Année A – Noël : Messe du jour


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

La " divine philanthropie " est apparue… Aujourd’hui s’est manifesté l’amour de Dieu pour l’homme.

Nous savons que c’est par amour pour nous que le Fils de Dieu s'est incarné... afin de supprimer pour ainsi dire ces distances qui, si justifiées soient-elles, sont insupportables à tout amour véritable…

Mais pour mieux saisir quel amour il a fallu au Fils de Dieu pour faire une telle démarche… essayons de nous rendre compte de toutes les souffrances qu’a entraînées pour Lui son incarnation…

Lui, la Sainteté même, vivre au milieu de pécheurs…

Lui, l’Intelligence Souveraine, au milieu de gens bornés…

Lui, la Bonté même, au milieu de gens malintentionnés et méchants

Tout ce qu’il fait est interprété en mal…

Il multiplie les miracles utiles… On lui demande des " prodiges dans le ciel "… Et Jésus est écœuré : " Ô génération incrédule ! "

Il parle de vie spirituelle et de résurrection… on se moque de Lui ! " Ô génération adultère et corrompue, jusqu'à quand vous supporterai-je ? Jusqu'à quand serai-je avec vous ? "

Même ses apôtres, à certains jours, lui sont à charge : " vous aussi, vous êtes donc " bouchés " à ce point " - " Arrière Pierre, tu es pour moi un tentateur ! " - " Philippe, il y a si longtemps que je suis avec vous et tu ne me connais même pas ! "

Nous aussi il peut nous en coûter parfois de rester dans le milieu où Dieu nous a placés pour y agir en chrétien alors que ce milieu est parfois à l’antipode de notre foi, de notre idéal…

En ce, jour où nous célébrons l’Incarnation du Fils de Dieu qui, malgré tout ce qui a pu Lui en coûter, est resté parmi nous… promettons au Seigneur de ne pas déserter, de ne pas nous évader de ce milieu… mais appuyés sur Lui d’y poursuivre notre action… prolongeant ainsi sa divine Incarnation !

 


HOMELIE

 

" LA PHILANTROPIE de notre Dieu et Sauveur s'est manifestée ! " s’écrie St Paul dans l’une des épîtres de ce jour (Epître de la messe de l’aurore : Tite, ch. 2, v. 11. C’est la traduction exacte du texte grec).

" Et le verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous " s’écrie St Jean dans l’Evangile que nous venons de lire (St Jean, ch. 1, v. 14).

Oui, le Verbe, le Fils de Dieu, s’est fait chair pour être tout près de nous, parmi nous, pour supprimer toutes ces distances qui, si légitimes, si réelles soient-elles, sont insupportables à l’amour. Dans la crèche, on peut voir Dieu pas plus grand qu’un petit enfant, rapetissé, à notre taille : un petit enfant sur la paille, pour que personne, si pauvre soit-il, ne puisse dire : il n’est pas descendu aussi bas que moi, il m’a laissé derrière lui, au-dessous de lui !

Mais savons-nous mesurer, chrétiens mes frères, ce qu’il en a coûté au Christ de s’incarner parmi nous ? On nous parle très souvent des souffrances de sa Passion, mais très peu souvent des souffrances de son Incarnation !

Avez-vous réfléchi au courage qu'il a fallu au Fils du Père, au Verbe de Dieu, pour venir au milieu des pécheurs que nous sommes, Lui, la sainteté même au milieu de ces gens pourris et dissolus ? Lui, l'Intelligence souveraine au milieu de ces gens bornés, hypocrites et retors, tout infatués d'eux-mêmes. Lui, la Bonté inlassable au milieu des gens intentionnés et méchants ?

Il est facile de glaner à travers les Evangiles telles exclamations, telles attitudes du Sauveur qui trahissent le supplice intérieur qu'il a enduré du fait de son Incarnation au milieu de nous.

On interprète mal tout ce qu'il a fait : s'il chasse les démons c'est qu'il est de connivence avec leur chef et peut ainsi leur commander ! S'il entre aussi bien chez le publicain que chez le pharisien : " Ah ! le voilà qui fréquente les pécheurs, les gens de mauvaise vie ! " S’il guérit les malades : " Ah ! mais c’est un jour de sabbat ". Et devant ce mauvais esprit, Jésus, nous dit St Marc, ne peut s'empêcher de jeter sur son entourage un regard d'indignation et de colère ! (St Marc, ch 3,v. 5)

Il multiplie les miracles et on vient lui dire : " Si tu peux faire quelque chose, guéris mon fils ! ". Il multiplie les miracles utiles et on vient lui demander, pour croire en Lui, de faire dans le ciel un prodige qui " en jette plein la vue " ! " Ô génération incrédule et pervertie, jusqu’à quand serai-je avec vous, jusqu’à quand vous supporterai-je ? " s'exclame le bon maître. Comme ce cri qui lui échappe en dit long sur son martyre intérieur ! (St Marc, ch. 9,v. 18 - St Matthieu ch. 12, v.39 et ch.16,v. 14).

Il parle de vie spirituelle, de résurrection, de vie éternelle et les Sadducéens - les matérialistes d'alors - cherchent à le tourner lui aussi en ridicule par une question grossière qui reflète ce sujet perpétuel de conversation et de moquerie : " Qu'en sera-t-il alors des rapports de l'homme et de la femme ? " - " Ô génération adultère et corrompue ! "

La dérision, c'est aussi tout ce qu'Hérode, le roi impudique, trouvera à opposer au silence du Christ qui le toise et le gêne, et il le fera affubler de la robe de l'innocent du village ! Que de fois, après lui, les chrétiens, pour avoir voulu parler de vie spirituelle, pour avoir voulu défendre la beauté de l'amure se trouveront affublés de la même dérision ! " Tu es assez bête, assez simple, assez attardé, pour croire encore à ces bêtises ! ".

Il n'est pas jusqu’à ses Apôtres qui ne lui soient à charge ! " Quoi, vous aussi, vous êtes donc bouchés, sans intelligence ! " dira-t-il par trois fois à l'adresse de ses Apôtres qui ne comprennent pas ses paraboles si simples…

" Comment, toi Pierre, tu t’opposes à ma passion, tu es pour moi un tentateur, un Satan ! car tu ne comprends rien aux choses de Dieu ! "

" Philippe ", dira-t-il à la veille de sa Passion, " il y a tant de temps que je suis avec vous et vous ne me connaissez même pas ! "…

-oOo-

Chrétiens, le Christ, en plongeant dans notre boue humaine au jour de son Incarnation, savait ce qui l’attendait. Il n'en est pas moins venu parmi nous. Que fut-il advenu de nous s’il s’était laissé arrêter ?

Chrétiens, vous êtes parfois tentés de fuir le milieu où Dieu vous a placés pour être ses témoins et de manquer ainsi à la mission qu’il vous a confiée. Ils sont si grossiers, Seigneur, si païens, si matérialiste, si corrompus, si pourris, si partisans, si bornés, si étroits et, quoique l’on fasse, c’est toujours mal interprété. Ils vous supposent toujours des tas d'idées derrière la tête. C’est pour "se pousser", pour se faire bien voir, pour les avoir… quels caractères ! J’en ai assez, assez, assez, Seigneur, de cet atelier, de ce bureau, de ce quartier, qui sait peut être de ce milieu familial ! Cette fois c’est bien décidé, Seigneur, je m’enferme chez moi, je les " laisse tomber ", je ne dis plus rien, je ne fais plus rien, comme ça j’aurai la paix !

Chrétiens fatigués qui aspiriez si volontiers à déserter votre milieu de vie ou de travail pour vous replier sur vous-mêmes ou pour vous adonner à la seule contemplation et faire de votre religion une affaire toute personnelle, écoutez ce qu’écrivait au 6e siècle un grand Pape qui fut aussi un grand moine, Saint Grégoire le Grand :
« Il y en a qui ont reçu bien des grâces et qui brûlent de s’adonner à la seule contemplation et refusent de pourvoir à l’utilité de leur proches par la prédication. Ils aiment la solitude et la paix et désirent la tranquillité pour se livrer à la méditation. Si on les juge en stricte justice, ils sont d’autant plus coupables qu’ils auraient pu rendre de plus grands services en acceptant de sortir d’eux-mêmes en venant en public. Je vous le demande – poursuit ce grand Pape – en vertu de quel esprit celui qui aurait pu se signaler dans le service du prochain pourrait-il préférer à l’utilité des autres sa solitude et sa tranquillité quand le Fils unique du Souverain Père, pour servir la multitude, est sorti du Père pour venir au milieu de nous ! " (St Grégoire, le Pastoral, ch. 5).

 

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