Année B – 2ème dimanche de Carême


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

Abraham pense (peut-être sous l'influence de l'exemple des peuplades environnantes) que son Dieu à lui, le vrai, lui demande de sacrifier son fils....

Malgré toutes les objections qui se heurtent dans son esprit, malgré le déchirement de son cœur, il obéit...

Sa bonne volonté suffit a Dieu... "Maintenant, je sais que tu m'adores, que tu m'aimes plus que tout puisque pour moi tu n'as pas épargné ton propre fils..."

 La Transfiguration...

1°) Exemples d'âmes limpides qui transparaissent à travers le corps... Ce jour-là, la divinité du Christ a transparu à travers son corps... Les 3 Apôtres ont pu, pour ainsi dire, la constater...

2°) Chaque fois que sa divinité est mieux reconnue, Jésus en profite pour parler de sa Passion...
Il veut que, lorsqu'ils seront les témoins de celle-ci, ses disciples n'oublient pas qu'il est « le Fils de Dieu, son Unique, son Chéri ! »... pour qu'ils puissent répéter avec Saint Paul (cf. Epître) : « Pour nous, Dieu n'a pas épargné son propre fils... »

3°) Pour Dieu, la bonne volonté d'Abraham avait suffi pour mesurer son amour...
Pour nous, Dieu a bel et bien permis que son Fils se sacrifie pour nous sauver, et cela ne suffit pas parfois pour que nous mesurions son amour...

Cet événement du Fils de Dieu mourant pour nous sur le gibet de la croix pour nous entraîner dans l'amour pour son Père et dans son obéissance, c 'est l'événement des événements dans l'histoire des hommes...

Nous faisons tout pour nous rappeler et revivre les événements importants de notre vie...
Dieu n'aurait-il rien fait pour nous rappeler cet événement inimaginable et pour nous permettre de le revivre..?

La MESSE (par la consécration séparée du pain et du vin) nous rappelle que sur la croix Jésus a été saigné et nous dit qu'il serait prêt à recommencer, s'il le pouvait, tant Il nous aime.

C'est par sa Passion que le Christ nous a sauvé, encore plus que par la prédication de l'Evangile...

 - Importance de la Passion dans les récits évangélique
dans la prédication primitive
Pour Jésus, c'est "son" heure...

- Importance de la Messe qui ne peut être perçue que par la Foi...

 
HOMELIE

LE COEUR DE DIEU EST PLUS SENSIBLE ET PLUS TENDRE QUE CELUI DE L'HOMME !

« Abraham ! Abraham !... Prends ton Fils, ton Unique, celui que tu chéris, celui que je t'ai donné miraculeusement en ta vieillesse pour réaliser ma promesse de te faire une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que les grains de sable des plages... Prends Isaac, "le sourire de Dieu", et va me l'offrir en holocauste... Visage de Dieu, dans chacune de nos pauvres vies humaines tantôt souriant, tantôt exigeant, presque sévère !...

Comment ! Dieu demanderait-il d'immoler, de tuer un être humain ?... un enfant ?... Sa promesse d'une descendance si nombreuse, comment va-t-il la réaliser ?... « Prends Isaac, ton Unique !... » Tout cela se heurte dans l'esprit et le cœur du vieil homme. Il n'empêche qu'il est persuadé que Dieu le lui demande alors il n'hésite pas, il ne dit rien, les grandes souffrances sont muettes ; seulement par deux fois, dans le texte que nous avons lu, il répond à l'appel de Dieu : « Me voici ! ». C'est tout...

Mais comme il est poignant de voir ce vieillard (il a près de 100 ans) gravir la montagne du Mont Moriah, en silence, avec à ses côtés son fils chéri qui porte le bois du sacrifice... Il marche en silence, mais en son cœur se répercute en mille et mille échos cette parole : « Ton fils, ton unique celui que tu chéris, ton Isaac ! ». Son pauvre cœur est déchiré !...

Les voilà parvenus en haut de la montagne. Le père ligote son fils ! Il lève le poignard... « Arrête ! Arrête !... Non, Dieu ne veut pas que tu tues ton enfant ! »

Il est même permis de penser que ce n'est peut-être pas Dieu qui avait mis directement dans la tête d'Abraham cette idée : « Va me sacrifier ton fils ! » car il semble bien que le but de ce passage de la Bible soit de nous redire ce que le Seigneur avait déjà dit plusieurs fois : à la différence des religions idolâtres des pays avoisinants, le vrai Dieu ne veut pas que l'on verse le sang humain, il le défend même expressément dès les origines (Genèse, ch.4, v.15  – ch.9,v.6). Seulement, Abraham voyant autour de lui les Cananéens immoler à leurs faux dieux leurs premiers-nés, a pu penser qu'il ne pouvait pas faire moins qu'eux pour son Dieu à lui, le vrai...

En tout cas il suffisait à Dieu de constater que son fidèle serviteur était prêt à tout sacrifier pour lui. C'est le lieu de nous rappeler ce que Saint Thomas d'Aquin a écrit quelque part : « On montre d'autant plus d'amour à quelqu'un que pour lui on est prêt à sacrifier tout ce que l'on a de plus cher ! » « Arrête, dit l'Ange, ne porte pas la main sur ton enfant, je sais maintenant que tu crains Dieu puisque tu n'as pas refusé ton fils, ton fils unique ! »

Avez-vous assisté à une transfiguration ?...

Pour ma part, je puis dire que cela m'est arrivé parfois, notamment dans deux cas premier, je crois vous en avoir déjà parlé : il s'agissait d'un vieillard de 80 ans dont le visage s'irradiait, se transfigurait comme s'il avait été éclairé par une lumière intérieure lorsqu'il servait la messe. Ce visage prenait alors une beauté, une jeunesse, une luminosité extraordinaires. Et l'autre cas : il s'agissait de cette brave grand-mère, à peu près du même âge, que tout le monde appelait "le soleil de la rue Darthé" tant elle répandait autour d'elle un rayonnement extraordinaire... Ces deux corps usés par l'âge étaient vraiment transfigurés par ces âmes toutes limpides qui les habitaient ! Ainsi transparaît la lumière à travers un abat-jour !...

C'est sans doute selon un phénomène analogue que, ce jour-là, sur le mont Tabor ou sur l'Hermon, la divinité du Christ Jésus irradia jusqu'à son corps... et qu'ainsi les trois Apôtres choisis ont pu faire, pour ainsi dire, l'expérience de la réalité de l'affirmation : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, mon Fils chéri... » exactement les mêmes expressions que celles que Dieu employa en parlant à Abraham pour lui désigner son fils.

Ces trois mêmes apôtres témoins de la Transfiguration, Jésus les choisira pour être les témoins et les compagnons de son agonie au Jardin des Oliviers. Mais dès ce jour, en descendant de la montagne, Jésus, parlant du martyre de Jean-Baptiste, annonçait à ces trois privilégiés que, lui aussi, « il aurait pareillement à souffrir... » et, quelques jours plus tard, il annonçait de façon encore plus explicite et détaillée encore ses souffrances et sa mort... (cf. Saint Matthieu, ch.17, v.1, v.22-23 - Saint Marc, ch.9,v.12,v.30-32).

Ainsi, quelque temps auparavant, Jésus avait profité de la belle Profession de Foi en sa messianité et sa divinité faite par Pierre au nom de tous les Apôtres, pour leur parler pour la première fois de sa Passion (Saint Matthieu, ch. l6, v.13-24). On dirait que le Seigneur tient à souder dans l'esprit de ses Apôtres ces deux choses : tout Fils de Dieu qu'il est, il n'hésitera pas à souffrir mort et Passion pour nous. Il tient, ce Seigneur, à ce que lorsque ces trois privilégiés le verront devenu une pauvre loque humaine aux prises avec les affres de l'agonie la plus douloureuse, il veut que, lorsqu'ils le verront pendu au gibet de la croix, ils entendent encore ces paroles du Père : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ! mon Chéri ! mon Unique ». Il le veut pour qu'ils puissent mesurer un peu la grandeur de l'amour, de la folie de Dieu à notre égard et répètent, comme le disait tout à l'heure Saint Paul dans l'Epître : « Pour nous, Dieu n'a pas épargné son propre Fils... »

Là encore, c'est exactement les mêmes expressions que celles que Dieu employait tout à l'heure en s'adressant à Abraham : « Pour Moi, tu n'as pas épargné ton propre fils, tu étais prêt à me le sacrifier !... ». Pour nous, non seulement Dieu était prêt à sacrifier son propre Fils, mais il l'a fait ! Il a laissé son Fils aller jusqu'au bout, jusqu'à la mort sur la croix, pour nous entraîner dans cette obéissance amoureuse à son Père. Oui ! le cœur de Dieu est plus sensible que le nôtre... Pour tester l'amour de son serviteur Abraham, l'intention de celui-ci avait suffi à Dieu, tandis que pour tester l'amour de Dieu à notre égard pour que nous soyons convaincu de cet amour, il a fallu que Dieu sacrifie bel et bien son Fils pour nous ! Et encore, malgré cela, il nous arrive de douter de cet amour.

Pourtant si nous appliquons ici encore le principe de Saint Thomas d'Aquin que je rappelais tout à l'heure : « On montre d'autant plus d'amour pour, quelqu'un que pour lui on est prêt à sacrifier ce qui nous tient le plus à cœur. » Oui, si nous appliquons ici encore ce principe, comment ne pas nous écrier avec Saint Paul : « En nous le donnant ainsi, à ce point-là, avec lui Dieu ne nous a-t-il pas tout donné ?... » Qu'est-ce que Dieu peut avoir de plus cher que son propre Fils, son Unique ? J'en prends à témoin les mamans qui sont là dans l'assistance : un fils surtout quand il est unique, c'est quelque chose ! Pour une mère, c'est le tréfonds de son être, c'est sa propre chair, c'est son cœur même ! Et pour Dieu alors ?... Son Fils !...

Quand on pense qu'un jour de l'histoire de l'humanité, Dieu a accepté que son Fils, son Unique, se sacrifie pour nous, pour nous montrer à quel point il aimait son Père, à quel point il voulait lui obéir, afin de nous entraîner à sa suite dans cet amour, dans cette obéissance amoureuse à son Père ! Le soir du Jeudi Saint, quand Jésus avait quitté le Cénacle pour le jardin d'agonie, il avait dit en effet à ses Apôtres : « Voici que vient l'heure du prince de ce monde. Il ne peut rien contre moi, mais pour que le monde sache à quel point j'aime le Père et que j'agis comme il me l'a ordonné, levez-vous et partons » (Saint Jean, ch.14, v.30-31) Et Jésus partait pour l'agonie, et pour la Passion...

Nous sommes, hélas, trop habitués à ces vérités, au point que, pour nous, elles sont usées. Pourtant si nous acceptons d'y réfléchir un instant, nous nous rendons facilement compte que c'est là un événement inouï...

Nous marquons les événements capitaux de notre vie par des images-souvenirs ; nous en célébrons les anniversaires pour nous les rappeler, pour les revivre... On dresse des stèles et des monuments pour rappeler tel événement important de l'Histoire, pour perpétuer dans la mémoire des générations tel acte de courage, d'héroïsme... Croyez-vous que Dieu, qui sait combien notre mémoire est courte, n'ait rien fait pour évoquer cet événement des événements de l'histoire des hommes, pour nous permettre de le revivre ? Oui, ce monument divin dressé par le génie même de Dieu et par son amour, vous le savez, il existe : c'est le saint Sacrifice de la MESSE... La messe, non seulement évoque cet événement inouï, inimaginable du Calvaire, mais elle le fait revivre, elle le remet sous nos yeux en le perpétuant, en le renouvelant pour ainsi dire.

Le Concile de Trente, en effet, dans sa 22ème session, le 17 septembre 1562, a déclaré que la messe était un vrai sacrifice dans lequel le Christ, qui s'était offert une fois pour toutes de façon sanglante au Calvaire, continuait à s'offrir sacramentellement et de façon non sanglante par l'entremise de ses prêtres. C'est donc là, il n'est pas superflu de le rappeler aujourd'hui, un article de notre foi.

Au Calvaire, Jésus a été littéralement saigné. Il a versé son sang jusqu'à la dernière goutte sortie de son cœur transpercé par la lance du soldat. Il est bien évident que désormais, comme le dit Saint Paul aux Romains (ch.6, v.9), le Christ ressuscité et glorifié ne peut plus mourir : il ne peut donc plus être saigné, son sang ne peut plus être séparé de son corps. C'est pourquoi Jésus est présent tout entier sous l'espèce du pain comme sous l'espèce du vin consacré. Il y est dans le même état que celui qu'il a au ciel (il n'y a pas deux Christs), tout comme (ce n'est là qu'une comparaison bien imparfaite, c'est évident) une personne apparaît sur nos écrans telle qu'elle est dans le studio de télévision. Cependant, par le fait que le prêtre, à l'exemple de Jésus, consacre d'abord le pain en disant : « Ceci est mon corps », et puis séparément le vin en disant : « Ceci est mon sang », non seulement il nous est rappelé que sur la croix le corps et le sang du Christ furent réellement séparés, mais encore que ce sacrifice est en quelque sorte renouvelé, rendu à nouveau présent dans son élément essentiel. Comment cela ? Eh bien, je pense que c'est un peu comme lorsqu'une maman rappelle à son fils devenu grand tout ce qu'elle a fait pour lui quand il était petit, tout le mal qu'il lui a donné, tous les sacrifices qu'elle s'est imposé pour lui et qu'elle lui dit : « Vois-tu, je t'aime tellement, mon fils, que si je pouvais recommencer, je le ferais ! »Cette maman, à ce moment-là, renouvellerait d'une certaine façon ses sacrifices, elle redirait à son fils toute la tendresse dont ils ont été l'expression, bien qu'en fait elle ne puisse le reprendre et le bercer dans ses bras... Par la consécration séparée du pain et du vin, le Christ nous dit, de la même façon, à chaque messe : « Je t'aime tellement que si c'était possible, j'accepterais à nouveau que mon corps et mon sang soient séparés pour toi, je me laisserais saigner pour toi !...» Et sans doute le cœur humain est si fragile que ses protestations les plus enflammées peuvent parfois achopper à la réalité, mais quand le Christ nous dit que, pour nous entraîner dans un amour éperdu de son Père, pour nous il serait prêt, aujourd'hui encore, à se laisser saigner pour nous entraîner dans cet amour et dans une obéissance pleine de tendresse, il est bien évident que le Christ ne ment pas, si bien que le renouvellement effectif de sa Passion n'ajouterait rien à cette protestation de la perpétuité de cet amour.

Alors, vous voyez l'importance d'une messe. A chaque messe, nous offrons à Dieu cet acte d'amour sublime de son Fils immolé sur la croix « pour que le monde sache à quel point il aime son Père et jusqu'où il a voulu lui obéir... » A chaque messe, Jésus vient nous redire que pour nous entraîner dans son sillage, il serait prêt, si cela était possible, à se laisser de nouveau saigner comme au Calvaire. C'est cela que veut "signifier" la consécration séparée du pain et du vin.

Aujourd'hui, on perd de plus en plus la notion de cette importance de la messe. Volontiers on prône des "partages d'Evangile ", mais la Messe... mon Dieu ! ce n'est pas indispensable d'y aller tous les dimanches ! On y va quand le cœur vous en dit !!!

Réfléchissez deux minutes, mes frères. Si Jésus s'était contenté de prêcher l'Evangile, le monde n'aurait pas été sauvé. C'est sa mort, c'est sa Passion qui nous sauvent. Saint Paul ne cesse de le répéter dans ses Epîtres et du reste, voyez la place que tient le récit de la Passion dans les Evangiles, voyez la place qu'elle tient (avec la résurrection qui en est inséparable) dans la prédication primitive ! Pour le Christ, du reste, sa Passion, c'est "son heure" par excellence, celle pour laquelle il est venu ! (cf. Saint Jean, ch.2, v. 4 - ch.7, v.30 - ch.12, v.27 - ch.13, v.1).

Cette importance de la messe, c'est notre foi qui nous la fait découvrir et si, de nos jours, la messe se dévalorise aux yeux de tant de chrétiens, et il faut bien le dire hélas, aux yeux de tant de prêtres, c'est parce que leur foi s'en va... Nous-mêmes, que de fois nous nous arrêtons à l'extérieur, à la beauté des chants, à l'ambiance de la messe, à la façon dont le prêtre la célèbre !... Nous semblons oublier l'essentiel, le Sacrifice du Christ, le Calvaire remis sous nos yeux...

Si notre foi était alertée, nous devrions entendre dans notre mémoire et dans notre cœur l'écho de ces paroles du Seigneur Jésus : « Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l'on aime. » (Saint Jean, ch.15, v.13) « Pour toi, je l'ai donnée, pour toi je la redonnerais encore, si je pouvais, tellement je t'aime ! »

« Il faut que le monde sache à quel point j'aime mon Père et que, comme il me demande, je fais... » (Saint Jean, ch.14, v.30-31).

Il faudrait qu'avec les yeux de la foi, nous revoyons Jésus pendu à la croix, saigné sur la croix, et qu'avec les oreilles de la foi, nous entendions cette déclaration du Père : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, mon Fils chéri, en qui j'ai mis toutes mes complaisances !... » Alors nous redirions la parole de Saint Paul : « Pour nous, pour moi, Dieu n'a pas épargné son propre Fils, mais pour nous, pour moi, il l'a livré ! » (Romains, ch.8, v.32).

Alors nous repartirions, je pense, en répétant également avec l'Apôtre : « Le Christ m'a aimé et s'est livré pour moi » (Galates ch. 2, v.20) et comme lui, nous vivrions avec cette obsession : lui rendre amour pour amour !

 

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