SOMMAIRE DE L'HOMELIE
I. Un sabbat de Jésus-Christ d'après Saint Marc
1. Jésus va à la synagogue (= à l'église de ce temps-là) pour prier, écouter et commencer avec autorité la parole de Dieu.
2 Il passe le reste de la journée chez des amis...
3. Le soir, il guérit les malades et chasse les démons.
4. Le lendemain de très bonne heure, il va au désert pour prier.
II. A l'exemple de Jésus et des Apôtres, nous adresser nous aussi d'abord aux "pratiquants".
1. Ce sont eux qui attirent ou qui éloignent...
2. Ils ne sont pas "indécrottables"... exemples vécus.
III. Jésus enseigne avec "autorité"
La Révélation se transmet par l'enseignement magistral de ceux que Jésus à mandaté pour cela...
IV. A l'exemple et à la suite de Jésus : lutter contre le mal physique et moral.
V. Se réserver des temps de recueillement et de prière
UN DIMANCHE DE JESUS-CHRIST !
Ou plutôt, puisqu'à l'époque le jour consacré au Seigneur et au repos était le samedi, le sabbat, "un sabbat de Jésus-Christ !"
En réunissant les deux évangiles qui se font suite, celui de dimanche dernier et celui d'aujourd'hui, nous trouvons dans Saint Marc l'emploi du temps d'une journée de sabbat du Seigneur. Jésus arrive à Capharnaüm, chef-lieu du département de la Galilée, et, puisque c'est le jour du sabbat, il va tout droit à la synagogue. La synagogue, vous le savez, était le lieu où les juifs avaient l'habitude de se regrouper pour prier ensemble et pour méditer la parole du Seigneur. La réunion débutait par une longue prière que l'on disait debout, tournés vers le temple de Jérusalem, seul endroit où on offrait les sacrifices. Après cette longue prière, on s'asseyait pour écouter la parole de Dieu. Il y avait deux lectures. On demandait à l'une des personnalités de l'assemblée de bien vouloir commenter ces lectures. Et la réunion se terminait par une bénédiction de Dieu.
Le Seigneur va donc à la synagogue. Là, il prêche, il commente l'Ecriture et Saint Marc prend soin de noter qu'il la commentait « avec autorité ». Il ne discutait pas : il commentait avec autorité, il enseignait. Et les gens étaient dans l'admiration de cette assurance du Seigneur, de cette autorité du Seigneur !
Dans la foule, il y avait une personne possédé par l'esprit mauvais ; elle se lève, elle trouble l'assemblée : « Jésus de Nazareth, pourquoi viens-tu nous importuner ? Je sais bien que tu es le saint de Dieu. » Jésus lui impose le silence : le démon mauvais, l'esprit mauvais quitte alors cette personne et les sens sont encore plus ébahis de voir que cette autorité de Jésus-Christ s'exerce même sur l'esprit du mal !
Lorsque la réunion est terminée, le Seigneur s'en va chez ses amis pour le déjeuner. Il va à la maison de Pierre. Là, il se retrouvera avec André, avec Jacques et Jean. Pierre avait probablement déjà perdu sa femme et c'était sa belle-mère qui devait préparer le repas, mais elle était malade. C'était vraiment gênant car le Seigneur était là. On en parle à Jésus : il s'approche de la malade, il la guérit et « elle les servait ».
Toute cette journée dut se passer à goûter cette joie de l'amitié, de l'échange entre des gens qui s'aiment bien.
Le soir venu, quand le soleil fut couché et que pour les juifs c'était donc déjà le lendemain qui commençait, le repos du sabbat étant terminé, on apporta tous les malades de la ville juste à la porte de la maison de Pierre. On amena aussi ceux qui étaient agités par des esprits mauvais. Et Jésus recommence son travail : il va se donner, se donner à fond pour lutter contre le mal, le mal physique et le mal spirituel.
Après cette journée, le Seigneur alla se coucher.
Le lendemain matin quand Pierre frappe à sa porte, Jésus ne répond pas, Jésus n'est plus là. Il a devancé l'aube, nous dit Saint Marc, pour partir dans un endroit désert et prier Dieu. On s'affole : « Où est-il passé, qu'est-il devenu ? ». On le cherche, on le réclame. Et puis on soupçonne que c'est peut-être dans le désert, dans la prière qu'on va le trouver. C'est Pierre qui l'y trouve en effet : « Seigneur, que fais-tu là ? Tout le monde t'attend, tu es en retard ! » Et Jésus lui dit : « Non, je ne reviens pas, il faut aller ailleurs, je ne veux pas qu'on m'accapare, il y a encore d'autres cités auxquelles il faut que je porte la bonne nouvelle : l'Evangile ! »
Et, poursuit l'Evangile de Saint Marc, il allait de ville en ville, de bourgade en bourgade et il prêchait dans les synagogues.
Que de réflexions à faire sur cette journée du Seigneur !
D'abord Jésus, comme le fera Saint Paul plus tard, comme le fera aussi saint Pierre, commence par évangéliser les pratiquants : ceux qui se réunissent dans la synagogue pour prier, ceux qui ont l'habitude de se réunir le jour du sabbat pour la prière. Il le fait là, à Capharnaüm. Saint Marc nous dit a la fin de cet évangile qu'il le faisait dans chaque bourgade et on nous rapportera aussi un discours qu'il fit un jour à la synagogue de Nazareth. Jésus s'adressait donc d'abord aux pratiquants, Saint Paul fera de même. Quand il arrivera dans une ville, il se rendra aussitôt à la synagogue pour parler d'abord aux juifs pratiquants, à ceux de le Seigneur a appelé les premiers. Et quand les juifs refuseront de l'entendre, il s'en ira plus loin parler aux païens.
De nos jours, je connais bien des confrères qui, découragés parfois par les pratiquants, abandonneraient facilement les paroisses. « Ils sont indécrottables ! - disent-ils - et, puisqu'on ne peut en faire des chrétiens authentiques, inutile de perdre notre temps... Allons ailleurs, vers ceux qui ne connaissent pas du tout l'Evangile. Donnons-leur un Evangile tout neuf, tout cru et, avec ceux-là, refaisons une Eglise qui sera vraiment l'Eglise de Jésus Christ. » Pour notre temps, ce propos n'est pas le bon, si j'en crois ma petite expérience. Ce qui, au contraire, nous a obsédés, pour notre part, c'était de faire justement de nos communautés de pratiquants, des communautés authentiquement évangéliques. Vous en avez fait l'expérience comme moi : dans certains milieux, et notamment dans les milieux ouvrièrs, ce sont les pratiquants eux-mêmes qui font obstacle à la conversion. « Voyez un tel et un tel, disent-ils, ils vont à la messe, ils pratiquent, ce sont des pratiquants et puis, voyez ce qu'ils font ! Ils ne sont pas meilleurs que les autres ! Ils n'ont pas l'air de se préoccuper beaucoup de cet avènement de la justice, de la charité, de la liberté des enfants de Dieu dans ce monde-ci ! »
Il y a certainement exagération. On ne juge pas toute une collectivité sur le comportement d'un individu, mais ces propos contiennent parfois une certaine vérité...
Tout de même ! Vous tous qui êtes là ce matin et tous nos auditoires des autres dimanches, vous formez des auditoires sincères !
Tout de même ! Quand on vient à la messe maintenant, ce n'est plus simplement parce que "cela se fait" ou que l'on a peur du qu'en dira-t-on ou pour sacrifier à une tradition. C'est parce que l'on y croit vraiment et qu'on "en veut" de Jésus-Christ !
En fait, toutes les fois que nous avons présenté à des pratiquants le véritable Evangile, ils y ont mordu à pleines dents et cela aprovoqué un témoignage. Un témoignage tel que, même les adversaires de la chrétienté mettent bas les armes, et non seulement mettent bas les armes mais deviennent des amis.
Si moi-même, lorsque j'étais curé à l'Haÿ-les-Roses, j'ai pu aller parler au sein de la cellule communiste et si tous ceux qui étaient là m'ont écouté avec beaucoup d'attention, si ensuite il a été possible d'avoir une discussion très amicale créant entre nous des liens d'amitié qui durent, c'est parce que notre communauté chrétienne essayait d'être authentique. Cela touchait nos interlocuteurs. Devant la sincérité, devant la charité qui rayonnaient de cette communautés ils étaient "soufflés" !
Il n'y a pas si longtemps, j'ai eu l'honneur d'avoir la visite personnelle du maire communiste de Choisy-le-Roi (il venait prendre de mes nouvelles me sachant malade). S'il s'est dérangé pour venir me voir, si nous avons passé une heure ensemble, c'est qu'il y avait entre nous de vrais liens d'amitié ! Et qui avait tissé ces liens ? Notre communauté, notre communauté chrétienne, notre communauté de pratiquants qui essayaient d'être authentiques... Cela étonnait Monsieur le Maire et il admirait...
Je vous ai dit, je crois déjà, comment, lorsque nous avons décidé de partager l'augmentation des salaires en 1968 pour que ce soit plus équitable, le tract distribué aux chrétiens était tombé aux mains des communistes. Ils l'avaient commenté à la cellule, ils trouvaient que c'était déjà une avancée vers cette communauté fraternelle dont ils rêvent.
Si nous venons ici près de l'autel du Seigneur, pour lui demander sa grâce et sa force, pour lui demander de nous donner l'appétit de ce qu'il nous enseigne, et si nous y mettons tout notre cœur, il est certain, il est sûr, que notre communauté portera témoignage.
Par conséquent, c'est d'abord aux pratiquants qu'il faut nous adresser, car ce sont eux qui provoqueront l'attirance vers Jésus-Christ, ou bien constitueront un "repoussoir".
Cela dépend de nous. Nous portons là une lourde responsabilité. A nous de nous y mettre. Car l'exemple vient de haut : Jésus-Christ était un pratiquant qui s'adressait d'abord aux pratiquants.
C'est notre première remarque.
Deuxième remarque : Jésus parle avec autorité et les gens qui étaient habitués aux discussions sans fin des scribes sur la loi sont étonnés ! Ils étaient habitués à couper les cheveux en quatre et ils trouvent là, devant eux, quelqu'un qui enseigne d'une façon magistrale. « D'où lui vient cette assurance, d'où lui vient cette autorité ? »
Et cela nous fait réfléchir. Notre foi chrétienne est une révélation, c'est Dieu qui s'est fait connaître à nous, ce n'est pas nous qui, avec notre petite intelligence, notre petite jugeote, pouvons découvrir les mystères de Dieu. Dieu a bien voulu nous les révéler et, par conséquent, nous devons, nous, prendre comme base la parole du Seigneur et essayer de l'approfondir de plus en plus. Le danger, pour nous, c'est de croire que nous savons tout de la religion. Eh bien ! non, nous ne saurons jamais, tout du mystère de Dieu, nous n'en aurons jamais fini de scruter l'Ecriture et de demander au Seigneur ses lumières. Et justement, Jésus a voulu que cette révélation nous vienne par un enseignement magistral. Il a commencé, lui, comme cela. Et puis il a envoyé ses Apôtres en leur disant : « Allez enseigner ... » Ils avaient donc la charge d'enseigner. Lors de notre ordination sacerdotale, l'Evêque nous dit la même chose, il nous a confié la même mission. Cette mission, l'Eglise autrefois l'estimait tellement précieuse, tellement importante, elle avait tellement peur qu'on dévie de la vérité de Jésus-Christ, qu'au début il n'y avait que les Evêques qui pouvaient prêcher. Ce n'est que vers le XIIème ou XIIIème siècle que l'on a confié cette charge aux curés et plus tard, bien plus tard, à tous les prêtres. Cela nous montre l'importance de l'enseignement, de l'enseignement authentique. Le prêtre ne peut être là que le porte-parole de Dieu, il doit interpréter l'Ecriture mais à la lumière du Seigneur, la lumière de l'Esprit Saint. Le Deutéronome nous disait dimanche dernier : « Si vous trouvez un prophète qui dit une parole qui n'est pas une parole de Dieu, ce prophète-là, il faut qu'il meure ! ». Pour nous, prêtres, c'est la même chose : nous ne devons jamais en avoir fini de méditer la parole du Seigneur pour bien la comprendre, pour savoir exactement quelle est la pensée de Jésus-Christ et pour pouvoir vous la transmettre.
Et là aussi, il y a à réfléchir ! Est-ce que nous avons dans notre cœur cet appétit de connaître Dieu, de connaître notre religion ? Je vous avoue que j'ai éprouvé une très grande joie, il y a quelque temps lorsqu'un groupe de nos cheftaines est venu me trouver pour me dire : « Père, on ne comprend pas bien la religion, on ne connaît pas grand chose, est-ce que vous voudriez bien nous réunir de temps en temps pour nous parler un peu de l'Ecriture et de la Bible ? » Alors tous les 15 jours, le mercredi soir, nous avons maintenant une réunion sur la Bible et je suis vraiment enchanté de voir avec quel intérêt et cette réunion-là est suivie ! Il y a là preuve d'un appétit de connaître notre religion et c'est indispensable si nous voulons vraiment la vivre et la vivre d'une façon intelligente.
Et puis réfléchissons aussi sur le travail de Jésus-Christ ce jour-là ! Il a confié exactement le même à ses Apôtres : « Allez, guérissez les malades et chassez les démons... »
Nous avons à poursuivre cette mission du Seigneur. Nous voyons autour de nous tant de souffrances ! Il faut que nous soyons donnés de tout notre cœur, de toute notre âme pour les soulager. Il faut que nous soyons attentifs à tous ces cris de détresse qui montent vers nous, mais que nous soyons aussi attentifs à chasser l'esprit mauvais.
Il y a aussi cette lutte, cette lutte morale au nom de l'idéal de Jésus-Christ, au nom de l'amour de Jésus-Christ, au nom de l'amour de nos frères qui se sabotent et qui s'abîment. Là aussi, nous devons faire prévaloir cet idéal que le Seigneur nous a confié.
Nous devons être emballés par cette mission et souvent demander au Seigneur de nous donner le courage de la poursuivre.
Enfin, dernière réflexion : Jésus se lève avant l'aube et il part au désert pour prier...
On ne prie pas facilement sur la place publique ! Pour nous mettre en état de prière, il faut un conditionnement. Je vous ai dit souvent : « On ne va pas étudier une page de philosophie sur la place de la Concorde ! » Pour prier, il faut le recueillement, il faut le silence : c'est une loi de la psychologie humaine et Jésus lui-même, tout Dieu qu'il était, a voulu se soumettre à cette loi, parce qu'il y a vu une volonté de son Père.
Par conséquent pour prier il s'en va, il s'en va de bon matin quand il y a le grand calme, il va au désert pour être dans un recueillement complet. Cela lui arrivera souvent dans sa vie, en particulier toutes les fois qu'il aura quelque chose d'important à faire. Il passera même des nuits en prières : il a prié toute la nuit avant de choisir ses Apôtres ; il a prié toute la nuit avant de demander à Saint Pierre de faire sa Profession de Foi ; il a prié toute la nuit avant de parler pour la première fois de l'Eucharistie alors qu'il savait que ce serait là un moment décisif où tant de gens l'abandonneraient ! il priera longuement dans la nuit de l'agonie avant d'offrir à son Père son sacrifice et sa passion.
Il y a là un exemple pour nous. Il faut qu'il y ait sur notre terre des lieux de recueillement consacrés uniquement à la prière. Ces églises qu'on veut faire maintenant polyvalentes : c'est une erreur, parce qu'une église qui serait en même temps un dancing est impensable, une église servant à des réunions de discussions, à des conférences, n'est plus une église. Une église doit être construite justement par la foi. Il faut que l'architecte ait la foi et crée une ambiance telle que, lorsqu'on rentre dans cette église, on soit porté au recueillement et à la prière. Vous n'avez qu'à voir comment on ressent ce besoin de prière quand on entre dans la cathédrale de Chartres ! Il faudrait qu'ici au moins, dans notre petite église, dans nos églises, nous essayons de créer cette ambiance par le recueillement, par le silence. On s'est peut-être trop habitué à bavarder maintenant à tort et à travers dans nos églises et c'est une erreur : le Seigneur n'aurait pas supporté cela. La preuve ? C'est que lui-même, il va au désert - il y entraînera d'ailleurs souvent ses Apôtres - pour trouver le calme, le recueillement et pour pouvoir prier de tout son cœur et rencontrer son Père.
Pour nous, il faut faire la même chose, imiter Jésus-Christ...
Enfin, le Seigneur refuse de se laisser accaparer par un petit nombre. Il ne faut pas, nous aussi, que nous accaparions nos prêtres : ils sont pour tout le monde et plus ils peuvent toucher d'âmes, mieux cela est, je crois, mieux cela est dans la ligne de Jésus-Christ.
Voilà quelques idées que je vous livre tout simplement aujourd'hui.
Pensons à cela : le Seigneur s'adresse d'abord aux pratiquants Eh ! oui toute l'évangélisation dépend de nous d'abord : nous pouvons attirer les gens ou au contraire les éloigner de Jésus-Christ.
Et puis, apportons notre bonne volonté pour écouter la parole de Dieu, ayons soif de connaître de plus en plus notre religion, demandons au Seigneur de nous éclairer sur l'Ecriture afin qu'elle pénètre dans notre cœur.
Et à partir de là, essayons de rayonner autour de nous en luttant contre le mal sous toutes ses formes physiques ou morales.
Enfin, réservons-nous des instants de prières...