Année A – 22ème dimanche ordinaire


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

1°) Pourquoi Jésus reprend si rudement Saint Pierre…

Jésus sait la mission que le Père lui a confiée... il veut la réaliser malgré tous les obstacles

1er obstacle : le démon au désert… lui propose la facilité
2ème obstacle : ses proches qui veulent l’arrêter…
3ème obstacle : ses apôtres… Saint Pierre… les autres….
4ème obstacle : sa nature si sensible…

Jésus les surmonte tous avec la dernière énergie

2°) Jésus a tracé la voie aux chrétiens.. pas de christianisme à l'eau de rose... le chrétien n’est pas " petit garçon " !


HOMELIE

 

QU'EST-CE QU'IL PREND, LE BRAVE SAINT PIERRE  !

Il a du, le pauvre homme, être d’autant plus décontenancé par cette apostrophe du Seigneur que Jésus venait juste quelques instants avant de lui faire un beau compliment après sa profession de foi si fervente : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! ». Il a dû être d'autant plus décontenancé que sa protestation à la pensée que Jésus aurait à souffrir lui était inspirée par l'affection profonde qu’il avait pour son Maître !... « Satan ! », Jésus l'a traité de Satan !

Pourquoi Jésus, qui était la tendresse même, a-t-il été si dur pour cet Apôtre qu'il aimait tant, pour cet Apôtre auquel il semble avoir fait une confiance toute particulière puisqu'il venait d'en faire le fondement de l’œuvre qu'il voulait lancer...

Souvenirs de camps de vacances : la nuit était tombée. Au ciel les étoiles s’étaient allumées. Dans la clairière, les routiers s’étaient rassemblés. L'un d’eux s’avance au milieu du cercle formé par ses camarades. Un dialogue s'engage avec le chef. De ce dialogue, une phrase surtout m’a frappé. Remettant à ce gars de 19-20 ans, qui faisait son départ routier, parmi d'autres insignes symboliques, une hachette, son chef lui dit : « Prends cette hachette et, si la route te manque pour aller vers Dieu, fais-la ! »

Il faut une drôle de personnalité pour poursuivre malgré tous les obstacles une mission qui vous a été confiée. Jésus sait, Lui, la mission que lui a donnée son Père : donner sa vie, sacrifier sa vie pour ces hommes qu'il veut sauver, afin de leur montrer jusqu’où on doit obéir à son Père, afin de les entraîner dans cette obéissance héroïque. Il le dira à l'issue de la Cène, au soir du Jeudi Saint : « Voici l'heure du prince de ce monde. Il n'a aucun pouvoir sur moi. Mais pour que le monde sache que j'aime le Père et que je fais ce qu'il m'a commandé, levez-vous et partons d'ici. » (Jean, ch.14, v.30-31). Jésus partait pour l'agonie...

Le premier qui lui mettra les bâtons dans les roues pour l'empêcher de réaliser cette mission, ce sera le démon. En trois rounds, Jésus le mettra K.O. au désert : « Ta puissance ? mets-la donc au service de ton bien-être matériel... Tu as faim ? commande à ces pierres de se changer en pain ! » - « L'homme ne vit pas seulement du pain matériel, il doit aussi nourrir son âme de la parole de Dieu. » - « Sers-toi donc de cette puissance pour ton prestige personnel, pour ta gloire, jette-toi du haut de cette tour du temple, les anges te porteront entre leurs mains ! » - « Non, il est écrit : tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu, tu ne le forceras pas à faire des miracles inutiles. » - « Tout le monde m'obéit, je règne sur toutes ces villes et ces villages que tu vois alentour... Fais comme tout le monde, obéis-moi et tout cela sera à toi. » - « Non, il est écrit que tu n'adoreras et ne serviras que Dieu seul ! »

N’ayant pu le détourner de sa mission et le vaincre directement, Satan va l'attaquer de façon plus subtile, plus cachée, par ses suppôts. En l’occurrence, ce seront d'abord ses parents.

Dès le début de son ministère, l'enthousiasme que suscite Jésus dans ces foules qui se pressent autour de Lui, inquiète ses proches, nous avons déjà eu l’occasion de le dire. Ils ont peur que cela ne leur entraîne des histoires et ils s’en vont pour l'arrêter et le ramener à la maison en se disant : « Il a perdu la tête, il a perdu le sens ! »

Ne pouvant réussir à percer la foule pour arriver jusqu'à Lui, ils lui font dire : « Ta mère et tes frères (entendez selon le sens large du mot en araméen : tes cousins) sont là ; ils veulent te parler. » Et Jésus, devinant sans doute leurs intentions, riposte : « Ma mère, mes frères ... ? Mais qui est ma mère, qui sont mes frères... ? Ce sont ceux qui font la volonté de mon Père qui est dans les cieux qui sont pour moi une mère, un frère, une sœur. » (Marc, ch.3, v.20-21 et v. 31-35).

Voilà : pour Lui, cette volonté de son Père passe avant tout. Ce souci de faire la volonté de son Père coûte que coûte est tellement constitutif de sa personne, que ceux qui le rejoignent dans ce souci lui sont bien plus unis, bien plus proches que ceux qui ont le même sang. Ce lien du souci commun de faire la volonté du Père est bien plus fort que les liens du sang !

Parmi ses parents venus l'arrêter, Saint Marc note qu'il y avait la Vierge Marie elle-même. Elle n'était là, nous avons eu l'occasion de le dire, que pour arrondir les angles, éviter les heurts, mettre la goutte d'huile. Mais elle-même, la Très Sainte Vierge, semble ne pas avoir compris complètement, dès l'abord la mission de son Divin Fils.

Le jour où l'enfant Jésus s'était échappé pour aller discuter au Temple avec les Docteurs de la loi, alors qu'il n'avait que 12 ans, sa Mère, après l'avoir recherché longuement avec Saint Joseph, ne peut s’empêcher de lui dire : « Mon Fils, que nous as-tu fait là ?... » Et Jésus de riposter : « Ne savez-vous donc pas que je me dois aux affaires de mon Père ? » (Saint Luc, ch. 92, v.48-50). Les "affaires" de son Père passent par-dessus tout et avant tout, dut-il faire souffrir ses parents. Il dira lui-même plus tard : « Celui qui me préfère son père ou sa mère n'est pas digne de Moi. » (Luc, ch.14,v.26).

Passant d'un excès à l'autre, ses parents qui l'ont vu soulever les foules mais aussi faire des miracles, ne comprennent pas sa discrétion... Ils voudraient le forcer à aller en faire au sein de la capitale, à Jérusalem, en pleine fête des tentes, alors que Jésus sait que, vu l’hostilité des juifs, s'afficher ainsi publiquement, ce serait hâter l'heure fatale, celle que le Père a fixée, et abréger le temps qu’Il lui a imparti pour sa mission. « Va donc en Judée afin que tes disciples, eux aussi, voient tes miracles. Nul n’agit en secret s'il veut être connu. Puisque tu fais de telles choses, manifeste-toi au monde. » Saint Jean fait remarquer : « Ses frères, eux-mêmes ne croyaient pas en Lui. » (Jean, ch. 7,v.1-11). Et Jésus leur dit alors : « Mon heure n’est pas encore venue, tandis que pour vous, le temps est toujours bon. Le monde ne peut pas vous haïr ; moi, il me déteste parce que j'atteste que ses œuvres sont mauvaises. Vous, montez donc à cette fête ; moi, je n'y monterai pas, (du moins à la façon dont vous le souhaiteriez) parce que mon temps n'est pas encore accompli. "

Ses disciples, ses Apôtres vont eux aussi s'opposer à la réalisation de sa mission. Nous venons d’entendre la protestation de Pierre. Jésus avait cru pourvoir profiter des bonnes dispositions de son Apôtre qui venait de faire une profession de foi magnifique, pour lui révéler, pour la première fois, ce qui l'attendait, lui révéler quelque chose des souffrances de sa Passion. Et Pierre en est révolte : il voudrait empêcher que cela n’arrive à son Maître qu'il aime tant. Cette objurgation venant du premier de ses Apôtres, venant de son ami, inspirée justement par son amitié, a dû aller droit au cœur de Jésus. Il risquerait de se laisser attendrir, émouvoir, et c’est pourquoi sans doute Jésus lui répond si durement : « Pierre, tu es pour moi un Satan, tu es pour moi un tentateur... Arrière ! tes sentiments sont tout humains, ils ne sont pas selon Dieu ! » (Matthieu, ch.16, v.23).

Nous trouverons des sentiments semblables chez les autres Apôtres, lors de la dernière montée à Jérusalem. Lorsque Jésus leur déclare son intention d'aller « réveiller Lazare de son sommeil » (du sommeil de la mort), les Apôtres ne peuvent s'empêcher de s’écrier : « Mais Seigneur, naguère les juifs voulaient te lapider et tu retournes là-bas ? » (Jean ch.11 v.7-8)… Cela ne fait rien, cette fois, Jésus sait que son heure est arrivée, s’en est fini avec les mesures de prudence, rien ne l’arrêtera… Il part pour Jérusalem, il part pour la mort. Ses Apôtres eux-mêmes ne s'y trompent pas ! « Allons-y nous aussi, dit l’Apôtre Thomas, et mourons avec lui ! » (ibid. v.16).

L'obstacle majeur à l'accomplissement de sa mission, c’est celui que Jésus ressentira en Lui-même, dans sa nature humaine encore plus sensible que la nôtre parce que formée miraculeusement dans le sein de la Vierge Marie. Cet obstacle, c'est la peur instinctive de la souffrance que Jésus ressent comme tout homme et plus que tout homme. Nous en trouvons plusieurs témoignages dans les Evangiles.

Bien des mois avant sa Passion, Jésus déclarait à ses disciples : « Je dois recevoir un baptême de sang, et je suis dans l'angoisse jusqu'à ce qu'il arrive. » (Luc, ch.121,v.50). C'est l'angoisse d'une souffrance prévue et, par conséquent, vécue d'avance. Jésus savait dans le détail ce qui l'attendait, à preuve, c’est qu'il en parle plusieurs fois à ses disciples. Sa nature se révolte devant ce tableau qui le hante sans cesse.

Cette révolte de toute sa nature si sensible, nous en retrouvons une manifestation le jour même des Rameaux dans cette sorte d’hésitation qui saisit le Christ. André et Philippe lui présentent des païens qui veulent le connaître, et Jésus est transporté de joie à la pensée de la conversion de ces païens. « Voici que l'heure est venue où le Fils de l'homme doit être glorifié ! » (Jean, ch.12, v.23). Mais aussitôt, il pense que cette conversion, il devra l'acheter au prix de son sang, et il en est troublé jusqu'au fond de l’âme : « Maintenant mon âme est troublée, et que dirai-je ?... Père, sauve-moi de cette heure ! » Il y a là comme un point d'interrogation, tellement il appréhende cette souffrance. Mais aussitôt il se ressaisit : « Mais c'est pour cela que je suis arrivé à cette heure ! Père, glorifie ton Nom ! » (v.27 28).

Cette révolte de toute la nature du Christ, de toute sa sensibilité, nous la trouvons exprimée de façon encore plus poignante durant son agonie. Par trois fois, Jésus dira : « Père, s'il est possible que ce calice, ce calice de souffrance passe loin de moi ! » Il est tellement angoissé qu'une sueur, une sueur de sang perle à son front... « Sa sueur, dit Saint Luc, devint comme de grosses gouttes de sang qui tombaient à terre... » (Luc, ch.22, v. 44) Mais là encore Jésus surmontera cet émoi de sa nature aux abois... « Père, s’il n’est pas possible que cette coupe passe sans que je la boive, que ta volonté soit faite ! » (Matthieu, ch.26, v.42). Partie gagnée... tous les obstacles sont surmontés... Du haut de sa croix, Jésus peut s’écrier : « Tout est consommé, tout est achevé », comme il avait dit à son Père dans sa prière d'action de grâces après la Cène : « Père, j’ai achevé l’œuvre que tu m'avais donnée à faire ! » (Jean, ch.17, v. 4).

Quelle énergie !!! Quel amour pour son Père et ... pour nous !

A partir de là, l’auteur de l'Epître aux Hébreux pouvait écrire à l'adresse des chrétiens qui étaient persécutés : « Courons donc avec persévérance l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur le chef de notre foi... Jésus, qui, au lieu de la joie (de la facilité) qui lui était proposée, a choisi la croix dont il a méprisé l’infamie et qui, désormais siège à la droite du trône de Dieu. Songez à celui qui a enduré une telle opposition de la part des pécheurs afin de ne pas défaillir par lassitude. Vous n'avez pas encore (comme lui), résisté. jusqu'au sang dans la lutte contre le péché. » (Hébreux, ch, 12,v,1-5.).

Beaucoup de chrétiens aujourd’hui ressemblent à Saint Pierre : ils voudraient rejeter du christianisme tout ce qui évoque la croix, tout ce qui est dur, exigeant, tout ce qui demande un renoncement.

Ils nous proposent (sans doute par démagogie) un Christianisme « à l'eau de rose », aisé à pratiquer. Un Christianisme de ce goût-là, est-il dans la ligne de Jésus-Christ....? Ecoutez plutôt ce que dit le Seigneur après son algarade à Pierre : « Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il renonce à lui , qu'il prenne sa croix et qu'il me suive. Celui qui veut sauver sa vie, la perdra mais qui perdra sa vie à cause de moi la gardera ! » (Evangile de ce jour).

Vous le voyez, un christianisme à l'eau de rose n'est pas le vrai. On ne peut suivre le Christ en pantoufle. Le chrétien n'est pas « un petit garçon ! ».

 

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