HOMELIE
LOUIS DE FUNES ? ... vous connaissez ? ... que de fois il nous a fait, il nous fait encore rire !
Or, savez-vous la réponse qu'il a faite au Père Carré qui, voici quelques années, lui demandait, comme à bien d'autres : "Pour vous, qui est Jésus-Christ ?"
" Jésus-Christ a été pour moi le radieux compagnon de mon enfance, de mon adolescence et il est, maintenant et toujours, le radieux compagnon de ma vie familiale et professionnelle. "
Ainsi même lorsqu'il est sur le plateau, pour ce comédien, Jésus est son radieux compagnon !...
Compagnon : du bas latin " cumpanio celui qui partage le même pain ; exactement, si le mot n'avait actuellement une tonalité un peu triviale : "le copain" !
Regardez ces hommes sur la route, au soir du jour de Pâques. Ils se sont sans doute attardés à redire sur tous les tons avec leurs camarades, les Apôtres, leur découragement, leur désespoir... Peut-être même ont-ils commenté avec eux les événements de ce matin de Pâques : le tombeau trouvé vide, le constat fait par Pierre et par Jean, le message que les femmes disaient avoir reçu des anges : " Il est ressuscité ! Il vous attend en Galilée ! " Mais cela n'a guère remonté leur moral : " Ce sont des rêveries de femmes. " se disaient-ils d'après l'Evangile de Saint Luc. Si bien que ces deux hommes, disciples du Seigneur, partent, non pas pour la Galilée, mais pour rentrer chez eux à Emmaüs, à 10 km environ de Jérusalem. Et, sur la route, ils ne peuvent s'empêcher de se redire encore tous leurs espoirs déçus : " Nous espérions, nous, qu'il serait le libérateur, mais maintenant nous n'espérons plus ; il faut bien se rendre à l'évidence, tout est fini, bien fini, il faut en prendre son parti... " Ils sont si tristes, si abattus, que l'étranger qui les rejoint en est frappé et s'en émeut : " De quoi parlez-vous donc entre vous pour être si tristes ? " et Jésus car c'est Lui, va se faire leur compagnon de chemin. Un compagnon si compatissant... qui essaie, en faisant appel à leur foi juive, à leur foi aux Ecritures, de leur expliquer les événements de ces jours derniers, ces événements scandaleux et incompréhensibles... " Il fallait que le Christ souffrit pour entrer dans sa Gloire."
Cet étranger, ce compagnon de route leur est devenu si sympathique qu'ils le retiennent et l'invitent à partager leur souper et c'est seulement lorsque Jésus refait le geste du Jeudi Saint, refait la " fraction du pain ", qu'ils le reconnaissent !
Voilà un point qui est frappant dans ces apparitions du Christ ressuscité c'est que, de prime abord, on ne le reconnaît pas. Madeleine l'a pris pour le jardinier, eux le prennent pour un étranger, tout à l'heure quand Jésus apparaîtra aux Onze, au moment du souper, ils le prendront pour un fantasme ; au bord du lac, lors de la pêche miraculeuse, les Apôtres ne soupçonneront que c'est Lui qu'après que, comme autrefois durant sa vie terrestre, ils auront, grâce à ses indications fait une pêche miraculeuse.
Sans doute il y a l'effet de surprise... ils s'attendaient si peu à le revoir vivant ! c'était tellement surprenant qu'un mort se présente à nouveau devant eux, qu'ils ne peuvent en croire leurs yeux !
Mais cela nous montre aussi que le Seigneur était entré dans un mode de vie tout différent, dans un monde nouveau et que c'est cela qu'Il voulait leur révéler : habituer ses disciples à un nouveau mode de présence auprès d'eux. Ce monde nouveau, cet autre monde n'était pas un monde totalement étranger au notre puisque le Christ apparaissait avec un vrai corps qu'on pouvait toucher, qu'on pouvait palper, qui portait encore les empreintes de sa crucifixion et qui mangeait avec ses Apôtres. Ce n'était pas un monde totalement étranger au nôtre, c'était un monde qui était coextensible au notre. Et la preuve, c'est que ce Jésus, il était présent tout partout.
Il est présent à Marie-Madeleine qui le cherche, en errant comme une âme en peine dans le jardin, et qui le cherche comme quelqu'un du passé, comme un mort, comme un ami qu'elle a perdu. Et Jésus lui apparaît ; elle le prendra même pour le jardinier.
Il est présent à ceux qui ne croient plus en Lui, qui doutent de Lui, à ces pèlerins d'Emmaüs : il chemine avec eux.
Il est présent au moment du repas : les deux passages de dimanche dernier nous l'ont montré apparaissant soudainement au moment du repas alors qu'on ne l'attendait pas du tout.
Il est présent dans le travail, lors de la pêche miraculeuse, alors que les Apôtres ont travaillé et travaillé dur puisque, d'après l'Evangile, Saint Pierre avait tombé la veste, comme on dirait dans le midi, alors que c'était la nuit. Et puis soudainement sur la plage, cet étranger qui les interpelle : "Les enfants ... avez-vous du poisson ? Nous n'avons rien pris. Jetez donc le filet à droite et vous allez en prendre ! " Et la pêche est si extraordinaire que, tout de suite, ils ont reconnu le Seigneur. Il avait préparé le petit déjeuner, il avait fait un feu, il y avait des braises, il avait déjà fait cuire du poisson, on en apporta d'autres, on compléta le déjeuner : du vrai, camping sur la plage !..."
Il apparaît quand on ne l'attend pas du tout et il apparaît aussi sur rendez-vous. Il a donné rendez-vous à ses disciples sur une montagne en Galilée et c'est là qu'il se manifeste.
Toutes ces manifestations du Seigneur, toutes ces apparitions du Seigneur sont justement pour nous faire comprendre que, désormais, ce Christ est VIVANT et noué tellement étroitement à notre vie que tout partout, dans n'importe quelle circonstance, nous l'aurons avec nous à nos, côtés. Que ce sera l'Ami qui constamment partagera notre vie et ce sera cela la vie chrétienne : vivre en jonction étroite avec Jésus-Christ. Tout est là.
Et comment arriver à prendre conscience de cette présence du Christ ? Comment entrer dans ce monde qui est le monde réel, éternel, le monde de l'au-delà, des apparences dans lequel vit Jésus-Christ et qui est intimement lié au nôtre ? La. seule façon d'y entrer : c'est le silence.
Si je vous recommande et si je vous prêche si souvent ces quelques minutes de silence quotidiennes, ce n'est pas pour les employer à nous contempler nous-mêmes. Je vous avoue que, pour ma part, j'ai horreur de ces instants où on se contemple soi-même pour s'éplucher, pour s'examiner, pour faire des révisions de vie à n'en plus finir. Et après ? Qu'est-ce que ça vous donne ? Moi, ça ne m'apporte pas grand chose, sinon, bien souvent, de me décourager en me voyant si pauvre et si pécheur, et puis c'est tout.
Vous me direz peut-être : ça peut nous pousser à prendre des résolutions. Vous les tenez vos résolutions, vous ?… Moi, j'ai beaucoup de peine à les tenir. Et, en tout cas, quelqu'un qui agirait constamment à coups de résolutions, eh bien ! ce n'est pas agréable, je vous assure. J'en ai vu encore un spécimen cette semaine : ces gens qui constamment sont à se surveiller pour savoir si ce qu'ils font est bien, pour savoir s'ils ne vont pas perdre leur recueillement... Combien la compagnie de ces gens-là est désagréable, insupportable, et comme on a peu l'impression que ces gens vivent, vivent à bloc ! Se surveiller constamment, vous voyez ça ! Si nous étions tous " collet monté " et que constamment nous soyons à nous demander voyons, est-ce que je vais faire un péché ou ne pas faire un péché ? Est-ce que je suis assez généreux, est-ce que j'ai corrigé tel défaut ?... " C'est toujours soi qui est en cause.
Il faut faire exploser tout cela. Notre silence, ce n'est, pas de nous-mêmes qu'il doit être plein, c'est de ce contact avec Jésus-Christ, c'est de cette amitié avec Jésus-Christ. Quelle différence entre cette attitude guindée et ces paroles brûlantes que je lisais dans cette retraite au Vatican du Père Loew qui ne craint pas de dire qu'il est "amoureux" de Jésus-Christ ! Quelle différence entre un amoureux de Jésus-Christ et quelqu'un qui se surveille constamment pour savoir s'il est dans la bonne ligne. Ça peut-être un stoïcien, mais ça ne fait pas chrétien !
Au contraire, celui qui a senti cette amitié dans ce recueillement, dans ce contact, celui qui a pu, dans ce colloque, demander l'avis du Seigneur surtout ce qu'il a à faire, celui qui a demandé le conseil du Seigneur, celui qui a demandé la force du Seigneur, celui qui a quémandé cette amitié du Seigneur, celui qui a vécu cette amitié-là, cette proximité de Jésus-Christ, ça... ça ne s'oublie pas, ça ne s'oublie jamais !
Et je crois que, dans notre pédagogie de la foi, pour conduire nos jeunes et même nos enfants à cette foi, ce qui devrait nous préoccuper, c'est de savoir comment créer ce climat, cette atmosphère dans laquelle ces jeunes, ces enfants vont pouvoir arriver à se taire suffisamment profondément pour atteindre Jésus-Christ.
Lorsque nous avons pu conduire une âme à ce face-à-face avec Dieu, laissons faire le Seigneur : la cause est gagnée. Ils sentiront qu'ils sont comme envoûtés par cet Infini qui les entoure de toutes parts. Ce ne sera plus du blablabla, ce ne sera plus de la cérébralisation, ce sera un contact, une sorte d'intuition de ce Christ vivant à côté d'eux pour partager leur vie. La pierre de touche, du reste, à laquelle nous pourrons reconnaître si ce contact a été réel et non pas purement imaginaire, cette pierre de touche, la voici : que se passe-t-il après ? Si leur vie en est toute transformée, transfigurée, s'ils ne ressortent pas de ce silence, de cette prière, les mêmes que lorsqu'ils y sont entrés, s'ils en ressortent plus amoureux de Jésus-Christ, plus désireux de lui ressembler, plus soucieux d'agir pour Lui, c'est bon ! C'est qu'ils ont vraiment découvert l'Ami, comme souvent deux amis en se taisant l'un près de l'autre découvrent, sentent bien mieux leur amitié, qu'à travers toutes les protestations les plus enflammées. C'est bon ! qu'ils récidivent souvent et vous verrez qu'ils se transformeront, bien plus, qu'en faisant toutes sortes d'examens et en prenant tout un tas de résolutions...
Eh bien ! mes frères, le vœu que je forme du plus profond de mon cœur pour chacun de nous, c'est que Pâques de cette année voit pour nous ce passage à cette vie d'intimité, d'intériorité avec Jésus-Christ, que pour nous, comme pour Louis de Funès, Jésus, soit le radieux compagnon, le compagnon qui apporte la joie.
Ce n'est pas bien malin, ce n'est pas bien difficile : SAVOIR SE TAIRE, ne, serait-ce qu'une ou deux minutes chaque jour, AUPRES DU SEIGNEUR !