SOMMAIRE DE L'HOMELIE
TRAME du discours sur le pain de vie
Jésus douloureusement déçu :
- que la multiplication des pains n'ait pas été pour cette foule signe de sa mission divine...
- que ces gens en restent au souci du pain matériel...
Qu'ils dépassent donc ce souci et aient aussi celui du pain spirituel...
- Que faire pour avoir ce pain ?
- Croire à ma mission divine
- Que fais-tu pour cela ? Moïse aussi nous a donné du pain, mais celui-là venait du ciel !
- Non ! ce pain venu du ciel, c'est mon Père qui le donne... C'est Moi ce pain venu du ciel...
- Comment ? Tu ne viens pas du ciel...tu es le fils de Joseph ...
- Je donne ta vie éternelle à ceux qui croient en Moi... Le pain que je donnerai, c'est ma chair.
- Révolte et abandon des disciples...
Jésus ne diminue pas la vérité pour la rendre plus acceptable.
Subvenir aux besoins matériels du prochain...
C'est exigé par le Christ...Il l'a fait ... L'Eglise l'a fait...
mais beaucoup de chrétiens, aux siècles derniers, l'ont oublié...d'où :
- apostasie des masses...
- réaction excessive des théologiens de la mort de Dieu ... plus rien ne semble compter en dehors de ça...
Jésus a eu ce souci ... mais :
- Il a voulu tout de suite, malgré les récriminations prévues, aller plus loin et plus profondément...
- Pour lui, son intervention pour soulager la faim matérielle est un
moyen de conduire à sa religion, à la découverte de sa mission et par là à la découverte de la vie spirituelle...
Nous...
- Si nous voulons attendre pour parler du spirituel,
= nous risquons de ne jamais le faire, alors que nous sommes seule à le pouvoir...
= nous risquons de maintenir les gens à ce niveau terre à terre...
- Il n'est pas défendu, à nous non plus, de concevoir notre action temporelle comme un moyen de faire découvrir Il autre chose
Mais souffrons-nous vraiment de voir les gens rester à ras de terre...?
TOUT D'ABORD, VOICI LA TRAME de ce discours si important du Christ sur le pain de vie.
Nous allons le lire tout au long durant quatre dimanches. L'enchaînement de ce discours est assez difficile à suivre : vous en donner la structure vous permettra de le suivre plus aisément.
Au départ, Jésus se plaint de ce que cette foule le poursuit jusque de l'autre côté du lac de Tibériade, non pas parce que le miracle de la multiplication des pains a'été pour elle un signe de sa mission divine, mais parce qu'Il l'a rassasiée... Qu'elle ne se soucie donc pas seulement du pain matériel qui entretient une vie simplement temporelle, mais qu'elle aie aussi le souci de se procurer la nourriture de la vie éternelle que Dieu lui donnera !
La foule riposte : " Mais que faut-il donc faire pour obtenir de Dieu ce pain-là, que faut-il faire pour le "gagner" ?
Justement, pour cela, répond le Christ, il faut croire à ma mission divine.
Répartie de la foule : " Mais quel signe nous donnes-tu de cette mission ? Tu nous as donné du pain, c'est vrai, mais Moïse, lui, nous a donné du pain, du pain qui, celui-là, venait du ciel ! "
" Non, rétorque Jésus, le vrai pain venu du ciel, ce n'est pas Moise qui l'a donné, c'est Dieu, mon Père, qui vous le donne ! et ce pain-là donne la vraie vie..."
La foule alléchée s'écrie Ah ! Seigneur, donne-nous de ce pain-là toujours !"
Dans la suite de ce discours que nous lirons les prochains dimanches, Jésus affirme 3 choses qui vont susciter les contestations de ses auditeurs Premièrement : Il est, lui, le pain vivant venu du ciel et donné- au monde par son Père ... Les juifs contestent alors son origine céleste et divine : n'est-il pas le fils de Joseph ?
Deuxièmement : Jésus affirme qu'il donne la vie éternelle à ceux qui viennent à Lui et croient en Lui (en sa mission divine). Pour cela, il faut du reste une attirance suscitée par le Père.
Troisièmement : Ce pain du ciel, c'est sa chair...oui ! Il faudra manger sa chair et boire son sang ! Ce sera là la façon concrète de montrer que nous avons conscience d'avoir besoin qu'il soit avec nous, en nous, pour vivre dès à présent de cette vie éternelle et avoir le gage de notre résurrection au dernier jour
C'est alors le scandale. " Comment celui-ci peut-il nous donner sa chair à manger...? Ce qu'il dit là est inadmissible et les gens tournent les talons...
Jésus qui, tout au long de cette discussion, n'a fait que renchérir sur le réalisme de ses affirmations chaque fois que les juifs protestaient, ne cherche pas à retenir ces gens en atténuant ce qu'il a dit. Bien au contraire, il se tourne vers ses Apôtres restés là tandis que les autres s'éloignaient et il leur demande si, eux aussi, veulent s'en aller... Il ne les retient pas, eux non plus. C'est alors que Pierre proteste contre cette éventualité : " Te quitter, toi, Seigneur, mais à qui irions-nous, tu as les paroles de la vie éternelle ! "
Ainsi, contrairement à ce que font tant de chrétiens et même de prêtres aujourd'hui, ce n'est pas " le genre " de Jésus d'atténuer sa doctrine, son enseignement, d'atténuer la vérité pour la rendre plus acceptable. Que de fois j'ai eu l'occasion de le dire...!
Attardons-nous quelques instants aujourd'hui, si vous le voulez bien, sur le début du passage de cette discussion que nous venons d'entendre.
Soulager les corps, avoir pitié de ceux qui ont faim le Seigneur l'a fait lui-même avant de nous demander de le faire (St Matthieu, ch.25,v.35 et 42). Lutter pour l'amélioration des conditions de vie, pour une plus juste répartition des richesses ... c'est essentiel assurément pour un chrétien. Nous disions même, il y a quelques dimanches, que le Seigneur avait chargé ses Apôtres, et même soixante douze disciples après eux, et nous aussi à leur suite, de poursuivre l'offensive lancée par lui-même contre le mal sous toutes ses formes, le mal physique comme le mal spirituel...
Certes de tout temps, l'Eglise, au moins par les meilleurs de ses membres, a rempli cette double mission. Je n'ai pas à rappeler ici tout ce qu'elle a fait non seulement pour faire connaître la religion et l'idéal du Christ, mais aussi tout ce qu'elle a fait et entrepris pour soulager les corps et subvenir aux détresses matérielles. Il n'est guère d'institutions humanitaires qui niaient à son origine un saint ou une sainte... les hôtelleries, les hôpitaux, les hôtels-Dieu, les orphelinats, les hospices etc...
Mais il faut reconnaître que beaucoup de chrétiens ont, dans les derniers siècles, oublié trop facilement, et trop fréquemment, les terribles menaces de Jésus-Christ à l'adresse de ceux qui ne se seraient pas occupés de pourvoir aux besoins matériels de leurs frères : que ce soit dans la parabole du mauvais riche englouti en enfer pour avoir laissé le pauvre Lazare crever de faim à sa porte, que ce soit dans la parabole du jugement dernier où ceux qui n'ont pas secouru le Christ en la personne de leurs frères sont envoyés " au châtiment éternel " (St Matthieu, ch.25, v.46). Beaucoup de chrétiens semblent avoir oublié aussi cette parole terrifiante du Christ : " Il est plus facile de faire passer un chameau (ou un câble) par le trou d'une- aiguille que de faire entrer un riche dans mon royaume." (St Matthieu, ch.19,v.24).
J'ai eu même l'occasion de souligner comment cette absence des chrétiens dans les luttes pour le mieux-être temporel de leurs frères humains, avait pesé certainement d'un grand poids dans cette apostasie des masses au siècle dernier.
Je vous ai même expliqué les conclusions que les théologiens de la mort de Dieu avaient tiré du constat que cette mort de Dieu, cette indifférence contemporaine de la masse vis à vis de Dieu et de la religion, provenait en grande partie de cette absentéisme des chrétiens..." Pour le moment tout au moins, dise ces théologiens, n'insistons pas sur la prière, sur les sacrements, sur la pratique religieuse, mais engageons-nous à fond dans toutes les luttes sociales et politiques ; c'est là cette condition seulement que Dieu ressuscitera dans ces milieu déchristianisés." ...! Améliorons le standing de vie des gens, montrons-leur que les chrétiens sont soucieux de cette amélioration, sont soucieux de justice. Après seulement nous pourrons parler de Dieu et de religion... !
Tenir de tels propos, c'est tomber d'un excès dans l'autre et ce n'est sans doute pas très conforme à la façon d'agir de Jésus en ce passage d'Evangile.
Oui, le Seigneur a eu pitié de cette foule qui l'avait suivi au désert et qui avait faim. Et cette pitié chez lui n'a pas été stérile. Il a demandé, nous l'avons souligné, aux Apôtres d'agir et de faire agir tous ces gens qui étaient là, pour soulager cette faim : "'Combien de pains avez-vous ? Allez voir ! "
Il a agi lui-même avec toute sa puissance. Il a multiplié les pains. Mais il n'est pas resté à ce niveau-là. Cette foule, Il a voulu d'ores et déjà se lever, sans attendre, a un niveau supérieur. Il a demandé à tous ces gens d'être soucieux de nourrir non seulement leur corps mais aussi leur âme, de ne pas travailler, de ne pas faire effort uniquement pour se procurer le pain matériel qui entretient une vie purement temporelle, mais aussi de travailler, de faire effort pour se procurer la nourriture qui garantit leur vie spirituelle, une vie éternelle !
Et pourtant, pourtant, dès le début de ce discours, Jésus savait bien, sans doute, l'accueil que ces gens feraient à ses propos. Il n'empêche que, malgré les récriminations de cette foule, malgré les abandons massifs qu'Il prévoyait, Il n'en a pas moins tenu ces propos-là !
A vouloir attendre que les gens soient bien disposés, nous risquons de rester perpétuellement au niveau purement temporel, purement matériel, et d'y maintenir ceux auxquels nous sommes les seuls à pouvoir révéler que tout n'est pas là, que l'essentiel même n'est pas là ! qu'il y a en eux le germe d'une vie bien plus belle, bien plus profonde, bien plus humaine, seule digne d'une créature douée d'une intelligence et appelée à une merveilleuse destinée, une vie dont ils ne sont peut-être pas conscients parce que justement elle est étouffée par tous les soucis de la vie, et aussi par l'ambiance qui les entoure, par cette masse dans laquelle ils sont plongés et qui n'en parle jamais...!
A l'exemple du Christ, au contraire, il nous faut profiter de toutes les occasions, partir de tous les événements, pour les aider à s'élever. Voyez, en effet, comment il agit, le Seigneur. Ces gens ont faim, il va les rassasier...
Mais déjà il souhaite - ses paroles le montrent bien - que ce geste de charité et de puissance soit un signe pour eux qui leur révèle sa personne, son origine céleste et divine, un signe qui les fasse accéder à un autre niveau. Il se plaint que ce but, que manifestement il se proposait, n'ait pas été atteint " Oui, vraiment, je vous le dis, vous me cherchez, non parce que vous avez vu " des signes " (non parce que cette multiplication des pains a été pour vous un signe de ma mission divine), mais parce que vous avez mangé du pain à satiété. . . "
Ainsi donc pour nous non plus il n'est pas défendu de nous engager dans la lutte pour le mieux-être matériel, non seulement par pitié pour ceux qui sont désavantagés de ce côté-là, mais aussi avec le secret espoir que ce leur sera un signe qui leur montrera que le chrétien, loin d'être étranger à cette lutte, puise dans sa foi un nouveau et puissant motif à cet engagement, un signe que notre foi chrétienne, loin de nous faire nous désintéresser du bien-être de nos frères, nous en rend encore plus soucieux et qu'ainsi cela fasse tomber leur préjugé et rende notre religion sympathique à leurs yeux. Car, à la suite du Christ, ce que nous devons vouloir avant tout pour notre prochain, c'est cet épanouissement de l'âme que seule la découverte du Christ et de sa religion peut apporter.
Notons comment le Christ profite de l'événement, du fait que cette foule a eu faim et qu'il l'a rassasiée, pour essayer de lui faire prendre conscience d'une autre faim dont elle devrait souffrir et qu'il est seul à pouvoir rassasier, d'une autre vie qu'elle devrait songer à entretenir, celle-là encore plus importante puisqu'elle est éternelle...
Nous aussi, savons-nous profiter de toutes les occasions, de tous les événements qui se présentent pour aider nos frères à transcender le terre à terre, le temporel, le matériel, pour leur faire entrevoir un autre horizon, une autre vie débutant dès ici-bas ?
Mais, au fait, les aimons-nous assez en profondeur pour cela ? pour vouloir que s'épanouisse en eux ce qu'il y a de plus profond, de plus beau, de plus grand, d'éternel... ?
Souffrons-nous de voir la disette spirituelle de ceux qui nous entourent encore plus que de voir leur pénurie matérielle ?
Si comme le Christ nous nous apitoyons sur la misère matérielle, comme lui, sommes-nous encore plus déchirés à la vue de la détresse spirituelle de tant de gens dont tout l'horizon est borné à cette terre... ?
Tant de gens qui ne semblent avoir d'autre souci que d'entretenir cette vie matérielle, que de la rendre plus confortable... !
Tant de gens qui, pour cela, se donnent un " mal de chien " et ne font rien pour entretenir la vie de leur âme... !
Tant de gens qui ne vivent que par leur corps, ou plus exactement que " pour " leur corps.... dont l'intelligence est mise uniquement au service de leur corps pour chercher les moyens de répondre le mieux possible à ses besoins, à ses désirs, réduite donc à n'être qu'un instinct perfectionné...alors qu'elle est faite pour " lire entre les lignes " (selon le sens étymologique de ce nom) afin de découvrir le sens des choses matérielles, signes de réalités plus profondes, plus solides, plus durables !
Sommes-nous déchirés de voir tant de gens qui jamais, jamais, ne prennent le temps dé penser à leur âme... ?
Tant de gens qui vivent comme si Dieu n'existait pas ... comme s'il n'avait rien fait pour eux...alors qu'ils lui sont redevables de tout ... !
Tant de gens qui vivent en faisant fi du don inouï de son Fils envoyé parmi nous
Tant de gens qui vivent en faisant fi de ce vrai Fils de Dieu venu, non pas en socialiste ou en économiste, mais comme Rédempteur de nos âmes ( et ce salut de l'âme dont ils ne se soucient nullement, ça devait tout de même bien en valoir la peine !)
Tant de gens qui vivent en faisant fi de sa croix, de son Eucharistie, de sa messe...de son amour
Oui ! tant de gens ! tant de gens...!