Année A – 2ème dimanche de l'Avent


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

 

" Convertissez-vous ! "

Jean Baptiste nous le dit...

Jésus début sa prédication par ces mots (cf. St Marc, ch 1, v 15)

Saint Pierre, au jour de Pentecôte, fait la même exhortation à son auditoire (Actes, ch 2, v 38)

Les Théologiens aujourd’hui résument toute la pratique évangélique dans ce mot de " conversion " ou " métanoïa "

Aujourd’hui, on laisserait croire que le monde est déjà converti, que le monde est déjà conforme à l’évangile...!

D'où vient cette erreur ?

Constatant à quel point "Dieu est mort" dans notre monde, combien ce monde est souvent imperméable à l’Evangile...

Pour faire accepter celui-ci de façon plus générale, plus massive, au lieu d’essayer de convertir le monde à l’Evangile, on a converti l’Evangile au monde :

1°) On a ramené le dogme à ce que la mentalité d'aujourd'hui peut admettre... exemples... alors que Jésus, devant leurs abandons suscités par sa doctrine sur l’Eucharistie, ne fait que l’affirmer plus fortement encore...

2°) On a ramené la morale évangélique à la façon d'agir générale, sous prétexte d’être " dans le vent ", comme si ce vent était le souffle même de l’Esprit Saint... alors que Jésus avait déclaré qu'il y avait peu de gens qui accepterait de passer " par la porte étroite qui conduirait à la vie ! " (St Matthieu ch.7, v. 14).

3°) On a voulu supprimer " les exercices religieux ". L’Evangile dit-on, doit être une foi, non une " religion "... ceci, sous prétexte que trop de chrétiens se contentent d’une " pratique religieuse " qui n’a aucune répercussion sur la vie... alors que si, en effet, la religion, c’est notre vie tout entière vécue à la mode de Dieu, pou y arriver nous avons besoin que " les exercices religieux " viennent tisonner notre flamme, notre ferveur, et que la grâce de Dieu, obtenue par la prière et les sacrements, viennent nous aider.

Conclusion

Recourons aux exercices religieux et aux sacrements pour attiser notre ferveur...

Faisons l’effort, surtout durant cet Avent, pour conformer de mieux en mieux notre vie à l’Evangile sans l’édulcorer en quoi que ce soit... Gardons-lui son " mordant ".

 


HOMELIE

 

L'EGLISE EN MARCHE ARRIERE !

" Convertissez-vous car le Royaume de Dieu est proche ", nous crie Jean Baptiste aujourd’hui.

" Les temps sont accomplis, convertissez-vous et croyez à l’évangile ! " : C’est la première parole de Jésus en Saint Marc.

" Convertissez-vous et faites-vous baptiser. " C’est la réponse de l’Apôtre Saint Pierre au jour de la Pentecôte à ceux qui lui demandent ce qu'ils doivent faire pour profiter du salut de Jésus-Christ.

" Convertissez-vous ". Ce mot de " conversion " semble tellement exprimer et résumer l’Evangile que les théologiens ont voulu le garder dans la forme primitive de la langue grecque et ils nous parlent à tout bout de champ de " métonoïa " ce qui veut dire conversion ! Cette consigne que Jésus Christ a lancée, que les Apôtres nous ont transmise, Saint Paul en était tellement pénétré et convaincu que, pour lui, recevoir le baptême c’était rompre complètement, définitivement avec sa vie précédente pour commencer une vie nouvelle. Toutes les oraisons des messes de la fête Noël reviendront là-dessus : nous demanderons au Seigneur de nous dépouiller du vieil homme pour revêtir l'homme nouveau : l'homme nouveau, c’est là tout le contraste entre l’homme selon l'Evangile et l'homme selon le monde !

Aujourd'hui on ne veut plus l'admettre ! On dirait que c'est déjà fait, le monde est déjà converti, que ce monde est changé, que tout le monde est chrétien, que tout le monde, il est bon, il est beau ! et qu'il n'y a plus qu'à se reposer.. !

Comment a-t-on pu en arriver là, jusqu’à penser et à dire, au moins implicitement que ce que pense le monde, c'est cela même que pense Jésus-Christ ?

L’intention était peut-être bonne au point de départ. Torturés par ce constat de la mort de Dieu dans notre monde, déchirés par ce constat que dans notre monde d’aujourd’hui l'immense majorité abandonne Dieu, ne se préoccupe plus de Dieu, ne prend même pas la peine de le nier mais le traite comme inexistant, inintéressant, de modernes théologiens se sont demandés : que faire pour que l’Evangile de Jésus-Christ, pour que l’amour de Dieu puisse pénétrer à nouveau dans notre monde ?

Alors certains se sont dit : il faut essayer d’arranger l’Evangile pour qu’il soit acceptable pour notre monde d’aujourd’hui, pour qu’il puisse rentrer dans nos mentalités d’aujourd’hui. Par conséquent, retranchons de l’Evangile tout ce qui choque notre monde empirique, scientiste, reléguons tout cela au grenier des mythes et des symboles dont les Apôtres ont habillé le message de Jésus-Christ pour qu’il soit au goût de l’époque d’alors. Et l’on supprimera de l’Evangile tout ce qui est surnaturel, à commencer par les miracles, à continuer par la divinité de Jésus-Christ, à poursuivre par la résurrection réelle de son corps. Naturellement tous les sacrements y passeront et surtout la Sainte Eucharistie qui sera réduite à un repas fraternel : le partage du pain !... Pas besoin par conséquent d’aucune " conversion de l’intelligence ou de l’esprit pour être chrétien " ; l’Evangile qu’on nous propose se réduisant à de purs symboles de charité sociale et d’amour du prochain, tout le monde l’acceptera sans conteste...

Comme nous voilà bien loin de la façon de procéder de Jésus ! Justement, à l’occasion du sermon sur le pain de vie, sur l’Eucharistie, lorsque le Seigneur parle pour la première fois de ce mystère sacré, l’immense majorité de ses auditeurs déclare : " Ca c’est trop fort ! c’est inadmissible ! " (cf. St Jean ch 6, v 60), et abandonne Jésus-Christ. Que va-t-il faire, lui qui pourtant veut tous les sauver ? Va-t-il essayer d’expliquer qu’il faut bien le comprendre que ce n'est là qu'un symbole ? Non non, Jésus Christ affirme de nouveau avec plus de force : " En vérité, en vérité. je vous le dis, si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme et ne buvez pas son sang vous n'aurez pas la vie en vous..."  (V.52-53) et les gens tournent les talons... Alors Jésus, Lui, se retourne vers ses Apôtres qui sont restés là : " Voulez-vous vous en aller vous aussi ?"  Il les laisserait donc partir même eux, plutôt que d'édulcorer ce qu'Il vient de dire ! Et Pierre a cette magnifique protestation de confiance et de foi : " Te quitter, toi, Seigneur ? mais à qui irions-vous alors ? Tu as les paroles de la vie éternelle ! " (v. 67-68).

D’ailleurs, même raisonnement parlant, cet Evangile, expurgé de tout surnaturel ne tient pas debout : si Jésus-Christ n'a rien fait d'extraordinaire, si vous reniez tous ses miracles, comment se fait-il qu’il y ait eu tant de gens qui l'ont pris pour le Fils de Dieu ?

Cette croyance à la divinité de Jésus-Christ, dès les débuts, elle est attestée par les documents de l'époque à commencer par les Epîtres de St Paul, elle a même été la cause des persécutions : voyez dans les Actes des Apôtres (ch. v 55- 60) le récit du martyr de St Etienne, le premier de tous les martyrs chrétiens... et par la suite les chrétiens seront martyrisés parce qu'ils refusaient d'adorer. aucun homme, fut-il César, à l’exception de Jésus-Christ ! Cette croyance, cette foi, d'où provient-elle ! comment se fait-il que des juifs, pour lesquels Dieu était essentiellement le Tout Autre, le Transcendant ont cru que ce Dieu Transcendant était le charpentier du village et le pendu de la Croix ? Expliquez cela de la part de gens qui ne font certes pas figure d'exaltés ni d'illuminés ! Expliquez cela de la part de gens de toutes conditions et qui le croient au point de risquer leur vie pour cette conviction. Expliquez cela si Jésus n’a pas fait ces prodiges, ces miracles ! Comment du reste, en Palestine, dans le pays même où Jésus a vécu, les Apôtres ont-ils pu réussir à faire croire à des gens qui le connaissaient bien que Jésus avait fait tous ces miracles qu’ils nous racontent dans les Evangiles, si Jésus n'en avait fait aucun ?... Cela ne tient pas !

Pour être chrétien aujourd’hui, pas besoin non plus, paraît-il, de conversion de mœurs ! J’entendais encore cette réflexion, il y a peu de jours : " Il faut être de son époque... il faut suivre l'évolution des idées et des mœurs " Comme si cette évolution était uniquement le fruit du souffle du Saint Esprit et de la grâce de Dieu travaillant dans les âmes ! Pour qui a un peu de bon sens, il est bien évident que la grâce de Dieu n'est pas seule au travail dans le vaste champ du monde ! Il y a aussi - pour reprendre les mots de l'Evangile – " l’Ennemi " qui, alors que les ouvriers du champ se sont peut-être un peu assoupis sème l’ivraie sur le bon grain ! Dans ce mouvement de l'histoire, dans cette évolution des mentalités et des mœurs il nous faut trier les scories et ne pas tomber dans le panneau. Sous prétexte de rallier tout le monde, on va renier l'idéal et les exigences les plus authentiquement évangéliques ! Le Seigneur, Lui, dans St Matthieu, termine son discours-programme, l'Evangile de la montagne dans lequel il a exposé tout son idéal, en disant : " Entrez par la porte étroite car large et spacieux est le chemin qui mène à la perdition et il en est beaucoup qui le prennent ; mais étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la vie, et il en est peu qui le trouvent ! " (St Matthieu, ch.7,v.13 14). Nous voilà bien loin de nos démagogues qui, soi disant pour avoir plus de monde, veulent assaisonner l’Evangile de leur glucose !

On nous dira : ce qu’il faut garder de l'Evangile, c'est le message social, et aujourd’hui il n’y a plus d’autres péchés les péchés sociaux ! Nous voilà bien ! Le christianisme ramené à un simple socialisme ! Je pense que tout de même, quiconque lit les feuillets de l’Evangile s’aperçoit que ça va beaucoup plus loin. Certes, il y a ce côté social, et on l’a peut-être trop oublié jadis. Ce côté social, cette réforme économique et sociale, d’après les principes de l’Evangile, va même beaucoup plus loin - j'ai eu bien des occasions de vous le dire - que toutes les révolutions que l’on a pu inventer… Mais ce n’est pas à ce message seulement que se réduit la mission de Jésus-Christ. Ce qui importe avant tout, c’est de retrouver nos vraies dimensions humaines, nos vraies dimensions de fils de Dieu, d’appelés à partager la gloire même de Dieu et, en attendant, de vivre " à la mode " de Dieu : " Soyez parfaits comme votre Père du ciel est parfait ! " dit le Seigneur (St Matthieu, ch. 5, v. 48).

D'autres nous disent, ce qui fait que le christianisme est laissé de côté aujourd’hui, ce n'est pas seulement à cause de ses mystères ou à cause des exigences de sa morale, mais c’est parce qu’il est devenu " religion " et que les chrétiens se sont enfermés dans leur pratique religieuse, dans leurs prières, dans leurs rites, dans leurs messes et leurs sacrements ; c’est que parfois ils en sont venus à penser que, pour être davantage à Dieu, à leur oraison, à leur prière, il leur fallait quitter le service du monde. Alors ce monde, ce monde de demain, se construit sans eux et sans Dieu. Les chrétiens sont absents du chantier, et comme les gens d'aujourd'hui sont des gens pratiques qui ont le souci de l'utile et de l’efficace, si le christianisme ne sert à rien pour refaire un monde plus humain et plus beau, eh bien ! on n'a que faire de ce christianisme-là !

Cette critique, elle nous touche peut-être, mes frères, car, en effet, certains - et nous sommes peut-être du nombre - sont tombés dans cette erreur et ont privilégié leurs exercices religieux sur la vie. Il n’y a qu'à tourner les feuillets de l’Evangile pour voir que cela est en contradiction totale avec l'enseignement et l'attitude de Jésus-Christ qui, Lui a fustigé avec tant d’énergie ce pharisaïsme, ce formalisme religieux : il ne pouvait pas le supporter, Lui, le Seigneur ! Et quelle gifle il a envoyé à ceux qui faisaient de longues prières et se pliaient à tous les rites de l’époque mais qui, ensuite, oubliaient la justice, la bonté, la loyauté... ou qui voulaient cacher leurs exactions derrière ce paravent : ils seront doublement condamnés, nous dit le Seigneur !

Ce qu'il nous faut absolument retenir, c'est qu'il ne s’agit pas de " cloisonner " Dieu dans une partie de notre vie, mais de lui consacrer au contraire notre vie tout entière. Dieu ne peut pas admettre qu'il y ait dans notre vie la moindre seconde qui soit athée, sans Dieu, parce que, à ce moment-là, Dieu se, renierait lui-même, il ferait un péché mortel ! C'est toute notre vie qui doit être offerte au Seigneur. Mais pour que notre foi anime ainsi toute notre vie, pour qu’elle la transfigure, pour qu'elle nous pousse, qu'elle soit le dynamisme et le ressort qui nous lance dans cette transfiguration du monde, il faut que cette foi soit tisonnée par les exercices religieux, par les sacrements, par cette contemplation du Seigneur. Sans la prière, sans la méditation de la Parole de Dieu, cette ardeur, cet enthousiasme finissent par s'éteindre et notre vie perd son dynamisme, tout son élan : nous n’apportons plus rien de spécial, ni de nouveau au monde !

Chers frères chrétiens, que notre prière, que les sacrements reçus avec les dispositions requises pour leur efficacité, que notre messe dominicale attisent cette flamme.

Convertissons-nous chaque jour davantage et plus spécialement durant cet Avent ! Acceptons avec joie l’Evangile tout cru sans l’arranger à notre sauce, ce qui lui enlèverait tout son " mordant " et ne pourrait que le rendre insipide. De grâce, ne ramenons pas le mystère de Dieu, du Dieu Infini, au niveau de notre petite intelligence, ni son idéal au niveau de notre médiocrité humaine...!

 

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