Année A - 4ème dimanche de Pâques


Retour au menu 

 

HOMELIE

CE JOUR-LA, J'ETAIS MONTE EN CHAIRE, cela m'arrivait bien rarement, et très lentement, dans un silence complet, j'avais déchiré les pages d'un livre. Stupéfaits, les paroissiens levaient tous les yeux vers la chaire. " Vous vous demandez, mes frères, quel est le livre dont je déchire ainsi les pages ?... REGARDEZ... c'est l'Evangile !... Plusieurs d'entre vous récusent le rôle du prêtre, plusieurs voudraient supprimer le prêtre, alors je déchire toutes les pages de l'Evangile dans lesquelles Jésus parle des Apôtres et de leur rôle. On verra bien ce qu'il en restera de l'Evangile... "

Cela se passait, au début de mon arrivée dans une des paroisses qui m'ont été confiée au cours de ma vie sacerdotale ... La leçon était dure, mais elle a porté. Au bout de quelques temps la méfiance, la froideur des débuts faisaient place non seulement à la confiance mais à une affection réelle et profonde.

De nos jours, vu la raréfaction des vocations sacerdotales, certains s'en vont répétant : " il faut se préparer à une Eglise sans prêtres. " Mais si vous grattez un peu avec ceux qui lancent de telles idées, vous découvrirez sans peine celle qu'ils ont derrière la tête. C'est un refus pur et simple d'une Eglise hiérarchique, une autosuffisance religieuse sous prétexte qu'ils veulent être traités en chrétiens majeurs, adultes. Ils s'arrogeraient volontiers les fonctions et les pouvoirs du prêtre et déclareraient facilement que celui-ci est inutile. Cette idée est suffisamment répandue pour que notre Evêque lui-même, ait cru nécessaire, l'an dernier, lors de la journées des votations, de dénoncer cette erreur.

Il s'agit de savoir si oui ou non le Seigneur a voulu une Eglise hiérarchique. Si c'est "oui" , nous n'avons pas le droit de la changer sous peine quelle ne soit plus l'Eglise de Jésus-Christ. Et, dans ce cas, nous devons croire que le Seigneur qui a tout de même de la suite dans les idées suscite aujourd'hui encore dans son Eglise les vocations nécessaires et lance, comme autrefois ses appels à des âmes généreuses. Encore faut-il pour que ces vocations n'avortent. pas, que l'image de marque du sacerdoce n'ait pas été déformée par nous, prêtres d'aujourd'hui.

C'est le dimanche du Bon Pasteur. Le Seigneur, dans le passage d'Evangile que nous venons d'entendre, compare à la fois au Bon, au Vrai Pasteur et à la Porte par laquelle devront passer pour pénétrer dans sa bergerie tous les Pasteurs ou Bergers authentiques. Car, figurez-vous que le bon Pasteur a voulu déléguer ses pouvoirs. Il a voulu qu'il y ait dans sa bergerie d'autres Pasteurs, pourvu que ces pasteurs passent par Lui. Vous connaissez tous le Passage d'Evangile de ce même St Jean, où Jésus, après sa résurrection, lors de son apparition au bord du lac, après avoir sollicité de Pierre un triple acte d'amour pour lui faire réparer son triple reniement, lui confie par trois fois, le soin de faire paître son troupeau. " Pais mes agneaux, pais mes brebis " (St Jean, ch.2l, v. 15 ss). Cette fonction Pierre, à son tour, la déléguera à des " presbytres " d'où vient le mot de " prêtre " C'est-à-dire selon le sens du mot " presbuteroi " en grec, " les Anciens " non tant par l'âge que par la foi, des chrétiens qui ont fait leurs preuves.

Dans sa première épître, Pierre dira : " J'exhorte les presbytres qui sont chez vous, moi presbytre comme eux : paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié, le surveillant non par contrainte mais spontanément, selon Dieu, non pour un gain sordide mais avec l'élan du cœur, non en faisant les grands seigneurs, à l'égard de ceux qui vous sont confiés, mais en devenant les modèles du troupeau. " (1ère Epître de Saint Pierre, ch.5 v. 1-5).

Saint Paul, lui aussi, établira partout à la tête des communautés qu'il a fondées des presbytres. (Actes des Apôtres, ch. 14, v.23). Il laissera même son précieux collaborateur Tite dans l'île de Crète avec la mission d'établir des presbytres dans chaque ville conformément aux instructions qu'il lui a données, (Tite, ch. 1, v.5). Et en effet, dans sa lettre à ce même Tite, comme dans celles qu'il écrira à son autre collaborateur Timothée, il donnera les conditions que doivent remplir ceux à qui ces fonctions seront confiées. Ce même Paul, à la fin de son troisième voyage missionnaire, lors d'une escale à Milet, convoquera les presbytres de la Communauté d'Ephèse et leur donnera comme consigne : " Veillez sur le troupeau dont l'Esprit Saint vous a constitués les intendants, pour paître l'Eglise de Dieu acquise par Lui au prix de son propre sang. " Et il les met en garde contre les loups qui risquent de s'immiscer dans le troupeau et d'entraîner, " les disciples par leurs doctrines pernicieuses." (Actes des Apôtres, ch.20, v.28-31) Nous retrouvons ici, les images employées par Jésus lui-même dans ce passage de l'Evangile du Bon Pasteur qui doit défendre ses brebis contre le loup.

On ne peut donc le nier, Jésus a voulu que son Eglise soit une société hiérarchique. Il a donné à certains de ses disciples des fonctions, des responsabilités, des pouvoirs bien déterminés. Les Apôtres ont eu le souci de sauvegarder cette constitution que Jésus avait donné, Lui-même à son Eglise. Que cela nous plaise ou ne nous plaise pas, c'est comme ça. On ne peut rien 'y changer. Une Eglise qui ne serait qu'une bande de copains ou même, de frères, ne serait plus l'Eglise de Jésus-Christ, l'Eglise telle qu'Il l'a établie et Il n'a jamais dit que ce n'était que pour un bout de temps !

Mais si aujourd'hui, certains ont tant de difficultés à admettre le prêtre, n'est-ce pas parce qu'ils se sont une fausse idée de sa mission, j'irais même plus loin, une fausse idée de ce qu'est, de ce que doit être la vie chrétienne !

Jésus nous disait tout à l'heure qu'Il est venu pour que ses brebis aient la vie et qu'elles l'aient en surabondance. Le Seigneur est donc venu pour que nous vivions " à bloc ", pour nous épanouir dans toutes nos dimensions. Il est venu pour nous aider à réaliser les désirs les plus grands, les plus nobles qui nous habitent et qui sont le fruit de sa grâce. Eh bien, je pense que la mission du prêtre est de continuer celle de Jésus, de nous aider par conséquent à nous épanouir complètement. Quiconque approche un prêtre devrait pouvoir ressentir que ce qu'il y a de meilleur en lui s'épanouit à ce contact. C'est à cela, je pense, que l'on peut juger qu'un prêtre continué le rôle de Jésus-Christ, s'il nous apporte ce surcroît de vie, si tout ce qu'il y a en nous de plus noble, tout ce qui est à l'image de Dieu., se trouve l'aise au contact de ce ministre du Seigneur.

Et pour, que le prêtre puisse ainsi contribuer à nous épanouir, il me semble qu'il doit nous donner trois choses.

La première, selon la volonté même de Jésus c'est qu'il nous donne " la pâture", il est " le Pasteur". Là encore, il y a une déviation actuellement contre laquelle il faut nous prémunir. Le prêtre justement de par la fonction qu'il a reçue du Seigneur, a cette charge d'apporter la pâture divine aux âmes qui en ont faim. Il a fait des études pour cela. Il a consacré toute une partie de sa jeunesse à approfondir cet enseignement, cet idéal de Jésus-Christ. Il ne faut pas que ce soit " pour des prunes ! " Il a consacré sa vie à plein temps au service du Seigneur et, des âmes, il faut que cela serve à quelque chose. Il a tout le temps de sa vie pour approfondir le message divin alors que vous, vous êtes pris par tant de charges et de soucis. Il a reçu grâce et mandat du Seigneur pour nous enseigner de sa part : " Qui vous écoute M'écoute ; allez enseigner toutes les nations. "

Là encore, il y a une démangeaison chez certains, de se substituer au prêtre dans l'enseignement de la doctrine. C'est ainsi qu'il y a une tendance à l'évincer dans l'enseignement du catéchisme. Si les laïcs peuvent apporter, dans ce domaine, une aide précieuse et irremplaçable au prêtre, il ne faudrait pas que celui-ci se décharge trop facilement sur eux de sa mission auprès des enfants comme si c'était quelque chose de secondaire. Quoi de plus beau, de plus utile que d'imprégner ces jeunes âmes de l'idéal et de l'amour du Seigneur ! Qui pourrait nier que cette première formation chrétienne laisse en ces âmes une marque indélébile.

De même, le prêtre ne peut, comme certains l'y pousseraient volontiers, se décharger de son devoir d'instruire et de stimuler la communauté des chrétiens par l'homélie du dimanche. Je sais que certains ici ne viennent, plus à la messe parce qu'ils n'ont plus l'occasion de s'y exprimer devant leurs frères. D'abord je pense que si un chrétien authentique vient à la messe ce n'est pas, avant tout, pour y entendre ou y faire un beau sermon, mais pour y rencontrer Jésus-Christ dans son Eucharistie. Quelle injure ce serait faire au Seigneur à qui nous faisions plus de cas de la parole d'un pauvre homme que de sa Divine Présence et de son Sacrifice. Ensuite avant de pouvoir discuter utilement d'une chose, avant de pouvoir en parler aux autres, il faut d'abord la connaître. A moins de tomber sur un fat ou sur un sot, vous ne verrez jamais quelqu'un discuter d'électronique, par exemple, avec un spécialiste alors qu'il n'y connaît rien, qu'il apprenne d'abord, ensuite il pourra peut-être discuter. Or bien souvent, ceux qui ont le prurit de parler devant leurs frères à l'église, ce sont ceux qui sont le moins habilités à le faire. Bien souvent leur connaissance religieuse se borne à un catéchisme alimentaire assimilé tant bien que mal. Bien souvent, ils n'ont jamais lu l'Evangile en entier, encore moins les Actes des Apôtre et les Epîtres, moins encore les livres des grands Docteurs de l'Eglise, des grands Théologiens, des grands Penseurs chrétiens. Et pourtant, une fois de plus, qu'en serait-il dans les autres sciences si les savants d'aujourd'hui faisaient fi de toutes les découvertes, de toutes les trouvailles de leurs devanciers. En réalité, au fond, ce que veulent la plupart du temps ces " curés manqués" c'est de faire passer leurs idées, bien souvent du reste leurs idées politiques. Or ce n'est pas du tout de cela qu'il s'agit. Jésus vient de nous le dire : pour qu'un Pasteur soit authentique, il faut qu'il passe par lui, Il est la Porte, c'est son enseignement qu'Il doit transmettre, et non pas dés idées personnelles.

Si nous avons l'ambition de suivre non pas nos élucubrations personnelles, si nous sommes avides de connaître vraiment les idées dessus comment n'irions-nous pas consulter ceux qui ont consacré tant d'années à les approfondir et qui ont reçu charge et grâce d'état pour nous transmettre son enseignement. Comme les premiers Chrétiens qui avaient l'unique souci de savoir exactement ce qu'avait dit et fait Jésus-Christ, étaient assidus à écouter l'enseignement des Apôtres.(Actes, ch.2 v.42).

Si l'idéal de Jésus-Christ nous a emballés vraiment, si notre rêve est de réaliser de mieux en mieux cet idéal, de vivre de plus en plus " à la mode " de Jésus Christ, non seulement nous irons demander au prêtre de nous donner l'enseignement authentique du Seigneur, mais lui demanderons aussi de nous stimuler de nous aiguillonner dans la poursuite de cet idéal. Car c'est là encore le rôle du Pasteur. Vous vous rappelez ce jour où Jésus, nous dit St Matthieu, était vraiment rempli de pitié devant une foule de gens qui étaient, prostrés, "avachis" c'est le mot, parce qu'ils n'avaient pas de pasteur. (Saint Matthieu. Ch.9 v.36). Aux yeux de Jésus, le rôle de celui-ci est donc de nous empêcher de nous endormir, de nous encroûter, de nous engourdir de nous " avachir ". Il doit stimuler, tisonner toute la Communauté Chrétienne par ses sermons, mais aussi chacun de nous par ses exhortations, ses encouragements, ou même ses remontrances. Cela suppose une relation personnelle avec chacun d'entre nous : le bon berger, vient de nous dire le Seigneur, appelle chacune de ses brebis par son nom, il connaît ses brebis et ses brebis le connaissent. Cela se faisait par la confession. De même que celui qui a le souci de sa santé corporelle n'hésitait pas à consulter le médecin, de même celui qui a le souci de sa santé spirituelle ne devrait pas hésiter non plus à aller consulter le médecin des âmes, celui qui pourra nous indiquer les meilleurs moyens pour réaliser, dans notre vie concrète, cet idéal du Christ.

Mais, en plus, la Confession ne nous apporte pas seulement les exhortations de quelqu'un qui a tout de même consacré sa vie entière à la poursuite de l'idéal chrétien, mais elle nous apporte surtout et avant tout la grâce du Seigneur !… Car que vaudraient ces exhortations s'il n'y avait pas en nous cette flamme intérieure, cet appétit intérieur. Le prêtre peut la tisonner cette flamme, mais c'est Dieu qui l'allume. C'est en effet, là, la seconde chose que nous devons attendre du prêtre, qu'il nous donne non seulement l'enseignement authentique de Jésus-Christ, que non seulement il nous stimule dans la poursuite de son idéal, mais qu'il nous donne la grâce de Dieu par les sacrements, dont il est, de par la volonté même de Jésus, le détenteur.

Là encore, c'est un rôle dont certains, aujourd'hui, lui contestent l'exclusivité. Il y en a, en effet, aujourd'hui, qui prétendent que non seulement tout chrétien a la droit et le pouvoir de donner le baptême, en cas de nécessité, ce que l'Eglise a toujours enseigné, mais qu'il a aussi le droit et le pouvoir d'administrer tous les sacrements. Ceci, remarquons-le tout d'abord est tout à fait contraire à la tradition de l'Eglise. Ces gens-là se figurent qu'on les a attendus pendant vingt siècles, pour comprendre ce que Jésus avait voulu exactement, comme si avant eux, il n'y avait eu que des ignares et des imbéciles ! quel toupet !! Ceci est contraire également à l'Evangile. Le Père Feuillet, un grand savant en connaissance biblique, a démontré de façon péremptoire, dans un énorme livre scientifique, tout récent, que nous trouvons, ne serait-ce que dans le chapitre 17ème de Saint Jean, une preuve irrécusable que Jésus a donné aux Apôtres des pouvoirs spéciaux et que, nous trouvons là la prière " consécratoire " de ses prêtres... (cf. André Feuillet, Le sacerdoce du Christ et de ses ministres. Ed. de Paris 1972.)

Tout cela suppose, évidemment, pour nous prêtres, des devoirs très grands pour être à la hauteur de cette mission que le Seigneur nous a confiée. De même, je reprends la même comparaison, de même qu'un médecin doit se tenir constamment au courant de tous les progrès de la science médicale, de même, il faut que le prêtre se tienne au courant aussi de toutes les découvertes de la science logique et de tous les problèmes auxquels peuvent se trouver affrontées votre foi et votre vie chrétienne. Cela suppose surtout que nous fassions l'effort nous aussi, pour vivre cet idéal de Jésus-Christ, d'autant que la troisième chose que vous êtes en droit de nous demander, c'est d'être vos ENTRAINEURS dans cette vie chrétienne.

Jésus l'a dit : " le Bon Pasteur marche devant son troupeau ", et Saint Pierre, nous l'avons vu, redisait aux presbytres établis dès cette époque à la tête des Communautés : " Veillez sur le troupeau de Dieu qui vous a été confié... non en faisant les grands seigneurs, mais en étant les modèles de votre troupeau. " (1ère épître de St Pierre, ch.5, v. 3).Oui, si nous, vos prêtres nous ne sommes pas les premiers à marcher en avant, à vous donner l'exemple, eh bien, c'est raté ! Si nous ne sommes pas assez pris par l'amour, par la passion de Jésus-Christ, si nous ne sommes pas tellement emballés par son idéal que cet idéal nous sort par tous les pores, que son amour transpire dans toutes nos attitudes et toutes nos paroles, oui, nous manquons gravement à notre mission; c'est là, que nous avons besoin de faire sans cesse un examen qui peut nous faire trembler. C'est là que nous avons besoin de vos prières pour que le Seigneur nous aide à être vos entraîneurs. Les prêtres ce ne sont pas des commandants, encore moins des despotes ou des tyrans, ce sont des entraîneurs, des animateurs, c'est eux qui doivent être l'âme de la Communauté. Parce qu'eux-mêmes ont été possédés par Jésus-Christ, " empaumés " par Jésus-Christ. Alors, oui, ils pourront stimuler dans le cœur des fidèles l'amour et l'idéal du Seigneur ! Demandez, je vous en prie, cette grâce pour nous !

Haut de la page