SOMMAIRE DE L'HOMELIE
Le rôle du prêtre, comme celui de Moïse,
c'est d'être le trait d'union entre Dieu et son Peuple.
Pour cela, il faut qu'il vive en étroit
contact avec Dieu, qu'il le consulte sans cesse, pour donner aux fidèles
l'avis de Dieu
Il ne faut pas vouloir avoir le monopole du bien.
- accepter que d'autres aussi fassent du bien... et s'en réjouir
- accepter de partager sa charge, ses responsabilités...
- le prêtre seul ne peut suffire à sa tâche... il a besoin d'aides
- les laïcs, du reste, ont eux aussi leur fonction dans l'Eglise qui n'est pas qu'une affaire de curé... le Concile l'a rappelé.
- Cependant il ne faut pas qu'ils cherchent à empiéter sur les tâches proprement sacerdotales...
- Et il faut, entre les prêtres et les laïcs, une unité d'esprit ( sans cela, pas de communauté chrétienne possible).
Il faut même que toute la Communauté soit "prophétique" empoignée par ce même Esprit, comme le disait Moïse.
Les textes d'aujourd'hui soulignent comment cette Communauté doit donner l'exemple du souci " du plus petit "
- souci au point de vue matériel ne pas accepter qu'il soit désavantagé dans la répartition des biens matériels...
- souci au point de vue spirituel : attention au scandale
LA VISITE DU BEAU-PERE !...
Il avait entendu dire que son gendre avait fait des choses extraordinaires, c'était vraiment le héros. Il était parvenu au faîte de la gloire. Et le beau-père était parti avec sa fille et les deux fils rejoindre Moïse c'est de lui qu'il s'agissait au bas de la montagne du Sinaï.
Apprenant leur arrivée, Moïse se porta à leur rencontre et, après les avoir embrassés et s'être enquit de leur santé, il les conduisit à sa tente. Là, il leur raconta tout ce que Dieu avait fait par son entremise pour faire sortir tout ce peuple de la servitude de l'Egypte. Jéthro, le beau-père de Moïse, s'en réjouit grandement et offrit même à Dieu un sacrifice d'action de grâce.
Le lendemain, Moïse siégeait pour rendre la justice à l'entrée de la Tente de Dieu par laquelle le Seigneur manifestait sa présence au milieu de son Peuple. La foule l'écrasait ! De toutes parts on venait le consulter pour que lui-même demande l'avis de Dieu sur tous les problèmes de ces gens et puisse ainsi leur rendre une réponse. Et le beau-père était choqué, peiné, de voir ainsi son gendre débordé de travail : du matin au soir, la foule le harcelait ! Après cette journée écrasante, le beau-père dit à son gendre : « Tu t'y prends mal, à coup sûr tu t'épuiseras à ce régime-là, la tâche excède tes forces. Il faut absolument que tu arrives à partager tes responsabilités. Emploie-toi personnellement pour le Peuple devant Dieu et porte-lui leurs litiges. Fais leur connaître la voie à suivre et la conduite à tenir, une fois que tu auras porté à Dieu leurs difficultés. Tu as ce rôle. Mais en même temps tâche de trouver des aides, des hommes capables, sûrs, incorruptibles, craignant Dieu, que tu nommeras comme chefs à la tête de chaque petit groupe. Réserve-toi les cas les plus difficiles et eux traiteront les affaires de moindre importance. » (cf. Exode, ch.18, v.13-27)
Cette réflexion de sagesse avait frappé Moïse. Le lendemain dans sa prière, il adressa à Dieu cette plainte : « Seigneur, je n'en puis plus, c'est trop lourd pour moi tout ce peuple ; comment veux-tu que je le porte seul ? » Le passage que nous avons lu tout à l'heure nous donne la réponse de Dieu « Choisis 70 anciens, amène les à la Tente de Réunion. Je continuerai à y descendre pour m'entretenir avec toi, mais je répandrai sur eux de l'esprit que je t'ai donné. Alors ils porteront avec toi la charge de ce peuple et tu ne seras plus seul à le porter... »
Ce passage de l'écriture est vraiment plein d'enseignements pour nous. Tour d'abord il souligne le rôle primordial de celui qui est responsable de tout le peuple de Dieu. Son rôle, c'est d'être le trait d'union entre ce peuple et le Seigneur, c'est de poser à Dieu les questions que se pose ce peuple qui veut marcher selon sa volonté et d'apporter la réponse, l'avis de Dieu à ceux qui sont venus le solliciter. C'est là le rôle du prêtre avant toute autre chose. Au fond, s'il est libéré de tout autre souci, s'il est libéré de tout souci familial, si vous-mêmes vous avez à cœur de le libérer de tout souci temporel en lui assurant le vivre et le couvert, c'est justement pour qu'il vive dans la nuée avec le Seigneur, en contact constant avec Dieu et qu'il puisse ainsi l'interroger à propos de tous les événements de votre vie et vous apporter ses réponses. Si le prêtre ne remplit pas ce rôle essentiel, ce n'est plus un prêtre. C'est cela que le Seigneur demandait déjà à Moïse (et ça remonte tout de même à pas mal de siècles !), c'est cela que le Seigneur continue à vouloir dans la mesure où il y a toujours aujourd'hui encore, comme l'a affirmé si fortement le Concile, un Peuple de Dieu !
Nous prierons donc tout d'abord aujourd'hui pour que les prêtres ne se laissent pas détourner de leur rôle essentiel, de leur rôle primordial par d'autres soucis, mais pour qu'ils remplissent aussi parfaitement que possible ce rôle que Dieu leur a confié à votre égard. Surtout, que nous, vos prêtres, nous soyons en contact explicite constant avec Dieu, pour que ce que nous vous disons soit vraiment "les paroles", les avis de Dieu lui-même et non pas le simple fruit de nos cogitations personnelles !
Deuxième réflexion : faisons bien attention à ne pas nous réserver le monopole du bien, à vouloir que tout le bien se fasse par nous, comme c'était le cas de l'Apôtre saint Jean qui, dans l'Evangile de tout à l'heure, était furieux que "d'autres" chassent les esprits mauvais au nom de Jésus, ou comme Josué qui, dans le première lecture, voulait que Moïse empêche Eldad et Médad de prophétiser.
Cela vaut pour vous, mes frères. Sachons reconnaître le bien que font les autres, nos frères chrétiens, mais aussi ceux qui ne le sont pas. N'en soyons pas jaloux, ne cherchons pas à faire sous-estimer leur travail en ce sens, mais au contraire sachons nous en réjouir... Ce n'est pas là remarque inutile.
Cela vaut aussi pour nous, prêtres. Nous ne devons pas vouloir tout faire par nous-mêmes. Les Laïcs ont leur rôle dans l'Eglise, le Concile l'a rappelé de façon péremptoire. L'Eglise, la bonne marche de la Communauté chrétienne, mais aussi l'expansion de l'Evangile, du Royaume de Dieu, c'est l'affaire de tous les chrétiens. Tous "sont concernés", comme on dit aujourd'hui, tous doivent s'y intéresser et y être intéressés. Ce n'est pas que "l'affaire des curés", comme on l'a pensé pratiquement pendant trop longtemps. Comment pourrait-on prétendre aimer sérieusement Jésus-Christ et se désintéresser du sort matériel et spirituel de tous ceux qui nous entourent (chrétiens ou non chrétiens) et ne rien faire pour les aider?...
Du reste, le prêtre seul ne peut suffire à sa tâche. Comme Moïse, il a besoin d'aides. Il a besoin d'aides, non seulement pour les besognes matérielles entretien des locaux, nettoyage et ornementation de l'église etc. mais aussi pour les besognes spirituelles : les catéchismes, l'éducation chrétienne, l'entraide dans la communauté, le rayonnement de l'Evangile dans les quartiers et les milieux de travail, etc. Il est même des tâches pour lesquelles le laïc chrétien aura un impact plus fort que le nôtre. Je pense non seulement à ce rayonnement dans les milieux où vous travaillez comme dans ceux où vous habitez, mais je pense aussi à la catéchèse... Les enfants eux-mêmes et, à plus forte raison, les adultes seront frappés de voir des laïcs chrétiens ferrés en religion et heureux d'en parler, bien plus frappés que si c'était des "curés", car après tout, pensent-ils, le curé, c'est son travail !
Et dans le même sens vous voyez combien les parents qui demandent le baptême de leur enfant seront davantage frappés si ce sont des chrétiens adultes, et non pas le curé, qui leur expliquent ce qu'est le baptême, ce qu'a été pour eux-mêmes la démarche de faire baptiser leurs propres gosses.
On peut en dire autant pour la préparation des fiancés au mariage...
On peut en dire autant des témoignages de chrétiens expliquant comment dans leur milieu familial ou leur milieu de travail ils vivent leur idéal et leur foi. C'est pour cela que, lors de la retraite de Profession de Foi, nous tenons à apporter aux enfants le témoignage de chrétiens adultes engagés dans des professions fort diverses...
Cependant il ne faut pas que les laïcs empiètent sur les fonctions strictement réservées au prêtre, comme certains auraient tendance à le faire aujourd'hui avec parfois, disons-le, le secret espoir d'évincer ainsi de plus en plus la hiérarchie. Moïse, déjà, se réservait certains cas. Le Christ, lui, de toute évidence, que cela nous plaise ou ne nous plaise pas, a établi une hiérarchie dans son Eglise, une hiérarchie à laquelle il a donné des pouvoirs adaptés aux fonctions qu'Il lui réservait, des pouvoirs que Lui seul pouvait donner et que n'ont donc pas ceux qui ne les ont pas reçus explicitement.
Ainsi, comme je viens de le dire, le témoignage de vie d'un laïc peut être bénéfique surtout auprès de plus jeunes et de non chrétiens. (Auprès de chrétiens, ce sera beaucoup plus difficile car, instinctivement, ils penseront : « Pourquoi celui-ci se met-il en avant, pourquoi veut-il se donner en exemple ? ») En tout cas ce témoignage ne supprime en rien la nécessité de l'enseignement authentique de la doctrine. Or à ce sujet le prêtre a reçu mandat explicite du Christ et fait les études indispensables. Il est donc normal qu'il jouisse d'un plus grand crédit et qu'il continue à remplir ce rôle d'enseignement que Jésus a donné à ses Apôtres
Autre remarque : dans le passage du livre des Nombres que nous lisions tout à l'heure, il est dit que Dieu, comme il l'avait du reste promis à Moïse, prit une part de l'Esprit qu'Il lui avait donné pour le communiquer aux anciens que, sur son ordre, Moïse s'était choisi comme collaborateurs.
Comme il est important, en cette reprise de l'année scolaire, non seulement de souligner combien nous, prêtres, nous avons besoin d'aides en tous genres, mais de souligner aussi comme il est capital que nous soyons tous animés du même Esprit. Si vous tous, nos collaborateurs : catéchistes, chefs et cheftaines de nos groupements de jeunes, responsables des diverses activités paroissiales, apostoliques, sociales, vous n'étiez pas possédés par le même esprit que vos prêtres, si nous n'avions pas la même façon de voir les choses, la même façon de voir l'apostolat, on ne pourrait plus parler d'une communauté chrétienne. Il y aurait autant de groupes de communautés qu'il y a de responsables, ce serait la pétaudière, nous ne ferions rien de bon. Voyez dans un foyer, quand le père et la mère ne sont pas d'accord sur la façon d'élever les enfants, c'est raté, ils ne feront rien de bon avec eux, les enfants glisseront entre les deux. Pour obtenir une unité d'esprit de plus en plus parfaite, il faudra nous retrouver tous, de temps à autre, pour examiner, sous le regard de Dieu, si l'esprit qui nous anime, si les ambitions que nous avons sur ceux qui nous sont confiés, vont bien dans le sens de ce que Dieu veut, dans le sens de l'Evangile. Car tout est là. C'est cela seul qui peut établir entre nous une unité profonde. Vous n'avez pas, nous n'avons pas a nous rallier à telle ou telle façon de voir plus ou moins personnelle, plus ou moins fantaisiste et donc sujette à caution, nous avons à collaborer tous pour étendre le Royaume de Dieu, pour propager l'Evangile et pour aider à le vivre. Si l'unique souci que nous avons tous c'est de devenir nous-mêmes et d'aider les autres à devenir de plus en plus authentiquement évangéliques, nous sommes sûrs alors, non seulement de travailler dans le même sens, mais nous sommes sûrs aussi d'être animés de l'esprit prophétique, c'est-à-dire d'être à l'avant-garde ! En effet, si nous croyons au progrès de l'humanité, ce n'est pas dans la régression vers un paganisme renouvelé que se trouve son avenir, mais dans un progrès d'authenticité évangélique : l'Evangile n'est-il pas la charte, la bonne nouvelle du plein épanouissement de l'homme ?
En ce sens, souhaitons même, comme Moïse, que toute la communauté, tout le peuple chrétien soit prophétique, annonciateur d'un monde nouveau, plus beau, plus fraternel. D'un monde où notamment le plus petit ne sera plus écrasé par le plus gros, d'un monde où au contraire l'égalité de dignité et de droits du plus petit sera reconnue et respectée.
Les textes d'aujourd'hui nous le disent clairement : souci du plus petit, tant au point de vue spirituel qu'au point de vue matériel. « Malheur, disait Jésus dans l'Evangile, à celui qui aura fait du mal à l'âme du plus petit, qui l'aura méprisé, qui l'aura choqué qui l'aura scandalisé, qui l'aura fait tomber. Il vaudrait mieux pour lui qu'on l'eût jeté à la mer une meule au cou. » Et au point de vue matériel, vous avez entendu le "savon" que saint Jacques passait déjà aux chrétiens qui exploitaient les autres, qui s'enrichissaient aux dépens des autres, en ne payant pas le juste salaire à leurs ouvriers, comme à ceux qui ne savaient que faire de leurs richesses, qui les laissaient se miter et se rouiller alors que certains de leurs frères étaient dans le dénuement.
Puissions-nous durant toute cette année être possédés par ce souci du plus petit, celui qui est le plus démuni, le plus désavantagé au point de vue spirituel comme au point de vue matériel. Ce devrait bien être là un des signes auxquels on devrait nous reconnaître, nous chrétiens, nous les disciples de Jésus-Christ.
Je me résume.
Que nous, prêtres, nous soyons en contact tellement profond avec le Seigneur que nous puissions vraiment vous transmettre ses avis, ses volontés authentiques.
Que vous, vous preniez tous conscience que vous devez jouer un rôle actif dans l'Eglise, dans l'extension du Royaume de Dieu.
Que nous soyons tous animés par le même Esprit, l'Esprit même de Jésus-Christ.
Que notre communauté toute entière soit annonciatrice d'un monde plus fraternel dans lequel, comme dans une vraie famille, tous se mettront au service du plus petit.