SOMMAIRE DE L'HOMELIE
Pourquoi y a-t-il aujourd'hui plus de gens qui répondent à l'appel des cloches et viennent à l'église ?…
Pourquoi cette procession de gens au cimetière… ? Pourquoi ces pots de chrysanthèmes ?…
L'homme, quand il veut bien réfléchir, ne peut pas croire qu'il n'est qu'une pincée de poussière…
Le culte des morts serait absurde si :
- nous n'étions que des mécanismes compliqués…
- nous n'étions que des animaux…
Vous avez le sentiment que vos témoignages de respect et d'affection… atteignent celui auquel s'adressaient votre conversation et votre affection quand il était visiblement près de vous…
Vous avez le sentiment qu'il voit ses témoignages
avec les mêmes yeux que ceux avec lesquels il voyait, de son vivant, bien
des choses que ne peuvent atteindre les yeux de chair…
Vous avez le sentiment que celui qui, ici-bas, commandait ce corps, survit à
la dissolution de celui-ci.
En cette fête, le Christ et l'Eglise viennent confirmer ces intuitions de notre raison…
Nous ne pouvons pas nous faire une idée bien précise de cette vie de l'au-delà… exemple de l'enfant dans le sein de sa maman
Le Christ, pour nous en donner une petite idée, utilise des comparaisons… le festin de noce… le feu…
Si déjà dès cette vie « l'essentiel
est invisible » à plus forte raison ce sont les réalités
spirituelles seules qui compteront dans l'au-delà…
Vivons en conséquence…
SIMPLES REFLEXIONS SUR LES CHRYSANTHEMES
Elles pleurent parfois et plus souvent elles chantent et prient, les cloches de notre clocher !
Ils sont hélas ! trop peu nombreux ceux qui les entendent et répondent à leur appel.
Hier et aujourd'hui, pourtant il semble que pas mal de gens qui, d'habitude, restent sourds à leur voix entendent les appels qu'elles lancent dans ce ciel gris de Toussaint. Notre assistance est plus nombreuse, pourquoi ?
Hier et aujourd'hui, voyez donc cette procession presque ininterrompue de gens dont beaucoup ne mettent jamais les pieds à l'église, mais qui tous, cependant, se rendent au cimetière achetant à la porte, qui plus gros, qui plus petit, chacun son pot de chrysanthème pour fleurir "sa" tombe.
Encore une fois, pourquoi ? pourquoi cela ... ?
Que veulent dire ces chrysanthèmes ?
Pourquoi ces oreilles, sourdes d'habitude à leur appel, s'ouvrent-elles aujourd'hui pour entendre les cloches de la Toussaint ... ?
Ils ne sont tout de même pas bêtes, les hommes, et s'ils font "ça" c'est que " ça " veut dire quelque chose, c'est que ce doit être intelligent !
Ô hommes ! emportés par le tourbillon vertigineux de la vie, vous voudriez vous persuader parfois que vous n'êtes qu'une pincée de poussière que le, vent emporte ! Or, voici qu'une fois par an tout au moins, vous acceptez d'arrêter quelques instants ce tourbillon et alors, non quand vous y réfléchissez bien, vous ne pouvez croire que vous n'êtes que cela et que ceux que vous avez aimés ne sont définitivement plus.
Ce culte de vos morts, en effet mais ce serait une absurdité si nous n'étions qu'un peu de poussière ! Si nous n'étions que des machines, des mécanismes compliqués, ou, si vous aimez mieux, des animaux perfectionnés et si, pour nous, tout se terminait à cette pauvre chose que renferme un tombeau !
Voyez vous même. Va-t-on se recueillir devant les restes d'une vieille machine mise au rencart, ou sur la fosse d'un animal ?... Honore-t-on ces débris, honore-t-on ce cadavre ? On l'enfouit, on le regrette et c'est tout.
Or, voici que tout au contraire, vous aimez à vous recueillir sur les tombeau de vos morts, vous prenez soin de les parer de fleurs, sur elles vous déposez ce pot de chrysanthèmes, peut-etre même un rameau de buis bénit le jour où l'Eglise acclame le Christ vainqueur de la mort.
POURQUOI ?... N'est-ce pas parce que vos hommages, vos témoignages de respect et d'affection ne s'adressent pas à ce pauvre corps qui gît actuellement dans cette tombe, mais à QUELQU'UN, à celui qui jadis animait ce corps, à celui auquel ce corps appartenait mais qui était plus que ce corps ?...
Déjà, du reste. quand cet être cher était encore visiblement auprès de vous et que vous lui parliez, vous aviez bien l'impression de vous adresser non pas à ses oreilles, ni à ses yeux, ni même à sa tête, mais par delà cette enveloppe corporelle, par delà cette paroi, à AUTRE CHOSE, à Lui, ou à Elle, c'est-à-dire à un esprit, a une personne, à un être mystérieux qui vous apparaissait comme à travers ces yeux familiers et que vous aviez nettement l'impression d'évoquer quand vous prononciez son nom ou que vous lui disiez "tu"... Et voilà pourquoi, maintenant, vous sentez très bien que la mort a pu atteindre cet enveloppe corporelle qui rendait visible la présence auprès de vous de cet être cher, sans détruire pour autant l'objet de votre amour. En définitive, en effet, ce n'était pas à ce corps, à cette enveloppe corporelle que s'adressait votre amour pas plus que votre conversation... ils s'adressaient à Lui, à Elle, c'est-à-dire à son esprit, à son âme, à sa personne qui vous apparaissait à travers ce voile corporel et que maintenant encore vous venez retrouver par delà ces pauvres restes que renferme un tombeau.
Vous sentez bien. en effet, que la mort a pu faire tomber en poussière "son" corps dans la tombe, mais que Lui ou Elle que vous aimiez, Lui ou Elle ou à laquelle vous parliez, Lui ou Elle auquel ou à laquelle appartenait ce corps mais qui était autre chose que ce corps, Il vit, Elle vit toujours et doit recevoir maintenant la récompense de toutes ces vertus de toutes ces qualités, de tous ces dévouements qui, hélas, n'ont peut-être pas toujours été appréciés et reconnus durant leur vie ici-bas, mais que maintenant vous vous plaisez à rappeler toutes les fois que vous parlez de Lui ou d'Elle, tant il est vrai que pour nous, comme pour Dieu, devant la mort, rien ne compte plus en dehors des vertus et des bonnes actions, c'est-à-dire en dehors de ce qui nous garantit l'éternelle récompense et l'éternel bonheur.
Autre chose encore. En accomplissant ces gestes de respect et d'affection envers vos morts, vous avez bien l'impression, n'est-il pas vrai, non pas de sacrifier à une coutume, à une habitude - vous ne vous dites pas seulement : « Ca la ficherait mal si je ne fleurissais pas sa tombe, si je ne la nettoyais pas ! » mais d'accomplir un devoir personnel envers ce défunt. Vous vous dites: « Cela lui ferait de la peine si je ne le faisais pas », comme s'il vous voyait encore bien que ses yeux de chair soient fermés.
Là encore, vous avez raison. Quand ce parent ou cet ami vivait près de vous, vous avez bien senti souvent qu'il avait d'autres yeux que ceux du corps. Des yeux avec lesquels il voyait des choses qu'on ne pourra jamais voir avec les yeux du corps, comme par exemple lorsqu'il vous disait : « Je vois ce que tu veux me dire », ou encore : « Je vois que tu as raison » ou « Je vois que c'est juste »... Est-ce avec des lunettes, est-ce avec des yeux de chair que l'on peut voir cela ? Non ! non ! C'est avec d'autres yeux, les yeux de l'âme ou de l'esprit, comme l'on dit, et c'est avec ceux-là qu'il continue de vous voir alors que ses yeux de chair ne sont plus.
Encore une réflexion. Notre corps est une machine bien compliquée, mais vous sentez bien vous qu'il y a, au sein de ce mécanisme, AUTRE CHOSE : un "maître", un "conducteur", un "commandant" qui se sert comme il l'entend de ces forces corporelles, "aveugles", comme on se sert de la force que l'essence dégage dans un moteur. Il y a un "mitre", un "conducteur" qui domine toutes ces tendances aveugles, aussi bien que les impressions que les choses font sur notre corps et notre sensibilité. C'est même là ce qui fait notre titre de fierté, ce qui nous distingue des animaux qui, eux, suivent fatalement ces forces ou les impressions qu'ils ressentent. Et, le jour où la machine de notre corps "s'emballe", le jour où nous n'en somme plus les Maîtres, nous avons bien l'impression d'une capitulation, d'un esclavage. Ce n'est plus "nous" qui commandons, c'est notre corps. Encore un coup, nous ne nous identifions donc pas complètement avec notre corps.
Voilà un peu comment, à mon avis, nous sentons tous que nous somme plus qu'un simple corps. Voilà pourquoi ces cloches de Toussaint trouvent un écho si profond en tous les cœurs. Elles évoquant pour chacun ce sentiment, cette conviction si profonde au cœur de tout humain que nous sommes plus qu'un corps mortel. Elles nous disent au nom du Christ (et ce n'est pas le premier venu !) et au nom de l'Eglise qui le continue, non pas que nous devons mourir (la belle nouvelle que celle-là et y aurait-il besoin du Christ pour nous l'apprendre !) mais elles nous disent que notre raison ne nous trompe pas et que ce qu'elle pressentait déjà est une réalité, à savoir que nous sommes plus qu'un simple corps, que cette enveloppe corporelle peut tomber sans que celui avec lequel nous nous plaisions à parler, sans que celui que nous aimions soit anéanti, puisqu'il était autre chose que cette enveloppe corporelle... Que les yeux de son corps peuvent s'éteindre sans qu'il cesse pour autant de nous voir, car il avait d'autres yeux.. Que la machine compliquée qu'était son corps a bien pu se détraquer et être mise au rencard, sans que celui qui commandait librement ces forces aveugles et qui les conduisait, soit atteint….
Bref, elles nous disent, ces cloches de Toussaint, que notre "moi", notre personne, notre esprit, notre âme (peu importe le mot) survit à la dissolution de notre corps, qu'en réalité la vie ne finit pas, que la vie d'ici-bas n'en n'est qu'une étape, qu'une phase préparatoire et que nous nous retrouverons un jour dans l'au-delà.
Il est bien vrai que nous ne pouvons pas nous faire une idée bien précise de ce que sera notre vie dans cet au-delà, de ce que sera notre vie après la mort.
Nous avons déjà eu deux phases dans notre vie. Une première phase quand nous étions dans le sein de notre maman et une seconde après notre naissance. Entre ces deux vies, ces deux genres de vie, il y a une grande différence, si bien que, même s'il pouvait déjà comprendre, l'enfant dans le sein de sa mère ne pourrait pas imaginer ce que sera sa vie après sa naissance, tellement elle est différente. Eh bien ! de même, tant que nous sommes dans notre corps, nous ne pouvons pas non plus imaginer ce que sera notre vie dans sa troisième phase, quand nous serons sortis de notre corps, après notre mort. C'est pourquoi les Anciens comparaient la mort à la naissance ; de même qu'à la naissance, on passe d'un genre de vie à un autre, de même en est-il à la mort.
Jésus cependant a essayé de nous donner une petite idée sur cette vie de l'au-delà, sur cette vie d'après la mort. Supposez que vous vouliez faire comprendre à un aveugle l'agrément qu'il y a à voir une belle couleur rouge, vous ne pourriez le faire qu'en prenant des comparaisons avec ce qu'il connaît, ce qu'il expérimente, et peut être vous pourriez lui dire : c'est agréable, un peu comme lorsque les rayons du soleil viennent caresser ta main. Jésus, lui aussi, pour nous faite comprendre le bonheur que nous aurions après notre mort si nous allions avec Dieu au ciel, a pris la comparaison de ce qui, ici-bas, représente pour nous la plus grande joie : un repas, un bon repas et, qui plus est, un repas de famille, et même un repas de noces... Dieu nous convie à sa table, à sa table de famille pour une noce.
De même pour nous faire comprendre à quel point nous serions malheureux si, par notre faute et à cause de notre entêtement, nous ne voulions pas de lui, Jésus a évoqué l'image du feu : ce sera sans doute comme un feu intérieur, comme une soif de bonheur inassouvi qui nous brûlera.…
Déjà ici-bas, « l'essentiel dans notre vie est invisible ». Pensez, en effet, à ce que serait une vie humaine dans laquelle il n'y aurait aucune pensée, aucune conversation, aucun échange d'idée et de sentiment, en laquelle il n'y aurait aucune affection, aucune amitié : ce ne serait plus une vie humaine ! Or, les idées, les sentiments, l'affection, l'amitié si elles sont choses bien réelles, ne sont pourtant pas matérielles mais invisibles...
A plus forte raison, une fois séparés du corps, nous le disions tout à l'heure, nous sentons tous que ce ne seront plus que les valeurs spirituelles qui compteront pour nous.
Qu'en adviendra-t-il alors de celui qui ne les aura pas cultivées ici-bas mais qui n'aura vécu qu'avec son corps et pour son corps... le tout de ce qui a fait sa vie s'effondrerai s'écroulera d'un seul coup !
Mes frères, répondons à l'appel de ces
cloches de la Toussaint. Elles nous invitent tous à être des hommes
et à mettre un peu de logique dans notre vie, à ne pas nous contenter
du geste de nos chrysanthèmes, pas du simple geste de notre prière
ni même de notre messe de Toussaint, mais elles nous invitent à
préparer par notre vie d'ici-bas le revoir de l'au-delà et le
bonheur qui ne finit pas. Alors, lorsque le moment viendra de quitter cette
terre, comme nous le demande le Seigneur dans l'Evangile de ce jour, nous ne
serons pas pris de court et nous sentirons que ce qui a fait l'essentiel de
notre vie, va se poursuivre éternellement !