Année A – 28ème dimanche ordinaire


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

"Un clochard" qui avait accepté de se laisser décrasser…

Le mal que le roi s'est donné pour préparer cette noce…

Les invités ne veulent pas venir… Ils ont bien d'autres choses à faire.

Un des clochards n'a pas voulu se décrasser et revêtir la robe nuptiale…

Dieu s'en est donné du mal pour nous faire partager son propre bonheur…

- Il est même allé jusqu'à nous donner son propre Fils… à nous le donner jusqu'à la croix…
- Jésus a supporté toute sa vie la promiscuité humaine…

Il est mort pour nous…
Il nous a donné ses sacrements
Il renouvelle son sacrifice à la messe
Il a délégué ses pouvoirs aux prêtres…


1°) Si Dieu a quelque fierté, il ne peut tolérer indéfiniment d'être ainsi traité…
2°) Si Dieu veut respecter notre liberté qu'il a créée, il ne peut pas nous mettre "de force" avec Lui.

Il fait l'impossible, il fait des folies pour nous attirer vers Lui, parce que, nous ayant construits, il sait que c'est là notre vrai bonheur…
Mais ensuite, il respecte la volonté de ceux qui, malgré toutes ses sollicitations, ne veulent pas de Lui.

Donc, ce n'est pas Dieu qui a créé l'enfer (Il serait toujours prêt à accueillir le pécheur s'il voulait de Lui).

C'est l'homme qui crée, pour ainsi dire, l'enfer par son entêtement…
Exemples d'entêtements dans une chose qui pourtant nous fait souffrir…
La saine philosophie nous montre qu'une fois séparée du corps, l'âme ne peut changer d'idée…

CONCLUSION :

- Nous aussi, nous devons insister auprès des récalcitrants à temps et à contre-temps, mais en respectant leur liberté… C'est parfois le meilleur moyen de les gagner…

- Nous ne devons pas, nous non plus, garder dans le groupe celui qui "s'encroûte"…

 


HOMELIE

C'ETAIT 7 h DU MATIN.

Je m'apprêtais à aller dire ma messe. Un policier se présente au Prieuré et me remet un mot griffonné au crayon. « M. X... vous demande à l'hôpital Cochin. » Mal orthographié, le nom ne me dit pas grand chose... Peu importe, ce doit être un malade qui m'appelle d'urgence. Je fonce à l'hôpital. Je montre le papier. « Ah ! oui, c'est le clochard qui a été hospitalisé cette nuit qui vous a fait appeler. » On me le nomme correctement. « Oui, c'est bien l'un de ceux qui ont l'habitude de venir faire un petit séjour chez nous. Que lui est-il donc arrivé ? » L'infirmière me rassure tout de suite : « Oh ! pas grand chose ! Il avait un peu trop bu, il zigzaguait sur la route, une voiture l'a renversé... On l'a transporté ici, mais il n'a rien de grave. » J'arrive dans la salle et j'aperçois mon brave homme assis sur son lit, avec une belle chemise blanche, bien rasé, tout pimpant... Et l'infirmière m'explique : « Il y en a souvent de ces clochards qui nous arrivent et qui ne veulent pas se laisser décrasser : ils se trouvent très bien avec leur barbe hirsute, leurs vieux habits sales et dégoûtants et leurs... poux. Mais lui, il était tout heureux. de se sentir propre et, il tenait à ce que vous le voyiez ainsi tout pimpant ! »

Ce brave roi, il s'en était donné du mal pour préparer cette noce. Pensez ! la noce de son fils unique ! Il s'en était donné du mal pour qu'elle soit réussie, pour que le festin soit formidable, pour que personne ne soit oublié dans les faire-part qu'il avait fait porter à domicile. Il s'était même permis d'insister auprès des invités Mais tous ces beaux messieurs, se moquent pas mal de tout ce souci que s'est donné leur ami. Tous, les uns après les autres, se récusent s'excusent. « Nous avons bien d'autres choses à faire que de nous rendre à cette noce. Moi, j'ai mon champ à cultiver, moi, j'ai mon commerce, moi, je viens de me marier et je pars en voyage de noces. » Toutes les excuses sont bonnes... Décidément, il n'y aura pas beaucoup de monde à cette noce. De quoi ça aura l'air, ça va être raté ! « Eh oui, se dit le roi, j'avais retenu une très grande salle pour le banquet, cela fera tout vide. Que faire ? Que faire ?... Bon ! Je sais : serviteurs, dépêchez-vous ! Allez sur les places et par les rues de la ville, ramassez tous les clochards, les pauvres, les estropiés, allez aux carrefours des routes, battez la campagne et amenez-moi tous ceux qui voudront bien venir.... »

Et voilà qu'il en arrive des clochards, il en arrive de tous les côtés. Mais tous ces gens-là, ça ne faisait pas très riche, ça ne sentait pas très bon ! Alors le Maître s'est dit : « Avant de les faire entrer, qu'ils passent tous au vestiaire. Là, on va bien les laver, les parfumer, puis on leur passera le bel habit de cérémonie... » Et tous étaient ravis, et tous se laissaient décrasser, habiller, parfumer... Ils se réjouissaient à la pensée du bon dîner qu'ils allaient faire ! Et le Maître, lui aussi, était content : il y en aurait du monde à cette noce ! ça, ferait bien, vous pensez, tant d'invités !

Les serviteurs se disent : « Ca y est, la salle est comble, on va aller demander au Maître de venir voir avant que les mariés n'arrivent. » Le maître fait le tour de la salle : « C'est bien ! c'est bien !… Ouh !… mais quelle odeur...! qu'est ce qui se passe ?… Que vois-je là-bas ? Pourquoi cet individu n'a pas été décrassé ? Pourquoi n'a-t-il pas l'habit de cérémonie ?…» - « Excusez-nous, Maître, nous l'avons bien fait passer au vestiaire mais il n'a voulu a aucun prix qu'on le nettoie, ni qu'on lui passe le bel habit ! » - « Ah, ah !…. il n'a pas voulu…? Eh bien ligotez-moi cet homme et mettez-le dehors, et en vitesse, en vitesse, ça empeste ici et les mariés vont arriver… vite, vite ! »

Et voilà les domestiques qui se précipitent sur le bonhomme et, hop, le voilà dans la rue. Il fait noir, c'est la nuit ; il fait froid, c'est l'hiver... on claque des dents et le pauvre clochard est de nouveau sur le trottoir... A qui la faute ? Il n'a pas voulu se décrasser…

Sous le couvert, sous le symbole de ce roi, Jésus nous fait voir son Père. Quel mal Dieu s'est donné pour nous faire partager son repas, sa vie de famille, son propre bonheur, son bonheur infini… et avec quelle désinvolture on le traite… !

Que n'a-t-il pas fait, Lui, Dieu, pour que nous allions vers Lui, pour que nous l'aimions, pour que nous revenions à Lui si nous l'avons abandonnés pour que nous soyons avec Lui dans son bonheur à Lui pour toute l'éternité ? Ah ! il s'en est donné du mal et de la peine, si je puis ainsi dire, pour y arriver. Il a fait des folies.

Oui, pour cela, Il nous a donné son Fils, son Fils unique jusqu'à en faire un de nous, jusqu'à le faire venir au milieu de nous, jusqu'à le faire vivre au milieu des hommes : oh ! combien Jésus a dû souffrir de cette promiscuité ! Lui, la Sainteté même, vivre au milieu des pécheurs ; Lui, l'intelligence souveraine vivre au milieu de gens bornés, bouchés ; Lui, la délicatesse même, vivre au milieu de gens grossiers, et cela, pendant 33 ans, pour nous persuader de le suivre, pour nous persuader combien nous serions heureux si nous l'écoutions, combien nous serions malheureux si nous étions séparés de Lui…

Il est allé plus loin encore. Il s'est laissé torturer et tuer par ces hommes pour essayer de les toucher, de les sauver... Il est mort pour eux, pour leur racheter le ciel, l'amitié de Dieu toutes les fois qu'ils les perdraient.. Oui, son Père nous l'a donné jusque là : « Dieu a tant aimé le monde, dit Saint Jean (ch.3, v.16) qu'Il lui a donné son Fils unique pour que quiconque voudra bien croire en Lui, quiconque voudra bien l'écouter aie la vie éternelle. » Que pouvait-Il faire de plus, tout Dieu qu'il est ... ?

Et Il n'en est pas resté là. Après ça Jésus nous a donné ses sacrements pour nous aider, comme pour nous donner la main, chaque fois qu'il y a un tournant dans notre vie, chaque fois qu'il y a un coup dur, afin que nous puissions être soutenus, aidés par Lui.

Il a même inventé la messe et la communion pour venir avec nous, en nous. Pour nous dire chaque jour, si nous le voulons, que tout ce qu'il a fait pour nous, sa Passion et sa Croix en particulier, il serait prêt à le refaire si c'était nécessaire, jusqu'à se laisser à nouveau saigner pour nous, s'il le pouvait, tellement il nous aime !

Avouez, hein ! Qu'est-ce qu'Il pouvait faire de plus…. ? Avouez que s'il a fait tout ça pour nous sauver, c'est que tout de même cela doit en valoir la peine ?

Il a même délégué tous ses pouvoirs aux prêtres pour qu'il nous exhortent sans cesse de sa part, pour qu'ils nous entraînent, pour qu'ils nous relèvent et nous pardonnent s'il nous arrive de tomber.

Or, que fait l'homme ? que faisons-nous ?
L'homme, trop souvent, se moque pas mal de toutes ces avances divines, il n'en fait pas de cas, il prend des airs dégagés : il a bien d'autres choses à faire, des choses bien plus importantes que de répondre à ces prévenances divines… Il a son travail, ses champs, son commerce, ses affaires, il a ses amours... Dès qu'il y a le moindre effort à faire pour montrer à Dieu qu'il a compris et qu'il veut l'aimer un tout petit peu lui aussi, l'homme refuse recule…

Avouez que si Dieu a quelque fierté, Il ne peut tout de même pas encaisser indéfiniment d'être ainsi traité et qu'il faut qu'un jour ou l'autre "ça craque". Si Dieu est vraiment quelqu'un, il faut tout de même que l'on ne puisse pas comme ça se moquer de Lui et de ses avances, et de son amour et de tout le mal qu'Il s'est donné... Il faut qu'on ne puisse pas se moquer de Lui impunément ou alors c'est la fin des fins ! Dieu se donne tant de mal, et l'homme, lui, ce petit monsieur, n'en fait aucun cas... il prend un air dégagé : « Je n'ai pas le temps de m'occuper de tout ça ! » Non mais, croyez-vous que ça peut durer toujours cette sinistre comédie...? Rappelez-vous cette parabole : ce roi s'était donné tant de mal pour que tout soit bien réussi, pour que rien ne manque à la fête. Il en avait envoyé des invitations et des re-invitations, jusqu'à trois fois ! Et ces petits messieurs, les invités, n'avaient pas le temps de répondre : ils avaient bien d'autres choses à faire ; ils étaient même furieux que le roi insiste... Résultat ? Jésus nous a dit que le roi était entré dans une colère terrible : « Eh bien, pas un ne goûtera de mon festin ! » Avouez tout de même que c'est bien fait, qu'ils ne l'ont pas volé !

Mais il nous faut aller plus loin encore. La privation de la joie de partager le bonheur de Dieu n'est pas une punition que Dieu nous infligerait en vertu d'un décret de sa justice. Il nous faut ajouter, préciser que dans la mesure où Dieu veut respecter cette liberté humaine qu'il a créée lui-même, Dieu ne peut faire autrement, Il est obligé d'agir de la sorte : Il a fait l'impossible, Il a fait des folies pour nous attirer vers Lui, parce que, nous ayant faits, nous ayant "construits" Lui-même, il sait bien que ça ne peut tourner rond pour nous, nous ne pouvons être pleinement heureux sans Lui. Mais si malgré tout cela, malgré toutes ses avances et les sollicitations et les assauts de sa grâce, nous persévérons à ne pas vouloir de Lui, Dieu ne peut nous violenter, Il ne peut pas nous mettre de force avec Lui, je dirais, nous serions encore plus malheureux puisque ce serait contre notre plein gré...

Comprenons-le donc bien : ce n'est pas Dieu qui fait notre malheur (vous pensez ! ), ce n'est pas Dieu qui a créé l'enfer, histoire de faire souffrir des coupables ! Vous pensez ce serait abominable. Dieu ne serait plus un Père... C'est nous bien plutôt qui créons l'enfer, si je puis ainsi dire, parce que, du fait de notre entêtement dans le mal, de notre encroûtement dans le péché, nous ne pouvons pas aimer Dieu, vouloir Dieu, puisqu'Il est l'opposé même de tous ces péchés, de tous ces vices en lesquels, avec obstination et frénésie, nous nous complaisons…

S'il y avait dans l'enfer des gens qui se repentent et qui voudraient tant soit peu revenir à Dieu, aller vers Lui, Dieu leur ouvrirait tout grands ses bras. Jésus l'a dit : « Celui qui voudra venir à Moi, je ne le rejetterai pas dehors ! » (Saint Jean, ch.6,v.37). Et rappelez-vous aussi la magnifique parabole de l'enfant prodigue…

Mais ces gens s'obstinent à ne pas vouloir de Dieu puisqu'ils s'accrochent obstinément à tout ce qui est l'antipode de Dieu. Sans doute, cette obstination reste pour nous quelque chose d'incompréhensible et de mystérieux.

Cependant les exemples ne manquent pas où, dès ici-bas, nous voyons des gens s'entêter dans une attitude qui les fait pourtant souffrir.

Tenez, je me rappelle une histoire de colonie de vacances, quand nous étions en Savoie au fort d'Aiton. Un garçon avait fait une scène terrible pour une petite plaisanterie de ses camarades. Furieux, il disait et répétait : « Je ne veux plus rester à la colonie, je ne veux plus rester, je ne veux plus rester ! je veux partir... ! » N'arrivant pas à le raisonner, je demande à un moniteur d'aller à la gare prendre son billet pour Paris. Puis, je vais trouver le garçon : « Il paraît que tu veux partir, retourner à Paris ? Ici, tu sais, on ne retient pas, on ne force personne, on est libre ! Tiens, voilà ton billet, on va te donner un casse-croûte, préparé tes bagages. Le train est à telle heure... » - « Bon, bon... » et il s'en va. Je l'avais à l'oeil. Je n'aurais pas voulu qu'il lui arrive quoi que ce soit, vous pensez bien ! Il a fait 100 mètres au delà du pont-levis du vieux fort qui nous servait de colonie. Il s'est assis sous un arbre... La colonie continuait. On jouait, on était gai. Il pouvait entendre les éclats de rire et les cris joyeux de ses camarades... A 7 h. du soir, il était toujours sous son arbre. On a soupé, on a fait la veillée. Il était toujours là, non plus assis car il commençait à faire froid, mais debout, appuyé contre son arbre, grattant la terre avec ses pieds pour se donner une contenance... L'heure du coucher est arrivée. Il devait commencer à s'ennuyer, à avoir froid, à avoir faim... mais Monsieur s'entêtait. Il est resté là jusqu'à 11 h du soir. La lune s'est levée, les chiens ont commencé à aboyer... Peut-être alors a-t-il "paniqué". Toujours est-il qu'une ombre, alors, a traversé le pont-levis... il est revenu !

Par ailleurs, la saine philosophie nous enseigne que la mort nous fixe fatalement dans les dispositions où nous étions à notre dernier moment. Si je puis prendre, là encore, une comparaison : supposez un film de cinéma sur lequel serait marqué : oui - non - oui - non - oui - non.. Si, à un moment donné, vous arrêtez le moteur tout en laissant la lampe allumée, vous aurez toujours la même image fixée sur l'écran, elle ne changera plus. Eh bien !. c'est un peu ce qui se passe pour nous. Pendant notre vie, parfois nous disons "oui" à Dieu et parfois nous lui disons "non", puis de nouveau nous lui disons "oui"... Un beau jour, le courant de la vie est coupé et nous restons fixés sur l'idée que nous avions au dernier moment. Si à ce moment-là nous avons dit "non" a Dieu, c'est fini, on reste fixé là-dessus et Dieu ne nous met pas de force avec Lui et si nous sommes malheureux loin de Lui, ce n'est pas de sa faute : nous l'avons bien voulu, nous le voulons bien.

De grâce, mes frères, ne méprisons pas les "avances" de Dieu, ne prenons pas à son égard des allures désinvoltes, ne nous "encroûtons" pas dans nos péchés. Déplorons-les, regrettons-les. Que toutes ces vertus chrétiennes, qui ne sont que reflets de la beauté de Dieu, restent toujours pour nous un idéal que, malgré nos faiblesses, nous voudrions bien atteindre.

Nous aussi, sachons solliciter avec insistance les récalcitrants, en évitant cependant tout ce qui pourrait leur faire croire que nous voulons leur forcer la main, violenter leur liberté : ce serait le plus sûr moyen de les éloigner encore davantage, tant l'homme est jaloux de sa liberté. Arrive un moment où il vaut mieux laisser l'âme à elle-même. Peut-être alors va-t-elle se sentir un peu désemparée ; peut-être, ayant goûté les fruits amers de ses fautes, cette âme se ressaisira-t-elle...? En tout cas, si extérieurement nous avons l'air de ne plus rien faire pour elle, redoublons d'insistance auprès du Seigneur par la prière, pour que sa grâce ressuscite en cette âme le désir de bien faire que nous, nous ne pouvons pas donner et sans lequel nous nous heurtons à un mur...

Enfin, que ceux qui, malgré les sollicitations, exhortations, réprimandes, ne veulent pas s'amender, mais s'encroûtent dans leur péché, ne trouvent pas mauvais qu'on ne les garde pas au sein de nos groupements. Le roi de la parabole, qui symbolise Dieu lui-même, a jeté dehors celui qui n'a pas voulu se décrasser et revêtir l'habit des noces.

 

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