Année A - Dimanche des Rameaux


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HOMELIE

QUI EST-CE ?... et l'index du vieil homme montrait le mur d'en face. Cette année-là nous avions acheté pour notre église de L'Haÿ-les-Roses, un vieux crucifix du XVème siècle en bois. Mais comme la croix était complètement vermoulue et tombait en poussière, nous en avions détaché le Christ et nous l'avions accroché au mur de notre réfectoire, en attendant qu'une autre croix soit confectionnée. "Qui est-ce ?... " Il en avait pourtant vu bien des fois des crucifix dans sa vie, cet entrepreneur de maçonnerie de soixante-douze ans ! Mais un Christ sans croix ! Ça choque, ça scandalise presque... Nous sommes tellement habitués à Le voir sur sa croix, le Seigneur, le Fils de Dieu, que nous en avons pris notre parti...

Il paraît que certains prêtres "nouvelle vague" auraient voulu qu'on enlève les crucifix des locaux de catéchism. pour que les enfants ne risquent pas d'être traumatisés !... " Tranquillisez-vous, chers confrères, il n'y a aucun danger, on en prend fort bien son parti de voir le Christ pendu à ce gibet… On Lui ferait presque des reproches s'Il le quittait !...

Je voudrais, mes bien chers frères, que la lecture et la méditation de la Passion du Seigneur, durant cette semaine sainte, nous traumatise un peu, ne serait-ce que pour soupeser l'amour qu'elle suppose, afin que nous puissions faire notre la parole de St Paul : " Désormais je vis avec l’obsession que le Christ m’a aimé jusqu'à se livrer pour moi ! " (Epître aux Galates, ch.2, v.20).

 

Pour cela, je vous conseille de la relire, cette Passion du Seigneur, à la lumière de ce principe si vrai que St Thomas d'Aquin, le Grand Docteur de l'Eglise, nous donne : " On montre d'autant plus d'amour à quelqu'un que, pour lui, on sacrifie des biens auxquels on tient naturellement davantage."

Que possédait Jésus, comme biens extérieurs, comme biens matériels, Lui qui était littéralement né sur la paille, Lui le fils du pauvre charpentier de Nazareth, Lui qui durant sa vie publique, avouait qu'il n'avait même pas une pierre où reposer sa tête ?... Il n'avait guère que ses vêtements notamment cette tunique sans couture que La Vierge sa Mère, Lui avait, sans doute, tissée. Aussi bien l’Evangile nous dit que les soldats Lui ont arraché ses vêtements et se les sont partagés et qu'ils ont tiré au sort sa tunique. Ainsi son pauvre corps couvert de plaies a été exposé nu sur la croix aux brûlures du soleil de midi : " il était environ midi " note St Jean.

Son corps, son pauvre corps couvert de plaies !...Nous tenons tellement à la santé, à l'intégrité de notre corps ! Regardez ce qu'ils en ont fait du corps du Seigneur ! Il n'est pas un seul de ses membres qui n'ait été torturé. Aujourd'hui encore, nous pouvons voir les stigmates de cette Passion, comme en photographie, sur le linceul de Turin, que la Science semble bien obligée de reconnaître comme authentique. Nous pouvons voir comment tout son corps a été labouré, lacéré par des coups de fouets, les uns armés d'osselets, les autres de billes de plomb. Seule la région du cœur a été épargnée. Les médecins nous disent, en effet, qu'une flagellation violente en cet endroit entraînerait la mort. Or Pilate avait ordonné cette flagellation seulement pour apitoyer la foule, espérant ainsi laisser au Christ dont il avait reconnu l'innocence, la vie sauve. Les pieds ont été cloués l'un sur l'autre par un seul clou. Les bras fixés chacun par un clou au poignet. Les traces de sang sur les avant-bras prouvent que les membres du crucifié n'étaient pas tendus, ce qui, du reste, aurait provoqué la mort immédiate par asphyxie. Pour pouvoir respiré, le crucifié était donc obligé de prendre appui tantôt sur les mains, tantôt sur les pieds. C'est dans cette position que la mort l'a figé lorsqu’il poussa le grand cri.

Regardez surtout son visage, son visage divin, tuméfié par les soufflets reçus, couvert de crachats, la barbe arrachée, le nez brisé, l'arcade sourcilière enfoncée par un coup de poing ou par une chute… Sa tête est complètement lacérée par les épines de la couronne. Celle-ci n'était pas un simple cercle entourant la tête, mais un vrai casque d'épines, fait d'une brassée de ce jujubier épineux dont les soldats devaient se servir pour se chauffer, et qui à été enfoncée dans la tête à grands coups si bien que le cuir chevelu en a été lacéré en tous sens. Sa bouche est desséchée par la soif. Ses yeux ne voient que le ricanement de ses ennemis ou les pleurs de ceux qui L'aiment. Ses oreilles n'entendent que railleries ou blasphèmes.

Notez que ces souffrances physiques, Jésus les a ressenties avec une acuité bien supérieure à celle avec laquelle nous aurions pu les ressentir nous-mêmes, car son corps formé miraculeusement dans le sein de la Vierge Marié par le St Esprit, était d'une sensibilité parfaite, bien supérieure à la nôtre. Cependant pour éprouver toutes ces souffrances au maximum, afin de nous témoigner davantage d'amour, Jésus n’a voulu accepter aucun soulagement. C'est ainsi qu'Il n'a pas voulu prendre le stupéfiant de vin et de myrrhe que les soldats apitoyés lui offrirent.

Mais s'il est une chose à laquelle tout âme, tout cœur noble tient encore plus qu'à la santé et à l'intégrité de son corps, c’est son honneur et sa réputation. Quel est l'homme dont l'honneur a été plus outragé, plus sali ?... Il a été vendu, vendu pour trente pièces, le prix d'un esclave ! On est venu l'arrêter, il le fera remarquer, Lui-même, comme un brigand. Il a reçu sur son visage sacré non seulement les soufflets mais aussi les crachats, expression suprême du mépris que l’on a pour quelqu'un. On l'a tourné en dérision dans la salle du corps de garde en l'affublant d'une guenille rouge, en le couronnant d'épines, en faisant devant Lui toutes sortes de contorsions sacrilèges. Le larbin du Grand Prêtre Lui a donné un soufflet en public comme s'il avait manqué à la politesse élémentaire due au Grand Prêtre. Lui qui avait fait tant de miracles, Lui qui était passé en faisant le bien, en soulageant et en guérissant, on lui reproche de monter la tête au peuple, on Lui préférera Barrabas l'homicide, Barrabas le meurtrier ! Lui, le propre Fils de Dieu on L'a accusé de blasphèmes. C'est même pour cela qu'Il sera condamné, pour s'être prétendu jusqu'au bout, jusqu'à la mort, le Fils de Dieu : " Vous avez entendu le blasphème, dira Caïphe, que vous en semble ?..." Et tous à l'unanimité répondront : " Il mérite la mort ! " Et de fait, Il subira le supplice des scélérats, Il sera pendu à la potence, au gibet entre deux bandits ! Ainsi l'avait prédit le prophète. Oui, personne au monde ne pourra jamais dire : " Je suis plus bas que Jésus-Christ ! ". Il a été mis au dessous de tout ce que la terre a jamais considéré comme bas, vil, et méprisable.

Si nous tenons tellement à notre honneur et à notre réputation c'est parce que l'estime nous procure un bien encore plus précieux à nos yeux : le bien de l’amitié. L'amitié ?... Qu'est-ce que Jésus n'a pas eu à endurer de la part d’amis, de ses intimes, de ses choisis au cours de sa Passion ?... Vendu par Judas, celui auquel Il avait fait confiance en lui confiant la bourse de la petite équipe. Trahi, livré par lui à ses pires ennemis et ce, sous le signe même de l'amitié : le baiser ! " S'approchant, il L'embrassa. " Abandonné par tous ses disciples, renié par celui qu'Il avait choisi comme son vicaire, son remplaçant, son successeur ! Renié trois fois, renié par frousse et qui sait ?... Peut-être même par mépris : on ne se déclare pas pour un individu condamné par les plus hautes autorités, par les autorités religieuses !

Sans doute auprès de la croix il y aura quelques femmes courageuses et fidèles. Il y aura même l'Apôtre Jean, mais ce sera après L'avoir abandonné, lui aussi.. Il y aura surtout Marie, sa Mère. Mais si la présence de sa maman, à ce moment là, a pu être pour Lui un réconfort, quel déchirement ce dut être aussi pour son cœur filial que de voir la douleur de sa Mère ? Aussi bien pour essayer de Lui épargner ce surcroît de douleur et de souffrance, Marie cache pour ainsi dire sa propre douleur. Elle ne s'effondre pas sous le poids de ce martyre, elle reste debout, auprès de ce gibet, de cette croix où son enfant, où son Dieu agonise.

Mais voici où la douleur du Christ atteint son paroxysme. Vous avez entendu ce cri bouleversant : " Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m'as-tu abandonné ?... " OUI, le propre Fils de Dieu dont toute la joie, toute la fierté est de se sentir aimé, aimé infiniment par son Père, voici que le propre Fils de Dieu a voulu sacrifier pour nous jusqu'à la perception de cette sensation qui eut été son meilleur réconfort. Cette sensation d'être aimé de son Père, d'être protégé par son Père, cette sensation elle-même l'abandonne. Il le fallait pour qu'il expérimente la détresse de tous ces souffrants qui, dans la suite des âges, éprouveraient, dans l'excès de leurs souffrances cette impression, ce sentiment d'être abandonnés de Dieu Lui-même. Ce sentiment qui confine au désespoir, Jésus a voulu l'éprouver Lui aussi au maximum de ce que l'on peut imaginer. Le Fils, le propre Fils de Dieu, abandonné par son Père!... C'est la souffrance des damnés !

Comment n'être pas confondus, mes frères, quand on réfléchit que toutes ces souffrances le Christ ne les a pas endurées pendant 24 heures seulement, mais durant 33 ans ! ... En effet, les confidences que Jésus fait plusieurs fois à ses Apôtres, dans l'Evangile, à ce sujet, montrent que, par avance, Il savait jusque dans le détail tout ce qui L'attendait. " Le Fils de l'homme aura beaucoup à souffrir des Anciens, des Grands Prêtres et des Scribes. Ils le condamneront à mort et Le livreront aux païens. Ils le bafoueront, le flagelleront, lui cracheront dessus, ils le crucifieront, ils le tueront ! " On comprend alors cette phrase mystérieuse du Seigneur, avouant bien des mois avant sa Passion à ses Apôtres : " Je dois être baptisé d'un baptême de sang et je suis dans l'angoisse jusqu'à ce que ça arrive ! ". (St Luc,ch.12,v.50) L'angoisse que nous ressentons tous d'une souffrance prévue et, par conséquent, vécue d'avance...

Chrétiens, voici le martyre qu'a enduré pour nous le Fils de Dieu ! Soyons fiers, comme nous le chanterons à la messe du Jeudi Saint, comme le disait St Paul, d'avoir été, d'être aimés a ce point-là par un tel personnage : le Fils de Dieu Lui-même !! Qu'à l'exemple de l'Apôtre, la conviction de cet amour pénètre tellement notre esprit et notre cœur, qu'elle anime toute notre vie, qu'elle en soit le leitmotiv. " Je vis, s'écrie l'Apôtre, dans la conviction que le Fils de Dieu m'a aimé et s'est livré pour moi ! " (Galates,ch.2,v.20).

Enfin, mes frères, si la lecture de la Passion du Seigneur a pu faire naître en nos cœurs le désir de Lui apporter quelque consolation et quelque soulagement, n'oublions pas qu'il nous est possible de L'atteindre encore, aujourd'hui, dans ses membres souffrants. " Tout ce que vous aurez fait au plus petit de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. " (Matthieu,ch.25, v.40) Pensons plus particulièrement au cours de cette semaine sainte, à ceux qui sont cloués depuis si longtemps sur un lit de malade qu'on a fini par en prendre son parti, pour eux aussi, et qu'on risque de ne plus y faire attention. Entourons les d'une affection plus grande que jamais, et d'attentions plus délicates, persuadés qu'ainsi nous atteindrons le Christ en plein cœur. " Tout ce que vous avez fait au plus petit de mes frères c'est à Moi que vous l'avez fait !".... et Lui rendre ainsi un peu de cet amour qu'Il nous a prodigué !...

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