Année B – 6ème dimanche ordinaire


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

I. Le lépreux défiguré...

1°) La peine de ses parents...

Dieu qui est un Père est "peiné" de voir ses enfants défigurés par le péché... « Dieu n'est offensé que lorsque nous agissons contrairement à notre vrai bien. » (St Thomas d'Aquin)

2°) Si nous avons pu savourer la joie qu'il y a à s'épanouir selon l'idéal chrétien nous devons souffrir de voir tant de gens autour de nous vivre à un niveau purement matériels...

Et Dieu alors !...

II. Comment chaque péché nous défigure :

1°) L'orgueil...
2°) L'hypocrisie et le mensonge...
3°) L'égoïsme...
4°) L'impureté...
5°) La paresse...

III. Recourir nous aussi au Seigneur pour être guéris de cette lèpre...

- Pour guérir la lèpre il faut renforcer l'influx vital
- Il en va de même au point de vue surnaturel
- C'est le sacrement de Pénitence qui nous le redonne ou l'intensifie...

Bien des protestants aujourd'hui en reconnaissent le bien-fondé dans l'Ecriture et l'utilité.


HOMELIE

 

DEFIGURE, HORRIBLE, REPOUSSANT, CONTAGIEUX... ce pauvre homme qui est mis au banc de la communauté, au banc de la cité, ce lépreux !

Quelle souffrance, quelle angoisse pour ses parents de voir ainsi leur fils réduit à être une loque humaine !

Dieu, qui est Père, souffre, lui aussi, quand il voit ses enfants se défigurer par le péché. Le grand théologien de l'Eglise, Saint Thomas d'Aquin nous le dit : « Dieu n'est offensé que lorsque nous agissons contrairement à notre vrai bien. » (Somme contre les Gentils, Livre III, ch.122).

Nous nous imaginons facilement, en effet, que nos péchés sont une offense à Dieu et qu'il nous les reproche, je dirais, presque de façon égoïste.

Or, il est bien évident que nos péchés ne peuvent pas atteindre Dieu, c'est nous qu'ils atteignent, c'est nous qu'ils défigurent, parce qu'ils détruisent en nous cette ressemblance avec le Seigneur. C'est cela que Dieu qui nous aime ne peut pas supporter. Cette horreur que Dieu a pour le péché, elle lui est commandée, imposée en quelque sorte par son amour pour nous.

Comme il est pénible pour nous chrétiens qui avons la foi et qui savons que Dieu a voulu mettre son empreinte en nous, nous rendre semblables à lui, comme il est dur, comme il est pénible de voir tant d'êtres humains vivre à un niveau terre à terre ! Sortes d'automates qui vivent comme cela toute leur vie et dont l'unique préoccupation semble être simplement le pain quotidien et les richesses matérielles. Au fond, ils sont réduits à un niveau presque animal avec, peut-être en plus, l'agrément de l'amitié que tout le monde, quand même, savoure. Mais l'amitié elle-même les élève-t-elle tellement au-dessus de l'animal ? L'animal, le brave chien, ne bondit-il pas de joie lorsque son maître arrive, heureux qu'il soit là ? Combien d'hommes en sont réduits à ce niveau ! Jamais, jamais dans leur vie ils ne prennent conscience et des dimensions éternelles et des dimensions surnaturelles de leur être. Si vraiment nous avons pu, nous, savourer ce que cela peut apporter de renouveau dans notre vie, ce que cela peut bouleverser notre vie d'avoir fait de temps en temps ce plongeon en Dieu pour mesurer les dimensions d'éternité et les dimensions surnaturelles de notre être, si nous avons pu savourer cette joie qu'il y a à baigner quelques instants dans dette atmosphère, combien cela doit nous peiner de voir que tant de nos frères n'ont pas fait cette découverte et vivent à un niveau uniquement terrestre ! Si déjà, nous qui avons la chance de voir plus haut et plus loin, nous en souffrons, Dieu doit en souffrir aussi, lui qui nous aime. Comme il doit être dramatique pour lui de voir que ceux à qui il a donné cette ressemblance divine, ses enfants, sont maintenant défigurés, ravalés au niveau de la bête ! C'est peut-être le péché le plus grave de notre époque ; tout le reste découle de là...

Alors, regardons comment nos péchés nous défigurent.

Regardons cet homme boursouflé, bouffi, gonflé de lui-même, cet orgueilleux qui devient facilement un tyran, un despote, qui impose à tout le monde ses quatre volontés qui se croit la dernière perfection ! Si jamais vous n'êtes pas de son avis, si vous lui faites la moindre petite remarque, il ne le "digère" pas, il garde cela sur le cœur et se réserve de pouvoir un jour vous "avoir au tournant" pour se venger !

L'orgueil, quelle défiguration ! Quant on compare l'attitude de cet être-là, de ce pharisien qui méprise les autres (je ne suis pas comme le publicain) avec la simplicité des enfants de Dieu, tout naturels, tout spontanés, quelle défiguration ! N'existe-t-elle pas parfois dans notre âme ?

Et cet orgueilleux quand il voudra se venger, il le fera toujours par derrière. Très facilement il sera aussi un menteur, un hypocrite qui affichera de beaux dehors, mais qui en lui-même sera rempli de rancune, d'aigreur, de saleté.

Le Seigneur a dénoncé ce mensonge vivant avec la dernière des énergies. Jésus-Christ qui était la bonté même, qui a eu pitié de tous les pécheurs, s'est montré d'une sévérité et d'une dureté épouvantable pour les pharisiens hypocrites : « Espèce de race de vipères, espèce de tombeaux blanchis dont l'intérieur est rempli de pourriture alors qu'à l'extérieur ils veulent donner le change aux hommes en prenant des apparences. »

Et ces gens qui ne savent pas prendre une responsabilité, dont on ne sait jamais quand ils vous disent "oui", si ce sera vraiment oui ou si ce sera peut-être bien non ! Ces gens qui, lorsqu'ils ont commis une faute, se dérobent, se camouflent ont même la trouille et acceptent volontiers que la faute retombe sur les autres ! Comme on est loin de cette recommandation du Christ : « Que votre oui soit un oui, que votre non soit un non. » Pas besoin pour un chrétien de faire des serments : la parole d'un chrétien doit valoir un serment.

Nous en sommes hélas bien loin et peut-être que chacun de nous, en revoyant sa vie, y trouverait bien des recoins d'hypocrisie ou de mensonge ou de camouflage...

Et cet égoïsme sordide que nous voyons autour de nous et qui est au fond à la base de toute la crise actuelle, même au point de vue économique !...

Ceux qui possèdent, parfois uniquement par chance, retiennent avarement tout ce qu'ils ont et, si on leur demande de partager avec les autres, de faire profiter les autres de ces dons qu'ils ont reçus gratuitement de la nature ou par chance, ils refusent. Ils veulent au contraire se faire payer ces dons-là, exactement comme il en irait d'un propriétaire qui aurait la chance d'avoir sur sa propriété une source d'eau vive et qui, dans un temps de sécheresse, prétendrait faire payer cette eau à ceux qui viendraient s'y désaltérer ! Cette eau, c'est un coup de chance qu'elle coule sur son terrain : il n'a pas le droit de demander une rétribution aux autres. C'est un coup de chance que tel ou tel soit plus instruit, que tel ou tel soit plus intelligent qu'un autre. C'est un coup de chance que tel autre soit né dans tel milieu qui lui a permis de pousser des études : si ensuite il veut se faire payer cela, faire payer aux autres sa chance, alors c'est la catastrophe ! C'est, hélas ! ce que nous voyons : ce sont toujours les mieux partagés qui profitent, qui ont toutes les chances et les autres rien !

Ce n'est pas cela que Dieu a voulu puisqu'il a voulu une famille et qu'il a voulu justement que l'égalité, chez nous, n'existe que par volonté, que par bon cœur ; il n'a pas voulu que ce soit du "tout-cuit" : il veut que cette égalité soit vraiment une égalité fraternelle, qu'elle parte d'une affection, d'un amour de l'autre et qu'elle ne soit pas imposée du dehors. Cette égalité, il n'a pas voulu la réaliser lui-même : il nous a laissé le soin de le faire, par charité, par amour. C'est plus beau. Mais lorsqu'elle n'est pas réalisée, quelle horreur, quelle lèpre de voir cet égoïsme régner dans le monde et combien cela doit faire mal à Dieu !

Et nous, savons-nous déceler dans notre vie ce côté d'égoïsme : moi, moi, moi, qui fait que l'on se ratatine et qu'on devient tout petit parce que notre moi n'est pas très grand ? Celui qui, au contraire, comme les saints, a un cœur je dirais à la dimension du cœur de Dieu, celui-là, il est beau, il est grand. Devant ce dévouement, devant cette charité, devant cette générosité, tout le monde s'incline, tout le monde admire : on est donc d'accord avec Dieu...

Et que dire de celui dont le corps est tout fripé, déjà vieilli, alors qu'il devrait être jeune, dont le corps est éteint alors qu'il devrait rayonner s'il y avait à l'intérieur cette lampe cette flamme d'un idéal qui transpire à travers les yeux, qui transpire à travers toutes les pores de l'être humain ! Cette pauvre loque, quelle lèpre ! Regardez, regardez autour de vous combien on en voit de ces jeunes déjà vieillards ! Ça fait mal ! Et Dieu doit en souffrir !

Tout ce qui salit le corps, tout ce qui fait que ce corps descend au niveau de la bête alors que ce devrait être un corps humain, que de fois je l'ai dit ici — mais il faudrait que nous en soyons persuadés jusqu'au fond de notre être — tout ce qui salit l'amour, tout ce qui en fait simplement un amour d'utilité, un amour d'égoïsme est à l'antipode de cet amour de don que Dieu a rêvé et qui définit Dieu lui-même.

Et celui qui "s'engraisse" aux dépens des autres parce que c'est un paresseux... Il lui faut des larbins pour lui apporter sa pitance, il est même très exigeant... Et pourtant ce paresseux, il avait tout de même reçu des dons... Dieu ne l'avait pas oublié au jour de la distribution ... Mais ces dons, il les a étouffés, il les a cachés parce qu'il n'a pas eu le courage de surmonter sa paresse pour les faire valoir. Ainsi, non seulement il se rabougrit lui-même, mais il prive ses frères des dons que Dieu lui avait donnés pour les autres.

Cela aussi est bien loin du plan divin ! Là aussi, cette paresse est une lèpre ! Et combien elle fait mal à voir !

Nous pourrions passer ainsi en revue toutes nos défaillances, mes chers frères. Si nous étions pénétrés de cet Esprit de Dieu, ni notre ambition était comme nous le demande le Seigneur Jésus-Christ, comme il l'exige de ses disciples : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait, soyez miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux », si, comme le demande Jésus-Christ, nous avions ce désir de ressembler à notre père, si c'était là notre suprême joie parce que cela nous épanouit dans tout ce que nous avons de meilleur dans notre être humain, dans notre cœur, eh bien ! nous serions les premiers à être écœurés aussi de notre lèpre et de nos défaillances et nous aurions recours, nous aussi, au Seigneur, pour qu'il nous guérisse : « Seigneur, si tu le veux, tu peux nous guérir ! » Et nous savons bien qu'il le peut, mais ne ferons même pas la démarche d'aller le trouver...

Je m'excuse de revenir encore là-dessus, mais tout de même le Seigneur nous a donné un moyen de renouveler en nous cet influx vital qui est nécessaire si on ne veut pas être gagné par la lèpre. Pour guérir la lèpre, il faut que le remède vienne de l'intérieur. Au point de vue surnaturel, c'est la même chose. Si nous voulons vivre tels que le Seigneur le veut, il faut qu'il y ait un emballement, un enthousiasme, il faut qu'il y ait un idéal qui nous tarabuste constamment. Et quand cet idéal s'éteint, quand cette flamme n'existe plus, qu'est-ce qui va la raviver ? Qu'est-ce qui va la tisonner, cette flamme ? Ce n'est pas nous en nous battant les flancs ! Il s'agit de surnaturel : c'est Dieu qui peut redonner cet élan, cet appétit de tout ce qui est beau, grand et noble, et si je ne sens pas assez en moi cet appétit, eh bien, je vais aller le quémander auprès du Seigneur. C'est ça la grâce de Dieu, c'est la force divine qui me possède, qui me permet d'être à la hauteur de cet idéal surnaturel, surhumain que Dieu me demande. Et c'est là justement le rôle des sacrements.

Nous avons souvent parlé du sacrement de confession. Je vous ai même lu un passage du livre de Max Thurian, un protestant de Taizé, sur la confession, car aujourd'hui les protestants reviennent à la confession. Vous n'avez qu'à aller à Taizé, vous verrez qu'on y confesse. Le pasteur Boegner, qui n'était pas un pasteur parmi les derniers, mais qui était une lumière pour la France, dit dans sa préface au livre de Max Thurian : « Comment se fait-il qu'on ait pu définir le protestant : celui qui ne se confesse pas, alors que justement dans le rite de d'ordination, lorsqu'on nous nomme pasteurs, on nous recommande de garder secrètes les fautes qui nous sont avouées en confession pour le soulagement de la conscience ? » Et il se pose la question : « Comment cette institution qui est tellement claire dans les écrits du Nouveau Testament, dans l'Epître de Saint Jacques et dans les Evangiles, comment une chose aussi scripturaire a-t-elle pu être niée alors que les fondateurs même du protestantisme dans leurs écrits reconnaissaient cette confession ? » Il attribue cela à l'individualisme protestant, au fait que l'on a voulu lutter contre les abus qu'il y avait de ce côté-là, peut être, dans l'Eglise Catholique. Il conclut : « On ne peut pas nier que ce moyen de sanctification soit dans les écrits sacrés et on ne peut pas nier qu'en ne le pratiquant pas, nous nous sommes privés d'une source de sanctification et de perfection que nous regrettons maintenant avoir oubliée. »

Je cite l'exemple de la confession. Je pourrais aussi citer l'exemple de l'Eucharistie. Toutes les déclarations qui ont été faites dernièrement par les pasteurs protestants et catholiques montrent de plus en plus que le point de vue de nos frères séparés se rapproche de nous. Comment se fait-il qu'au même moment, ce soit nous-mêmes qui abandonnions ces sources de grâce : la confession, la communion réduite simplement à un partage de pain d'amitié, alors que les protestants croient que c'est plus que cela puisqu'ils croient à la suite d'études approfondies, à la présence de Jésus-Christ ?

Voilà les quelques mots que je voulais vous dire aujourd'hui, mes frères. Rêvons donc une bonne fois de beauté. Eh oui ! c'est tellement plus emballant que d'avoir tout le temps le nez dans cette pourriture qui infecte autour de nous ! Pourquoi ne pas s'élever un peu au dessus de tout cela, nous les chrétiens qui avons la chance d'avoir un Seigneur qui est venu nous apporter cette atmosphère autrement joyeuse, tout ce soleil qui devrait nous illuminer ?

Demandons-lui d'être emballée par son idéal, d'être pris surtout par son amour et pleins de compassion, de pitié, de souffrance vis-à-vis de nos frères qui en sont privés.

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