aux premiers chrétiens.
Jésus fréquentait, c'est vrai, les petites gens, mais aussi le Pharisien Simon, quitte à lui faire de bonnes leçons (Luc, ch.7,v.36). Il n'hésitait pas à aller loger dans la maison de Zachée qui était riche, note l'Evangile, qui s'était même enrichi aux dépens des contribuables (Luc, ch.19,v.2). Il accueillait Nicodème qui était un notable parmi les juifs (Jean, ch.3,v.1) et le riche Joseph d'Arimathie, "membre du grand Conseil", était un de ses disciples (Matthieu, ch.27,v.57 - Marc, ch.15, v.42 - Luc, ch.23, v.50).
Les Apôtres du Seigneur ne craindront pas d'affirmer quen Christ il n'y a plus aucune différence qui subsiste. Saint Paul écrivait aux Romains (ch.1, v.14) : " Je me dois aux Grecs, c'est à dire aux gens policés, comme aux Barbares, aux savants comme aux ignorants ".
Dans sa première lettre aux chrétiens de la ville cosmopolite de Corinthe, il écrivait (ch.7, v. 17-25) : " Que chacun continue à vivre dans la condition que lui a assignée le Seigneur, tel que l'a trouvé l'appel de Dieu. C'est cela que je prescris dans toutes les églises ". Deux lignes plus loin, il reprend : " que chacun demeure dans l'état où l'a trouvé l'appel de Dieu. Es-tu esclave lors de ton appel ? ne ten soucie pas et même si tu peux devenir libre, mets plutôt à profit ta condition d'esclave ". Il semble, daprès le contexte, que Saint Paul veut dire par là : " Profitez-en pour faire pénétrer l'Evangile dans ce milieu. " Deux versets après, Saint Paul redit encore : " Que chacun, mes frères, demeure devant Dieu dans l'état où l'a trouvé son appel. " Il ne s'agit donc pas de renier son milieu ni sa position sociale, il s'agit de transformer les milieux, d'y faire pénétrer un certain esprit, l'Esprit du Christ. Car l'Apôtre le rappelle encore dans cette lettre : " Aussi bien, est-ce en un seul Esprit que nous avons été tous plongés, baptisés, pour ne former qu'un seul Corps : juifs ou grecs, esclaves ou hommes libres. " (1ère aux Corinthiens, ch.12, v.13). Et, dès lors, l'Apôtre le répète aux chrétiens de Galatie, comme à ceux qui habitent à Colosses : " Vous êtes tous fils de Dieu par la foi au Christ Jésus. Vous tous, en effet, baptisés, plongés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. Si bien qu'il n'y a ni juif, ni grec, il n'y a plus ni esclave ni homme libre, il n'y a ni homme ni femme, car tous vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus. " (Galates, ch.3,v.38). Encore : " Il n'est plus question de Grec ou de Juif, de Barbare, de Scythe, d'esclave, d'homme libre ; il n'y a que le Christ qui est tout en tous. " (Colossiens, ch.3,v.11).
Cest pourquoi Saint Paul n'hésitera pas à demander à son ami Philémon de reprendre Onésime, l'esclave, qui l'a volé et que Paul, auprès de qui il s'est réfugié, a baptisé ; il lui demandera de le reprendre " non plus comme un esclave, mais bien mieux qu'un esclave, comme un frère très cher. " (Epître à Philémon, v.16)
Au 3ème siècle, l'historien chrétien Lactance pourra écrire fièrement : " Chez nous, entre le pauvre, lesclave, l'homme libre, il n'y a pas de différence. " (Institutions divines, ch.V,v.17).
Est-ce que nous mesurons bien l'audace qu'il fallait à lépoque pour proclamer qu'il n'y avait pas de différence entre le noble patricien et l'esclave qui était traité comme une bête de somme ? Quelle révolution des mentalités cela supposait ! Quel miracle, quel tour de force de charité représentait pour lors cette fraternisation entre le patricien et l'esclave ! le fossé qui séparait les deux était autrement profond que celui qui peut séparer aujourdhui le patron de l'ouvrier !
Si nous voulons qu'aujourd'hui encore la charité, la fraternité entre chrétiens fasse choc, si nous voulons être fidèles à cette doctrine du Christ et des Apôtres, si nous voulons conserver cette constitution de la famille de Dieu, il ne faut absolument pas que nous laissions s'introduire chez nous des distinctions de castes et de classes.
Lénine avait si bien compris que cette charité qui unit toutes les classes de la société dans une égale estime et une entraide mutuelle était essentielle au Christianisme, qu'il a pu écrire : " Pour en finir avec la religion, il est bien plus important d'introduire la lutte des classes au sein de l'Eglise que d'attaquer la religion de front. " Voilà bien de quoi nous faire réfléchir et nous empêcher de nous mettre en remorque de l'idéologie régnante ! Comme si, nous, chrétiens, nous, disciples du Christ, nous n'avions rien de plus solide, de plus emballant, de plus humain, de plus efficace à apporter au monde ! Oui, pourquoi croire systématiquement qu'un patron vraiment chrétien ne puisse pas aspirer lui aussi, à une société plus fraternelle, plus juste, plus équitable, en un mot plus conforme aux principes que le Christ Lui-même a donnés, et travailler, lui aussi, dans son milieu, avec toute sa foi, tout son amour du Seigneur et de ses frères, à lavènement de cette société fraternelle...?
Quand on voit les réformes économiques et sociales quont amené ces principes dégalité devant Dieu et de fraternisation dans le Christ à l'époque où leur nouveauté suscitait la ferveur et l'enthousiasme, nul ne peut contester qu'ils n'aient largement contribué à l'abolition de l'esclavage. C'est ainsi que Sainte Mélanie, une grande Dame Romaine devenue chrétiennes affranchit huit mille esclaves à là fois...
A la fin du 1er siècle, le Pape Saint Clément nous apprend que, mus par cet esprit de fraternité, certains chrétiens n'hésitaient pas à prendre la place des esclaves pour les libérer (Lettre aux Corinthiens, ch.55).
Un peu plus tard, Saint Ignace d'Antioche nous dit que les chrétiens se cotisaient pour racheter les esclaves et leur rendre la liberté (Lettre à Polycarpe, 4).
Saint Ambroise au 4ème siècle nous dit que l'on allait même jusqu'à briser et vendre les vases sacrés, les calices de l'église, pour avoir de quoi racheter les esclaves (de off. cler. II, 11,15).
Cest encore en vertu de ces principes que nous trouvons danciens esclaves dans la liste des papes : ainsi le pape Pie 1er, ainsi le pape Calliste.
Sans doute pour lefficacité de lapostolat, il est bon et même indispensable quil se spécialise, mais cette spécialisation de lAction Catholique ne doit pas nuire à l'unité de lEglise, ce Corps du Christ, qui, comme le dit Saint Paul (1ère aux Corinthiens, ch.12, v.14) n'est pas qu'un seul membre, qui ne rend pas qu'une seule catégorie de personnes, qu'une seule classe. Cette spécialisation nécessaire ne doit aboutir sous peine que cette Action ne soit plus catholique ni chrétienne, à un séparatisme, encore moins à une opposition entre les disciples du Christ, et c'est là que le rôle de la paroisse me paraît irremplaçable.
Qu'elle soit territoriale, ou paroisse d'élection, que son territoire soit plus, ou moins étendu, seule la paroisse, " représentation de l'Eglise visible répandue dans l'univers " comme le dit le Concile (Constitution sur la Liturgie n° 42), réunit tous les frères chrétiens sans aucune distinction d'âge, de sexe, de milieu ou de profession. A ce titre, elle nous permet de vivre, en réalité, l'affirmation de Saint Paul : " En Christ, il n'y a plus de distinction de race ou de classe. " Sans elle, cette fraternisation risquerait fort de rester abstraite, lettre morte. Nous risquerions d'avoir une juxtaposition de groupes, de cellules diverses, mais non pas un Corps. A la limite, nous arriverions à ce contre-témoignage effroyable de l'Amérique du Nord où des gens qui se disent chrétiens, ne veulent absolument pas frayer avec d'autres chrétiens qui n'ont pas la même couleur...
Notons au passage que, pour que la Paroisse remplisse ce rôle essentiel, pour nous entraîner à vivre cette fraternisation en Christ, il ne suffira pas qu'elle regroupe tout le monde autour de l'Eucharistie. Ce regroupement rituel serait mensonger si, à l'issue de la messe, le patron et louvrier chrétiens ne pouvaient, en toute loyauté, se tendre une main fraternelle..., s'ils ne pouvaient échanger fraternellement sur leurs problèmes quelques mots si sachant bien qu'ils ont tout avantage à connaître leurs divers points de vue pour que leur jugement ne soit pas à sens unique, partiel et partial, et donc injuste. En un mot, le rassemblement eucharistique sera mensonger si tous ne se sentent pas solidaires, chacun à son échelon et quel que soit son milieu, dans la lutte pour la fraternité et la justice.
Oui, il faut que tous les chrétiens dans les divers milieux où ils se trouvent sentent quils travaillent dans le sens de cet idéal de justice et fraternité que le Christ nous a apporté. Il faut que tous ces chrétiens se sentent complices dans ce travail pour transformer tous ces milieux. Il faut surtout qu'ils se sentent tous frères...
Il y a là tout un travail à refaire. Lorsque nous avons débuté notre uvre, le cardinal Suhard m'avait demandé d'aller voir le chanoine Holland, chargé alors de la Mission de Paris, c'est-à-dire des prêtres ouvriers. Je lui exposais mon grand rêve qui me paraissait inspiré par ces textes de Saint Paul : que les chrétiens authentiques de milieux divers sengagent tous dans cette même lutte, chacun dans son milieu, pour promouvoir un monde plus juste et plus fraternel. Quils se retrouvent souvent pour se faire part des difficultés qu'ils rencontrent dans cette lutte. Qu'ils puissent se faire part des problèmes et difficultés auxquels ils sont affrontés les uns et les autres. Qu'ils les examinent à la lumière commune de l'Evangile. Qu'ils cherchent autant les uns que les autres à faire prévaloir les mêmes principes évangéliques . Quelle force donnerait cette collaboration fraternelle ! Comme elle hâterait lavènement de ce monde de justice ! comme elle aboutirait a mener une action commune qui ne soit pas partisane, partiale, unilatérale... et la limite injuste
Voilà pourquoi le souci de ne pas faire de distinction de classe, en même temps que le souci de vérité et d'impartialité, nous pousse à organiser des échanges entre chrétiens de milieux divers.
Nous avons même créé un conseil paroissial avec des chrétiens de milieux et de tendances diverses que nous consultons, quand il y a un événement politique ou social, afin d'entendre les deux sons de cloche et de pouvoir ainsi juger avec eux, en toute objectivité, l'attitude chrétienne prendre.
Concluons : Si le chrétien peut être amené souvent, par la force des choses et le souci de plus de justice, à entrer en lutte avec le groupe de ceux qui veulent maintenir à leur profit les injustices et les inégalités, il ne doit pas hésiter à fraterniser avec tous ceux qui veulent lutter en ce gens, à quelque catégorie sociale qu'ils appartiennent !
Que nos paroisses donnent l'exemple sur ce point.