Année A - 2ème dimanche de Pâques


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HOMELIE

 

THOMAS ! ... THOMAS ! ... THOMAS ! ...

Ce n'est pas un individu seulement qui répond à cet appel, j'en vois surgir dix, vingt, cent... bien plus de cent ... vous tous, mes frères et moi le tout premier.

Nous sommes tous des Thomas. " Je ne croirai que quand je verrai. "

Qui dit cela ? Saint Thomas seulement ? ... Non, des milliers, des millions, nous-mêmes et tout le monde plus que jamais aujourd'hui ...

Vous savez ce que c'est que bouder ? Ça vous arrive peut-être. Le brave Thomas lui, il boudait le bon Dieu. Il avait mis tellement d'espoir en Jésus, il avait tellement cru que c'était Lui le Messie, il l'avait tant aimé, au point d'être prêt à mourir avec Lui quand Jésus monta, pour la dernière fois, à Jérusalem. Et puis voilà, il s'était trouvé devant ce gibet où son Maître, son ami, son Dieu avait été pendu comme un scélérat. C'en était trop ! Tout son rêve s'effondrait : désormais on ne lui en ferait plus accroire. Aussi quand ses compagnons, ses camarades viennent lui dire qu'ils ont vu le Seigneur et qu'eux sont tout joyeux, lui, il se renfrogne, il boude. Il ne veut pas croire parce qu'il a peur d'être encore une fois déçu. Pauvre Thomas qui est triste alors que tous les autres sont si joyeux !

Mais Jésus qui sait bien à quel point il L'aime, a pitié de cet Apôtre. Exprès pour lui, il va revenir au milieu de ses disciples et Il va se plier aux exigences que Thomas a mises pour se rendre à la foi. " Regarde mes mains, mets ton doigt dans les trous qu'y ont fait les clous, avance ta main, mets la dans mon côté, ce côté qui a été ouvert par la lance, et reconnais que c'est bien Moi qui suis là en chair et en os." Thomas tombe à genoux : " TU ES MON SEIGNEUR, TU ES MON DIEU ! "

Il n'avait pas tout à fait tort, le brave Thomas, de ne pas vouloir croire à la légère à une chose aussi extraordinaire que la résurrection du Christ. Il n'avait pas tout à fait tort de ne pas vouloir accepter, sans être plus informé, la foi de ses camarades. Du moins, il a eu le courage de mettre le doigt dans les plaies de Jésus-Christ, d'accepter les preuves que Jésus voulait bien lui donner… " MON SEIGNEUR ET MON DIEU ! " Quel bel acte de Foi !

Nous avons certes raison, nous aussi, de ne pas vouloir croire à la légère. Rappelez-vous ce que je vous disais il y a quelques dimanches à propos de la résurrection de Lazare. Dieu ne pourrait apporter la collaboration de sa grâce à un acte de foi qui serait " volontairement " à la légère. Cet acte de foi ne pourrait donc être surnaturel. Dieu ne peut collaborer à un péché et c'en serait un, ce serait péché d'imprudence, que de croire " volontairement " (je souligne le mot) à la légère, en se refusant de chercher à savoir, avec les moyens dont nous disposons si notre foi est fondée ou non raisonnablement.

Mais Dieu veut toujours sauvegarder dans notre acte de foi, comme dans tous nos actes, religieux du reste, la place de la liberté, pour que notre foi ait une valeur morale. Dans tout ce qui touche à la religion, il faut que la liberté ait sa place. Dieu nous a fait libres exprès pour que nous puissions adhérer à Lui librement, pour que cette adhésion soit le fruit d'un choix, d'un amour préférentiel.

Pour les Apôtres, il est bien vrai que le constat de la résurrection du Christ forçait, pour ainsi dire, leur assentiment. Mais justement Dieu n'a accordé d'être les témoins de cette résurrection qu'à ceux qui, déjà avant cela, avaient fait bien librement leur choix. D'autres, bien d'autres, avaient vu les miracles de Jésus, mais des miracles moins contraignants, si je puis dire, si bien qu'ils les avaient récusés ou bien, pour une raison ou une autre, ils avaient lâché Jésus après l'avoir suivi. Ce fut le cas de la plupart des disciples, par exemple, lorsque Jésus avait parlé pour la première fois de l'Eucharistie. (St Jean, ch. 6, v. 60, 66). Les Apôtres, eux, malgré tout, lui étaient restés fidèles ; ils Lui avaient donné une foi inconditionnée. Il est vrai qu'elle avait subi une éclipse au moment de la Passion, mais ce n'était qu'une éclipse, le fond de leur coeur restait accroché librement au Seigneur. C'est pourquoi, pour eux, pour eux seuls qui avaient déjà fait librement leur choix, Jésus pouvait leur donner maintenant cet " argument-massue " : le revoir vivant en chair et en os devant eux.

Le Seigneur qui veut que notre Foi soit raisonnable, puisqu'il nous a faits tels, nous donne, à nous aussi, des motifs pour que notre foi soit, en effet une foi raisonnable, et non pas une foi imprudente, à la légère. Mais ces motifs, nous pouvons les esquiver, nous pouvons refuser de les considérer, de les approfondir. " Mets ton doigt ici et là ", disait Jésus à Thomas... Lui, du moins, a accepté ; mais combien de Thomas aujourd'hui refusent de " mettre le doigt dans l'engrenage. " Ils ne veulent pas trop y réfléchir parce qu'ils ont peur ; ils ont peur que, s'ils mettent le doigt dans cet engrenage, ils y passent tout entiers... et la religion leur fait peur. ( Remarquez que c'est peut-être notre faute. On l'a tellement souvent présentée sous l'aspect du renoncement, du sacrifice ! Comme si les sacrifices et renoncements demandés par le Christ n'étaient pas pour avoir un surcroît de vie et de joie dès ici-bas !). Alors on formulera des exigences, déraisonnables pour se tendre à la foi. Alors sous les prétextes les plus futiles, on refusera d'aller y regarder de trop près : ce serait mettre le doigt dans l'engrenage ! Alors on aura, dans le domaine de la foi, des exigences que l'on n'a pas dans les autres domaines, on récusera les preuves que l'on accepterait dans tous les autres domaines, on aura deux poids et deux mesures...

Voyons quelques-uns de ces prétextes fallacieux les plus largement répandus chez les non croyants, les non pratiquants !

" Je ne crois qu'à ce que je vois ! " disent ceux qui veulent jouer aux durs, à ceux à qui on n'en fera pas accroire.

Ils ne réfléchissent pas, ceux qui tiennent de tels propos, qu'il y a beaucoup de choses même matérielles qu'ils ne voient pas et de l'existence desquelles ils ne sauraient douter, des choses auxquelles on n'a cru du reste depuis toujours à cause de leurs effets. Mentionnons seulement l'air sans lequel nous ne pourrions vivre et on a toujours cru, bien avant que l'on puisse lui donner une apparence visible en le liquéfiant. Pensons, encore aux ondes.... etc. ils oublient qu'il y a des tas de choses dont nous découvrons l'existence par le simple raisonnement avant de les avoir vues. L'exemple de la planète Neptune par Le Verrier est célèbre ; comme celui de la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb… Mais nous en trouverions des multiples dans notre vie quotidienne. Or, c'est du même instrument dont nous nous servons pour détecter l'existence de Dieu, l'existence d'un Etre qui se suffit à Lui-même, d'un Etre dont l'existence ne dépend d'aucun autre...

Ils oublient du reste ceux qui tiennent ces propos que, selon l'expression du Petit Prince : " l'essentiel dans notre vie est invisible ! " Que serait une vie humaine sans amitié, sans conversation, sans échange d'idées ? Or, quel est le poids, la couleur, la forme d'une amitié, d'une idée ? Toutes ces réalités, pourtant capitales dans notre vie humaine, sont et demeureront toujours invisibles ; nous n'en voyons que les manifestations, les effets... Ainsi en va-t-il de l'Esprit Suprême, de Dieu...

D'autre, voulant se draper du manteau de la Science, pensent avoir tout dit, tout expliqué quand ils affirment doctoralement : " l'homme descend du singe ". (Je l'enseigne aussi au catéchisme - ce n'est pas contraire à 1a foi - pourvu que nous reconnaissions que notre personnalité, notre intelligence est tout de même un surplus que Dieu nous a donné). Ou encore on vous dit : "l'univers est parti d'un atome primitif gigantesque et affreusement condensé qui a fini par exploser " (Nous le disons aussi - figurez-vous même que c'est un prêtre, le chanoine Lemaitre de Bruxelles qui l'a découvert et qui a lancé cette hypothèse). Ou encore on vous dit : " Dans l'Univers, tout s'explique par des lois ! " Encore une fois, nous sommes d'accord ! Mais, ce singe se suffit-il à lui-même ? Cet atome, se suffit-il à lui-même ? Si oui : c'est eux qui sont Dieu adorons-les ! Si non, il faut aller chercher plus loin ! Ces lois, d'où viennent-elles ? Nous les découvrons, nous les appliquons, nous ne les inventons pas. Qui les a imposées à la Nature ?...

Au fond, ces pseudo-savants raisonnent comme des primitifs. Ceux-ci se disaient : Dieu, c'est celui qui donne la vie. Or ce qui nous donne la vie, c'est cet animal dont dépend notre subsistance ; c'est le soleil, la pluie, la terre, la lune qui font pousser les légumes et les fruits qui entretiennent notre vie. Ils n'allaient pas plus loin : ce soleil, cette pluie, cet animal, c'était leur dieu, la dernière réponse au dernier pourquoi sur l'origine de leur existence, et de leur vie...

Aujourd'hui, on s'arrête à la station suivante : aux lois ! Et arrivés là., terminus, tout le monde descend. Le chemin de la raison ne va pas plus loin… ne doit pas aller plus loin… C'est un peu court, avouez, pour des " chercheurs " !

Voici un autre problème religieux pour lequel on se refuse à appliquer les critères que l'on applique dans les problèmes profanes similaires, je veux parler de la valeur des Evangiles.

A l'école, certes, on est bien obligé de parler de l'existence de Jésus-Christ quand on traite de l'histoire ancienne. Mais ses miracles ?…. c'est de la 1égende ! C'est vite dit, c'est vite classé !

Mais pourquoi refuse-t-on systématiquement d'appliquer ici les normes qui servent, en tout autre domaine, à établir si un fait est historique ou non ? Dira-t-on que c'est parce que ce sont là des choses invraisemblables ? ... Alors là, nous sommes bien mal placés aujourd'hui pour accepter cette excuse. Nos savants ne réalisent-ils pas, en effet , des choses extraordinaires que l'on hésite pas, abusivement du reste, à qualifier de miraculeuses, en tous cas des choses qu'on aurait pu, il n'y a pas si longtemps, taxer d'incroyables, d'invraisemblables : pensez à la marche sur la lune à la conversation avec les astronautes ! Qu'en aurait pensé notre cher père Abraham ? Qu'en aurions-nous pensé il y a seulement 50 ans ? !!!

Dans tous les autres domaines, la véracité historique d'un fait s'établit sur les dépositions concordantes de témoins dont la sincérité est hors de conteste. Ici, la sincérité des Evangélistes est hors de cause puisqu'ils n'hésitent pas à parler de leurs défauts, aussi bien du reste que des faiblesses de leur héros : Jésus, nous disent-ils, a redouté la souffrance, Il ne pouvait dire quand ce serait la fin du monde, etc…

L'historicité des faits racontés dans l'Evangile ne nous est pas garantie par les dépositions concordantes de 4 témoins sincères seulement, mais par cette foule de contemporains et de compatriotes du Christ qui se sont ralliés, par milliers, nous l'avons vu, à la prédication des Apôtres, et ce, au péril de leur vie. Car c'est bien en Palestine et non à l'autre bout du monde, aux compatriotes du Christ que les Apôtres ont prêché l'Evangile avant que de l'écrire. Aujourd'hui, on voudrait nous faire croire que l'Evangile aurait été plus ou moins inventé par les communautés chrétiennes pour asseoir leur foi ou pour l'exprimer... ! Alors ça il ne faut tout de même pas confondre l'effet et la cause ! Dites-moi un peu qu'est-ce qui a rassemblé en communautés ces premiers chrétiens, contemporains et, pour la plupart, compatriotes du Christ ... ? Expliquez-moi un peu, s'il vous plaît, comment ces gens ont pu se rallier au pendu du Golgotha, condamné, exécuté comme un scélérat, par les plus hautes autorités religieuses de leur pays...? Comment ont-ils pu en arriver à l'identifier ( les documents sont là ) avec leur Dieu, ce Dieu qui, pour eux juifs, était essentiellement le Transcendant, le Tout-Autre ? Comment ont-ils pu affirmer cela malgré toutes les persécutions et parfois jusqu'au martyre, si ce Jésus durant la vie qu'il avait menée au milieu d'eux, n'avait rien fait d'extraordinaire ... ? Voilà bien ce qui serait le miracle des miracles, voilà bien l'incroyable.

Et à quelle fantaisie historique ne se livre-t-on pas quand on affirme que ces chrétiens, après s'être ralliée à ce condamné sans aucun motif, inventaient de toutes pièces ses faits et gestes, alors qu'au contraire les documents de l'époque nous les montrent si soucieux (on le comprend sans peine pour des gens qui risquaient leur peau !), si soucieux de remonter aux sources authentiques, pour savoir bien exactement ce que Jésus avait dit et fait.

Encore une fois, dans aucun autre cas, on oserait agir de cette façon de peur de se faire taxer de déloyauté...! Deux poids et deux mesures !

Notons que c'est le souci d'authenticité attesté par tous les documents de l'époque qui a fait rejeter les Evangiles dits "apocryphes" : leur origine apostolique ne paraissait pas suffisamment garantie ou leur doctrine ne concordait pas avec la doctrine apostolique. C'est le cas de l'évangile apocryphe de St Thomas qui est tout imprégné de sagesse bouddhique et bien connu, depuis belle lurette, par tous les savants en science biblique. Robert Serrou, dans un article récent, paru dans Paris-Match à l'occasion de la découverte et de la traduction d'un manuscrit copte de cet évangile, à la naïveté d'insinuer que ce livre pourrait, remettre en cause l'idée que nous nous faisons de Jésus et de son enseignement. Qu'il explique donc pourquoi c'est cette idée de Jésus et cet enseignement qui ont prévalu auprès de gens qui, c'est incontestable au point de vue historique, avaient ce souci d'authenticité !

Enfin ce que beaucoup mettent encore en avant aujourd'hui pour ne pas " mettre le doigt dans l'engrenage", ce sont les fautes, les défaillances de l'Eglise, les scandales moraux et sociaux de l'Eglise.

Alors là encore, dites-moi, s'il vous plaît, quel est le groupement, quel est le parti qui n'a jamais connu de déviations ? Quelle est la famille, une simple famille humaine, qui tout de même est un peu moins nombreuse que l'Eglise, quelle est la famille qui, au cours de son histoire, une histoire qui compte un peu moins d'années que les 20 siècles de l'Eglise, n'a pas connu de scandales ? Cet argument ne porterait que si ces déviations, ces scandales moraux ou sociaux étaient dans le droit fil de l'enseignement de l'Eglise ; cela ne porterait, que si ces pratiquants, dont on incrimine la vie et qui, soi-disant, ne sont pas meilleurs que les autres, recevaient toujours les sacrements et allaient toujours à la messe avec les dispositions voulues pour en retirer quelque chose ... !

THOMAS ! Accepte donc d'y mettre ton doigt ! Accepte donc de revoir loyalement les motifs de la foi de l'Eglise, accepte d'essayer de vivre selon l'Esprit du Christ… Je gage, si tu es sincère, qu'un jour viendra où tu t'écrieras, toi aussi, en tombant aux pieds du Seigneur : " MON SEIGNEUR ET MON DIEU !" Ce Dieu, oui, tu l'auras comme "expérimenté", comme "touché"… "Jusqu'ici je ne te connaissais que par ouï-dire, disait Job, mais maintenant je t'ai vu ! " (Job ch. 42, v. 5).

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