HOMELIE
" Mes frères, tout de même, il va falloir aller dormir !"
C’était la remarque que l’un de mes vicaires adressait à la multitude de nos fervents qui emplissaient notre église cathédrale de Choisy-le-Roi, une nuit de Pâques. L’office avait pourtant duré trois heures d’horloge, et ces chrétiens étaient si heureux d'avoir chanté la gloire de Dieu, d’avoir écouté sa parole, d'avoir entouré les nouveaux baptisés, d’avoir participé au sacrifice du Christ, qu'ils attendaient encore alors que le père avait épuisé tout son répertoire de chants. Dans leur cœur montait un sentiment semblable à celui de Saint-Pierre dans l'Evangile de ce jour : " il nous est bon d'être ici, Seigneur, si tu le veux bien, fixons-y notre tente ! "
Cette même réflexion, ce même sentiment, nous l’avons recueilli parfois, à l’époque, sur les lèvres de nos jeunes, à la sortie d'une messe particulièrement fervente : "une messe comme celle-là, on la recommencerait bien !" Cette réflexion, l’expression de ce sentiment, nous l'avons recueillie bien des fois sur les lèvres de nos paroissiens d'alors qui nous disaient que pour tout l'or du monde, ils ne voudraient pas quitter cette paroisse. Cette réflexion, l'expression de ce sentiment, noue l'avons recueillie avec encore plus de joie sur les lèvres de non-pratiquants, voire d'incroyants, qui nous disaient : " dans notre quartier, quelque chose a changé depuis quelques temps. On cherche à se connaître, on commence à se saluer, à causer ensemble, on s'entraide, on s'estime , on s'aime davantage. Depuis quelques temps ? Depuis quand, s’il vous plaît ?... Depuis que les chrétiens qui habitaient ce quartier avaient pris plus au sérieux leur christianisme et s'étaient insérés davantage dans leur quartier. "
Tout ceci pour vous faire comprendre, par des faits, que le Seigneur est venu transfigurer nos vies et nous apporter la joie. Est-ce que nous sommes suffisamment convaincus que Jésus-Christ est " le Sauveur ", qu'il est venu nous sauver du péché, et par conséquent de pas mal de souffrances et de misères, et nous apporter sa joie, comme il l'a dit lui-même à la veille de nous quitter : " Ce que je vous ai dit, tout l'enseignement que Je vous ai donné, c'est pour que ma joie (Sa joie de Fils de Dieu et ce n'est pas rien !) soit dans vos cœurs. " C'était le but du Seigneur. Il y en a tant autour de nous, mes frères, qui se figurent que l'Evangile c'est "barbant" ! Et que mettre le Christianisme dans notre vie, ça va l'assombrir, ça va l'attrister ! Eh bien, je crois que c'est un devoir pour nous, un devoir d'amour envers Jésus-Christ de relever le défi et d'être un témoignage vivant qui démontre que ceux qui suivent au pied de la lettre l'enseignement du Seigneur, son idéal et qui sont passionnés d'amour pour Lui, sont plus épanouis, plus heureux et répandent, comme Jésus lui-même, autour d'eux, la joie.
Lui, si il s'est " dérangé " du ciel, si je puis ainsi dire, c'est pour instaurer dès ici-bas le royaume de Dieu, c'est pour inaugurer dès ici-bas la vie et, par conséquent, apporter déjà un peu de ce bonheur sensationnel qu'évoquent l'un et l'autre. Le ciel ! il doit commencer sur cette terre ! Et, en fait, le jour où Jésus avait rendu bien vivant, à cette pauvre maman éplorée qui avait déjà perdu son mari, son fils dont elle pleurait le décès, ce jour-là, il y avait un peu moins de souffrance sur la terre, il y avait même un peu plus de joie ! Comme il y avait moins de souffrance et plus de joie lorsqu'il guérissait les aveugles et les estropiés ou nourrissait les affamés ou encore lorsqu’il pardonnait aux cœurs tenaillés par le remords !
Eh bien, c’est cette même mission, c'est ce travail que Jésus nous demande de poursuivre sur la terre - apporter la joie au monde transfigurer le monde ! Embellir le monde ! Et, pour cela, nous-mêmes être des emballés de Jésus-Christ ! Si nous réfléchissons un petit peu, il est bien évident que c'est plus agréable de vivre avec des gens qui pratiquent le partage comme Jésus nous le demande et de pouvoir se dire que les biens, les dons, les talents de nos voisins, nous appartiennent en quelque sorte, puisque nous savons, comme le prescrit Jésus-Christ, que ces biens, des talents seront mis à notre disposition toutes les fois que nous en aurons besoin. C’est tout de même plus agréable de vivre avec des gens qui agissent ainsi, que de vivre avec des avares, aux doigts crochus, ou avec des égoïstes ratatinés sur eux-mêmes et qui cherchent toujours à exploiter les autres !
Si, dans notre communauté chrétienne, comme Jésus le prescrit à la communauté de ses disciples en Saint Matthieu, (ch.18, v.5-10) le plus petit, le plus méprisé, le plus abandonné, le plus pauvre est le roi, parce que, tout le monde se met à son service, comme dans une vraie famille où tous les frères et sœurs s'occupent avec amour du dernier-né, ou du moins favorisé par la nature, il est bien évident qu'il y aura plus de joie et d'épanouissement non seulement pour ce " plus petit ", pour ce " laissé pour compte ", mais aussi pour toute la maisonnée, pour toute la communauté.
Si dans notre communauté chrétienne, il règne une totale loyauté, si, selon la recommandation du Seigneur, (Matthieu, ch.5, v.33-38) notre oui est un oui, notre non est un non, au point que la parole d'un chrétien vaille un serment, ne sera-ce pas plus agréable de vivre au sein de cette communauté que de se sentir environnés d'hypocrites qui vous feront des tas de mamours par devant et qui, par derrière, iront " casser du sucre sur votre dos " qui prendront des responsabilités et des engagements qui ne seront jamais tenus, et vous obligeront de vivre constamment dans un climat de méfiance ! c'est tout de même plus agréable de vivre avec des gens sur lesquels on peut compter !
Si, dans notre communauté chrétienne, nous essayons de réaliser pleinement ce que Jésus nous a dit de l'amour, de l'amour humain.... c'est bien vrai qu'au fond de tout cœur humain sommeille le rêve de rencontrer un compagnon, une compagne auquel, à laquelle, on pourra dire en toute vérité : " je t'aime comme jamais je n'ai aimé personne autre au monde, tu es mon élus ou tu es ma choisie, tu es le tout de ma vie ; et, au fond, tout ce que Jésus nous demande, concernant l'amour c'est pour que ce rêve devienne réalité. Si nos foyers, si nos jeunes portent ce témoignage là, ne croyez-vous pas qu'ils vont susciter un emballement et qu'ils vont donner envie aux autres de les imiter ? (Matthieu, ch.6, v.16-19). Si, comme le demande le Seigneur encore, nous ne nous préoccupons que d'une seule chose, le " qu’en dira Dieu " et que le " qu'en dira-t-on " nous laisse bien indifférents, ne croyez-vous pas que cela nous donnera une liberté totale vis-à-vis de tout conformisme, de toute mode, de tout engouement ...? Ne croyez-vous pas que cela nous permettra toutes les audaces pour le bien, sans nous laisser arrêter par un conformisme étroit et désuet ?
Ne croyez-vous pas que cela nous donnera une personnalité "du tonnerre" qui fera envie aux autres !
Si, comme nous le demande le Seigneur (Matthieu, ch.5, v.38-42), au lieu de répondre au mal par le mal, nous essayons de " sidérer " notre adversaire, celui qui nous a fait du mal, en lui rendant au contraire le bien, il est bien évident que ce sera le meilleur moyen d'arrêter la dispute, la guerre le meilleur moyen de "souffler" l'adversaire qui sera tout confus, qui ne comprendra pas et que cela pourra peut-être faire jaillir dans son cœur un point d’interrogation : d'où vient cette force de caractère, cette maîtrise de ses réflexes automatiques, d'où vient cette profusion d'amour, d’où vient cette générosité de cœur ?
Si nous nous retrouvons tous les dimanches, mes frères, pour chanter la gloire de notre Dieu, si nous sommes imprégnés du sens de la Grandeur, de l’Infinité de Dieu, et de sa tendresse pour nous, si, lorsque nous sommes rassemblés autour de cet autel, nous sommes bien convaincus que Jésus va venir nous redire à chacun : " je t'aime tellement que mon Calvaire, ma Passion pour toi, je serais prêt à les recommencer, et à me laisser de nouveau saigner pour toi, en mettant mon corps d'un côté et mon sang de l'autre : " ceci est mon corps ", " ceci est mon sang !" Si nous prenons conscience de cette folie de Dieu, de cette folie de Jésus-Christ, comment voulez-vous que nous ne ressortions pas de notre église, gonflés à bloc pour aller porter le témoignage de l'amour de Dieu à tous ceux qui nous entourent ?
Et voilà pourquoi, mes frères, profitons de ce Carême pour nous imprégner encore plus de cette présence, de cet enseignement, de cet idéal de Jésus-Christ, que tout cela pénètre, rentre " dans notre peau ", pour que nous on soyons transfigurés nous-mêmes, et qu'en conséquence autour de nous, nous puissions aussi, avec sa grâce, transformer l'atmosphère, rayonner autour de nous, y apporter la joie, et, à ce moment-là, attirer vers le Seigneur tous ceux qui sont en quête de bonheur ! Quelle merveille ! Quelle révélation ce serait, mes frères, si, en regardant les chrétiens, on pouvait comprendre qu'il fait bon être là où se trouve Jésus-Christ !