SOMMAIRE DE L'HOMELIE
Amour d'un vigneron pour sa vigne :
Dieu, pour faire comprendre à ces vignerons de Palestine sa tendresse pour son Peuple, emploie souvent cette comparaison...
- Jésus reprend souvent cette image...
Le Seigneur a-t-il lieu d'être fier de sa vigne ?
(= notre communauté paroissiale)
Tout ce Dieu a fait pour cette vigne… (développement…)
Après ça, Dieu a-t-il lieu d'être fier de sa vigne ? (développement....)
Si le bilan n'est pas aussi positif qu'il pourrait l'être, cela peut provenir :
- de la vigne…
- des vignerons (= des pasteurs, des prêtres). C'est d'eux dont il est question dans cet Evangile.
Nous présentons un Evangile édulcoré…
Nous donnons les sacrements sans exiger les dispositions requise…
Pourquoi agissons-nous de la sorte ?
Comme ces vignerons, nous cherchons notre intérêt personnel
plus que la gloire de Dieu (= démagogie)
Pour ne pas risquer de succomber à cette tentation…
1°) Nous rappeler :
- l'exemple et les paroles du Christ…
- les paroles du prophète Malachie…Si nous n'apportons pas l'Evangile tout cru :
- Nous sommes inutiles
- Nous sommes un mensonge vivant…
2°) Vous, nous aider :
- par votre prière
- en créant autour de vous un désir de sincérité et d'authenticité…
QU'EN PENSEZ-VOUS ... ? HEIN ! QU'IL N'EST PAS MAUVAIS, MON PETIT BLANC ?
Et le brave paysan se rengorge. Il est si fier que vous vous sentez presque obligé de vous pourlécher les babines, même si le breuvage qu'il vous a servi est une affreuse piquette.
Au cours des vacances, vous avez eu assurément comme moi l'occasion de voir de quel amour, de quelle sollicitude, un viticulteur, même un viticulteur improvisé, entoure sa vigne même si, vu le terrain et le climat, elle est assez chétive et rabougrie.
Pour donner à ce peuple de vignerons de la Palestine quelque idée de sa tendresse et de sa sollicitude pour son peuple, Dieu, depuis les temps du prophète Isaïe et même depuis les temps du prophète Osée, emploie souvent cette comparaison du vigneron et de sa vigne.
C'est aussi une de celles que Jésus préfère. Il nous a parlé, il y a quelques dimanches, de ce propriétaire qui, tout au long des heures de la journée, embauchait des ouvriers pour sa vigne. Dimanche dernier, il nous parlait de ce père de famille qui envoyait ses deux fils travailler à sa vigne. Aujourd'hui, c'est la parabole des vignerons homicides et, dans son dernier entretien avec ses Apôtres, Jésus se comparera lui au cep de la vigne. Il nous dira que, comme le vigneron, Dieu met sa fierté à ce que sa vigne, son peuple, sa communauté, son Eglise porte de beaux fruits : « La gloire de mon Père, c'est que vous portiez de beaux fruits. » (St Jean, ch.15,v.8). Ces fruits, ce sont nos bonnes actions, selon l'expression du Seigneur lors du sermon sur la montagne: « Que les hommes en voyant vos bonnes actions glorifient votre Père qui est dans les cieux. » (Matthieu, ch.5,v.16).
Le Seigneur a-t-il lieu d'être fier de sa vigne, de notre communauté paroissiale ? Produit-elle un vin généreux, capiteux, qui stimule et apporte joie et entrain, ou ne produit-elle que du verjus, selon le reproche que le Seigneur faisait tout à l'heure à son peuple, Israël, par l'entremise de son prophète ?
Il faut nous poser aujourd'hui la question.
Le Seigneur s'en est-il donné du mal pour cette communauté paroissiale de Rungis !
Que de bons vignerons nous ont précédé ici : je pense à Mr l'Abbe Féraud qui, malgré sa santé, en a formé des jeunes ici ! Je pense à Mr l'Abbé Monier si populaire et si aimé ! M. l'Abbé Dizès qui, malgré sa timidité, a assuré le service de la paroisse pendant des années, tous ces jeunes religieux, nos jeunes frères, qui se sont dévoués dans les uvres de jeunesse : le Père Maurice, le Père Daniel Frilley, le Père Hugues, le Père Benoît... Que de dévouements se sont dépensés dans les œuvres de jeunes ou les œuvres charitables... où dans les catéchismes... ! Que d'exemples de saintes âmes le Seigneur a mis sous nos yeux ! Que de sacrements ont été donnés ! Que de messes ont été célébrées ! Sous bien des rapports, notre chère paroisse a été privilégiée en comparaison de tant d'autres qui n'ont pas eu toutes ces chances...
Je le répète. Dieu peut-il être fier de sa vigne choyé ? Dieu peut-il se féliciter des chrétiens de Rungis, comme jadis Yavhé dans la Bible se félicitait de son bon serviteur Job et, à plus juste titre, que le vigneron de tout a l'heure ne se félicitait de son crû… ? Hein ! Mes chrétiens de Rungis, qu'en pensez-vous, qu'en dites-vous ?...
Le Seigneur peut-il dire : « Voyez ces chrétiens comme ils me sont fidèles, je compte pour eux ! Je ne suis pas le parent pauvre dans leur vie ! »
Notre communauté de Rungis rayonne-t-elle la joie, l'enthousiasme ? Rayonne-t-elle la charité, le dévouement, l'entraide, la fraternité ? Rayonne-t-elle la loyauté, la franchise ? Sent-on assez chez chacun de nous ce souci d'être de plus en plus un chrétien authentique, un sosie de Jésus Christ ? Est-ce qu'il est clair pour tous que notre nom de chrétien, que notre pratique religieuse ne voile pas une hypocrisie, mais que nous sommes vraiment sincères ? Les gens peuvent-ils être frappés par notre personnalité ? Sommes-nous des gens tout d'une pièce, ayant horreur de tout compromis, de toute duplicité ? Nos familles sont-elles des exemples de bonne entente, d'union, d'amour véritable ? Notre jeunesse respire-t-elle la pureté, l'entrain, la gaieté, le dynamisme ? Est-ce que tout le monde peut se rendre compte que nous sommes obsédés par le souci de faire régner la justice et la fraternité dans tous les milieux où nous pouvons nous trouver ?...
Je crois pouvoir affirmer, sans forfanterie, que, grâce à Dieu, le bilan est loin d'être négatif... Mais faut-il nous en contenter ? Ne pourrait-il pas, ne devrait-il pas être plus positif ?...
Si la vigne du Seigneur ne répond pas parfaitement à son attente, les textes que nous venons de lire nous disent que cela peut provenir d'une double cause : soit de la vigne elle-même qui n'a pas répondu à tout le mal que le divin vigneron s'est donné pour elle, soit des vignerons qui ne l'ont pas bien cultivée, ou qui l'ont cultivée uniquement pour leur propre avantage.
Nous voilà donc, nous et vous, mis en cause.
Cependant, comme le faisait remarquer mon ancien professeur le Père Lebreton (Vie et enseignement de Jésus-Christ, tome II, p.179-183), dans le passage d'Evangile que nous venons de lire, ce n'est pas tant la vigne elle-même, le Peuple de Dieu, la communauté des croyants, qui est mise en cause, ce sont plutôt les vignerons, c'est-à-dire ceux qui dirigent le peuple de Dieu, au temps de Jésus les chefs des prêtres et les Scribes, et aujourd'hui, nous, vos prêtres. A ces vignerons Jésus reproche, non de n'avoir pas cultivé la vigne, mais d'en avoir gardé les fruits, de l'avoir donc cultivée pour leur avantage personnel. Le même danger nous menace, nous, vos prêtres.
Si la vigne du Seigneur ne lui donne que du verjus, si la communauté paroissiale n'est pas suffisamment authentiquement chrétienne, si elle ne porte pas tous les fruits que le Seigneur serait en droit d'en attendre, n'est-ce pas, trop souvent parce que nous, vos prêtres, nous ne vous présentons qu'un christianisme édulcoré, mis à la sauce du jour, mis au niveau de notre médiocrité ?...
Si les sacrements reçus dans cette communauté ne sont pas plus efficaces, n'est-ce pas parce que nous donnons ces sacrements sans vérifier suffisamment si les candidats ont les dispositions requises pour leur pleine efficacité ? N'est-ce pas, par exemple, parce que nous accordons le baptême sans nous soucier suffisamment si l'enfant aura un milieu dans lequel ce germe divin pourra se développer, sans vérifier suffisamment que le parrain ou la marraine ne sont pas des parrain et marraine fantoches mais de vrais parrain et marraine qui pourront aider l'enfant à approfondir et à vivre sa foi ?
N'est-ce pas parce que nous accordons l'absolution sans nous soucier suffisamment et de la loyauté de l'aveu, et de la sincérité du repentir, et du désir de se racheter ?
N'est-ce pas parce que nous donnons la Sainte Eucharistie sans rappeler suffisamment les dispositions dans lesquelles on doit être pour la recevoir, sans rappeler suffisamment que l'on ne peut communier sans être en état de grâce, sans s'être confessé, par conséquent, quand on a commis un péché plus grave, plus délibéré, sans s'être éventuellement réconcilié avec ses frères, si on s'est disputé sans avoir le souci de faire sa vie avec le Christ ?
N'est-ce pas parce que nous célébrons le Saint Sacrifice de la messe sans faire prendre suffisamment conscience aux assistants de cette présence du Christ renouvelant pour nous l'acte suprême de son amour, sans employer tous les moyens possibles pour les y faire participer intimement?...
Or, la principale cause qui peut nous conduire à cette façon de faire, c'est, disons-le franchement, la démagogie !... L'intérêt personnel, le souci de se faire bien voir de tous, de paraître "à la page", le souci de ne pas risquer d'être qualifié d'intégriste, le souci de ne pas nous créer des ennuis, le souci d'avoir du succès…
Or, tout cela n'est que recherche personnelle. Comme ces vignerons qui refusaient au propriétaire les fruits de sa vigne et qui voulaient les garder pour eux, nous exerçons notre ministère à notre profit et non au profit de Dieu. Nous refusons de faire porter à cette vigne, à cette paroisse, les fruits dont Dieu aurait pu être fier et qui auraient attiré bien des âmes de bonne volonté...
Et c'est là que nous avons besoin de vos prières car je ne sais pas si vous vous rendez compte à quel point cela peut parfois être dur de dire à quelqu'un la vérité, ses vérités... Combien cela peut parfois être dur d'avoir à faire des remontrances, combien cela peut être dur d'être obligé de refuser quelque chose à quelqu'un, surtout quand on s'aperçoit que l'on n'est pas du tout sur la même longueur d'ondes et que, malgré toutes vos explications, il ne vous comprend pas... Quand on sent qu'il vous en voudra...
Vous ne pouvez rendre à quel point c'est pénible quand il faut donner un coup de barre et que l'on se dit : « Il y en aura sûrement qui ne comprendront pas, qui n'accepteront pas, qui vont se heurter, se fermer, qui ne pourront plus nous sentir... »
C'est alors qu'il est nécessaire de nous rappeler la parole et l'exemple de Jésus qui disait : « Le monde ne peut me sentir parce que je témoigne contre lui que ses œuvres sont mauvaises. »(St Jean, ch7,v.7) Et cela n'empêchait pas le Seigneur de porter ce témoignage. Il est sûr que, si le Christ avait été plus "coulant", s'il n'avait pas fustigé l'hypocrisie des Pharisiens, leur avarice, leur impureté, il n'aurait encouru aucun risque. Personne n'aurait songé à le crucifier... Il savait très bien à quoi il s'exposait en prêchant ce qu'il a prêché, la vérité !
S'il avait accepté les idées de son temps, s'il avait accepté d'être le Messie politique que les gens attendaient il aurait eu assurément contre lui l'autorité romaine, mais il n'aurait pas suscité dans l'âme de ses compatriotes cette déception amère et l'immense majorité aurait été là pour le défendre ! Il ne l'a pas fait. Quand nous sommes tentés de succomber à cette tentation de démagogie, il faut nous rappeler cet exemple du Christ.
Il faut nous rappeler aussi les terribles menaces que Dieu adressait déjà aux prêtres de l'Ancien Testament par le prophète Malachie :
- parce que ces prêtres n'avaient pas pris à cœur que son Nom soit glorifié...
- parce ces prêtres n'avaient pas défendu avec assez d'énergie le souverain respect qui lui était dû...
- parce qu'ils avaient accepté que Dieu soit traité en parent pauvre en acceptant que les gens lui présentent des offrandes dont n'aurait certainement pas voulu leur haut-commissaire...
- parce que ces prêtres « avaient perverti son alliance »
- parce qu'ils en « avaient fait trébucher beaucoup par leur enseignement… »
- parce qu'ils « avaient agi avec démagogie en accommodant la loi », Dieu dit « qu'il les rendra méprisables, il les déconsidérera et les abaissera devant tout le peuple.»(Malachie, ch.2,v.2 et 8-10).
C'est bien ce qui se passe en effet encore aujourd'hui : le prêtre démagogue est, au fond, méprisé par les gens qui décèlent en lui ce manque de courage et d'énergie, cette lâcheté, et qui sont déçus car ils attendaient de lui autre chose !
Nous devons nous rappeler que si nous n'apportons pas au monde cet idéal de Jésus-Christ dont il a besoin pour ne pas sombrer à nouveau dans la sauvagerie, si nous essayons de l'édulcorer, si nous l'abaissons au niveau de notre médiocrité, si nous essayons de nous accommoder au monde, si nous essayons de suivre le monde, alors nous n'avons plus de raison d'exister, nous n'avons plus de place dans l'humanité ; le monde se passera fort bien de nous puisque nous ne lui apporterons rien de plus que ce qu'il a déjà…
Rassembler beaucoup de monde derrière nous ? A quoi bon si, nous-mêmes, nous ne sommes pas derrière Jésus-Christ !
Enfin il faut nous rappeler que le prêtre qui voudrait ainsi tergiverser avec l'idéal de l'Evangile, qui n'apporterait pas au monde l'Evangile tout cru, tel que l'a pensé et voulu Jésus, ce prêtre ne serait plus prêtre de Jésus Christ, au fond, il serait un mensonge vivant puisqu'il serait là soi-disant comme un représentant du Christ, comme un témoin de son idéal, et qu'il ne l'apporterait plus !...
Voilà les considérations qui peuvent nous réconforter et nous empêcher de succomber à la tentation de démagogie lorsqu'elle nous guette…
Si je vous dis cela, mes frères, c'est pour que vous nous aidiez fraternellement à remplir notre rôle, notre mission.
Vous pouvez nous aider. D'abord en priant pour nous, pour que nous ne succombions pas à cette tentation de démagogie si forte aujourd'hui, mais pour que envers et contre tout, nous prêchions par notre parole et notre exemple le véritable Evangile du Christ.
Vous pouvez nous aider encore en nous facilitant la tâche, en créant dans la communauté chrétienne tout d'abord, mais aussi dans toute la cité, ce souci d'authenticité qui fera que les remarques ou remontrances que nous pourrions avoir à faire soient prises par le bon côté, du moment qu'elles sont conformes à l'Evangile.
Vous pouvez nous aider en comprenant et en faisant comprendre que, dans la mesure où on est soi-même séduit par l'idéal évangélique, ces remarques et remontrances apparaissent comme un service de charité, puisqu'elles ont dans cette ligne pour unique but de nous maintenir dans cette ligne…
Alors, si nous, vos prêtres, nous nous sentons sur la même longueur d'ondes que vous, si nous sentons que tous nous voulons vivre dans la vérité, que tous nous voulons vivre le véritable idéal chrétien, alors, nous n'hésiterons pas à vous l'apporter tel que, sans sauce et ce, pour notre bonheur, notre épanouissement à nous tous, chrétiens, mais aussi pour le mieux-être de toute la cité, car nul ne peut contester que l'on serait plus heureux en suivant vraiment Jésus Christ, et Lui, pourra être encore plus fier de sa vigne !