Année A – 29ème dimanche ordinaire


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

De qui votre voisin, votre prochain est-il l'image... ?

I. Voici une leçon de catéchisme

1er exemple :

- "Crachez sur la photo de maman…"
- "Crachez sur le crucifix…"
- Ce camarade que tu injuries, de qui est-il l'image ?… Réponse de la Bible (Genèse, Epître de Saint Jacques).

2ème exemple :

- le Christ d'un calvaire outragé à l'entrée d'un village du Morvan…
- le sermon de " réparation "

II. Outrager son prochain (le maltraiter), c'est plus grave que de cracher sur un crucifix…

car :

- c'est Dieu lui-même qui l'a fait à son image…
- il a été non seulement béni mais consacré par le baptême…
- il est une image non pas morte mais vivante de Dieu.
- si cette image a été salie, abîmée, nous devons essayer de la nettoyer, de la restaurer... mais nous devant l'aimer quand même...


III. On comprend maintenant la sévérité du Christ pour ceux qui outragent leur prochain…
On comprend pourquoi le second commandement est semblable au premier et ne peut pas en être séparé.
On comprend pourquoi les saints aimaient tellement leur prochain… pourquoi ils ont été les grands bienfaiteurs de l'humanité…

Demandons à Dieu de nous aimer de cette façon-là...

 


HOMELIE

DE QUI EST-CE L'IMAGE ?

En regardant votre voisin, votre prochain, posez-vous donc cette question : « De qui est-il, de qui est-elle l'image...? »

Acceptez, mes frères, aujourd'hui, que je vous fasse suivre une leçon de catéchisme. Aussi bien, il n'y a qu'une seule et même vérité pour les adultes comme pour les enfants et, si la façon de la présenter à ces derniers est, doit être simple, je gage que, sous cette forme qui choquera peut être les esprits fiers, elle peut frapper les adultes et nous faire tous sérieusement réfléchir.

Or donc ce jour-là, j'apporte au catéchisme la photo de maman. Je leur en parle souvent de maman à ces enfants et je leur tiens à peu près ce langage : « Voici la photo de ma maman. Cette photo, nous l'avons tous, mes sœurs et moi. Cette photo, nous l'aimons beaucoup parce que nous adorions maman. Elle était si formidable, si dévouée à tous que, lorsque nous arrivions avec elle au petit village pour les vacances, c'était la fête pour tout le village. Cette photo, depuis la mort de cela fait déjà 33 ans, je l'ai toujours sur mon bureau... Je lui dois tant à maman ! »

« Eh bien ! cette photo, je vais l'accrocher là au mur. Et maintenant je vais vous demander à tous de vous lever (ils le font bien volontiers) vous allez tous défiler devant cette photo et, en passant, vous cracherez dessus. »

Tous se récusent, vous pensez !

« Ah ? et pourquoi ne voulez-vous pas cracher sur la photo de ma maman ? »

Les réponses sont diverses : « Ce serait l'insulter - une maman, c'est beau, on ne crache pas dessus - c'est comme si on crachait sur notre maman à nous ! »

Je poursuis : « Vous ne voulez vraiment pas ? »
« Non, non ! »
« Eh bien ! J'enlève cette photo et, à la place, je vais mettre... je vais mettre ce crucifix et je vous demande de faire la même chose. »
Les enfants sont scandalisés.
J'insiste : « Vous ne voulez pas ? »
« Non, non ! »
« Pourquoi non ? »
« Parce que c'est l'image de Jésus, ça montrerait que nous ne sommes plus chrétiens. »
« Pourtant, il n'est pas bien beau ce crucifix ! »
« Oui, mais c'est l'image de Jésus quand même... »

Je poursuis encore : « Oui, oui, vous avez bien raison... Mais tiens, tout à l'heure un tel, tu ne te disputais pas dans la cour avec ton camarade ? Si même j'ai bien entendu, tu le traitais de tous les noms d'oiseaux rares !... Tu lui en disais des injures ! Alors, ton camarade, un tel, c'est l'image c'est la photo de qui ? Dis-moi, dites-moi tous, à votre idée, c'est l'image de qui ? »
Les réponses fusent : « C'est l'image de sa maman, de ses parents ! » Quelques-uns hasardent : «  C'est l'image de Dieu. »
« Tenez, la vraie réponse, nous allons la trouver dans ce grand livre (la Bible) qui renferme tout ce que Dieu a voulu nous apprendre. Ouvrons-le aux premières pages qui nous disent comment, à cette époque lointaine où elles ont été écrites, on se représentait la création. Alors Dieu se dit : faisons l'homme à notre image et ressemblance, qu'il règne sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail et sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur le sol. Dieu créa l'homme à son image ; à l'image de Dieu il le créa. »(Genèse, ch. 1 v. 26-28).

« Tournons maintenant les pages et prenons, à la fin de ce grand livre de la Bible, la lettre que Saint Jacques écrivait aux premiers chrétiens dispersés dans le monde. Dans cette lettre, il passe un "savon" aux bavards et aux… bavardes qui n'hésitent pas à dire du mal des autres. Ainsi "par notre langue nous bénissons Dieu, notre Père, et par elle aussi nous disons du mal des hommes qui sont faits à l'image de Dieu. De la même bouche sort ainsi la bénédiction et la malédiction. Il ne faut pas, mes frères, qu'il en soit ainsi…" (St Jacques, ch.3,v.9 et 10). Saint Jacques dit encore : "Ca ne peut pas aller : d'un côté vous faites des compliments à Dieu, vous lui dites des tas de belles choses, et de l'autre, vous dites des injures à votre prochain qui est l'image de Dieu ! Ca ne va pas, ça ne peut pas aller… »

Lorsque j'étais au monastère, je remplissais les fonctions de curé dans une petite paroisse du Morvan. J'y allais en moto. Ce jour-là, j'étais en retard (ça m'arrive !) et j'allais à toute vitesse. J'arrive, je dis la messe et, en sortant de l'église, je vois sur la place tout un attroupement. « Père, vous n'avez pas vu, vous n'avez pas vu la croix à l'entrée du village ? »  - « Non, je n'ai pas fait attention, qu'est-ce qu'il y a de spécial ? » - « Figurez-vous que dimanche soir un groupe de chenapans qui revenaient de la chasse et qui sans doute avaient bu un "coup de trop" se sont amusés à décharger leur fusil sur le Christ… Ils lui ont tiré dessus… Les bras sont coupés. Il est pendu la tête en bas et les deux morceaux de bras, sont restés accrochés, aux bras de la croix...! On ne peut pas laisser les choses comme ça, pensez, à l'entrée du village ! C'est une honte ! »

Parmi les gens qui étaient là, il y en avait qui n'étaient pas chrétiens, en tout cas qui ne pratiquaient pas : ils ne voulaient pas, eux non plus, qu'on laisse les choses comme ça. Alors nous sommes allés voir la croix. On a enlevé tous les morceaux du christ brisé et on les a apportés à l'église, sur l'autel. Les gens ont demandé que l'on fasse une procession de réparation et qu'on remette en place un beau Christ. Il répugnait, même aux non-pratiquants, de voir à l'entrée de leur village un crucifix que l'on avait outragé... Pourtant, ce n'était qu'une image. Nous avons donc fait une cérémonie de réparation. Ce jour-là, l'église était comble.

Or, dans ce village, on cancanait beaucoup les uns sur les autres. Certains prenaient un malin plaisir à déchirer la réputation des autres, à dire du mal des autres, à "casser du sucre" sur le dos des autres. Vous pensez si j'en ai profité pour leur dire, dans un sermon bien "tassé", que médire, dire du mal de, son prochain, à plus forte raison le calomnier ou l'injurier, c'était un méfait qui ressemblait étrangement à cet outrage envers le crucifix qu'à juste titre ils condamnaient tous. Dès lors, notre cérémonie de réparation ne serait sincère que si nous promettions tous de faire effort pour faire cesser, dans ce pays, la fâcheuse manie de se dénigrer ainsi mutuellement...

Réfléchissons un peu, nous aussi :

« Voyez ! cette croix, elle représente Jésus. Est-ce qu'elle le représente bien ... ? Celui qui l'a faite n'était pas, semble-t-il, un bien grand artiste ; il a représenté Jésus comme il a pu, de son mieux. De plus, cette croix, elle est en fer blanc.. elle n'a pas grande valeur. Elle a été bénite, c'est vrai ! Mais notre prochain ? Qui l'a donc fait à l'image de Dieu...? C'est Dieu lui-même qui l'a fait à son image en lui donnant un esprit, une âme. Quand Dieu fait quelque chose, je pense qu'ordinairement c'est réussi ! S'il a fait l'âme de mon prochain à son image, c'est qu'elle doit bien lui ressembler en effet. En plus, cette âme elle n'a pas seulement été bénite comme cette croix, elle a été consacrée à Dieu, par le sacrement de Baptême… »

« Tout à l'heure, vous n'avez pas voulu cracher sur la photo de maman et vous avez encore moins voulu cracher sur ce crucifix : vous avez eu bien raison. Mais dites-moi maintenant, à votre avis, qu'est-ce qui est le plus grave : cracher sur la croix ou dire des injures à prochain ? »

Les enfants répondent ordinairement : « C'est pareil ! »

« Eh bien ! mon avis à moi, Père Jean, c'est qu'il est plus grave de dire des injures à son prochain (ce qui revient au même que de lui cracher dessus). Pourquoi ? Premièrement : parce que mon prochain ressemble bien plus à Dieu puisque c'est Dieu lui-même qui l'a fait à son image. Il n'a pas du rater son coup ! Deuxièmement : mon prochain est sûrement bien plus profondément consacré à Dieu par le baptême qu'un crucifix qui est simplement bénit. Enfin, troisièmement : mon prochain est une image vivante de Dieu, est pas seulement une image morte en plâtre ou en fer blanc… Par conséquent si je dis des injures à mon prochain, c'est bien plus grave que si je crachais sur un crucifix… »

Il est vrai que, trop souvent hélas !, cette image, cette ressemblance avec Dieu est bien détériorée. Oui, ce n'est que trop vrai. Cette ressemblance divine, en effet, je puis l'accentuer ou, au contraire, la diminuer, l'abîmer, la salir... Voilà quelqu'un qui est menteur comme un arracheur de dents ; de ce fait, il ressemble beaucoup moins à Dieu qui est toute vérité : il a abîmé cette ressemblance. En voilà un autre qui au contraire est très franc, qui est généreux, dévoué, très chic avec les autres : il a accentué cette ressemblance divine. Jésus nous y exhortera : « Soyez parfaits, soyez bons comme votre Père du ciel ! » (St Matthieu, ch.5,v.48 - St Luc, ch.6, v.36).

Si quelqu'un avait sali, abîmé la photo de maman, comme j'aime vraiment ma mère, j'essayerais tout de suite d'essuyer cette photo, de la nettoyer. De même, quand je vois l'image de Dieu défigurée dans tel ou tel, cela doit me faire de la peine et je dois essayer de toute la force de mon amour de Dieu de tout faire pour restaurer cette image et cette ressemblance divine. Mais, en attendant, même si l'image est défigurée, abîmée, il n'en reste pas moins vrai que mon prochain a toujours un esprit comme Dieu, une volonté comme lui, un cœur comme lui : c'est pourquoi je dois toujours l'aimer du même amour que celui dont j'aime Dieu lui-même ; comme j'aime la photo de maman d'autant plus fort que mon amour pour elle est plus grand ! »

Ces comparaisons nous permettent de comprendre certaines affirmations du Christ qui, à première écoute, nous sembleraient exagérées. On vous a dit : tu ne tueras pas ; celui qui aura tué mérite d'être puni par les juges. Moi, je vous dis : que quiconque se met en colère contre son frère mérite de passer en jugement ; que celui qui aura dit à son frère : imbécile ! devra en répondre devant le Sanhédrin ; et celui qui l'aura traité de fou sera passible d'être jeté à la géhenne de feu (= au dépotoir !). (St Matthieu, ch.5, v.22).

Oui, vous comprenez maintenant pourquoi on ne peut pas dire que l'on aime Dieu si on n'aime pas son prochain "à bloc". L'Apôtre Saint Jean se mettait en colère quand il entendait des gens dire : « J'aime Dieu » alors qu'en même temps ils étaient mauvais pour les autres. Il leur disait : « Celui qui prétend aimer Dieu et qui n'aime pas son frère est un menteur ! » (1ère Epître, ch. 4, v. 20) et il ajoutait : « Celui qui jouit des richesses de ce monde et qui voir son frère dans la nécessité sans l'aider, comment pourrait-il prétendre avoir en lui l'amour de Dieu ? » (ibi. ch.3, v.17).

Vous voyez pourquoi Jésus a dit que le second commandement qui nous demande d'aimer notre prochain est semblable au premier qui nous demande d'aimer Dieu. On ne peut séparer les deux. De même que je ne puis pas dire que j'aime vraiment ma maman si je crache sur sa photo, de même je ne puis dire que j'aime vraiment Dieu si je maltraite son image qui est mon prochain. C'est pour cela que Jésus se fâche également contre ceux qui font de longues prières et qui ensuite, volent, exploitent les pauvres malheureux, la veuve et l'orphelin : « Ils subiront pour cela une peine encore plus sévère. » (Marc, ch.12, v.20).

Vous comprenez qu'un vrai chrétien aime donc le prochain d'un amour bien plus fort que s'il l'aimait simplement par pitié, comme on a pitié d'un animal qui souffre…

Un vrai chrétien aime son prochain d'un amour bien plus fort que s'il l'aimait comme un égal, un frère humain…

Non, non, c'est bien plus formidable : on aime les autres, on les respecte avec le même amour, le même respect que l'on a pour Dieu lui-même ! La charité chrétienne, nous disent les théologiens, est une vertu théologale, parce qu'elle a pour objet Dieu lui-même, ou le prochain mais en tant qu'il est image de Dieu. Encore une fois, c'est du même amour que j'aime maman et sa photo...

Vous comprenez comment les saints aiment leur prochain à la folie, de la façon dont ils aimaient Dieu lui-même. Vous comprenez pourquoi ils ont été pour l'humanité de si grands bienfaiteurs, pourquoi ils ont tant fait pour elle...

Que ce serait formidable si tout le monde s'aimait de cet amour-là…!

Demandons-le au Seigneur !

 

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