Année B – 2ème dimanche de Pâques


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

 

Jésus se plie aux exigences de Thomas alors qu'Il n'avait pas voulu se plier à celles des Scribes et des Pharisiens. Pourquoi ?

- Les Scribes et les Pharisiens voulaient " faire passer Jésus à leur barre Il mais au fond ils ne voulaient pas croire.
- Thomas ne voulait pas risquer d’être déçu, une fois de plus, dans son amour... Mais au fond de lui-même " il grillait " que ce soit vrai

 Deux sortes d'incroyants :

1°) Ceux qui ne veulent pas croire pour ne pas avoir à changer de vie, d 'où :

- ne veulent pas trop approfondir...
- s'hypnotisent sur les objections...
- ergotent : essaient d'évincer la force des arguments sous les prétextes les plus fallacieux...

 2°) Ceux qui voudraient bien croire mais qui sont arrêtés par des objections qui leur paraissent insolubles...

Nous pouvons tomber dans cette catégorie...
Crise de la foi à l'adolescence, mais aussi à tout âge.
Comment se comporter lors de cette crise ?

- PAS en répétant : « je crois, je crois »... ou « je ne veux pas de ce doute »... Ce serait risquer de faire jouer la loi psychologique de l’obsession par contraste
- MAINTENIR seulement la vertu (l'habitude) de foi qui est la disposition à croire la vérité (surtout la vérité révélée) coûte que coûte.
Pour cela, se redire : si ce n'est pas vrai, je ne veux pas y croire.. si c'est vrai, j'y crois de tout mon cœur...
- Le SEIGNEUR saura nous faire trouver à son heure la réponse à l'objection, soit par nous-mêmes, soit par une "compétence"...

 Le Seigneur en agit ainsi avec son Eglise toute entière lors des différentes crises qu'elle a traversée...
 Exemples : la crise moderniste... nous verrons aussi la crise du Scientisme qui sévit encore dans les masses...

 
HOMELIE

 

IL Y VA FORT, LE BRAVE THOMAS !...

« Si je ne vois pas dans ses mains la trace des clous, si je ne mets mon doigt dans les trous faits par les clous, si je ne mets ma main dans son côté, non, je ne croirai pas !... »

Et chose curieuse, le Seigneur, qui avait refusé aux Scribes et aux Pharisiens de faire dans le ciel les signes qu'ils demandaient (cf. St Matthieu, ch.12, v.38-41 - ch.16, v.1-4 - St Luc, ch.11, v.29-32), va se plier aux exigences de son Apôtre !...

Pourquoi chez le Christ cette façon d'agir si différente, pourquoi ces deux poids et ces deux mesures dans sa façon d'agir ?

Les premiers, Scribes et Pharisiens, en demandant un signe dans le ciel alors que le Seigneur avait déjà fait tant de miracles, voulaient faire passer le Christ à leur barre. Et Jésus se gardera bien de donner cette satisfaction à leur orgueil. Il était "payé" du reste, le Seigneur, pour savoir que même s'il faisait un miracle, ces Scribes et ces Pharisiens ne manqueraient pas d'ergoter pour en contester la valeur, comme ils venaient de le faire lorsqu'il avait chassé devant eux un démon et qu'ils s'étaient écrié : « S'il chasse les démons, c'est qu'il est de connivence avec leur chef, avec Beelzéboul. » (St Matthieu, ch.12,v.22-30). Au fond, ces Scribes et ces Pharisiens, ils ne désiraient nullement croire.

Pour Thomas, c'est tout différent. Ses exigences, elles proviennent d'un cœur douloureusement blessé. Il aimait le Seigneur du fond du cœur. Il avait été tellement emballé par sa doctrine, par ses miracles, par sa personnalité, que, vous vous rappelez, lorsque Jésus avait fait part à ses Apôtres de son intention de monter à Jérusalem pour aller ressusciter Lazare – bien que ceux-ci lui aient fait remarquer que ce n'était pas prudent puisque naguère encore les juifs voulaient le lapider – Thomas s'était écrié : « Eh bien ! allons-y et mourons avec Lui ! » (St Jean, ch.11, v.16). Il voulait bien, le brave Thomas, mourir avec Jésus puisqu'il était son ami, mais de là à reconnaître dans ce Jésus tué par les Romains le Messie qui, selon son idée, devait bouter les Romains dehors, non ! il ne le pouvait pas ! Reconnaître dans ce Jésus le Sauveur ? non ! il ne le pouvait pas puisqu'il était mort sans avoir apparemment rien sauvé. Reconnaître dans ce pendu de la croix, condamné par l'autorité religieuse suprême, le Fils de Dieu, son Dieu capable de se ressusciter lui-même ? Non, non ! vraiment Thomas ne le pouvait pas ! et il ne voulait pas risquer d'ajouter une nouvelle déception à sa souffrance déjà si cruelle. Mais, au fond de lui-même, il "grillait" du désir que ce soit vrai ce que disaient ses compagnons, que ce soit vrai que le Christ soit ressuscité. il "grillait" de partager la joie que ressentaient ses condisciples qui, eux, avaient eu la chance de voir Jésus bien vivant... Et c’est pourquoi le Seigneur, qui lisait au fond du cœur de son Apôtre, s'est plié à ses exigences : « Thomas ! avance ton doigt ici, vois mes mains, avance ta main et mets la dans mon côté ! »

 
Il y a, mes frères, deux sortes d'incroyants.
Il y a ceux qui, pressentant vaguement tout ce que la logique de la foi entraînerait comme changements dans leur vie, préfèrent ne pas approfondir la chose. Ils s'hypnotiseront sur telle ou telle difficulté, ne cherchant nullement à la résoudre. Ils essaieront par n'importe quel subterfuge plus ou moins fallacieux d'évincer la force de n'importe quel argument... Au fond, ils ne veulent pas croire ! C'était justement le cas de ces Scribes et de ces Pharisiens dont nous parlions tout à l'heure. Jésus chasse un démon ? « Ah mais c'est parce qu'il est de connivence avec leur chef qu'il a ce pouvoir sur eux ! » Jésus guérit un malade ? « Ah ! mais c'est un jour de Sabbat, il n'avait pas le droit de le faire ! ... » Non, vraiment, ils ne voulaient pas croire et tous les prétextes leur étaient bons !

Mais il y a d'autres incroyants qui, eux, voudraient bien pouvoir croire mais ils sont arrêtés par telle objection qu'ils n'arrivent pas à résoudre, ou bien ils n'arrivent pas à percevoir la force de tel ou tel argument ...

Nous pouvons nous-mêmes, mes frères, tomber dans cette catégorie d'incroyants. La crise de la foi, elle se présente ordinairement à l'âge de l'adolescence quand le jeune homme ou la jeune fille, sentant naître en eux leur personnalité, veulent l'affirmer en rejetant tout ce qu'ils considèrent comme reçu de leurs parents ou d'une autorité profane ou religieuse quelconque, ou imposé par elle. Mais cette crise peut survenir aussi à tout âge. C'est une objection qui se présente soudain et spontanément à notre esprit, une objection à laquelle nous n'avions jamais pensé. C'est une difficulté qui surgit au cours d'une lecture ou d'une conversation ou d'une discussion et, dans l'arsenal du faible bagage religieux que nous possédons, nous ne trouvons rien qui puisse y répondre de façon satisfaisante. Alors nous risquons de nous affoler d'autant plus que nous tenons davantage à notre conviction religieuse... Nous serons portés à nous répéter intérieurement : « Je crois, je crois » ou bien « non, non, je ne veux pas de ce doute ! » Notre affolement pourra même être tel que nous scanderons cette dénégation par des gestes de tête extérieurs. Bref, nous risquons de « perdre complètement les pédales », comme l'on dit vulgairement, à la limite de perdre presque la raison...

Il faut avoir eu à soigner certaines névroses, comme j'ai eu l'occasion de le faire, pour savoir que je n'exagère rien et que cela est même bien plus fréquent qu'on ne pourrait le penser ...

En réalité, sans le savoir, en résistant à ces tentations de cette façon-là, nous faisons jouer une loi de psychologie bien connue des psychiatres : la loi de l'obsession par contraste ! En vertu de cette loi, chez des natures tant soient peu sensibles, il suffira qu'une personne veuille se débarrasser d'une pensée importune pour que celle-ci s'accroche d'autant plus fortement, jusqu'à devenir obsessionnelle. Il suffira qu'une personne ne veuille pas faire une action qu'elle condamne pour que l'idée de cette action s'impose à elle d'autant plus fortement, à tel point qu'il pourra arriver que cette personne finisse par commettre cette action pour !être enfin débarrassée de cette obsession.

En tenant compte des lois de notre psychologie comme des principes de la saine théologie, que devons-nous faire lorsque nous sommes ainsi harcelés par des doutes contre la foi ?

D'abord il s'agit de bien savoir ce que c'est que la foi, la vertu de foi, l'habitus de foi comme on dit en théologie : c'est la disposition à croire coûte que coûte la vérité et, notamment quand il s'agit de la foi surnaturelle, la vérité révélée.

Comment, lors de ces doutes, conserver cette disposition foncière dans notre âme ?

Dans cet état d'affolement, au lieu de chercher nous-mêmes ou auprès de quelque compétence la réponse à l'objection ou à la difficulté soulevée, il suffira de se dire : « Ce que je veux avant tout, c'est la vérité. Si ce point de doctrine n'est pas vrai, je ne veux absolument pas y croire, et s'il est vrai, j'y crois de tout mon cœur ! » Cette disposition intérieure est la meilleure garantie de la persévérance de votre foi, de votre "habitus" de foi. Si nous sommes dans cette disposition, le Seigneur saura bien nous faire trouver, en son temps, la réponse à la difficulté soulevée, soit que cette réponse nous vienne spontanément à l'idée, soit que nous la trouvions auprès de personnes compétentes. Cette réponse, venant alors dans un moment de calme et de pleine lucidité, portera tout son fruit. Mais en attendant, ne soyons pas troublés, nous n'avons pas perdu la foi ! Continuons donc à nous conduire extérieurement comme nous le faisions jusqu'ici, même si l'idée «  non ! je ne crois pas » reste dans notre tête. Du moment que nous avons décidé une fois pour toutes que nous voulions la vérité par dessus tout, je le répète, nous n'avons absolument pas à nous troubler.

Ce que je viens de dire des individus, on peut également le dire de l'Eglise toute entière.

Oui, l'Eglise toute entière a connu, elle aussi, bien des crises, bien des attaques contre sa foi auxquelles elle ne s'était peut-être pas suffisamment préparée et qui ont troublé bien des âmes. Pensez aux grandes hérésies des premiers siècles chrétiens : l'arianisme et le nestorianisme qui s'attaquaient à la divinité de Jésus-Christ ; le docétisme qui niait la réalité de son humanité, la réalité de son corps ; le monophysisme qui niait dans l'unique personne divine de Jésus l'existence de la nature divine et d'une nature humaine, etc. Pensons à la crise protestante au XVIe siècle. Beaucoup plus près de nous, dans les dix dernières années du siècle dernier et les dix premières de notre siècle, pensons à la crise moderniste, si semblable par bien des points à la crise qui agite l'Eglise aujourd'hui.

Les deux, en effet, sont parties du souci, fort louable en soi, de rendre la religion chrétienne plus proche, plus accessible à nos contemporains. Ce sont les moyens prônés pour y arriver qui constituent une déviation parce qu'ils finissent par retrancher du christianisme tout le côté surnaturel.

Le modernisme est parti de l'Amérique sous la forme de "l'américanisme" déjà dénoncé par le Pape Léon XIII. La crise actuelle est issue, en grande partie, de l'enseignement de ceux qu'on a appelé "les théologiens de la mort de Dieu" parce que, partant du constat que pour beaucoup de nos contemporains « Dieu est pratiquement mort » parce qu'inexistant dans leur vie, ces théologiens ont cherché d'où pouvait provenir cette mort de Dieu et comment y porter remède. Or, si ces théologiens se sont souvent inspirés des théories de deux pasteurs protestants allemands, Rudolf Bultmann et Dietrich Bonhoeffer, leur enseignement s'est surtout développé en Amérique entre 1960 et 1966 et aussi en Angleterre.

Les promoteurs et les plus fervents propagandistes du modernisme étaient souvent des prêtres ou des pasteurs. C'est ainsi que le chef de file du modernisme en France était l'Abbé Loisy qui fut professeur à l'Institut Catholique de Paris. De même, de nos jours, que de fois vous avez pu voir à la télévision des prêtres défendre les théories les plus aberrantes !

Le modernisme a attaqué l'Eglise surtout sur la Bible et aussi sur les concepts du dogme chrétien, ne voyant dans ces concepts que des normes d'Action. (cf. Edouard Leroy) 

Aujourd'hui nos novateurs reprennent à leur compte bien des erreurs modernistes, mais, de plus, faisant fi de tout ce qui est spirituel, culturel et sacramentel, ils semblent vouloir réduire toute la religion chrétienne à l'action sociale et politique pensant ainsi rejoindre l'immense majorité du peuple qui ne leur semble s'intéresser à rien d'autre...

Je vous disais tout à l'heure : quand une âme de bonne volonté s'efforce d'entretenir en elle cette disposition à adhérer à la vérité coûte que coûte, ou mieux, car il s'agit là d'une disposition surnaturelle, quand elle demande à Dieu de lui conserver cette disposition foncière, on peut être sûr que Dieu lui enverra, à son heure, le trait de lumière qui éclairera tel point de sa foi qui lui paraît obscur, ou mettra sur sa route quelqu'un qui répondra à ses difficultés.

De même, chaque fois que l'Eglise a connu une de ces crises de la foi, outre les interventions de son Magistère Suprême (papes ou conciles), Dieu a suscité dans son sein de grandes intelligences pour répondre du tac au tac aux promoteurs de ces erreurs et indiquer aux âmes de bonne volonté dans quel sens aller pour être dans la droite ligne de l'Eglise. On a donné le nom de "Pères de l'Eglise" à ces savants qui, tels saint Grégoire de Nazianze, saint Grégoire de Nysse, saint Jean Chrysostome, saint Hilaire, saint Ambroise, saint Jérôme ou saint Augustin, ont rempli ce rôle lors des premières hérésies.

Au moment de la crise moderniste, Dieu a suscité ces géants que furent par exemple le Père de Grand maison, le Père Lagrange, le Père Lebreton, etc. qui, à grandes enjambées, ont rattrapé le retard de l'Eglise sur certaines disciplines et retourné contre ses adversaires leurs propres armes... Deux exemples seulement pour vous permettre de vous faire une petite idée du sérieux de ce travail. Voici ces quatre volumes (je les montre) dans lesquels le Père Lagrange, étudiant ligne par ligne à la lumière de la science de la critique textuelle chacun des quatre Evangiles, a répondu de façon péremptoire à toutes les attaques de l'abbé Loisy et compagnie ! Voici ces deux énormes volumes (je les montre) dans lesquels le Père Lebreton étudie toutes les bases du dogme de la Sainte Trinité !...

Tout ce passé de l'Eglise, surtout cette assistance indéfectible de l'Esprit Saint que Jésus lui a promis, nous donne la certitude que Dieu saura aujourd'hui encore susciter en son temps ces défenseurs de la foi dont l'Eglise a grand besoin de nos jours. Déjà, le Pape a pris leur tête, comme il se doit.

En tout cas, ces diverses crises de l'Eglise ont eu leur utilité : elles sont venues secouer les chrétiens qui s'étaient peut-être trop facilement endormis dans la quiétude de la vérité possédée, elles les ont obligés à approfondir cette vérité en utilisant toutes les ressources des sciences humaines.

De même dans notre vie personnelle, ces crises de la foi, si pénibles, ont aussi leur utilité. En effet, si, comme nous le disions, nous sommes bien disposés, elles nous obligent à réfléchir sur notre foi qui, sans cela, serait peut-être restée quelque chose de simplement reçu mais de non assumé, ou assimilé, alors que, par cette réflexion guidée et soutenue par la grâce de Dieu, elle devient conviction personnelle : c'est notre idée sur laquelle nous pouvons miser toute notre vie...

Donc, je le répète, pas d'affolement lorsque surgissent des difficultés sur notre foi. Affirmer seulement notre désir profond de croire coûte que coûte à la vérité et rien qu'à la vérité, demander à Dieu de maintenir en nous cette disposition foncière et de bien vouloir nous envoyer, a son heure, la lumière... et faisons la même prière pour toutes les âmes de bonne volonté...

 

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