Année A - 5ème dimanche de Pâques


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HOMELIE

ON A VU JESUS-CHRIST A RUNGIS....

SAVEZ-VOUS CE QUE C'EST QU'UN OSTENSOIR?... C'est un objet liturgique qui sert à montrer, à présenter l'hostie consacrée à l'adoration des fidèles. Le plus souvent il a la forme d'un soleil doré au centre duquel on place la sainte hostie pour l'exposer à l'adoration des fidèles.

Au cours d'une de nos colonie, j'avais remarqué que notre vieille cuisinière, Madame Chapuis., entourait d'une toute particulière sollicitude l'un de nos moniteurs que l'on appelait : frère Placide. Aussi un jour, pour la taquiner, je lui ai dit : " Madame Chapuis, hein vous avez un petit faible pour le frère Placide. " Et la brave femme répondit : " Mon Père, si vous saviez traits pour traits, il me rappelle mon fils !… " Son fils ? ... La pauvre femme, son fils unique, elle l'avait vu abattu à bout portant sous ses yeux par les Allemands.

Jésus vient de nous dire qu'Il était l'ostensoir de son Père : " Qui Me voit, disait-il à Philippe voit mon Père. " Et il faudrait relever tout ce que Saint Jean, dans son Evangile, nous dit de ces rapports du Père et de son Fils pour comprendre comment Jésus est ce divin Ostensoir. " Comme mon Père me connaît, moi Je connais mon Père." (Saint Jean, ch.10, v.15) Il y a une compénétration du Père et du Fils : " Le Père est en Moi., et Moi Je suis dans le Père. "

Aussi sa doctrine n'est pas sa doctrine, mais belle et bien de Celui qui l'a envoyé. (Saint Jean, ch. 7, v.16).

Les paroles du Christ sont les paroles de son Père.

" Je n'ai pas parlé de Moi-même, mais le Père qui M'a envoyé M'a lui-même prescrit ce que je devais dire et faire entendre. " (Saint Jean, ch.12, v.49-50)

" Les paroles que Je dis c'est comme Mon Père M'a dit que Je les dis. " (ibid.)

"Les paroles que je vous dis, Je ne les dis pas de Moi-même. " (Saint Jean, ch.14, v.10)

"Ce que son Père Lui a dit Il le répète au monde. " (Saint Jean, ch.8, v.26)

Quand Il juge, son jugement est juste parce qu'Il juge comme son Père.

"Je ne puis rien faire de Moi-même, Je juge selon ce que J'entends et mon jugement est juste parce que ce n'est pas Ma volonté que Je cherche mais la volonté de Celui lui qui m'a envoyé. " (Saint Jean ch.5 v.30)

" Moi, Je ne juge personne, s'il M'arrive de juger, Mon jugement est valable parce que Je ne suis pas seul, il y a Moi et Celui qui M'a envoyé. " (Saint Jean, ch.8, v.16)

Les actions du Christ sont les actions de son Père.

" En vérité, en vérité, je, vous le dis, le Fils ne peut rien faire de Lui-même, rien qu'Il ne voit faire à son Père ; ce que fait Celui-ci, le Fils le fait pareillement. " (Saint Jean, ch.5, v.19-20)

" Mon Père ne cesse d'agir et Moi aussi J'agis. " (St Jean, ch.5, v.17)

" Quand vous aurez élevé le Fils de l'Homme, alors vous saurez que "je suis" et que Je ne fais rien de Moi-même, ce que le Père M'a enseigné Je le dis et Celui qui M'a envoyé est avec Moi et Il ne Me laisse jamais seul parce que Je fais toujours ce qui Lui plaît. " (Saint Jean, ch.8, v.28-29).

" Si Je ne fais pas les œuvres de Mon Père, ne Me croyez pas, mais si Je les fais quand bien même vous ne Me croiriez pas, croyez en mes œuvres et sachez une bonne fois, que le Père est en Moi et Moi dans le Père ". (Saint Jean ch.10'v.37-38)

Jésus, en effet n'a qu'un seul souci : faire la volonté de son Père.

" Je suis descendu du ciel non pour faire Ma volonté mais celle de Celui qui m'a envoyé " (Saint Jean, ch.6, v.38)

Et encore : " Je ne cherche pas Ma volonté mais celle de Celui qui m'a envoyé. " (St Jean, ch..5, v.-30)

Cette volonté de son Père, c'est sa nourriture : " Ma nourriture c'est de faire la volonté de Celui qui M'a envoyé, d'accomplir son œuvre.. " (St Jean, ch.4, v.34).

Cette volonté de son Père, elle est tellement l'essentiel de sa vie que celui qui cherche, lui aussi, à faire la volonté de Dieu lui est uni de façon plus profonde par ce souci que pour tous les liens du sang. " Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur et ma mère. " (Saint Marc, ch.3, v.35)

Si Jésus est ainsi l'ostensoir de son Père, nous devons, nous, être les Ostensoirs de Jésus-Christ, car " comme son Père L'a envoyé, ainsi Il envoie ses disciples " (Saint Jean, ch.17, v.18 et ch.20, v.21).

" Comme son Père est en Lui, Lui, Il doit être en nous. " C'est sa dernière prière avant de se rendre du Cénacle au jardin d'agonie. (Saint Jean, ch.17, v.22 et v.26).

De même que Lui vit par le Père de même celui qui communie vivra par Lui.(Saint Jean, .ch.6, v.57).

" Celui qui croit en Moi fera les œuvres que Je fais.. " (Saint Jean, ch.14, v.12), etc. Aussi la formule a été consacrée : le chrétien est un autre Christ. " Christianus alter Christus ". Cela a été dit, en effet, du chrétien avant d'être dit du prêtre. Disons que le Chrétien doit être un " sosie " de Jésus-Christ.

Saint Paul le disait déjà : " Dieu nous a destinés à devenir semblables au Christ afin qu'Il soit l'aîné d'une multitude de frères. " (Epître aux Romains, ch.8, v.29).

Dans la mesure où nous serons les " sosies ", de Jésus-Christ, dans la mesure où nous Lui ressemblerons traits pour traits, le Père nous enveloppera de la même tendresse dont Il enveloppe son Fils. Rappelez-vous l'exemple que je vous citais au début, de Mme Chapuis et du frère Placide. C'est du reste cela que Jésus demande à son Père dans sa prière finale: " Moi en eux et Toi en Moi, afin qu'ils soient parfaitement un et que le monde connaisse que c'est Toi qui M'a envoyé et que Tu les as aimés comme Tu l'as aimé... Je leur ai révélé Ton Nom et Je le leur révélerai encore, afin que l'amour dont Tu M'as aimé soit en eux et que Moi-même je sois en eux. " (St Jean, ch.17, v.23 et 26).Alors nous deviendront vraiment les cohéritiers de Jésus-Christ...

D'autre part, vous voyez ça ! Si, dans la mesure de notre faiblesse, mais de notre faiblesse aidée par sa grâce, il y avait autant de Jésus-Christ que de chrétiens, s'il y avait autant de copies du Christ que de chrétiens, oh ! sans doute des copies bien imparfaites, c'est évident, mais des copies tout de même, si nous avions le souci que nos rapports avec Lui ressemblent un tout petit peu à ceux qu'Il a avec son Père, si nous avions le souci, nous aussi., que nos paroles soient les paroles du Christ, que nos jugements soient ceux du Christ, que nos volontés, nos, actions soient celles du Christ, vous voyez d'ici ce que cela apporterait dans le monde ! Quelles transformations dans votre milieu de travail, dans votre quartier, dans votre famille !!! Comment alors l'œuvre de soulagement, de consolation, de joie du Christ se poursuivrait ! Comme son esprit de vraie fraternité, de totale sincérité se répandrait ! Il ferait tout de même meilleur vivre ici-bas ! son œuvre de salut s'étendrait partout. Remarquez que c'est la façon dont Jésus sauve le monde aujourd'hui : Il se prolonge dans ses disciples par la grâce que donnent les Sacrements. C'est à cela qu'ils tendent tous : faire de nous des prolongements, des " sosies " de Jésus-Christ.

ETRE LE-CHRIST c'est donc l'ambition que doit nourrir tout chrétien. C'était ce que St Paul demandait à Dieu pour ses fidèles : " Je prie à deux genoux pour que la Christ habite au plus profond de vous-mêmes " (Ephésiens, ch.3, v.14 et ss). Il leur répète: " Revêtez-vous du Christ, ayez les mêmes sentiment que le Christ. " (Romains, ch.13, v.14).

Vivre comme Jésus-Christ, vivre " à la mode de Jésus-Christ ", quoi de plus épanouissant, en effet, que cet idéal jamais atteint sans doute, mais toujours attrayant, toujours stimulant de nouveaux progrès, de nouveaux dépassements.

Pour avoir envie de copier ainsi de plus en plus le Seigneur-Jésus, il faut Le découvrir davantage chaque jour. " Que Jésus vous soit toujours neuf, toujours nouveau ". C'était le souhait formulé par le Père Zundel, à l'issue d'une retraite qu'il nous avait prêchée. Oui, que Jésus ne soit jamais pour nous du " déjà vu, déjà connu ! " mais que, chaque jour, Il nous apparaisse plus beau, plus emballant. Alors nous L'admirerons, nous L'aimerons de plus en plus, et nous aurons de plus en plus envie de L'imiter.

Durant la dernière guerre, pour être plus près de mes camarades, j'avais obtenu de garder mon uniforme de matelot, tout en exerçant les fonctions d'officier dans le contre-espionnage. Un samedi, j'étais allé confesser au 5ème Dépôt des Equipages, à Toulon. Il n'y avait pas de chapelle et on m'avait dit de m'installer dans la chambre de l'officier de garde. J'étais en train de confesser un camarade quand, soudain, l'officier entra. Stupéfait, furieux de trouver deux matelots dans sa chambre, nous avons eu droit, tout d'abord à un fameux " savon " agrémenté de menaces des pires punitions ! Nous avons écouté l'un et l'autre, bien sagement, au " garde à vous ". Quand l'officier eut fini ses remontrances, je hasardais : " je m'excuse, mais je suis l'aumônier, et l'on m'avait dit de m'installer ici pour confesser. " Alors ce fut le tour de cet officier à être gêné. " Oh mon Père ! excusez-moi... continuez, continuez. " Et il se retira sur la pointe des pieds. Quand j'eus fini mon ministère, il revint et, s'excusant encore ... " Voyez, mon Père, me dit-il en ouvrant le tiroir de la table de nuit, (il en sortit un évangile)... je ne suis là que pour cette nuit, mais partout où je vais, j'emporte toujours cet évangile avec moi et j'en lis quelques lignes avant de m'endormir… "

Si, nous aussi, nous faisons une petite lecture d'Evangile chaque jour, si courte soit-elle, nous ne pourrons pas ne pas être de plus en plus séduits par la physionomie de Jésus.

Nous serons frappés, je le gage, par la perspicacité du Seigneur qui dépiste les mauvaises intentions et les ruses de ses adversaires si retords.

Nous serons enthousiasmés par la loyauté du Seigneur, par sa logique. Saint Paul avait raison de dire aux Corinthiens: " Le Christ n'a pas été " oui " et " non " à la fois." (2 Corinthiens, ch. 1, v.19). " Il ne peut admettre de compromis. Il faut faire le choix : Dieu ou l'argent, mais on ne peut servir les deux à la fois ", (Saint Matthieu, ch.6, v.24) . " Celui qui n'est pas pour Lui, est contre Lui " , (Saint Matthieu, ch. 12, v.30). Aussi Il ne peut supporter l'hypocrisie des Pharisiens qui deviennent de ce fait ses pires ennemis.

Quelle logique ! quel "jusqu'au boutisme" ! Relisez en ce sens le sermon sur la montagne. Défense de tuer, oui, mais soyons logiques, allons jusqu'au bout de tout ce qui de près ou de loin peut conduire au meurtre : défense de dire des injures, défense de se mettre en colère... Défense de commettre l'adultère, oui, mais, soyons logiques, allons jusqu'au bout : " le mauvais regard, le mauvais désir c'est déjà l'adultère dans l'esprit et le cœur ! "

Ainsi Jésus est " tout d'une pièce " .Comment n'être pas séduits par sa personnalité ! Il sait quelle est sa mission, pourquoi il est venu, Il ne cesse de le dire et redire. Rien ne peut l'en détourner : ni le Démon dans les tentations au désert, ni ses proches qui ont peur que sa popularité mal vue des autorités, ne leur crée des ennuis et qui voudraient " Le ramener à la maison". (Saint Marc, ch. 3.v.20-21). Ni ses amis. Pierre voudrait L'empêcher de souffrir cette Passion qu'Il vient de leur décrire. " Arrière ! tu es pour Moi un Satan ! " (St Matthieu, ch.16 v. 22-23). Ni les soubresauts de sa nature si sensible qui frémit, à plusieurs reprises, à la pensée de toutes ces souffrances.

Il ne recule devant aucune menace. On lui conseille de quitter la région parce qu'Hérode veut le tuer. Il riposte : " Allez dire à ce renard que je suis encore là pour trois jours... " (Saint Luc, ch.13, v.32). Au jardin des Oliviers, ceux qui viennent l'arrêter ont peur qu'Il leur échappe, mais c est Lui-même qui se présente. " Qui cherchez-vous ?... Jésus de Nazareth ? ... C'est Moi ! Prenez-Moi, mais laissez aller mes disciples ! " et son ascendant est tel qu'on Lui obéit.(Saint Jean, ch.18, v. 4-9)

Mais surtout, comme l'écrivait Karl Adam, comme il est bouleversant de voir cet homme dont les forces sont tendues avec une énergie totale au service d'une grande idée, qui, avec toute la passion d'une volonté enthousiaste, supra-terrestre, se jette à la poursuite d'un but vraiment surhumain et qui pourtant, prend un petit enfant dans ses bras, le baise, le bénit, d'un homme dont les larmes coulent quand il contemple Jérusalem vouée à la ruine ou qu'Il se trouve devant le tombeau de Lazare, son ami…

Il ne peut dire " non " quand c'est la souffrance qui crie vers Lui, fut-ce sous la forme païenne, d'une syro-phénicienne, (Saint Marc, ch. 7, v.26). Il ne peut s'empêcher de guérir un malade même lorsqu'il s'exposera, ainsi à l'accusation de violer le Sabbat, (Saint Marc, ch.1, v.23 - ch.3, v.2). Il ne peut s'empêcher d'aller avec les publicains et les pêcheurs ; dut-il par là scandaliser fort les pieux observateurs de la Loi, (Saint Marc, ch.2, v.16).(cf. Karl Adam : Jésus le Christ, p.152-156).

Il se donne, Il se donne sans compter à tous ceux qui ont recours à Lui, Il se donne jusqu'à ne plus avoir le temps de manger, comme le note St Marc, à plusieurs reprises. (St Marc, ch.3, v.20, ch.6, v.31). Il n'hésite pas à quitter sa prière et sa solitude pour répondre aux appels, (Saint Marc, ch. 1, v. 35-39). Il se donne jusqu'à tomber de sommeil dans la barque de Pierre, d'un sommeil si profond que la tempête ne peut Le réveiller, (Saint Matthieu, ch.8, v.24)... Et il donnera jusqu'à la mort et la mort de la croix !… quel cœur, quel amour ! quelle tendresse !

Comment un tel Seigneur ne nous emballerait-il pas ?

Oh oui ! mes frères, prenons donc une bonne fois la résolution de continuer, Jésus-Christ ! Ayons donc l'ambition qu'à travers nous, on puisse un peu soupçonner ce qu'était sa franchise, sa loyauté, ce qu'était son énergie, surtout ce qu'était son Cœur ! Oh oui ! soyons les Ostensoirs de Jésus-Christ ! Alors...quelle transformation dans notre chère paroisse, quelle transformation dans notre chère Cité !…

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