Année A – 26ème dimanche ordinaire


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

"Semez du remords"…
C'est le dimanche du remords… (cf. 1ère Lecture et Evangile)
Le remords, c'est le point de départ du relèvement…. Le ressort n'est pas cassé…

Jésus connaissait bien les jeunes…
L'adolescent s'affirme en s'opposant : le fils cadet lui-même a dit "oui" à son père pour avoir la paix mais pensait sans doute déjà faire "non".

Jésus lui préfère l'aîné :

- parce qu'il est franc…
- parce qu'il réfléchit et a eu le courage de revenir sur sa décision instinctive…

Ainsi il s'est montré un homme tel que Dieu l'a voulu…

Pour "faire un homme" :

1°) lui apprendre à se conduire d'après sa raison… (combien il y en a peu aujourd'hui…)

2°) S'il ne l'a pas suivie, lui apprendre à ne pas s'entêter… à savoir revenir… autrement le péché est pleinement délibéré, donc "mortel", le ressort est cassé…

Aujourd'hui on veut supprimer tout ce qui pourrait donner du remords :
Au lieu de soumettre les instinctifs à la raison,

- on veut que celle-ci justifie tous les instincts...
- on veut lui persuader que l'homme ne sera vraiment homme que si elle abdique à leur profit…

Exemples :

- dans l'ordre moral…
- dans l'ordre religieux…

Conclusion :

Ainsi le raison qui ne voulait pas se soumettre à Dieu en arrive à se soumettre à l'instinct…
C'est à nous chrétiens, c'est à cette foi qu'elle a méprisée qu'il appartient de relever la raison…
Justifions toujours à ses yeux notre idéal et notre foi…
Faisons faire à nos jeunes, quand il est temps encore, l'expérience de la joie qu'apporte cet idéal vécu…
C'est ainsi que nous susciterons le remords et remonterons le ressort…

 


HOMELIE

« MON AMBITION, C'EST DE SEMER DU REMORDS ! »

Cette boutade de notre Père Romain qui fut longtemps directeur de l'école de la Pierre-qui-Vire m'a toujours beaucoup frappé. Nous discutions souvent ensemble de ces jeunes dont il avait la responsabilité : « Parmi ces jeunes, me disait-il, malgré tous nos efforts, il y en aura sans doute hélas qui dévieront, qui abandonneront ; puissent-ils à raison de ce que j'aurai pu leur dire, à raison de ce qu'ils auront vécu, être travaillés par le remords !!! »

Le thème de la messe d'aujourd'hui, vous avez pu vous en rendre compte en entendant la 1ère Lecture et l'Evangile, c'est le remords. « Si le méchant se repent et se détourne de sa mauvaise conduite, il ne mourra pas, il vivra » disait le prophète Ezéchiel. Jésus dans l'Evangile nous campait ce fils aîné qui, à l'opposé de son cadet, avait d'abord dit « non » à son père, mais ensuite, s'étant repenti, lui disait « oui » et exécutait sa volonté. Et le Seigneur concluait sa parabole au disant : « Les publicains et les prostituées vous précéderont dans le royaume parce qu'à la voix de Jean-Baptiste ils se sont convertis, tandis que vous, malgré cet exemple, vous ne vous êtes pas repentis et vous n'avez pas cru. »

Dieu sait si on a épilogué sur cette phrase du Seigneur au sujet des prostituées ! C'est au point que l'on semblerait presque parfois, laisser croire que le Seigneur a fait l'apologie de la prostitution ! On oublie de signaler que, d'après le texte lui-même, si le Seigneur fait passer les prostituées avant ses auditeurs dans le royaume de Dieu, il s'agit des prostituées qui se sont repenties, tandis que ses auditeurs, eux, malgré cet exemple, n'ont pas voulu se repentir.

Le remords, le repentir, c'est le point de départ du relèvement, le point de départ d'une ascension. Il suppose, en effet, que l'âme est saisie par l' amour du Seigneur et de son idéal, il suppose qu'elle mesure toute la distance qui l'en sépare ; il suppose que l'on est navré d'avoir dévié ; il suppose donc que cette âme est séduite par cet amour du Christ et par son idéal, que cet amour et cet idéal la travaillent. Le ressort n'est donc pas cassé. Il y a eu faiblesse, certes, mais la volonté n'est pas pervertie. Tous les espoirs sont donc permis.

Chez celui qui "s'encroûte" au contraire, chez celui qui est content de lui, qui se trouve très bien comme il est, chez celui-là, il n'y a plus de ressort, tout espoir d'amélioration est perdu il ne peut figurer dans cohorte de ces "casse-cou" qui, au dire du Seigneur, prennent d'assaut le royaume (Matthieu ch. 11, v.12).

Il les connaissait bien les jeunes, le Seigneur. Ils n'ont guère changé depuis lors. Lui, il savait, comme le dit Saint Jean (ch.2,v.25), ce qu'il y a dans l'homme, le fond de sa psychologie.

La réaction spontanée, instinctive d'un jeune, d'un adolescent qui se sent devenir quelqu'un, c'est de s'affirmer en s'opposant. Et cela d'autant plus fortement que la façon dont on lui a donné des ordres jusque-là lui a donné une impression plus forte d'être mené par un autre. Maintenant il veut être "lui", et, par principe disons plus exactement instinctivement, il dira "non" à tout ce qu'on peut lui demander ou lui conseiller. Et sans doute que le cadet dont parle le Seigneur, ce cadet qui a tout de suite dit "oui" à son père, le lui disait pour avoir la paix, mais que déjà en son for intérieur, il était bien décidé à ne pas lui obéir. Aussi, le Seigneur, dans cette parabole, laisse deviner aisément ses préférences pour le premier, pour l'aîné qui, spontanément, a dit "non" à son père. Lui au moins, il était franc, il disait ce qu'il pensait. Et c'est une des raisons pour lesquelles Jésus le préfère, car le Seigneur ne peut supporter l'hypocrisie. Il n'admet pas que l'on soit "oui" et "non" à la fois. Il ne peut supporter que l'on s'engage à faire une chose et qu'on ne la fasse pas, comme Il ne peut supporter ceux qui disent et ne font pas, ceux qui vantent un idéal et ne le suivent pas. (cf. Saint Matthieu, ch. 23, v. 3).

Ce fils aîné a été franc, mais de plus il a réfléchi et, troisièmement, réflexion faite, il a eu le courage de revenir sur sa décision première, instinctive : il s'est repenti « et il est allé à la vigne ».

Ca, c'est quelque chose ! Réfléchir et suivre sa réflexion, ça c'est être un homme, tel que Dieu l'a fait, tel que Dieu l'a voulu. Celui qui ne réfléchit pas, qui suit aveuglément ses instincts, ses impulsions, se ravale au niveau de l'animal ; il abdique sa raison ; il s'ampute de ce surplus que Dieu lui avait donné sur l'animal pour se ravaler au niveau de celui-ci. Dieu en est pour ses frais.

Comme le dit la chanson : « Pour faire un homme, mon Dieu, que c'est long ! »

Pour cela, en effet, il ne suffit pas que le corps de l'homme soit complètement formé, il ne suffit pas qu'il sache marcher et se débrouiller tout seul (l'animal aussi sait le faire), il faut encore, il faut surtout lui apprendre à se conduire d'après sa raison, sa propre raison. Il faut que celle-ci apprenne à juger ses envies, ses instincts, ses impressions. Il faut que sa volonté soit assez entraînée, assez forte, pour diriger son action d'après ce jugement. C'est cela faire un homme, c'est en cela que consiste avant tout l'éducation... Combien y a-t-il de parents qui l'oublient ! Ils n'ont mis au monde, ils n'ont formé que de petits animaux ! N'est-il pas affligeant de constater combien ils sont nombreux, aujourd'hui plus que jamais, les "hommes-animaux" qui nous entourent. En voyant le comportement de ceux qui nous entourent, que de fois, hélas ! en effet, nous pouvons nous demander avec effroi : qu'ont-ils vraiment de plus que les animaux. ?

Il faudrait donc apprendre à être maître de ses réflexes et à ne pas se laisser aller à son premier mouvement instinctif, mais à savoir le contrôler. En tout cas, il faudrait, tout au moins, apprendre à ne pas s'entêter dans la mauvaise voie quand, réflexion faite, on s'aperçoit que l'on s'est trompé, que ce que l'on fait n'est pas raisonnable, n'est pas digne d'un homme et que c'est mal. On peut, en effet, avoir un premier mouvement qui n'est pas bien, mais si, réflexion faite, on le regrette et si on a le courage (il en faut parfois !) de revenir sur sa décision, rien n'est perdu. Si, au contraire, on s'entête, c'est alors que le péché devient délibéré, on fait le mal en connaissance de cause, délibérément. C'est là que cela devient grave, c'est là que le ressort se casse et que le péché devient "mortel" parce que le principe de la vitalité spirituelle, le principe même de la résurrection, le remords est éteint ; on l'étouffe en passant par dessus.

Les jeunes d'aujourd'hui, comme tous les jeunes de tous les temps, sont portés à suivre leurs premières impulsions, leurs envies, toutes leurs envies bonnes ou mauvaises. Pour pouvoir se ressaisir et se reprendre au besoin, il faudrait qu'ils puissent les juger, les faire passer à la barre de leur raison. Leur donne-t-on les moyens de réfléchir et de les juger sainement ?

Aujourd'hui on dirait qu'à l'inverse de ce Père Romain dont je vous parlais tout à l'heure, nombre de soi-disant éducateurs s'emploient à supprimer tout ce qui pourrait leur donner du remords. Dès lors, on casse le ressort de tout progrès moral, de toute "humanisation" de notre monde, à plus forte raison de sa christianisation.

Autrefois on vous apprenait à soumettre les instincts à la raison. Aujourd'hui on fait juste le contraire : on essaie d'accorder la raison à l'instinct, on voudrait violenter celle-ci, lui persuader que l'homme n'est vraiment lui-même, vraiment un homme que lorsqu'il suit ses instincts et abdique sa raison.

N'essaie-t-on pas de persuader les jeunes d'aujourd'hui que la vraie liberté consiste à suivre toutes ces envies, tous ces instincts qu'ils ressentent en eux ? Ce serait "ça" la libération de l'homme, ce serait "ça" l'épanouissement de leur être, de leur personnalité !!! On dirait que l'homme en a assez d'être un homme et qu'il veut régresser devenant un simple animal, car, redisons-le encore, ce qui les différentie tous deux, c'est que l'animal suit ses instincts - ce sont eux qui le mènent - tandis que l'homme les juge et leur commande !

Dans l'ordre moral on prône toutes les envies, tous les instincts. Ce sont eux qui doivent dicter, la règle de conduite ! J'ai envie de ceci ou de cela : je tâche de me le procurer par n'importe quel moyen, fut-ce le vol ou la violence !

J'ai la flemme, je n'ai pas envie de travailler : je ne travaille pas, je flâne !

Telle personne m'est à charge, elle m'insupporte : alors je l'envoie promener ! On appelle cela être loyal !

Mais c'est surtout dans l'ordre de la morale sexuelle que l'on donnera libre cours à tous les instincts. Les juger, les dominer, ce serait renier la valeur de la sexualité (on n'ose pas dire tout de même de la sexualité "humaine"), ce serait aller contre 1'épanouissement complet de l'être humain, ce serait devenir un "refoulé". autant dire un "détraqué" ! Et là, on enlèvera toute barrière, y compris la barrière que serait le respect de la vie de l'enfant conçu : s'il vous gêne, vous pouvez vous en débarrasser...

Dans l'ordre religieux ce sera la même chose. On ramènera la foi à un simple sentiment, je dirais presque à une simple sensation. Vous vous sentez portés à croire : croyez ! Vous ne vous y sentez pas portés : ne croyez pas ! Dans ce cas, personne ne peut vous en vouloir, pas même Dieu ; vous pécheriez plutôt en ne suivant pas votre impulsion, ce que vous "ressentez" ! vous seriez alors "déloyal"... !

Vous savez comment a tendance à se répandre aujourd'hui avec l'appui même de grands pontes, une opinion concernant l'obligation de la messe dominicale. Aujourd'hui me chante d'y aller, cette messe m'apportera quelque chose : j'y vais ! Aujourd'hui cela m'ennuie, la façon dont est célébrée la messe dans cette paroisse ne me dit rien, ne m'apporte rien : je n'y vais pas ! Ainsi donc, comme le dit un critique pertinent, « l'obligation de la messe du dimanche serait liée à l'impression fastidieuse ou réconfortante que moi, assistant, je pourrai éprouver. Dans ce cas c'est que je juge que la valeur de la messe dépend du talent du curé ou du comportement du public qui s'y trouve. Es-ce raisonnable ?... Si oui alors je déciderai également de ne prier que lorsque j'en ai envie. Quant à l'amour du prochain, je ne ferai même pas l'effort de l'essayer à l'égard de ceux qui ne m'attirent pas, etc. Finalement les commandements ne seraient plus fonction que de chaque individu décidant de ce qu'il observe ou de ce qu'il refuse. C'est le subjectivisme le plus absolu.»

Ainsi l'orgueilleuse raison qui au début de ce siècle ne voulait pas se soumettre a Dieu, ni à la foi, doit maintenant se soumettre à l'animal. Cette raison qui méprisait la foi, qui reniait la foi, qui voulait, en savoir plus long que Dieu, la voilà maintenant qui capitule devant les instincts, qui est obligée de les entériner, de les suivre !... Ce doit être là sa punition. Cela me fait penser à ce passage du prophète Daniel parlant de ce roi qui défiait Dieu et pensait s'égaler au Très-Haut et qui, subitement, par châtiment divin, devient fou et marche à quatre pattes, comme les animaux, broutant l'herbe des champs. (Daniel, ch. 4, v. 22-31).

Paradoxe divin : aujourd'hui donc, c'est la Foi, cette Foi que méprisait la raison, qui doit prendre la défense de celle-ci. C'est à nous, chrétiens, de crier bien haut que la raison n'est pas comme un instinct qui nous servirait simplement à chercher les moyens pour arriver à des buts purement matériels, et temporels, mais qu'elle nous permet de dépasser cette zone pour accéder au domaine spirituel, éternel. C'est à nous de clamer que la raison est bien au-dessus des instincts, qu'elle doit les juger les commander. Nous devons nous ingénier à montrer comment notre morale, notre idéal, a pour but d'assurer l'hégémonie de notre raison sur tous les instincts.

Employons-nous, par conséquent, à montrer comment cette morale, cet idéal est fondé en raison, comment tout ce qu'il nous prescrit ou nous conseille va dans le sens de l'épanouissement de notre être profond. Ce sera un des meilleurs moyens de semer du remords, de remonter le ressort.

Car, en effet, si chez un tel ou un tel, la raison a pu un moment, être obnubilée par la passion ou par l'instinct, si chez tel ou tel elle a pu se rouiller un peu parce qu'il ne l'a pas fait fonctionner, cependant elle reste toujours là du simple fait que ce sont des êtres humains. Ce que nous aurons pu dire en faisant appel à cette raison a nécessairement trouvé un écho en elle et, peut-être qu'un jour de silence intérieur, ils percevront cet écho : c'est alors que le ressort du remords se remontera et que l'être humain revivra...

Et pour que cet impact de l'idéal soit plus fort encore, tant qu'ils ne sont pas encore aveugle de par l'instinct et les passions, faisons faire à ces jeunes l'expérience de ce qu'apporte comme épanouissement cet idéal vécu... Si jamais, plus tard, il leur arrive de s'en écarter, le souvenir de ce paradis perdu contribuera aussi à créer le regret et fera prendre, nous pouvons vraiment l'espérer avec le travail de la grâce de Dieu, le chemin du retour.

 

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