Année A – 3ème dimanche de l'Avent


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

"ES-TU LE SAUVEUR QUI DOIT VENIR OU DEVONS-NOUS EN ATTENDRE UN AUTRE ? "

Le monde d'aujourd’hui dans son désarroi n'attend plus grand chose de l’Eglise qui devrait être cependant le prolongement du Christ-Sauveur.

Aurions-nous fait perdre à Jésus aux yeux des gens ce titre de "Sauveur" ?

POURTANT... Il avait bien été annoncé comme tel : Jean-Baptiste... Les anges aux bergers…

Et le signe qu’il était le Sauveur, c’était sa pauvreté…

Un enfant qui naît sur la paille…

Le fils du charpentier…

Il n’a pas où reposer sa tête...

Il meurt sur un gibet…

Cela pour faire découvrir à notre monde qu'il y a d'autres valeurs que les valeurs matérielles…

Cette leçon est plus importante que jamais aujourd’hui où le désarroi du monde vient de ce qu’il est matérialiste.

Pour porter le même témoignage, nous, chrétiens.-, écoutons et suivons les recommandations du Christ.

Il nous demande :

De penser d'abord à l’âme (textes...).

De nous débarrasser de tout égoïsme en nous mettant au service des autres… en nous dépouillant à leur profit...

de faire attention aux malheureux... (Lazare, le jugement dernier…)

de pratiquer le partage…

Applications de ces recommandations par les premiers chrétiens :

La communauté de Jérusalem… On met tout en commun

St Paul :

Mettre nos " charismes " au service des autres...

savoir nous dépouiller au profit des autres de ce que nous avons de plus qu’eux pour que règle l’égalité...

qu’il n’y ait pas de repus à côté d’affamés…

Notre façon de vivre donne-t-elle à penser que, pour nous, il y a d’autres valeurs que les valeurs matérielles ?

Acceptons-nous de ne pas être payés pour les dons que nous avons reçus gratuitement ?

Comme dans une vraie famille, sommes-nous au service du plus démuni…?

Beaucoup de chrétiens, comme le jeune homme riche de l’Evangile, n’acceptent pas ce dépouillement nécessaire pour entrer dans le Royaume… Pour y arriver, il nous faut la grâce, a dit le Christ.

Avec elle, donnons ce témoignage à un monde matérialisé qui, voyant ce " miracle " de la charité chrétienne s’exprimant jusque dans ce domaine matériel, reconnaîtra plus facilement que le Christ est " le " Sauveur ?

 


HOMELIE

 

" ES-TU LE SAUVEUR QUI DOIT VENIR OU DEVONS-NOUS EN ATTENDRE UN AUTRE ? "

Le monde, tout le monde aujourd’hui, se sent au bord de la catastrophe et se demande avec anxiété : " qui donc pourra nous apporter le salut ? "

Le tragique, c’est que l’Eglise d'aujourd'hui déçoit, a tellement déçu tout le monde, qu’il n’est personne ou presque qui, à travers elle, à travers nous, pose encore au Christ la question des envoyés de Jean-Baptiste : " Es-tu celui que nous attendons ou devons-nous attendre un autre Messie, un autre Sauveur ? " Plus personne, - ou presque, ne s’attend aujourd'hui à ce que le salut vienne de l'Eglise... vienne des Chrétiens, tellement ils sont devenus comme les autres..

Il y a là de quoi faire rudement réfléchir ! Serait-ce à cause de nous que Jésus serait aux yeux de nos contemporains, découronné de l’un de ses plus beaux titres, celui de Sauveur ?

Aux envoyés de Jean-Baptiste Jésus avait répondu : " Allez dire à Jean ce que vous avez vu : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent... en un mot les souffrants sont soulagés, la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres, et heureux celui que je ne scandaliserai pas ! "

A Noël, le messager devra dira aux petits, aux pauvres, aux bergers : " Je vous annonce une bonne nouvelle pour tout le peuple : un Sauveur vous est né et voici son signalement : vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une mangeoire d'animaux." (St Luc, ch. 2 v.10-13).

Voici donc le signe auquel vous reconnaîtrez que c'est votre Sauveur : sa pauvreté !

Quoi ! Le prophète avait chanté en parlant du messie : " Il délivrera le pauvre de celui qui l’exploite, compatissant au pauvre et au faible, de l'oppression et de la violence il les délivrera et leur vie sera d'un grand prix à ses yeux ! " (Psaume 71, v.12-14).

Oui ! il est littéralement né sur la paille. Charpentier, fils de charpentier, il gagnera, sa vie à la sueur de son front. Il souffrira du mépris que l’on a trop souvent pour les petites gens : " Ce n'est après tout que le fils du charpentier du village.. " et quel village : un trou perdu dans les montagnes !

Durant sa vie publique, " il n’aura pas pierre où reposer sa tête (St Matthieu, ch. 8, v. 20) et il mourra dans le dénuement absolu sur un gibet... Et " ce sera là le signe qu’il est le Sauveur ! " car, s’il s’est fait pauvre lui-même c’est pour mieux connaître la misère des pauvres, non pas de façon abstraite mais de manière à pouvoir mieux compatir à cette misère, l’ayant lui-même expérimentée.

Si lui, la Richesse infinie, il se présente au monde sous les apparences les plus humbles, c’est pour guérir les hommes de cet attachement désordonné et égoïste aux biens matériels, source de tant de pauvretés non seulement matérielles mais aussi spirituelles, c’est pour nous guérir de cet attachement exagéré en proclamant par son humble naissance que ces valeurs matérielles ne sont pas les valeurs suprêmes auxquelles tout doit être sacrifié, mais qu’il est d’autres valeurs indispensables à toute vie vraiment humaine, d’autres valeurs bien plus grandes qui peuvent parfois se cacher sous de bien pauvres apparences.

Après cela, il pourra aller répétant : " l’homme ne vit pas seulement de pain " (St Matthieu, ch. 4, v. 4-5). " Ne pensez pas qu’à nourrir votre corps, mais faites des efforts, travaillez pour nourrir votre cœur et votre âme promise à une vie éternelle. " (St Jean, ch. 6, v. 26-28). Car " à quoi bon gagner l’univers si c’est au détriment de votre âme, de votre être spirituel ? " (St Matthieu, ch. 16, v. 26). " Cherchez d’abord le royaume de Dieu : celui qui veut servir Dieu ne peut se faire l’esclave de l’argent ! " (St Matthieu, ch. 6, v. 33).

Si le Christ est né pauvre, c’est pour nous guérir cet attachement égoïste qui nous fait garder jalousement pour nous ces richesses matérielles (et les spirituelles aussi) dont Dieu nous a faits non pas les propriétaires exclusifs mais les simples gérants, c’est pour nous apprendre par son exemple, ce détachement, ce dépouillement au profit des autres que Jésus exigera de quiconque veut entrer dans son royaume.

Après cela. après cet exemple, il pourra aller répétant : " Ce que vous avez reçu gratuitement (comme don de la nature, de la fortune ou de la grâce), donnez- le gratuitement " (St Matthieu, ch. 10 v. 8). " Celui qui croit avoir sur ses frères quelques avantages, quelque supériorité, qu’il la mette au service de ses frères, comme moi je suis venu non pour me faire servir mais pour servir " (St Matthieu, ch. 20, v. 26-29).

Alors il pourra dire à tous ceux qui voudront le suivre de plus près : " Va, vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres." (St Matthieu, ch.19,v. 21).

Alors il pourra faire de ce dépouillement au profit des autres une des conditions d’entrée dans son royaume, condition qu'il reconnaît du reste difficile à réaliser : " Il est plus facile de faire passer un câble par le trou d'une aiguille que de faire entrer un riche dans mon royaume ! " (St Matthieu, ch.19,v. 24). Mais par contre : " Heureux les détachés des biens de ce monde, car le royaume des cieux leur appartient ! " (St Matthieu, ch. 5, v. 3).

Alors il pourra raconter la parabole du riche qui n’a fait d’autre tort au pauvre Lazare que d'oublier sa misère et de le laisser crever de faim à sa porte, mais qui, de ce simple fait n’encoure pas moins - soupesez le risque - le châtiment éternel (St Luc ch.16 v.19-31).

Alors il pourra dire que nous serons jugés sur tout ce que nous aurons fait ou que nous n'aurons pas fait pour soulager nos frères, au point de faire dépendre notre salut éternel de ce salut temporel apporté ou non à nos frères. (St Matthieu, ch. 25, v. 41-46).

Alors il pourra dire c’est à ce signe que l'on vous reconnaîtra comme mes suiveurs, mes disciples amour que vous aurez les uns pour les autres." (St Jean, ch.13, v. 35).

Alors il pourra leur laisser comme signe de ralliement " la fraction " ou " le partage " du pain qui sera tout à la fois et le symbole de leur fraternité et le moyen pour eux de communier avec Lui de communier au don total et suprême qu’il a fait de lui-même : " Ceci est mon corps donné, livré pour vous ; ceci est mon sang versé pour vous.. "

Est-il étonnant après cela de constater que pour les premiers convertis, ce partage avec les autres faisait tellement partie intégrante, à leurs yeux, du Christianisme, que spontanément ils mettaient tout en commun comme si la chose allait de soit pour un chrétien. Et St Luc pouvait dire fièrement que de ce fait, " il n’y avait parmi eux plus d’indigent ni de pauvre " (Actes des Apôtres, ch. 2, v. 42-47 – ch. 4, v. 34-35 – ch. 5, v. 12-16).

 

Les Apôtres, du reste, ont répété ce message d’entraide fraternelle : " Les dons divers que vous avez reçus ", disait St Paul, " vous les avez reçus pour l’utilité de tous ; mettez-les donc au service les uns des autres comme les membres d’un même corps. Et de même que dans le corps un membre ne saurait en mépriser un autre, que le patricien chrétien se garde de mépriser l’esclave, mais qu’il voit en lui un frère et le traite comme tel ; de même l’esclave chrétien ne doit pas non plus mépriser son maître… "

Figurez-vous que cela reste encore de saison aujourd’hui ! (voyez la première Epître aux Corinthiens, ch. 12, v. 12-27, et la petite Epître de St Paul à Philémon au sujet de son esclave voleur et fugitif, v. 8-22).

Le même St Paul répétera encore qu’à l’exemple du Christ devenu pauvre pour nous enrichir, il faut que ceux qui sont dans l'abondance partagent avec ceux qui sont dans le dénuement pour établir ainsi une " égalité " non pas automatique, mais qui soit le fruit d'un amour fraternel (2ème lettre aux Corinthiens, ch.8., v. 9-16).

St Paul encore s'indignera de ce que parmi les frères qui s’apprêtent à participer à l'Eucharistie. il y en ait qui ont tout ce qu'il faut et qui sont repus à côté d'autres qui souffrent de la faim (1ère aux Corinthiens, ch.11, V.21-23).

 

Mes frères chrétiens, en regardant chacun de nous, en regardant notre communauté paroissiale, le monde peut-il dire qu’il a vu le signe indiqué par Jésus-Christ lui-même : le signe de la pauvreté du cœur, c’est-à-dire le signe du détachement et du partage ? Notre vie, notre façon de vivre donne-t-elle à entendre à tous ceux qui nous voient, donne-t-elle à entendre à ce monde qui se meurt d'avoir sacrifié toutes les valeurs spirituelles, religieuses, morales, familiales toutes les valeurs humaines, à l'avoir et au confort matériel, notre façon de vivre donne-t-elle à entendre que pour nous ces richesses matérielles ne sont pas les richesses suprêmes, mais qu’il y a aussi pour l'homme d'autres valeurs bien supérieures qui ne doivent jamais être sacrifiées aux autres, mais qui doivent, progresser parallèlement si l'on veut promouvoir un progrès qui soit vraiment humain et permettre à chacun de s'épanouir dans toutes ses dimensions humaines ?

Savons-nous partager vraiment avec nos frères, mettre gratuitement à leur service les dons que nous avons reçus gratuitement pour eux, pour leur utilité ? Ou bien acceptons-nous, comme normale, l'économie actuelle qui fait payer aux autres en bon argent comptant le service de ces dons que nous avons reçus gratuitement de la chance, de la nature ou de Dieu... " pour l’utilité commune ", comme le dit St Paul ? On ne voit vraiment pas pourquoi celui qui au point de départ, a eu la chance d’être plus avantagé que tel autre moins doué, moins bien nanti, aurait le droit de ce simple fait - je dis bien : de ce simple fait - à avoir sa vie durant des avantages matériels supérieurs, plus substantiels ! Dans une vraie famille, nous le disions l’autre jour, tout le monde se met spontanément et gratuitement au service du moins favorisé, du plus démuni !

On voit comment ce simple principe d'économie chrétienne entraînerait, si on tendait à l’appliquer, une révolution économique qui irait autrement loin que toutes celles que l’on nous propose et qui serait, de plus inspirée par un souci de justice entretenu par un vrai esprit de fraternité !... Beaucoup, même parmi les chrétiens, achopperont devant les conséquences de ce principe évangélique, comme, le jeune homme riche s’était récusé, comme les Apôtres, eux-mêmes, s’étaient récriés quand Jésus avait dit que cet esprit de détachement, de dépouillement était nécessaire comme pour entrer dans son royaume…, comme le câble doit s’amenuiser pour passer par le trou de l'aiguille !… Aussi bien Jésus vient de nous le dire : " Heureux ceux que je ne scandaliserai pas ! " C’est donc que plusieurs achopperont sur son exemple et sur son enseignement parce qu'il ne sera certes pas calque sur " ce qui se fait d’habitude ". Aussi bien le Seigneur a-t-il été d’accord avec ses Apôtres quand ils ont dit que cela était "surhumain"... impossible aux hommes, mais il a ajouté que c’était possible avec la grâce de Dieu. Oui, cet esprit, cette pratique est vraiment signe de la présence de Dieu, signe de l'Emmanuel, du " Dieu avec nous " ! La religion de Jésus est surnaturelle, donc surhumaine : on ne peut la " pratiquer " qu’avec Dieu.

Que chacun de nous, que notre communauté donne le spectacle de cette entraide, de ce partage fraternel ; que chacun de nous ait le souci de mettre gratuitement au service, des autres les dons, les talents, les avantages qu'il a reçus gratuitement et sans aucun mérite de qu’il se refuse absolument à faire payer aux autres ce qui lui a été donné gratuitement pour eux.

Alors, notre monde matérialiste en voyant cette charité, cette fraternité chrétienne descendre jusque dans ce domaine matériel, qui est, si souvent le terrain de la chicane et de la dispute, celui où les intérêts s’affrontent si âprement à l’ordinaire, découvrira que le Christ, qui seul réussit, lui, à transformer à ce point le cœur des hommes, est vraiment leur SAUVEUR !

 

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