SOMMAIRE DE L'HOMELIE
Evangélisation par ricochets… par contagion…
C'est celle que décrit Saint Paul dans l'Epître…
C'est celle que nous avons choisie :
- La communauté sacerdotale ou religieuse…
- La communauté paroissiale…
- Ceux qui nous entourent
C'est la façon dont s'est propagé le Christianisme aux débuts… (cf Actes des Apôtres)
C'est la façon dont les moines ont évangélisé l'Europe…
Le BUT de cette évangélisation = étendre
la religion… relier les gens de façon explicite à Dieu.
Certains pensent qu'il suffit que les gens aient une relation implicite avec
Dieu du fait qu'ils suivent une certaine morale qui, au fond, s'appuie sur Dieu,
ou pratiquent certaines vertus qui sont des reflets de la beauté de Dieu…
Dieu ne se contente pas de cela :
La Bible le montre "en quête de l'amour de l'homme".
Jésus nous dit que le premier commandement est le plus important…
Jésus nous dit que Dieu est "notre Père"… un Père
ne peut se contenter de relations de ce genre avec ses fils…
Il n'y a pas que des privilégiés qui sont appelés à
avoir des relations personnelles et filiales avec Dieu…
Donc, nous sommes poussés à faire des gens qui nous entourent des "amis" et des "fils de Dieu".
- par notre amour du Seigneur…
- par notre amour de ces gens… (sans cela ils sont amoindris…)
Erreur de ceux qui cherchent à supprimer toutes les cérémonies qui tendent à créer, pour tous ces gens matérialisés, une ambiance qui leur révèle leurs vraies dimensions…
Que penser de l'engagement politique et social ?
Il est nécessaire - il ne suffit pas.
CONCLUSION :
Fidélité à nos rapports explicites avec
Dieu : prière du matin et du soir - messe dominicale.
Créer au cours de cette messe une ambiance de recueillement et de ferveur
:
- qui nous "remonte" pour que la communauté devienne plus évangélique et attrayante…
- qui frappe ceux qui y viennent par hasard ou que nous y amenons…
TROIS...QUATRE...SEPT...DOUZE... !
Nous étions tout fiers de notre performance lorsqu'avec mes camarades nous jouions près du petit étang à faire des ricochets sur l'eau avec des cailloux bien plats, à qui en ferait le plus...
Aujourd'hui, dans la seconde lecture que nous venons d'entendre, Saint Paul se réjouit de tous les ricochets que fait l'Evangile dans le monde. Lui-même, il s'est employé à recopier le Christ de son mieux. Ces chrétiens de Salonique, à leur tour, ont essayé de copier Paul et eux-mêmes, maintenant, sont devenus un exemple pour toute la Grèce et toute la Macédoine, et même au delà. Le témoignage de leur foi et de leur conversion totale à l'Evangile est tellement connu qu'il ouvre partout la voie à Saint Paul dans sa prédication de l'Evangile.
C'est ce même jeu que nous ambitionnons de jouer ici, dans notre chère paroisse. C'est toute notre méthode d'évangélisation, de christianisation, la méthode du ferment vantée par le Seigneur lui-même, la méthode de la contagion évangélique.
En tant que moines, nous nous sommes engagés à vivre l'Evangile au pied de la lettre et de prendre à notre compte, non seulement tous les commandements du Seigneur Jésus, mais même ses simples conseils. Nous voulons, sans pour autant y réussir toujours, hélas, faire de cet idéal évangélique l'absolu de notre vie. Nous voudrions que vous nous fassiez cette charité de nous aider à réaliser cet engagement qui traduit, du reste, le souhait le plus profond de nos cœurs. Que vous nous aidiez en nous faisant remarquer charitablement et fraternellement quand nous ne sommes pas à la hauteur pour que nous puissions nous ressaisir.
Nous voudrions vous entraîner dans cette même voie par notre exemple. Nous voudrions que la joie, que l'enthousiasme, que la charité rayonne de notre communauté religieuse au point de vous faire envie ; car, c'est comme cela que nous concevons notre rôle dans la paroisse comme dans nos divers groupements, y compris nos groupements de jeunes : être vos entraîneurs en vivant, les premiers au milieu de vous, ce que nous vous prêchons.
Nous sommes persuadés qu'à son tour le témoignage de vie de notre communauté paroissiale ouvrira l'accès de l'Evangile authentique à beaucoup d'âmes de bonne volonté qui nous entourent.
C'est ce moyen d'évangélisation et de conversion, cette méthode d'apostolat que nous avons choisie entre toutes les autres.
En vérité, durant de longs siècles, l'Eglise ne connut guère d'autre méthode d'évangélisation que celle là : une communauté chrétienne s'installe et rayonne exerçant une sorte d'attrait invisible. Les chrétiens formaient un groupe qui tranchait sur les autres et qui suscitait l'admiration, exerçait une attirance. Les Actes des Apôtres l'insinuaient déjà : « Tous les croyants étaient ensemble et ils avaient tout en commun. Chaque jour, ils allaient fidèlement au Temple ; dans leur maison, ils rompaient le pain, ils prenaient leur repas avec joie et simplicité de cœur louant Dieu et se rendent agréables à tout le peuple, et (c'est une conséquence, semble-t-il) tous les jours Dieu ajoutait à l'Eglise ceux qui étaient sauvés. » (Actes des Apôtres, ch.2, v. 44 et ss). Plus loin nous lisons : « Ils se réunissaient tous sous le portique de Salomon. Personne d'autre n'osait se joindre à eux, mais le peuple clamait hautement leur louange, et (voici encore la conséquence) hommes et femmes, la multitude de ceux qui croyaient au Seigneur augmentait toujours. » (ch. 5, v. 13).
Il semble bien que ce fut de cette façon que s'étendit le christianisme. En tout cas, il faut reconnaître que ce fut par excellence la méthode d'apostolat de ces grands moines missionnaires qui évangélisèrent l'Europe : ils fondent une communauté monastique qui rayonne autour d'elle par l'exemple et la charité autant et plus que par la prédication. Peu à peu les populations au sein desquelles ils vivent sont gagnées à leur foi et sont introduites lentement dans le rythme de prière et de vie religieuse de ces moines, en participant plus ou moins, mais toujours quelque peu, à ce mouvement de recherche de Dieu qui est concrétisé dans la vie même des religieux.
Car c'est bien là le BUT de notre apostolat et, il faut bien le dire, ce devrait être le but premier de tout apostolat : propager la religion, c'est-à-dire, selon le sens étymologique du mot, relier tous ces gens qui nous entourent avec Dieu, établir entre eux et Dieu des relations explicites. C'est là, me semble-t-il, le travail tout à fait spécifique du prêtre en tant que prêtre. Il n'est pas un leader politique, il n'est pas un économiste, il est essentiellement le "pontife", celui qui fait le pont, qui établit le trait d'union entre l'homme et Dieu.
On l'oublie trop, aujourd'hui. A voir l'attitude de certains. on pourrait croire que l'on peut se contenter d'une relation implicite entre les hommes et Dieu du fait qu'on a une vie correcte, qu'on pratique les vertus naturelles qui sont comme des reflets de la beauté de Dieu. Cela montre que, implicitement, on est accroché à Lui puisqu'on s'accroche ainsi à ses reflets.
Mais est-ce que Dieu peut se contenter d'une relation de ce genre-là ? Est-ce que Dieu s'en contente ?
Pour le prétendre, il faudrait arracher presque toutes les pages de la Bible qui nous montrent Dieu en quête de l'amour, de l'amour explicite de l'homme.
Pour le prétendre, il faudrait supprimer ce premier commandement que Jésus vient de nous rappeler en nous disant que c'est non seulement le premier mais aussi le plus important : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton esprit, de toute ton âme, de toutes tes forces. » Dieu demande un amour qui soit totalitaire.
Pour le prétendre, il faudrait nier cette révélation que Jésus est venu nous apporter tout particulièrement, à savoir que Dieu est un Père, "notre" Père. Est-ce qu'un père peut se contenter de relations implicites avec son enfant ?
Pour le prétendre, il faudrait dire que seules quelques âmes privilégiées sont appelées à une intimité d'amitié avec le Seigneur et que, pour l'immense majorité, ses relations avec Dieu consistent seulement à observer une morale naturelle qui, en définitive, s'appuie sur Dieu. Il faudrait soutenir que, pour cette immense majorité des hommes, il n'est pas nécessaire de conserver avec Lui, de Lui donner signe de vie, de chercher explicitement à Lui plaire. Encore une fois, cette immense majorité pourrait-elle, dans ces conditions être appelée à la filiation divine ? Qui pourrait soutenir de telles théories ?
Mais si nous sommes convaincus que Dieu veut cette intimité avec l'homme, avec tout homme sans faire de ségrégation, si nous sommes convaincus que Dieu quémande cet amour de l'homme, comment cela ne nous ferait-il pas mal de voir que ces rapports explicites et filiaux existent si peu chez les gens qui nous entourent ? Et comment, si nous avons quelque amour du Seigneur, ne pas nous mettre en quatre pour essayer de lui procurer, de lui amener ces amis qu'il réclame ? C'est là, répétons-le, avant tout et par dessus tout le but de notre sacerdoce.
Ce but, il nous est donc assigné par notre amour de Dieu, mais il l'est aussi par notre amour de l'homme, par le sentiment que nous avons de la grandeur de l'homme : nous pensons, en effet, qu'il est capital de ne laisser l'homme se réduire à des dimensions terrestres, matérielles temporelles, mais que c'est notre devoir de l'ouvrir à ses dimensions spirituelles, éternelles, divines, sans quoi, il restera toujours un être rabougri, diminué, tronqué... un amoindri et, qu'on le veuille ou non, un insatisfait profond…
Or tout, dans notre monde actuel, semble fait pour étouffer l'âme humaine et pour ramener l'homme à des dimensions, à des soucis purement matériels, terrestres, temporels... qui l'absorbent tellement qu'ils lui apparaissent comme primordiaux, essentiels tandis que sa relation avec Dieu, sa dimension surpra-terrestre, supra-matérielle lui apparaît, au mieux aller, comme secondaire, facultative, réservée à une élite comme un article de luxe…
Le plus affligeant, c'est qu'à une époque où l'on se targue de faire de la psychologie, on s'efforce de supprimer ou du moins de minimiser au point qu'elles n'apportent plus rien, toutes ces cérémonies populaires qui étaient les rares occasions, pour cet homme accaparé par le matériel, de trouver une ambiance qui lui permette de prendre conscience de ses dimensions spirituelles et divines.
Je pense aux cérémonies de baptême, de profession de foi, de première communion, de confirmation, de mariage ou d'enterrement que l'on a tendance à réduire de plus en plus. Sous le fallacieux prétexte que ces cérémonies n'étaient bien souvent que fidélité à des traditions ancestrales ou des occasions de fêtes et de banquets, on voudrait les réduire au minimum, parfois même les supprimer, comme on a supprimé les groupements de jeunesse sous prétexte qu'ils étaient devenus de simples organisations de loisirs….!
On a trop oublié que c'étaient là les seules occasions où ces gens pouvaient sentir qu'il y avait en eux d'autres aspirations que désirs de confort et de bien-être matériel et que le tout de l'homme, le but suprême de la vie, n'était peut être pas uniquement de travailler, sa vie durant, à assurer ce bien-être matériel. On a trop oublié que c'était l'occasion pour ceux qui, bien souvent, sont si démunis spirituellement, de découvrir chez eux une autre dimension. Et voici que bêtement, en supprimant ou en minimisant toutes ces cérémonies, on se fait complice de "l'athéisation", si j'ose employer ce mot, de la matérialisation du monde. On dirait que nous nous liguons pour que tous ces gens ne donnent jamais plus signe de vie au Seigneur, pour qu'ils n'aient jamais plus de relations personnelles et explicites avec Lui, alors qu'il nous appartenait de revitaliser tous ces gestes religieux, de les rendre plus beaux, plus prenants, plus facteurs d'un silence intérieur et porteurs d'un recueillement à la faveur duquel, ces démunis spirituels auraient pu sentir sourdre en eux d'autres voix, d'autres appels que ceux d'une vie purement matérielle… Tous ceux qui, loyalement, s'y sont employés peuvent dire, je crois, que c'est "payant"… Ne tombons pas dans cette astuce du diable, de l'ennemi de Dieu…
Sur quoi donc compte-t-on alors aujourd'hui pour réveiller les âmes étouffées par le matérialisme environnant ?
On prône avant tout l'engagement dans la lutte pour le mieux être temporel, surtout des plus déshérités : puisque ce monde est complètement matérialisé, occupons-nous avant tout, de son bien-être matériel, bagarrons avec lui dans ce domaine, montrons-lui par les faits que notre foi, notre amour de Dieu, loin de nous détourner de ce souci temporel, nous pousse au contraire à chercher, à multiplier pour lui ce pain (entendez ce bien-être) matériel. Peut-être alors pourrons-nous ainsi là conduire, ce monde, jusqu'à ce Seigneur qui nous inspire ce dévouement et ce combat...
Certes, j'ai eu assez d'occasions de souligner devant vous que cet engagement temporel était un devoir primordial pour le chrétien et combien cet engagement était indispensable pour faire tomber bien des préjugés et capter une bienveillance nécessaire pour ouvrir les oreilles à l'audition du message évangélique.
Mais, à mon humble avis, je ne pense pas que cela soit suffisant pour faire découvrir à un être matérialisé ses dimensions spirituelles et l'ouvrir à un commerce intime avec le Seigneur... Je l'ai dit et je le répète souvent, je suis sûr qu'une religion authentique - je dis bien : authentique - conduit infailliblement au social. Rappelez-vous seulement ce que nous avons dit dimanche dernier : on ne peut pas vraiment aimer Dieu sans aimer le prochain qui est son image. Par contre, je ne suis pas du tout certain que le social conduise infailliblement au religieux. Le Seigneur Jésus aurait bien des choses à nous dire sur ce point : la foule l'a poursuivi jusque de l'autre côté du lac parce qu'en multipliant les pains, « il lui a donné à manger tout son soûl » (c'est lui-même qui le dit). Mais ensuite, quand il veut inciter cette foule à rechercher « la nourriture qui demeure en vie éternelle », elle ne le suit plus, et quand il révèle que cette nourriture, c'est Lui-même, cette foule tourne les talons (cf. Saint Jean, ch.6, v.26-60-66).
Ne nous laissons donc pas impressionner par toutes ces théories subversives de toute religion authentique qui sont répandues dans l'air que nous respirons aujourd'hui. Comprenons bien que Dieu veut que nous le traitions comme une de nos connaissances, comme un Ami, comme un Père, et que par conséquent, nous pensions explicitement à Lui, que nous causions avec Lui (causerie, du reste, qui peut être muette, en pensée simplement, puisque Dieu lit dans notre cœur).
Comme un enfant poli et aimant, n'oublions pas de lui dire notre "bonjour" et notre "bonsoir" dans notre prière du matin et notre prière du soir. A ce propos, laissez-moi vous dire combien j'ai été assez surpris quand, tout dernièrement, lors d'une session, un des membres de nos groupements avouait sans ambages qu'il ne faisait presque jamais sa prière du matin, alors qu'il n'aurait eu gare d'oublier de saluer, chaque matin, chacun des membres du groupe et d'embrasser jusqu'à quatre fois les filles qui le composaient !
Soyons surtout très fidèles à ce rendez-vous du dimanche que nous donne le Seigneur. Cette messe, essayons de la rendre de plus en plus fervente, plus emballante, pour que, d'une part, nous puissions y puiser nous-mêmes cet enthousiasme, cette ferveur qui permettra à notre communauté de trouver l'élan pour mener une vie authentiquement évangélique, pour être ainsi ce témoignage qui fait ricochet, qui fait boule de neige, qui est contagieux, dont je vous dont parlais tout à l'heure.
Rendez cette messe de plus en plus fervente, de plus en plus
recueillie, afin, d'autre part, que celui qui n'a pas l'habitude d'y venir mais
qui s'y trouverait par hasard ou que vous y auriez attiré, plongé
dans cette ambiance, puisse entendre au fond de son cœur la voix du Seigneur
et découvrir ainsi ce que c'est que d'être relié à
Lui de façon explicite et… filiale !