Année A - Ascension


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HOMÉLIE

ÉCHEC ?!... TRIOMPHE !!....

Quel échec pour le Seigneur !...Voilà qu'Il va quitter ses Apôtres, c'est le dernier repas qu'Il prend avec eux. Les Apôtres ont été vraiment convaincus par toutes les apparitions pascales, que Jésus est le Messie. Là ils ont vraiment vu qu'Il était extraordinaire. Ce miracle de la Résurrection, c'est vraiment le "summum" des miracles. Donc, ils sont bien convaincus qu'Il est le Messie. Alors ils se disent : "ça y est puisque cette fois-ci c'est sûr que Jésus est le Messie, Seigneur, c'est donc maintenant que tu vas rétablir le royaume d'Israël !... On va revenir à cet âge d'or de Salomon, de David. Nous allons être délivrés des occupants, retrouver notre indépendance politique, dominer toute la terre. Alors, alors seulement nous pourrons apporter à tous la vraie religion, Ta religion !" Non, ils n'étaient pas en réalité les disciples de Jésus-Christ, ils n'avaient pas les mêmes idées que Lui.

Jésus va les reprendre : "les événements de ce monde sont régis par mon Père, ça, ça ne vous regarde pas. Ce qui vous regarde, le voici : vous allez d'abord attendre ici à Jérusalem dans la prière et la réflexion, et Je vous enverrai la force du Saint Esprit. Après vous serez mes témoins partout, d'ores et déjà, sans avoir besoin d'attendre votre libération politique."

Quel échec, Jésus va donc les quitter et les Apôtres n'ont pas encore compris que la libération qu'Il va leur apporter ne se confond absolument pas avec la libération politique. C'est avant tout une libération spirituelle, un changement des cœurs et des mentalités qui est la condition de toutes les autres libérations.

Quel échec, mais aussi quel recul ! Au VIème siècle avant Jésus-Christ, un disciple du Grand Prophète Isaïe avait prédit comme deux choses liées ensemble d'une libération politique, la libération de la captivité de Babylone, et d'autre part la libération spirituelle des péchés.

En 538 en effet, les captifs rentrèrent de Babylone, mais ce fut une grande déception. La libération politique était acquise, mais on restait dans une grande misère spirituelle.

Alors s'éleva la voix d'un autre disciple du Grand Prophète qui fit la dissociation : la libération politique n'est pas la véritable libération. Le Serviteur de Dieu, le Messie viendra pour libérer les homes de leurs péchés. C'est là le véritable esclavage et c'est là la véritable captivité. Ce Prophète transposait ainsi les idées de libération et de captivité. Alors que, pour les Prophètes antérieurs, Israël était comme un troupeau errant parce qu'il était en dehors de son pays, déporté à Babylone, l'auteur de ce chapitre 53ème du livre d'Isaïe, parlant de ce Serviteur de Dieu qui doit libérer son peuple, écrit : "Nous étions tous comme des brebis errantes, chacun de nous suivait sa propre voie, et Yahvé a fait retomber sur lui l'iniquité de nous tous." (Isaïe, ch.53, v.6)

Être "errant" ce n'est donc plus être loin de sa patrie, c'est être loin de Dieu par le péché. C'est seulement de cette captivité là, du péché, que le Serviteur de Dieu vient nous délivrer.

Or voici que maintenant les Apôtres ramènent à nouveau cette libération que doit apporter le Messie, à une libération politique. Quel recul !... alors que Jésus par toutes ses paroles et toutes ses attitudes s'était identifié avec ce Serviteur de Dieu décrit dans ce chapitre 53 d'Isaïe et n'avait voulu absolument pas pactiser avec la conception d'un Messie politique.

Il faudra que l'Esprit Saint vienne transformer la mentalité des Apôtres et leur faire comprendre de quelle captivité spirituelle le Christ les a libérés.

AUJOURD'HUI, NOUS VOICI, A NOUVEAU, RAMENES EN ARRIERE. Combien, même parmi les prêtres prônent avant tout, une libération politique comme condition de toute libération spirituelle. C'est juste l'inverse qu'avait prêché Jésus-Christ. Sa prédication, c'était disait-il, comme un vin nouveau, un esprit tout nouveau qui ferait éclater les vieilles outres, les vieilles institutions, les vieilles structures.

Le Père Feuillet, un grand savant dans les sciences bibliques, note ceci dans un Livre qui vient de paraître et dans lequel il étudie avec tout un arsenal scientifique, l'évolution de l'idée de libération dans l'Ancien Testament : "Dans ces conditions, dit-il, il est difficile de penser qu'un certain mélange de politique et de religion dans le ministère sacerdotal, et une conception du ministère qui met au premier plan le changement des structures économiques et sociales par la lutte des classes il est difficile de penser que tout cela serait conforme à 1'Evangile. Le Christ nous sauve en nous libérant avant tout de nos péchés. Ce qui ne veut pas dire que cela n'a pas d'influence sur le reste. On a fait remarquer que l'instauration de son règne corrode la violence et la tyrannie partout où ce règne s'introduit, non seulement dans la vie privée, mais aussi dans la vie publique."

Chamberlain, non pas l'homme politique, mais le philosophe écrivait dans son livre "La Genèse du XXème siècle", "La vie de Jésus est une déclaration de guerre catégorique visant non pas les formes de la civilisation, de la culture, de la religion, qu'Il trouvait établies autour de Lui, (Il observe la Loi juive et recommande de rendre à César ce qui est à César), mais bien les dispositions intérieures des hommes, leur état spirituelle, les motifs d'où procèdent leurs actes, le but même transcendant qu'ils se fixent. Envisagée à ce point de vue de l'histoire universelle, l'apparition de Jésus-Christ signifie l'apparition d'une nouvelle espèce humaine." Et il en conclut que le Chef de cette nouvelle espèce humaine peut à bon droit, être appelé un nouvel Adam.(p.278).

TRIOMPHE !!! MANIFESTATION DU TRIOMPHE DE JESUS-CHRIST ! C'est bien le sens de cette fête de l'Ascension.

Sans doute, depuis sa Résurrection, l'humanité de Jésus, son âme et son corps sont entrés dans la Gloire de son Père. Mais il fallait que cela soit manifesté. Dieu nous prend comme il nous a faits, avec un corps et une âme, avec notre sensibilité. Nous l'avons déjà dit, quand Jésus veut nous apprendre une vérité profonde, Il prend des comparaisons très simples, des images puisées dans la vie quotidienne, qui parlent à notre imagination et à tous nos sens. De même, lorsque le Seigneur veut nous communiquer ses grâces, et Dieu sait si la grâce est quelque chose de tout à fait spirituel, intérieur, Il emploie des gestes et des signes qui vont parler à nos yeux, qui vont parler à nos oreilles, qui s'adresseront à notre sensibilité, ce seront les Sacrements.

A travers les apparitions pascales, Jésus va d'abord graver dans la conscience des Apôtres, cette conviction qu'Il vit toujours et qu'Il vit dans son être complet avec son corps, son âme et sa divinité. Avec un corps qui, certes, est transformé, sublimé, qui a des propriétés qu'il n'avait pas quand il était sur la terre, mais qui vit toujours. C'est d'abord cette conviction-là que par les apparitions Jésus va incruster dans le cœur de ses disciples.

Dans cette dernière apparition du jour de l'Ascension, ce que Jésus veut souligner cette fois-ci c'est sa  "Seigneurie". C'est que, non seulement Il continue à vivre, c'est que non seulement son humanité a été toute transfigurée, mais que cette humanité, ce Christ complet, il entre dans la Gloire même du Père. Et c'est pour cela qu'Il leur apparaîtra s'élevant dans les airs.

Nous savons très bien que le ciel n'est pas localisé, qu'il n'est pas plus en haut qu'en bas. Les êtres spirituels et les corps spiritualisés n'ont pas de lieu pas plus que mon moi se trouve davantage dans mon pied, dans mon bras ou dans ma tête. Le côté localisation n'existe plus.

Mais Jésus s'élève pour montrer justement par cette vision de son humanité qui s'élève, qu'Il est désormais au dessus de tout, comme le proclamait tout à l'heure Saint Paul. Aujourd'hui, encore, quand nous disons que Jésus est "au-dessus" de tout, qu'Il domine sur toutes choses, ces mots que nous sommes bien obligés d'employer, n'ont-ils pas une résonance spatiale ? Esprits incarnés, toutes nos idées les plus spirituelles ne peuvent s'exprimer "qu'en prenant corps" dans des images, ne serait-ce que dans des images verbales. Voilà pourquoi Jésus, tenant compte de notre nature humaine, a voulu donner à ses Apôtres, cette vision de l'ascension vers le ciel de son corps ressuscité et glorifié.

C'est donc aujourd'hui la fête de la "Seigneurie" du Christ. Il est "Le" Seigneur ! quand les premiers chrétiens avaient prononcé ce mot, ils avaient tout dit sur Jésus-Christ. Il est "Le" Seigneur ! Le Seigneur non seulement des êtres qui sont sur la terre, mais de toutes les puissances et principautés ! Saint Paul énumère justement toutes les puissances que l'on imaginait alors, et il dit : "Jésus est au dessus de tout cela, il est assis à la droite du Père." Encore un langage image pour signifier qu'Il partage la propre Gloire du Père.

S'il y a jamais eu une "Fête de l'Humanité", c'est bien celle d'aujourd'hui. L'humanité n'a jamais atteint une dimension, une dignité aussi sublime aussi inimaginable que d'entrer ainsi dans le monde divin, de partager la Gloire divine, dans la personne de Jésus-Christ. Nous tous chrétiens, je crois que nous pouvons mettre au défi qui que ce soit de se faire une idée de la grandeur humaine aussi belle, aussi splendide, aussi inouïe, aussi impensable que la nôtre. Dans le Christ, c'est notre humanité qui est glorifiée, défiée !

Voilà pourquoi, aujourd'hui, demandons au Seigneur de nous imprégner de cette conviction de sa seigneurie : Il est "le" Seigneur, "notre" Seigneur ! C'est quelque chose ! C'est-à-dire que, pour nous, il ne peut pas y avoir plus haut, il ne peut pas y avoir mieux !

Cette seigneurie, comment va-t-elle s'exercer ?

Elle va s'exercer par son Esprit. C'est cet Esprit-Saint qui va "retourner" ses Apôtres, qui va leur donner la même mentalité que Jésus-Christ et qui de ce fait en fera vraiment ses disciples. Il leur fera comprendre, comme Saint Pierre le dira dans tous ses discours, que Jésus est venu d'abord pour nous libérer du péché. Dès lors, du reste, aucun discours des Apôtres, dans aucune de leurs lettres, on ne trouvera jamais mention de la libération politique. Saint Pierre lui-même prêche la soumission aux autorités établies.(1ère lettre de Saint Pierre, ch.2, v.13-21) Saint Paul demande de prier même pour les autorités persécutrices. (1ère lettre à Timothée, ch.2, v.1-3). Priez pour ceux qui vous persécutent, avait dit Jésus.

Oui, Jésus glorifié en ce jour, nous enverra, du haut du ciel, son Esprit Saint. C'est Lui qui transformera toutes nos mentalités, c'est Lui qui nous, donnera les mêmes idées que Jésus-Christ, c'est Lui qui nous fera agir comme le Seigneur Lui-même. C'est par Lui que s'exercera ainsi la domination totale du Seigneur en nous.

Que cet Esprit Saint, cet Esprit de Jésus nous fasse comprendre que le grand changement que nous devons apporter dans le monde c'est avant tout, le changement des cœurs, à, commencer par le nôtre, Sans ce changement à quoi bon changer les structures ? L'égoïsme humain aura tôt fait de tourner toutes les lois pour revenir aux mêmes esclavages, aux mêmes injustices. Voyez comment les institutions les meilleures qui avaient été inspirées par les intentions les plus justes et les plus charitables, ont bien souvent dévié, ont été galvaudées par suite d'un changement des mentalités. C'est d'abord le cœur qu'il faut changer, le Seigneur l'avait dit.

Ne nous laissons donc pas entraîner dans cette déviation qui ferait croire que la religion s'identifie avec la politique, que du moment que l'on fait de la politique, on en est quitte avec les autres exigences du Seigneur, quelle déformation ce serait, quel retour en arrière !

Certes, là encore, on est allé de hue à dia, d'un extrême à un autre. Il fut un temps où trop de chrétiens se désintéressaient du souci de la Cité et se tenaient à l'écart du combat social. Il ne faudrait pas maintenant tomber dans l'excès opposé. Par exemple, insister tellement sur les pêchés collectifs (dans lesquels du reste, entre parenthèses, nous ne voyons pas toujours très bien la responsabilité qui peut nous incomber), insister tellement sur ces péchés collectifs qu'on en oublie tous les autres péchés ; insister tellement sur cette action "à longue portée" que nous en oubliions l'action immédiate, l'action prochaine, celle qui est, vraiment "à portée de notre main", et ceci au détriment du bien de l'ensemble. Que le souci des grands problèmes que l'on nous remet volontiers sous les yeux, et à la solution desquels souvent nous ne pouvons pas apporter grand chose en dehors de l'appui de nôtre voix, ne nous détourne pas du souci des problèmes, moins vastes peut-être mais auxquels nous pouvons apporter une solution. L'action politique ne recouvre pas toute la religion, comme voudraient le faire croire certains qui cherchent par là à s'annexer les forces vives du Christianisme.

A l'exemple des Apôtres, et suivant la recommandation de "notre" Seigneur, faisons de ces neuf jours qui nous séparent de la Pentecôte, une neuvaine de prières avec la Vierge Marie. Demandons à l'Esprit Saint de venir renouveler la face de la terre. Laissons nous envahir de plus en plus par cet Esprit-Saint, par cet Esprit du Christ, laissons nous de plus en plus conduire par lui, afin que Jésus devienne de plus en plus pour nous notre Maître et "notre" Seigneur !

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