Année B – 4ème dimanche ordinaire


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

Une nouveauté ! une "création" Jésus-Christ = l'Apôtre !

Jésus a inventé le mot et ce qu'il désigne : quelqu'un qui pour Lui, pour son règne et pour l'Evangile, a tout quitté y compris femme et enfants. (cf. St Matthieu, ch. 19, v.29 - St Marc, ch. 10, v.29 - St Luc, ch. 18, v.29).

Quand Jésus prônait ce détachement total, il s'adressait à Saint Pierre et entendait fonder l'ordre des Apôtres et non pas, tout au moins directement, l'ordre monastique...

Pourquoi Jésus demande ce détachement total :

1°) Pour accréditer la prédication évangélique par le témoignage d'une vie qui lui est totalement consacrée.. Alors, le prêtre, comme Jésus dans l'Evangile de ce jour, peut parler "avec autorité".

2°) Pour que le prêtre-apôtre n'ait d'autre chose à penser que de promouvoir cette foi et cet idéal dont dépend en définitive le bonheur du monde... (cf. la 2ème lecture de cette messe)

3°) Pour montrer à notre monde érotique que le véritable amour est possible parce que, avec la grâce de Dieu, on est possédé par un vrai amour, on peut arriver à dominer ses instincts.

Que les chrétiens relèvent le défi que leur lance ce monde pourri... Qu'à la suite du Christ, ils chassent le "démon impur"...


HOMELIE

 

UNE NOUVEAUTE... UNE CREATION JESUS-CHRIST : L'APOTRE !

Dans l'Ancien Testament il y avait des prêtres ou plus exactement, selon la traduction latine, des "sacerdoces", des gens investis du sacerdoce, c'est-à-dire, selon l'étymologie du mot, des distributeurs des choses sacrées, nous dirions dans notre langage d'aujourd'hui des "préposés" au culte. Le mot prêtre est un mot d'origine grecque qui veut dire : ancien vieillard. Il est employé dans le Nouveau Testament, surtout dans les Epîtres, pour désigner ceux qui étaient à la tête des autorités chrétiennes locales. Il fallait, comme le dit Saint Paul, que ce ne soient pas des néophytes dans la foi mais des Anciens sinon par l'âge du moins des "anciens" dans la foi (cf. lère Epître à Timothée, ch.3, v.6).

Le Christ, lui. comme le dit le Père Manarranche (Cahiers d'Action religieuse et sociale du 1er mars 1969, p. 133 et ss.) a crée une nouveauté-type, dont Saint Luc lui attribue l'initiative et jusque au vocabulaire même : l'Apôtre.

 

Jésus, après avoir passé la nuit à prier " lorsqu'il fit jour, appela ses disciples et il en choisit douze auxquels il donna le nom d'Apôtres." (St Luc, ch. 6, v. 3). L'Apôtre, c'est celui dont la vie est totalement donnée à la prédication de l'Evangile, je dis bien totalement donnée à cette fonction, à ce rôle.

Dans l'Eglise, il y a une multitude d'ordres religieux (comme il y a, excusez la comparaison, plusieurs catégories de soldats), ayant chacun une fonction particulière, et aussi un uniforme particulier : il y a l'ordre des Dominicains, des Franciscains etc... Nous, nous sommes de l'ordre de Saint Benoît, et nous avons voulu apporter en plein milieu du monde, dans nos paroisses quelques chose des richesses de la vie monastique... Certains confrères du clergé séculier nous plaisantent parfois en nous disant : Mais pourquoi ne pouvez-vous être tout le monde ? pourquoi vous singulariser ? soyez donc comme tous les prêtres, de l'ordre de Saint Pierre ! et cela suffit !" Cela suffit, c'est bien sûr. Mais si nous avons voulu justement nous appuyer sur la règle de St Benoît, c'est simplement pour nous aider à être fidèles à l'absolu du don que Jésus a demandé à l'ordre de Saint Pierre. Parce que, lorsque le Seigneur a prôné, a vanté devant ses Apôtres ce détachement total, non seulement des biens de ce monde, mais même des affections humaines les plus légitimes, pour se consacrer totalement à Lui, le Seigneur, et pour propager, agrandir son Royaume, lorsque le Seigneur a vanté ce détachement là, il s'adressait bien à Saint Pierre. Pierre venait de lui dire : "Seigneur, pour Toi nous avons tout quitté, que vas-tu nous donner en retour ?" Et voici que le Seigneur va, pour ainsi dire, codifier cette vie que ses Apôtres pratiquent déjà, qu'il a même exigé d'eux : " Laissez là vos filets, laissez là votre travail, laissez là vos parents." (cf. St Matthieu, ch. 4, v.18-22). Il va codifier cela en proclamant que quiconque quitterait ses maisons, ses champs, ses parents et renoncerait à avoir femme et enfants pour se consacrer totalement à Lui et à l'extension de son Royaume, il le récompenserait au centuple dès cette terre et lui garantirait la vie éternelle (St Matthieu, ch.19, v.27-29 - St Marc, ch. 10, v. 28-30 - St Luc, ch. 18; v. 28-30). Jésus, écrit le Père Manarranche dans l'article cité, "en toute netteté a exigé de l'Apôtre de quitter père, mère, femme et enfants, barque et filets, maison, champs, bureau de douane, à cause de son Nom et du Royaume de Dieu, séance tenante et sans regarder en arrière. Dietrich Bonhoeffer l'a exprimé en des pages inoubliables. "C'est cela qui est évangélique au sens le plus strict." (p.132).

Le Seigneur a donc voulu fonder cet ordre de Saint Pierre, cet ordre des Apôtres, sur le détachement total, sur la consécration totale de l'être humain à l'amour de Dieu et au service de cet amour pour propager son royaume.

Soit dit en passant, on voit par là combien est fausse l'affirmation péremptoire si répandue aujourd'hui, d'après laquelle le célibat serait une observance monastique que l'Eglise aurait indûment imposée à ses prêtres ! Encore une fois, quand le Seigneur dans l'Evangile, prônait le célibat à cause de Lui et du Royaume, il s'adressait incontestablement à Pierre et il n'entendait pas, au moine directement, fonder l'ordre monastique mais bel et, bien l'ordre des Apôtres !

Si Jésus a demandé à ses Apôtres, et même à tous ceux qui voulaient collaborer avec lui dans la prédication de l'Evangile (cf. Saint Luc, ch. 9, v. 57-62 - ch. 18, v. 18-30), ce détachement total, c'est tout d'abord pour que la parole des Apôtres soit accréditée par leur vie.

" Je crois volontiers", écrivait Pascal, "des témoins qui sont prêts à se faire égorger." De même, on croit aisément un prédicateur quand sa parole ne fait que traduire le tout de sa vie, quand il est clair, quand il est visible que toute sa vie est basée sur la foi qu'il prêche, quand il vit l'idéal qu'il prône. Oui, celui qui aura ainsi voué sa vie entière au Christ et à son idéal pourra, comme il est dit de Jésus dans l'Evangile de tout à l'heure, parler "avec autorité".

Dieu sait si aujourd'hui où nous sentons plus que jamais peut-être la faiblesse de nos paroles pour convertir le monde et faire germer la foi, cette foi qui est du reste indispensable pour la réception efficace des sacrements, Dieu sait s'il est nécessaire plus que jamais que le prêtre témoigne de cette foi par une vie qui lui soit toute consacrée, toute donnée.

Dans l'article déjà cité, le Père Manarranche fait remarquer que la manière de faire des Eglises Orientales qui ordonnent des gens mariés ne doit pas nous faire illusion. Il s'agit, dit-il, dans la plupart des cas, d'assurer simplement l'entretien culturel de communautés pour lesquelles ne se posent pas de problèmes missionnaires et dont la spiritualité d'ailleurs est fortement liturgique.... Il s'agit aussi, la plupart du temps, d'assurer la présence fixe d'un ministre dans un contexte sociologique de type agraire dont on voit mal ce qu'il pourrait avoir de commun avec l'effarante mobilité industrielle qui est la nôtre et qui appelle, plus que jamais, la totale disponibilité apostolique.." (p.135).

La seconde lecture de tout à l'heure nous indiquait la seconde raison pour laquelle Jésus demande à ses Apôtres ce détachement total et la consécration de leur vie toute entière à leur mission : c'est pour qu'ils ne soient pas "divisés", pour n'avoir pas d'autre chose à penser.

Il est important en effet, même pour le bonheur de l'humanité, qu'il y ait des gens totalement donnés à la propagation de cet idéal du Christ.

Si nous prenons conscience que le bonheur du monde, que le progrès social, que le progrès humain, que le progrès de la fraternité dans le monde, dépendent du triomphe de la raison, de l'idéal, de la justice, de la fraternité sur les instincts et les passions, en un mot dépendent de la généralisation d'une mentalité chrétienne, nous comprendrons sans peine qu'il est indispensable qu'il y ait des "permanent" dans l'Eglise de Dieu qui n'aient d'autre chose à penser, d'autre souci à avoir que de faire progresser un chacun de nous dans la poursuite de cet idéal évangélique. En effet, accaparés par les nécessités de la vie, par les choses du monde, comme le disait tout à l'heure Saint Paul, les hommes, même les chrétiens, ont tendance à se laisser totalement absorber par les soucis matériels et à laisser s'estomper en eux ce souci de leur idéal. Dès lors, il est nécessaire qu'il y ait des personnes dont la fonction soit justement de nous rappeler sans cesse cet idéal. Si ces personnes étaient elles-mêmes impliqués dans les affaires de ce monde, si ces prêtres, pour les appeler par leur nom, étaient comme les autres chargés de soucis matériels, s'ils étaient obligés de pourvoir à la vie d'une famille etc..., comme le disait Saint Paul, ils seraient "divisés", ils auraient les mêmes difficultés que les autres à ne pas se laisser totalement accaparés par ces soucis, jusqu'à en oublier, plus ou moins, cet idéal qu'ils ont la charge de promouvoir. Tandis qu'au contraire, quand le prêtre n'a pas d'autre chose à faire que de penser à cet idéal, quand vraiment sa joie la plus profonde est de voir avance une âme parce que, peut-être, il l'a un peu aidée, quand le prêtre, comme Saint Paul, peut être constamment préoccupé de l'authenticité chrétienne de la communauté dont il a la charge, au point qu'une de ses ouailles ne peut trébucher "sans qu'un feu le dévore"... (2ème aux Corinthiens, ch. 11, v.28-29). Quand un prêtre est ainsi donné à bloc, il est bien évident qu'il tisonnera sans cesse dans l'âme de ses chrétiens cette flamme de l'idéal pour qu'elle monte de plus en plus haut, qu'elle rayonne et apporte aux autres la chaleur et la joie.

Et voici une troisième raison qui nous montre l'opportunité du célibat des prêtres dans notre monde aujourd'hui.

Nous nous trouvons, au point de vue de l'amour humain, à un tournant particulièrement dangereux. Vous n'avez qu'à regarder certaines émissions, de la télévision, vous n'avez qu'à songer à ces films ignobles qui sont sortis dernièrement, vous n'avez qu'à songer à cette initiation sexuelle dont on parle tant et que l'on fait consister uniquement dans des cours d'anatomie et de physiologie dans lesquels on ne voit plus très bien ce que peut avoir de spécifique la sexualité "humaine", car ces cours ressemblent étrangement à ceux que l'on pourrait faire sur l'anatomie et la physiologie animales. Si l'amour humain n'est que "ça", si c'est cela dont se contente un cœur humain, si c'est uniquement cela que l'on met sous le mot amour, dans la tête et le cœur de nos jeunes, quelle catastrophe !

Que de fois je l'ai dit et je la répéterai sans cesse : pour "être humain." pour épanouir l'être humain dans toutes ses dimensions, le don des corps doit être l'expression de ce don total de l'entièreté de son être, de l'entièreté de sa vie à celui du à celle que l'on aime. Et "aimer quelqu'un" ne veut pas simplement dire "je t'aime comme j'aime la confiture ou comme j'aime un litre de vin !" Cela veut dire "je te trouve tellement formidable, tellement reflet de Dieu, reflet de la beauté de Dieu, que devant toi, je tombe à genoux et que je suis prêt ou prête à te donner tout ce que je suis, tout ce que j'ai, tout ce que je peux avoir, que je suis prêt ou prête à consacrer ma vie toute entière à toi, à ne vivre que pour toi !".

Si nous ne donnons pas à nos jeunes cette idée sensationnelle de l'amour, quel sabotage ! et en même temps quel malheur !Il n'y a qu'à voir ce qui se passe dans les pays où cette idée chrétienne, je dirais même cette idée simplement humaine de l'amour a disparu : les suicides ! Et puis, toute cette pauvre jeunesse qui essaie de s'étourdir, qui essaie d'oublier et de se droguer parce qu'elle a été trop déçue parce que son cœur lui fait mal ! Elle voulait autre chose, elle rêvait d'autre chose sous le mot d'amour, et si c'est simplement "ça", elle ne peut pas, en finale, ne pas être déçue et dégoûtée !

Beaucoup aujourd'hui prétendent que faute de mieux, il faut se résigner, se contenter de cet amour qui, ayons le courage d'appeler les choses par leur nom, n'est qu'un simple accouplement. Il faut s'en contenter, disent-ils, parce que bel amour est irréalisable, et lorsqu'on en parle, on vous traite facilement d'utopiste. Tenez, je pense à ces jeunes fiancés, profondément chrétiens qui avaient préparé leur mariage avec une ferveur extraordinaire. Ils me disaient : "Père, mais est-ce que nous ne sommes pas des utopistes... ? Autour de nous, dans notre travail, au bureau, on nous dit que nous sommes fous, et les gens mariés nous disent et nous répètent que si c'était à recommencer, ils ne le feraient pas...!"

Oui, mes frères, nous avons besoin, le monde à besoin que nous, chrétiens, nous relevions ce défi et que nous montrions, devant toutes ces saletés qu'on nous jette à la figure, que l'amour, l'amour vraiment humain, c'est autre chose que de traiter "l'autre" comme un objet, comme un instrument de plaisir, que nous montrions que cet amour d'adoration, qui demande certes une grande maîtrise de soi et de ses instincts, est possible même dans notre monde d'aujourd'hui. Et voilà pourquoi il est si important qu'il y ait dans le monde des personnes totalement consacrées au Seigneur, qui fassent preuve d'une maîtrise absolue et radicale de ces instincts au nom d'un Amour totalement désintéressé : l'amour de Dieu et l'amour des âmes !

C'est pourquoi le témoignage de la chasteté sacerdotale est tellement important aujourd'hui, ne serait-ce que pour vous donner courage, à vous qui devez aussi lutter contre cette ambiance corrompue.

Tous ensemble, il faut que nous prenions à cœur de défendre cette beauté de l'amour vraiment humain tel que Dieu l'a rêvé, la beauté de cet amour qui doit être comme un prolongement de l'amour de Dieu : "Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de toute ton âme, de tout ton cœur, de tout ton esprit et de toutes tes forces ! " Justement, aux chrétiens qui prétendent s'aimer, on leur demande de s'aimer du même amour dont ils aiment Dieu parce que ce qu'ils aiment avant tout l'un dans l'autre, c'est justement cette beauté morale qui est un reflet de la beauté même du Seigneur.

Et si nous faisons cela, si la communauté chrétienne fait cela, mes frères, eh bien ! nous prolongerons le travail de Jésus-Christ.

Justement, la première action du Seigneur, que Saint Marc nous raconte après l'appel de ses Apôtres, c'est cette expulsion d'un démon impur (et non pas, selon la traduction atténuée de nos missels : seulement un démon mauvais). Le chanoine Osty, dans sa toute dernière traduction de la Bible fait même remarquer que Saint Luc dit que ce pauvre homme avait un esprit de démon impur" (Saint Luc, ch.4, v.33).

Il est à l'ouvrage plus que jamais aujourd'hui, ce démon que Jésus a dénoncé si souvent. Il y croyait, lui. Et c'était un duel entre les deux. Et maintenant, il faudrait que son Eglise ferme les yeux et dise : " ça, c'était bon du temps de Jésus-Christ ! Jésus-Christ s'est laissé rouler par les idées de l'époque... Il parlait le langage de l'époque." ? Comment ça se fait ? Il a centré toute son action là-dessus : " Le prince de ce monde , je vais le bouter dehors.." C'est ce travail qu'il faut continuer.

Alors, il faut se mettre à l'ouvrage avec enthousiasme, que vous aussi et nous avec vous, nous soyons non seulement témoins de Jésus-Christ par nos paroles, mais aussi par une vie toute donnée à son idéal. Avec nos faiblesses, bien sûr, mais aussi avec ce grand désir, lorsqu'il nous arrive quelque chute - et ça nous arrive à tous -, de nous ressaisir, de repartir à neuf, ou mieux encore, de repartir de plus belle !

Que nous soyons pris aussi par ce souci, mes frères, de porter ce témoignage de la beauté de l'amour afin que cet esprit du mal, cet esprit impur, si sournois actuellement, soit bouté dehors !

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