Année B – 23ème dimanche ordinaire


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

 

Texte de Saint Jacques : le chrétien ne doit faire acception de personnes...

Il faut que ça change...

- personne ne peut contester que le Christianisme a bouleversé la société

- les Apôtres n'ont pourtant pas prêché l'insurrection contre les pouvoirs établis...mais le changement des chrétiens...

- exemple : pour avoir la même déférence envers tous, il faut prendre le temps de réfléchir sinon, on se fie aux apparences... -

 

Il s'agit de savoir si la société nouvelle se fera avec ou sans Jésus-Christ...

Les chrétiens doivent être les pionniers de cette société...

 

Le christianisme doit pénétrer en nous et se traduire par tous les pores...

 - autrefois on traçait la croix sur tous les membres du baptisé... aujourd'hui, seulement sur le front...

- on confond instruction et éducation...

= le christianisme doit prendre l'être tout entier...
= à la colonie, nous avons voulu faire de l'éducation chrétienne... nous continuerons...pour les enfants surtout par les jeux... pourquoi ?

 

Nécessité de l'autorité pour forcer des volontés.

Conditions que l'on doit remplir pour cela :

- ne chercher que le bien de l'enfant...
- fermeté : donc réflexion...
- au départ, inspire certaine crainte.
- mais doit au plus vite être basée sur la confiance...

Nous cherchons des collaborateurs... ayant même esprit...

Nous misons sur la jeunesse...


HOMELIE

 

LA REVOLUTION... ! la vraie, la voilà. La confirmation de la thèse que j'essaie de développer devant vous depuis plusieurs dimanches, la voilà !

 

" S'il entre dans votre assemblée, nous dit Saint Jacques, un homme bien habillé et puis un pauvre hère qui arrive avec ses habits peut-être malpropres et en lambeaux, vous allez vous précipiter vers l'homme bien habillé, vous lui rendrez toutes les civilités ; quant au pauvre, vous le laisserez peut-être tout juste rentrer et s'asseoir par terre à vos pieds. " Et Saint Jacques proteste : " Vous faites là un péché contre la loi royale de la charité ! " Il le dit dans les versets qui suivent le passage que nous venons d'entendre.

 

Une révolution ! Nous aspirons tous à un changement. Tout le monde va répétant : " Il faut que ça change ! " Tout à fait d'accord, mais, comme je vous le disais encore dimanche dernier, on compte plus sur la politique, sur le pouvoir, que sur le changement intérieur.

 

Or, nous tous qui sommes là rassemblés, si deux personnes extérieurement aussi différentes que celles dont nous parle Saint Jacques se présentent ensemble à notre porte, je gage que nous réagirons de la manière qu'il condamne au nom de notre foi " en Jésus-Christ, notre Seigneur de gloire !".

 

Personne, pour peu qu'il ait fait un peu d'histoire, ne peut contesterque le Christianisme a bouleversé le monde, qu'il y a eu dans le monde un changement total et radical du fait de l'arrivée de Jésus-Christ.

La preuve du reste, en est que c'est à partir de lui que l'on compte maintenant les années. Et comment s'est opéré ce changement radical ? Les Apôtres ont prêché l'obéissance aux pouvoirs établis, et ces pouvoirs étaient la plupart du temps des pouvoirs persécuteurs, mais ils ont demandé le changement des chrétiens. Se faire chrétien, c'était commencer une vie toute nouvelle, toute différente de celle des autres. Et peu à peu, ces petites cellules de chrétiens qui se trouvaient ici et là ont rayonné, ont attiré, ont changé la mentalité. Et c'est cela qui est important ! A quoi bon la meilleure des révolutions si les mentalités ne changent pas ? Tant que restera au pouvoir celui qui a promu cette révolution-là, les choses se passeront peut-être à peu près bien, il s'imposera. Mais, lui disparu, s'il n'a pas réussi à faire pénétrer un esprit, une mentalité, ça recommencera, je le gage, comme au point de départ. C'est quelque chose de bien plus profond qu'il faut opérer.

 

Ainsi pour pouvoir traiter à égalité de déférence, de respect, quelqu'un qui est bellement habillé et le pauvre hère qui se présente, il faut justement avoir pris le temps de réfléchir, de méditer, de se ressaisir, pour s'imprégner de cette vérité de notre foi que par delà les apparences, parfois peut-être rebutantes, il y a en cet être humain une image de Dieu, l'empreinte de Dieu, aussi fortement ancrée, peut-être même plus, que chez le beau monsieur qui s'est présenté et qui nous en impose. Si nous n'avons pas pris ce temps de réflexion, nous vivrons comme les autres en surface, nous nous laisserons prendre par les apparences et nous adopterons une attitude qui, loin d'être révolutionnaire, ira tout à fait dans le sens de ce que tout le monde fait. Nous n'avons pas le droit, nous chrétiens, d'aller dans le sens de ce que tout le monde fait ! Il y a là de quoi nous faire réfléchir !

 

On nous parle aujourd'hui d'une ère nouvelle qui va commencer, on nous dit que nous arrivons dans un monde nouveau, je le veux bien, que l'on arrive dans une nouvelle société, dans une nouvelle civilisation : très bien, mais il s'agit de savoir si cette société nouvelle, si ce monde nouveau, va se construire avec ou sans Jésus-Christ ! D'après certaines affirmations et surtout d'après beaucoup d'attitudes, il semblerait en effet que Jésus-Christ, c'est périmé ! et que maintenant c'est une pièce inutile dans la nouvelle construction ! Est-ce que nous, chrétiens, nous pouvons admettre que le Fils de Dieu s'est dérangé pour venir parmi nous pour que ça serve simplement pendant, mettons, deux mille ans et qu'après, après, ce soit sans doute comme avant qu'il ne vienne ? Si nous voulons une société nouvelle, une civilisation, une ère nouvelle, il faut que les chrétiens soient justement les pionniers de cette civilisation, que nous arrivions à créer une civilisation qui soit plus authentiquement conforme à l'idéal de Jésus-Christ qu'elle ne l'était peut-être par le passé. Là alors, nous ferons un progrès, et un progrès dans le sens des aspirations les plus nobles qui sont dans le cœur humain, dans le sens de plus de bonheur dès cette terre... Jésus-Christ continuera à être le Sauveur. C'est important, mes frères, d'être convaincus de cette nécessité de partir de l'intérieur pour changer quelque chose.

 

Et la deuxième réflexion que m'inspirent les textes d'aujourd'hui, je la tire de l'Evangile.

 

Il n'y a pas si longtemps lorsqu'on employait un cérémonial séculaire pour l'admission d'un candidat au baptême, le prêtre le signait en disant : " Je te marque du signe de la croix sur ton front pour que tu sois marqué de l'empreinte de Jésus-Christ, je te signe les yeux, je te signe les oreilles, je te signe la bouche, je te signe le cœur, je te signe les épaules, je te signe tout entier pour que tu aies part à la vie éternelle ! " Hum ! que voulaient dire tous ces signes de croix répétés ainsi sur toutes les parties du corps ? Nous qui sommes des cérébraux, nous aurions peut-être admis tout au plus la croix sur le front (maintenant, en effet, c'est la seule qui soit maintenue dans le cérémonial de baptême de l'enfant). Au lieu de reproduire les mêmes gestes que Jésus avait fait sur ce sourd-muet en lui touchant les oreilles, en lui touchant la bouche et en disant : " Ephphatha, que ces organes s'ouvrent, que ces facultés s'épanouissent ", on se contente d'un petit signe de croix sur le front. C'est sans doute parce que nous ne pouvons nous abstraire de cette idée fausse qui est d'identifier enseignement et éducation. Le christianisme doit rentrer dans notre cœur et dans le cœur de ces enfants que nous allons dans quelques jours inscrire au catéchisme, le christianisme ne doit pas entrer seulement dans la tête, dans l'esprit, il doit entrer par tous les pores de l'individu, parce que le christianisme, c'est une vie, ça vous prend le bonhomme tout entier des pieds à la tête. Il y a une façon de voir qui est chrétienne, il y a une façon de voir qui ne l'est pas. Il y a une façon d'entendre qui est chrétienne, il y a une façon d'entendre qui ne l'est pas. Il y a une façon de parler qui est chrétienne, une autre qui ne l'est pas du tout. Il y a une façon d'agir qui est chrétienne, une autre qui ne l'est pas du tout. Il y a une façon de jouer, pour les enfants, qui est chrétienne, une autre qui ne l'est pas ! Justement, pendant notre colonie de vacances, ce que nous avons essayé de faire et d'apprendre à nos enfants par la vie, c'est cette mentalité chrétienne, cet esprit chrétien, c'est la façon de jouer chrétiennement. Je crois qu'ils sont rentrés heureux et en tous cas tous nos chefs et cheftaines ont gardé une nostalgie de cette façon de vivre : ils m'ont écrit de nombreuses lettres pour me dire leur enthousiasme.

 

Ce travail, nous voulons le continuer dans toutes les réunions de jeunesse que nous allons faire au début de l'année. Certains parmi vous seront surpris que ces réunions de jeunes consistent surtout dans des jeux plutôt que dans des discussions sans fin ! C'est que nous croyons que le jeu, c'est vraiment la vie de l'enfant et que c'est dans le jeu que l'enfant s'exprime au naturel : là, il est lui-même. S'il joue chrétiennement, il y a bien des chances qu'il vivra chrétiennement, que la vie chrétienne, que l'esprit chrétien va pénétrer en lui dans tout son être. Il y a du reste des jeux qui sont éducatifs. Il y en a qui ne sont intéressants que si on joue avec franchise. Il y en a qui développent l'esprit d'observation, qui habituent à regarder autour de soi. Il y en a qui développent l'esprit de camaraderie et la charité. Il y en a qui développent le cran, la volonté, et je n'ai pas besoin de vous dire que c'est surtout sur ceux-là que nous ferons porter notre effort. Pourquoi...? Parce que, partout ailleurs, on essaye de développer toutes les autres facultés de l'enfant : son intelligence, son imagination, sa mémoire, son cœur même, peut-être même sa conscience, mais la volonté ? personne ne s'en préoccupe ! C'est le règne du caprice. Or, on ne peut pas être chrétien si on n'est pas des hommes de volonté. On ne peut pas être chrétiens si on n'est pas des personnes, parce qu'aujourd'hui plus que jamais pour être chrétien, il faut souvent ramer à contre-courant et, par conséquent, savoir bien ce que l'on veut, pourquoi on le veut, et puis capter toutes ses énergies pour ne pas en démordre ! Cela suppose une fameuse volonté ! Et, pour arriver à forger cette volonté chez l'enfant, au risque de scandaliser les "modernes", je dirais qu'il faut l'autorité ! C'est peut-être surprenant, voire scandaleux aujourd'hui... !

 

Pour que l'enfant arrive à quelque chose, il faut d'abord qu'il canalise toutes ses énergies vers un but. S'il veut vraiment décrocher un examen, eh bien ! il ne faudra pas qu'il se mette à courir à droite et à gauche, il ne faudra pas qu'il passe son temps à regarder à droite et à gauche, mais il faudra qu'il canalise toute son attention sur le bouquin qu'il a sous les yeux pour l'apprendre. Cela demande qu'il s'impose donc une discipline. Et cette discipline, tant que l'enfant n'a pas une volonté assez forte, tant qu'il n'a qu'une volonté " en herbe ", eh bien ! il faut lui faire la charité d'avoir à côté de lui une autre volonté, celle-là plus solide, qui lui servira de tuteur. Encore faut-il que la volonté de celui qui est là pour l'aider à se former soit une volonté qui recherche uniquement le bien de l'enfant et que ce ne soit pas une volonté commandée, elle aussi, par le caprice ; que les éducateurs ou les parents ne fassent pas passer leurs caprices sur le dos de ces enfants : ce serait la catastrophe ! Mais si ce sont de vrais parents, de vrais éducateurs, ils doivent savoir dans quelle direction doit aller l'enfant pour devenir justement quelqu'un et ils doivent être ces tuteurs sur lesquels l'enfant puisse s'appuyer. Cela suppose que, lorsqu'on a décidé quelque chose, on ne revient jamais en arrière. Avant de demander ou décider quelque chose, il faut naturellement y réfléchir à deux fois puisque, la décision prise, on ne peut plus reculer. Sans quoi, si l'enfant sent que ses éducateurs sont aussi branlants que lui-même, si un jour c'est comme ci et le lendemain comme ça, il n'aura plus cette solidité, cette énergie, il ne pourra plus canaliser tous ses efforts vers un but bien déterminé, il sera à la merci des flots : il voguera à droite, il voguera à gauche, à la merci de ses caprices : on en fera un capricieux et un capricieux, ça ne fera jamais un chrétien ! Ce n'est pas par le laisser-aller, ce n'est pas par l'anarchie, ce n'est pas par une certaine façon de concevoir la liberté comme possibilité de suivre tous ses instincts que l'on va forger des personnalités ce n'est pas vrai et ce n'est pas ainsi que l'on va forger des chrétiens ! Il y aurait beaucoup à dire, mes frères, sur ce sujet-là...

 

Cette autorité, voyez-vous, au départ, elle se base sur une certaine peur. L'enfant, le petit enfant, sent que ses parents sont plus forts que lui et, au début, comme il ne peut pas encore beaucoup raisonner, il obéit un peu par peur.

 

Mais ce stade de la peur, de l'intimidation, n'est qu'un stade et il faut chercher à le dépasser le plus vite possible. Il faut alors que les éducateurs s'imposent, non plus par la force physique, non plus simplement par la frousse qu'ils inspirent, mais qu'ils aient un ascendant sur l'enfant parce qu'il reconnaît une valeur dans ses éducateurs, une valeur intellectuelle - ils en savent bien plus que moi - une valeur morale parce que l'enfant est dans l'admiration de l'exemple qui est donné ; il sent que ses éducateurs, eux, ont su dominer leurs caprices, dominer leurs instincts, que ce qu'ils demandent est réfléchi et raisonné, et surtout, surtout, pour que cette autorité puisse porter, il faut que les éducateurs sachent susciter la confiance dans le cœur de l'enfant. Il faut que l'enfant puisse se dire : celui qui m'est supérieur comme intelligence et comme connaissances, celui qui m'est supérieur au point de vue moral, il m'aime et, par conséquent, ce qu'il me demande, ce sera toujours mon bien.

 

Nous réfléchirons ensemble, mes frères, au cours de cette année sur cette éducation. Pour l'instant je cherche des collaborateurs qui nous aident à aller dans ce sens. Je préférerais que nous n'ayons plus de groupements du tout que d'avoir des groupements dont les responsables ne seraient pas d'accord avec nous sur les objectifs que nous nous proposons : ce n'est pas possible, ce serait aller à la catastrophe...

 

Il nous faut former des personnalités qui, malgré l'ambiance, continueront à être chrétiens, à vivre chrétiennement. Vous savez bien, habitants de Rungis, combien ici le respect humain est fort ; je crois, et c'est une constatation qui me fait mal, que l'on ne peut guère espérer que des adultes de ce pays se convertissent : ils ont trop peur du qu'en dira-t-on...

 

Et si nous voulons que notre communauté chrétienne tout de même s'agrandisse, il nous faut donc miser sur la jeunesse, à condition que ces groupements de jeunes ne soient pas des paniers percés où il en part autant qu'il en entre ça ne changerait rien. Il nous faut repartir sur des bases qui soient authentiquement chrétiennes, c'est la seule chose qui nous intéresse. Je me suis fait prêtre, et moine, et, je vous le disais, la mission du prêtre et du moine, c'est qu'il est là pour attiser dans le cœur des fidèles, de ceux qui ont la foi, ce souci de conformité de plus en plus parfaite avec l'idéal de l'Evangile, parce qu'il est convaincu, ce moine et ce prêtre, que c'est là le vrai bonheur pour en avoir fait lui-même l'expérience.

 

Eh bien ! voilà, mes chers frères, je confie tout cela à vos prières. D'abord que le Seigneur nous persuade bien que la seule façon de reconstruire une humanité, c'est que vraiment il y ait des îlots de chrétiens ici et là qui soient pénétrés de cet esprit chrétien, qui le vivent entre eux, qui donnent déjà, je le dis souvent, comme une maquette de la société que nous voulons réaliser et qui rayonnent autour d'eux. C'est comme ça qu'on a changé le monde et il n'y en a pas trente six mille façons c'est la seule qui a été indiquée par Jésus lui-même : le ferment.

 

Alors il faut refaire de ces communautés chrétiennes, bien que le vent n'y soit plus aujourd'hui, des communautés chrétiennes même paroissiales où des gens de tous âges, de toutes conditions, se trouvent rassemblés pour vivre en famille cet esprit de Jésus-Christ, pour s'y retremper afin de le porter tout partout où nous allons.

 

Et puis deuxième chose que nous demandons au Seigneur : c'est de nous donner ces éducateurs qui pourront nous aider à forger des personnes, à forger des chrétiens qui soient vraiment emballés par le Christ Jésus !

 

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