Année A – Fête de la Sainte-Trinité


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SOMMAIRE DE L'HOMÉLIE

Le Mystère de la Sainte Trinité

1°) Déformations tendancieuses pour montrer que ce mystère est absurde...

Réponse : Ce mystère n'est pas absurde : 3 n'égale pas 1 . En Dieu, il y a une unique nature et 3 personnes. Nature et personne ne sont pas synonymes.

2°) Déformations anthropomorphiques

D'où vient cette tendance à nous représenter Dieu de façon anthropomorphique...

Ces représentations ont fait du mal...

Dieu avait bien raison de les interdire (second commandement)

3°) Dieu nous a créés à son image mais quant à notre esprit : la vie de celui-ci nous permet de nous faire une "petite idée" de la vie intérieure de Dieu, du Mystère de la Sainte Trinité.

4°) Jamais nous n 'aurions pu connaître cette "vie intérieure" de Dieu s'Il n'avait daigné nous la révéler par son Fils... (déjà la "vie intérieure" de nos proches nous échappe...)

5°) Chantons notre "Gloria Patri " par nos efforts pour vivre, nous aussi, en Communauté à l'image de la Trinité...

Pour un chrétien, cette vie communautaire n'est pas facultative au dogme caractéristique du christianisme, la Trinité doit correspondre la vertu caractéristique du chrétien : la Charité !


HOMÉLIE

 

MESDAMES, MESDEMOISELLES, AVEZ-VOUS UN MIROIR, UNE GLACE DANS VOTRE SAC A MAINS ?

Figurez-vous que ce miroir nous servira, en effet, à nous faire une petite idée d'un très grand Mystère.

« Lorsqu'un paroissien interroge un ecclésiastique pour savoir comment un seul Dieu peut en contenir trois, et inversement, celui-ci répond d'une façon stéréotypée : "Mystère !" D'autres essaient une laborieuse définition en s’aidant de triangles mystiques, de trèfles ou d'images représentant trois têtes entées sur un seul cou. Il est évident que les personnes craignant Dieu éprouveront de grandes difficultés à aimer et adorer un monstre difforme, une phénoménale divinité à trois têtes. Par de telles inventions, le clergé se contredit puisqu'il enseigne que Dieu fit l'homme à son image. Il est certain que personne ne vit jamais un humain à trois têtes !... »

Ce texte se trouve à la page 89-90 d'un livre intitulé Que Dieu soit reconnu pour vrai ! et qui est distribué par les témoins de Jéhovah.
Voilà comment on peut caricaturer notre foi quand on veut la tourner en ridicule. Il serait plus loyal de bien s'informer avant d'attaquer.

L'EGLISE DE DIEU N'A JAMAIS ENSEIGNE qu'il n'y avait qu'un seul Dieu qui en contenait trois ; pas plus qu'elle n'enseigne qu'il n'y a qu'un seul Dieu et que ça en fait trois ; ou qu'il y a trois personnes divines et que ça n'en fait qu'une. Même en Dieu, un n'égalera jamais trois et trois n'égalera jamais un.

Ce que l'Eglise enseigne, c'est qu'en Dieu il y a une seule et unique nature divine possédée par trois personnes réellement distinctes. Nature et personne ne sont pas synonymes. Ainsi en nous, ce qui nous rend semblables, c'est notre nature humaine qui fait de nous tous des êtres humains et nous distingue de toutes les autres catégories d'êtres existants. Ce qui nous différencie, c'est notre personnalité. Ce ne peut être la même chose qui nous rende semblables et qui nous différencie ! Nous sommes semblables quant à la nature, nous sommes différents quant à la personne.

Il n'est donc pas absurde de dire qu'en Dieu il y a une seule et unique nature divine et trois personnes bien distinctes.

Ce qui fait que nous ne comprendrons jamais à fond cet "intérieur" de Dieu, si je puis ainsi parler, c'est que chez nous, les hommes, chaque personne a une nature humaine à elle, pareille à celle des autres, si bien qu'il y a autant de natures humaines, autant d'êtres humains qu'il y a de personnes. Tandis qu'en Dieu, il y a une seule et unique nature divine qui appartient aux trois personnes divines à la fois, quoique à des titres différents.

L'exemple que je donne au catéchisme pour que les enfants saisissent bien cette différence est bien enfantin, il est vrai, mais il est éclairant, me semble-t-il, pour des enfants : trois garçons ont un vélo pareil, cela fait trois vélos semblables. Comme chez nous, trois personnes ayant chacune une nature humaine pareille, chacune ayant la sienne, ça fait trois hommes, trois êtres humains semblables.

Ou bien, au contraire, trois garçons peuvent avoir un seul et même vélo à eux trois. Il n'y aura alors qu'un seul et unique vélo qui appartiendra aux trois à la fois.

Chez Dieu, trois personnes ont une seule et unique nature divine, quoique chacune la possède à un titre différent. Ça ne fait donc qu'un seul Dieu, qu'un seul Etre Divin.

L'EGLISE ENSEIGNE ENCORE MOINS QUE DIEU EST UN DIEU A TROIS TETES

Il est vrai qu'étant des esprits incarnés, nous sommes ainsi faits que nous cherchons toujours à incarner nos idées les plus spirituelles et les plus abstraites dans des images. Nous cherchons à nous imaginer, à nous représenter visuellement, même les réalités les plus spirituelles, sous des symboles matériels. C'est ainsi que pour nous représenter l'intelligence, nous dessinerons peut-être une lampe électrique dans une tête humaine... Personne n'est dupe et tout le monde sait ce qu'il faut penser d'une imagerie pareille. Je ne crois pas que l'on n'ait jamais représenté la Trinité par trois têtes entées sur un seul cou. Mais, cédant à ce penchant, on l'a souvent représentée par trois personnages enveloppés d'un même manteau. De même que Michel-Ange représentait le Dieu Créateur comme un vieillard à longue barbe planant dans les cieux et lançant la boule de l'univers...

Ces images anthropomorphiques de Dieu ont, il faut le reconnaître, fait beaucoup de mal a certains esprits assez primaires qui risquent de prendre ces symboles, ces images, pour des réalités.

Il est bien évident que Dieu ne saurait être ce vieil homme au fond des cieux qui fait tourner les mondes. Si Dieu était un humain, il aurait autant besoin que nous d'être créé, il ne serait pas l'Etre qui se suffit à Lui-même, l'Etre qui ne dépend de personne, c'est évident ! Un Dieu défini ainsi spatialement, situé au dessus ou au delà de notre monde, dans un autre royaume, est inadmissible pour un esprit tant soit peu averti. Gagarine avait beau jeu de le déclarer inexistant puisqu'il ne l'avait pas rencontré au dessus des nuages... Il n'y a pas si longtemps encore, je causais avec un jeune homme qui se disait athée parce qu'il ne pouvait admettre cette représentation grossière de Dieu.

Nous voyons par là combien Dieu avait eu raison dans la Bible de défendre à son Peuple de se faire aucune image, aucune représentation de Lui (C'était même là le second commandement de Dieu) de peur que ce peuple, qui était encore assez enfant, n'en vienne à L'identifier, comme le faisaient autour de lui les idolâtres, avec cette représentation matérielle, avec ce symbole. (Exode, ch.20, v.4 - Deutéronome, ch.5, v.8 et ch.20, v.4-5).

Par ailleurs, il est bien évident que si Dieu nous a créés à son image, ce n'est pas quant à notre corps, les enfants eux-mêmes sauraient nous le dire : Dieu n'a même pas une tête !

SI DIEU NOUS A CREES A SON IMAGE, C'EST QUANT A NOTRE ESPRIT.

Dieu est "l'Esprit", et nous sommes des esprits, des esprits incarnés. Justement, cette image de Dieu que nous sommes, au dire de la Bible elle-même, a permis aux grands théologiens chrétiens de nous donner une petite idée du mystère de la vie divine, et c'est là que la glace ou le miroir peut nous aider à concrétiser cette comparaison.

En fait nous avons tous un miroir, une glace, non pas dans un sac à mains mais dans notre tête, si je puis ainsi dire.

En effet, du seul fait que nous sommes intelligents, immanquablement nous nous faisons une idée sur nous-mêmes. Une idée plus ou moins juste, il est vrai Et nous aimons nous contempler dans cette idée d'autant que nous nous parons, bien souvent, de toutes sortes de qualités qui hélas, ne sont pas toujours réelles. En tout cas, tels que nous nous voyons dans cette idée que nous nous faisons de nous, nous ne pouvons nous empêcher de nous estimer, voire de nous admirer et de nous aimer nous-mêmes.

Il y a donc en nous trois termes qui sont de même nature, de nature spirituelle et qui ne nous divisent pas. Il y a nous, notre esprit, qui conçoit la pensée de nous-mêmes, l'esprit-père de cette pensée. Il y a la pensée de nous-mêmes, conçue par notre esprit, fille pour ainsi dire de notre esprit, ce qu'on appelle le "Verbe mental". Il y a enfin l'amour de nous-mêmes. Nous nous retrouvons ainsi nous-mêmes en trois termes distincts, sans être pour autant multipliés.

Eh bien ! Dieu qui est infiniment intelligent, ne peut pas ne pas se faire une Idée de Lui-même. Il conçoit, Il engendre, si je puis dire, une Idée de Lui qui sera exactement semblable à Lui-même, qui aura la même perfection que Lui, car Dieu se voit exactement comme Il est. Cette Pensée, cette Idée que Dieu conçoit de Lui-même, elle est donc infinie et parfaite comme Lui. Dès lors, la saine théologie nous montre que cette idée, au lieu d'être comme chez nous un accident, quelque chose qui va et qui vient, cette Idée est subsistante, elle a la perfection de l'Etre, elle est une personne !

Cette Idée de Lui-même que Dieu conçoit, engendre, c'est son Fils dans lequel il se contemple. Ce Fils est donc parfaitement semblable à son Père. Jésus a pu nous dire : " Qui me voit, voit le Père ." (Jean, ch .14, v.9) " Il est l'Image parfaite du Dieu invisible ". dit Saint Paul (Epître aux Colossiens ch. 1, v.15). " Il est le reflet absolu, le reflet de sa Substance dit l'auteur de l'Epître aux Hébreux (ch. 1, v.3).

D'autre part, comme Dieu est la Perfection Infinie, Il ne peut pas ne pas s'admirer, ne pas s'aimer dans ce Fils. Et ce Fils étant une personne ne peut pas s'empêcher de renvoyer vers son Père cet élan d'admiration et d'amour. Entre deux qui s'aiment, qu'y a-t-il en effet ? L'amour ? Mais lequel ?... L'amour de celui-ci ou l'amour de celui-là ?... Ni l'un, ni l'autre, mais un amour spécial : leur amour, un amour qui vient des deux, qui procède des deux qui va et vient de l'un à l'autre et qui les relie ensemble. Chez nous, ce qui unit deux personnes, leur amour mutuel, est quelque chose de bien fragile qui n'a pas de consistance propre. En Dieu, cet Amour mutuel du Père et du Fils est aussi infiniment parfait ; il a donc toute la plénitude de l'Etre, c'est-à-dire qu'il est subsistant, Lui aussi, qu'Il est donc une personne, la troisième personne : l'Esprit Saint.

Voilà, de façon tout à fait sommaire, ce que les théologiens nous disent sur cette " vie intérieure" de Dieu en s'appuyant sur cette donnée de la Révélation que Dieu nous a créés a son image. Vous voyez si nous sommes loin du Dieu à trois têtes !

Que pense votre voisin ?... Que pense votre ami le plus intime ?... Que pense votre conjoint ?... Que pense votre enfant ?...

Vous ne le saurez jamais, vous ne saurez jamais ce qui se passe en eux, vous ne connaîtrez jamais leur "vie intérieure ", s'ils ne veulent pas vous le dire ou vous le révéler ; cela restera pour vous un mystère !

A plus forte raison quand il s'agit de l'Etre Infini, du Créateur des univers, il est bien évident que la connaissance de sa vie intime nous échappe totalement. NOUS N'AURIONS JAMAIS PU LA SOUPCONNER S'IL N'AVAIT VOULU NOUS LA REVELER LUI-MEME.

Et même maintenant, après qu'Il a bien voulu nous la révéler, elle reste quand même pour nous un mystère que nous ne comprendrons jamais complètement. L'Etre Infini est tellement différent de nous ! S'il n'était pas différent de nous, Il aurait besoin Lui aussi d'être créé : tout comme nous. Saint Paul disait aux chrétiens de Corinthe : " Qui donc, chez les hommes, connaît les secrets de l'homme, sinon l'esprit de l'homme qui est en lui ?... De même, nul ne connaît les secrets de Dieu, sinon l'Esprit de Dieu." et "C'est à nous que Dieu l'a révélé par son Esprit. L'Esprit, en effet, scrute tout jusqu'aux profondeurs divines." (1ère aux Corinthiens, ch.2,v.10-11)

Jésus nous avait déjà révélé ce mystère. Il répétait comme tous les juifs : "Le Seigneur notre Dieu est l'unique Seigneur ! " (Marc,ch.12,v.29) et pourtant Jésus parle constamment du Père, du Fils et du Saint Esprit comme de trois personnes distinctes. Il parle de son Père " que les juifs appellent eux-mêmes leur Dieu " (Jean,ch.8,v.54). Il répète souvent qu'Il est son Fils ; que c'est Dieu son Père qui l'a envoyé ; qu'il connaît son Père aussi à fond que le Père le connaît (Matthieu, ch.11,v.27) ; qu'Il existait auprès de son Père avant la création du monde (Jean,ch.17,v.5) ; que tout ce qui est à son Père est à Lui et que tout ce qui est à Lui est à son Père (Jean,ch.16,v.15 et ch.17,v.10) ; que celui qui le voit, voit le Père (Jean,ch.14,v.9) ; qu'Il ne fait qu'un avec son Père (Jean, ch.11, v.30 et ch.17,v.22)

On pourrait multiplier les textes... De même Jésus parle de l'Esprit Saint que son Père enverra de sa part (Jean,ch.14,v.26) ou que Lui, Jésus, nous enverra d'auprès de son Père, cet Esprit qui procède, qui vient du Père (Jean,ch.15, v.26). Cet Esprit lui est si étroitement uni qu'Il rappellera aux Apôtres tout ce que Jésus leur a dit et le leur fera comprendre (Jean,ch.15,v.26) etc... Enfin, au moment de les quitter, Jésus enverra ses Apôtres prêcher et baptiser aussi bien de la part (au nom) du Père, du Fils que du Saint Esprit (Matthieu, ch.28,v.19).

C'est en approfondissant ces paroles du Christ, sous la conduite de l'Esprit Saint que Jésus avait promis d'envoyer à ses Apôtres, justement pour leur permettre de comprendre tout ce qu'Il leur avait dit (Jean, ch.14, v.26 et ch.16, v.13), c'est en approfondissant ces paroles du Christ que les Apôtres et l'Eglise ont peu à peu précisé ainsi ce dogme de la Sainte Trinité.

Oui, parmi toutes les vérités que Jésus nous a enseignées sur Dieu, la nouvelle sensationnelle, tout à fait inédite qu'Il nous a révélée, c'est que Dieu n'est pas un Dieu solitaire, replié sur Lui-même, mais que Dieu est communautaire, trinitaire... Que, dans cette communauté divine, aucune des trois personnes ne garde jalousement quoi que ce soit pour elle ; tout est don à l'autre, si bien que la nature divine est possédée totalement par chacune des trois personnes divines, quoique différemment. " Tout ce qui est à Moi est à Toi et tout ce qui est à Toi est à Moi " disait Jésus en s'adressant à son Père... (Jean,ch.17,v.10). C'est la Communauté la plus inouïe, la plus formidable que l'on puisse jamais imaginer !

Voilà ce qui, aux premiers siècles, différenciait les chrétiens des adeptes de n'importe quelle autre religion : ils croyaient à la Trinité !

Dans nos monastères, les moines se prosternent chaque fois qu'ils CHANTENT CE MYSTERE DIVIN : Gloire au Père au Fils et au Saint Esprit !

Mais je pense qu'il y a un; façon encore plus expressive de chanter ce "Gloria", d'exprimer notre admiration devant ce Dieu un et trine : c'est, me semble-t-il, d'ESSAYER D'IMITER, DE COPIER, d'infiniment loin certes, CETTE COMMUNAUTE DIVINE.

Un enfant peut-il mieux exprimer son admiration pour son père qu'en s'efforçant de l'imiter ?...

C'était, du reste, la dernière volonté de Jésus exprimée dans sa prière d'action de grâce après la première de toutes les messes et la première de toutes les communions, au soir du Jeudi Saint : "Que mes disciples soient un, qu'ils soient fondus dans l'unité, comme Toi, mon Père, et Moi nous ne faisons qu'un !" (Jean,ch.17, v.11 et 21).

Vous voyez, chers Frères, à quelles racines profondes doit se ressourcer notre vie de communauté, notre souci de vivre en communauté.

Pour un chrétien, cette vie en communauté avec ses frères n'est pas quelque chose de facultatif, mais quelque chose d'essentiel, de constitutif, parce que, de par sa condition de créature et encore plus de par sa condition d'enfant de Dieu, il doit imiter le Seigneur Lui même qui est Un en trois personnes. Si nous devons vivre en communauté, ce n'est pas simplement parce que Dieu nous a fait " à son image ", nous a donné une nature communautaire sociale, c'est surtout et avant tout parce que la Nature de Dieu est elle-même Communautaire et que nous devons l'imiter.

Voilà sur quelle base repose la nécessité pour le chrétien de vivre en Eglise. Celle-ci n'est pas une simple invention humaine plus ou moins facultative et arbitraire ; elle découle de l'essence même du christianisme.

Au dogme caractéristique du chrétien, la Trinité, correspond, comme réplique humaine indispensable, l'obligation de vivre en communauté, c'est à dire l'obligation de pratiquer la vertu caractéristique, elle aussi, du chrétien la Charité !

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