Année A – Fête du Christ Roi de l'univers


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

D'après Saint Paul (2ème lecture), le Christ, après avoir reconquis le monde dévoyé, l'offrira à son Père…

Quand on aime quelqu'un, on est prêt à l'aider, à restaurer ce à quoi il tient par-dessus tout…

L'œuvre de Dieu a été brisée, cassée par le péché…

Jésus, son Fils, veut la restaurer et la lui rendre plus belle encore…

Pour cela, il vient sur la terre... prendre la tête de cette humanité… et il lutte contre les conséquences du péché (la souffrance, la maladie), mais surtout contre le péché lui-même…

Il cherche des associés.

Ses Apôtres…
Tous ceux qui s'ingénient à faire reculer dans le monde, le mal sous toutes ses formes… sont ses associés…
Mais c'est surtout nous, les chrétiens, qu'il convie à cette collaboration avec Lui…

Notre salut éternel en dépend…
Ce que nous faisons aux autres atteint le Christ :

- non qu'ils soient eux-mêmes le Christ…
- mais parce qu'il les aime plus que lui-même…

exemple de la maman…

A tel point qu'il récompensera ou punira ceux qui auront fait ou n'auront pas fait du bien aux autres, même s'ils n'ont pas pensé que cela pouvait l'atteindre, Lui…
A plus forte raison s'ils y ont pensé…

Nous, chrétiens, nous devons spécialement :

- dénoncer le mal moral… le péché…
- promouvoir par notre exemple et notre rayonnement, le règne du Christ dans les cœurs…


HOMELIE

C'EST UNE VISION GRANDIOSE que Saint Paul dévoile à nos yeux dans cette Epître que nous venons d'entendre. Une vision grandiose de l'œuvre de Jésus-Christ.

Notre Seigneur Jésus, après avoir triomphé de toutes les puissances ennemies, vaincu toute influence, ruiné tout pouvoir hostile au sien, amène à Dieu, son Père, tous les hommes dont il est le roi, et n'ayant, comme Fils, travaillé que pour son Père, il lui remet le sceptre sur tout ce qu'Il a conquis.

Pour Saint Paul, l'éternité commence par une sorte de cérémonie liturgique d'une infinie grandeur. Notre Seigneur Jésus-Christ, le roi prédestiné, entouré des anges, entouré des hommes nés de sa grâce et vivant de sa vie, se met à la tête de la phalange de tous ceux que son Père lui a donnés…

Avec eux, Il paraît devant son Père, lui présente et lui offre la moisson immense de ces élus qui ont germé de son sang. Avec eux, il se range à la domination paternelle de Celui qui lui a tout donné. Tous soumis, Il lui remet le sceptre et la royauté de la création qu'il lui a conquise et qui entre avec lui au sein de la Trinité. Désormais la famille divine est complète... Le dessein de Dieu est achevé : Dieu est tout en tous ! (Dom Delatte, Commentaire sur les Epîtres de Saint Paul, T. I, p.382).

Qui de nous, s'il a rencontré un enfant qui pleurait parce que le jouet auquel il tenait beaucoup a été cassé, ne lui a dit pour le consoler : « Ton jouet, je t'en achèterai un autre encore plus beau ! »

Qui de nous, devant un jeune qui a échoué dans un projet ambitieux mais noble, n'a essayé de le rassurer et n'a essayé de lui persuader qu'il arriverait peut-être, à quelque chose de plus beau et ne lui a promis de l'aider pour cela ?

Qui de nous, rencontrant un adulte qui voit toute l'œuvre pour laquelle il avait vécu s'effondrer tout d'un coup, ne lui a dit qu'il était prêt à l'aider à recueillir les morceaux sacrés et à reconstruire quelque chose de très beau ?

L'œuvre du Seigneur était cassée, brisée. Le rêve du Pèreétait complètement bouleversé : cet homme dont il était en droit d'attendre qu'il réponde par le "oui" d'un amour spontané à toutes ses prévenances, cet homme dont il attendait qu'il montre cet amour par une obéissance filiale et joyeuse, cet homme avait dit "non" à Dieu ! Il s'était révolté contre le Seigneur et, par le fait, c'est toute la création qui était bouleversée et qui maintenant, à son tour, disait "non" à l'homme et se révoltait contre lui. Au lieu d'une création qui lui était soumise, qui lui était docile, l'homme a à affronter une création qui lui est hostile ; il lui faudra la dompter et ce sera parfois très dur...

Et Dieu, qui voit tout ce travail, et Dieu qui voit toute cette souffrance, et Dieu qui voit toutes ces luttes, en est navré. Ce n'est pas cela qu'il voulait. Cet homme que Dieu avait doté d'une intelligence et d'un cœur et qui devait marcher 1a tête haute, le voilà maintenant à quatre pattes comme un pauvre animal ; son horizon est au ras de la terre... Encore une fois, le rêve de Dieu est brisé...

C'est alors que son Fils Jésus a promis à son Père de lui refaire son œuvre plus belle encore… Pour cela, le Seigneur est descendu ici-bas, au milieu de nous, pour restaurer cette humanité, pour la renouveler, pour lui rendre toute sa beauté primitive et pour y ajouter quelque chose de plus beau encore, puisque maintenant il a pris lui-même la tête de cette humanité-là et fait corps avec elle.

Dès lors, ce Seigneur Jésus va s'attaquer à toutes les manifestations du mal. Il essaiera d'être présent à toute souffrance, qu'elle soit physique ou qu'elle soit morale. Il poursuivra la maladie et s'emploiera à l'enlever de cette terre toutes les fois où il la rencontrera. Il s'attaquera surtout à la racine du mal qui est le péché et il cherchera, non seulement par ses parole mais aussi par son exemple divin, à enthousiasmer l'homme pour ce rêve de Dieu, pour cet idéal qu'il lui propose au nom de son Père.

Mais, ce Christ, il ne veut pas agir tout seul. Dès le début de son ministère, il s'associe des amis, des amis bien décidés des "mordus" et qui veulent avec Lui, et qui ambitionnent avec Lui de refaire l'humanité plus belle et qui vont s'y mettre de tout leur cœur. Jésus continue à appeler ainsi tous ceux qui le veulent à travailler avec Lui. Et je pense que tous ceux qui travaillent à faire reculer le mal sous toutes ses formes dans le monde sont déjà, d'une certaine manière, associé à cette œuvre salvatrice du Christ. Ceux qui attendent la souffrance, ceux qui combattent la maladie, les médecins, les chercheurs, sont associés d'une certaine façon, à ce travail de Jésus-Christ, guérissant les malades, soulageant tous ceux qui souffrent. Et ceux qui s'emploient à supprimer le vice et le péché dans le monde, ceux-là surtout travaillent, eux aussi, avec Jésus-Christ à restaurer l'humanité. Et ceux qui emploient tout leur cœur et toute leur sagacité, toute leur sollicitude à "élever" des enfants, à les rendre plus beaux, surtout moralement, à faire qu'ils ne soient pas atrophiés, diminués, mais qu'ils réalisent, eux aussi, le rêve de Dieu, ceux-là aussi contribuent avec le Christ à embellir l'humanité. Et que dire alors de ceux qui s'efforcent de rétablir les liens personnels, explicites, amoureux entre Dieu et les hommes, et qui ainsi font retrouver à ceux-ci leurs dimensions spirituelles, surnaturelles, restaurant en eux l'image même de Dieu ? Ceux-là poursuivent l'essentiel de la mission du Christ et travaillent éminemment à restaurer la création telle que Dieu l'avait rêvée...

C'est surtout nous, Chrétiens, nous qui prétendons être ses disciples, que le Christ convie à collaborer avec Lui dans cette œuvre de restauration.

Dans cet évangile, Jésus nous y pousse de deux manières :

D'abord en mettant en cause notre salut éternel. J'ai eu bien des occasions de souligner ce texte décisif. Il est impensable que, pour un chrétien, le souci de faire son salut éternel le détourne de tout faire pour le salut temporel de ses frères, de tout faire pour faire reculer le mal et la souffrance dans le monde… puisque le Christ, dans ce passage, fait dépendre notre bonheur ou notre malheur éternel de ce que nous aurons fait ou n'aurons pas fait pour soulager nos frères...

Surtout ce texte nous pousse à pourvoir au bien temporel de nos frères au nom même et dans la mesure de notre amour pour le Christ. Déjà je vous le disais il y a quelques dimanches, il est impossible que notre amour de Dieu, s'il est vrai et sincère, ne pousse pas à aimer et donc à aider nos frères. Puisque ceux-ci sont les images de Dieu, si je prends conscience de cet article de notre foi, je ne veux pas ne pas les aimer (et donc les aider) du même amour dont j'aime le Seigneur lui-même.

Ici, le Christ nous donne une autre raison pour laquelle notre amour pour lui est inséparable de notre amour et de notre sollicitude vis-à-vis du prochain. C'est qu'il considère, comme fait à lui-même, ce que nous faisons aux autres en bien comme en mal.

Il nous faut bien préciser. Il est une façon erronée de comprendre ce texte qui a tendance se répandre de nos jours. Elle consiste à dire ou à croire que tout souffrant, tout être méprisé ou bafoué est le Christ, et de tomber ainsi dans un certain "pan-christisme" : tout le monde, tous les hommes seraient le Christ. C'est ainsi qu'on a monté un film sur "des christs par milliers".

Quand on me dit : « Le prochain, c'est le Christ ; tout homme qui souffre, c'est le Christ », il s'agit de bien s'entendre. Que tout souffrant, tout être méprisé, bafoué évoque pour moi, chrétien, le souvenir du Christ, c'est certain, mais il n'en reste pas moins vrai que ces êtres, mon prochain pas plus que moi-même, nous ne sommes pas le Christ. La personne de chacun de ces êtres qui m'entourent, pas plus que ma propre personne, ne s'identifie pas avec la personne sacrée de Jésus-Christ qui reste toujours, aujourd'hui comme autrefois, une personne concrète, réelle, toujours existante, la personne sacrée du Fils de Dieu incarnée et ressuscité.

Comment comprendre alors cette phrase du Christ dans l'évangile de ce jour : « Tout ce que vous aurez fait en bien ou en mal à l'un de ces petits "qui sont miens", m'atteindra moi-même » ?

Une comparaison va nous la faire comprendre dans son vrai sens, je crois.

Tout ce que l'on fait à un enfant atteint sa maman au plus profond d'elle-même parce qu'elle aime cet enfant plus qu'elle ne s'aime elle-même, au point qu'elle préférerait recevoir elle-même les coups que l'on pourrait donner à son enfant et que le meilleur moyen de faire plaisir à cette maman, ce sera de faire plaisir à son petit.

Or, le Christ nous a tous aimés plus que lui-même, comme le chantait un vieux cantique, puisqu'il a donné son sang pour chacun de nous, qui que nous soyons. Dès lors, la gifle que je donnerais à ce camarade, Jésus préférerait la recevoir lui-même, et le geste d'amitié que je ferais pour le plus petit des siens le touche plus profondément que s'il en était directement le bénéficiaire.

C'est à tel point que le Christ nous dit qu'il se chargera de récompenser ceux qui auront secouru leurs frères, comme il se chargera de punir ceux qui ne les auront pas secourus, même si en agissant de la sorte ils n'ont pas pensé du tout qu'ils atteignaient le Christ lui-même. En effet, dans cette parabole, ceux qui se sont occupés des autres, comme ceux qui ne s'en sont pas occupés, sont tout surpris quand le Christ leur dit : « Vous m'avez secouru ou vous ne m'avez pas secouru... » Non, vraiment, ils ne pensaient pas atteindre le Christ lui-même, ils ne soupçonnaient pas les liens qui l'unissaient à ceux qu'ils ont traité de la sorte...

A plus forte raison serons-nous récompensés par le Christ quand nous agirons en prenant conscience que nous l'atteignons ainsi lui-même. Jésus a promis qu'Il ne laisserait pas sans récompense celui qui donnerait ne serait-ce qu'un verre d'eau, à un de ses disciples, parce qu'il était son disciple, son ami... donc à cause de lui, Jésus. (St Matthieu, ch.10, v.42 - St Marc, ch. 9, v. 40).

Quel stimulant va donc nous apporter notre amour du Christ pour nous occuper de nos frères ! Nous voudrions parfois "faire quelque chose pour lui", lui rendre un tout petit, petit brin de ce qu'Il a fait pour nous. Sachons que nous pouvons l'atteindre en plein cœur en le faisant pour notre prochain...

Mais si nous devons souffrir de ce que la création soit révoltée contre l'homme, par suite de sa faute, si nous devons tout faire pour obvier à toutes les conséquences néfastes de cette révolte, nous chrétiens, nous devons voir plus loin : nous devons être surtout gênés, bouleversés de la révolte de l'homme contre son Dieu qui a été à l'origine de cette révolte de la création contre l'homme. Nous devons donc aller plus loin, plus profond dans cette œuvre de restauration et aspirer, de tout notre amour de Dieu et de l'homme, à rétablir entre eux les liens de l'amitié.

Tout d'abord, nous devons dénoncer le péché par notre conduite, quitte à nous attirer, nous le disions le jour de la Toussaint, la persécution. Mais nous devons aussi être capables de montrer comment le péché nous abîme et comment, au contraire, l'idéal du Christ est épanouissant.

Ensuite et surtout, nous devons promouvoir le règne du Christ dans les cœurs. Et là, nous ne pouvons guère prétendre arriver à ce but que par "contagion". Rappelons nous tout ce que j'ai pu vous dire ces derniers dimanches.

Il faut d'abord que le Christ règne complètement en nous. Que notre souci constant soit de nous calquer sur Lui. Que nous ne cessions de nous poser la question que les premiers chrétiens se posaient en toute circonstance : « Qu'aurait fait le Christ, que ferait le Christ ? » ou encore sous une autre forme : « Seigneur, que veux-tu que je fasse, qu'est-ce qui te ferait plaisir ? » et qu'ensuite nous agissons en conséquence. A partir de là, une osmose, une contagion., nous l'avons vu, se déclenchera, ce qui ne nous empêchera pas, bien au contraire, de parler explicitement de Lui quand l'occasion se présentera. Mais nous en parlerons alors, non pas sur commande mais comme un fiancé parle de sa fiancée à tout venant, par amour. Notre parole jaillira de notre cœur, de notre enthousiasme pour Lui, et cet amour, et cet enthousiasme seront communicatifs, surtout s'ils s'accompagnent de notre prière.

C'est ainsi que nous travaillerons efficacement à l'extension de son règne, c'est ainsi que nous restaurerons avec Lui l'œuvre de son Père !

 

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