Année B – 3ème dimanche de l'Avent


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

A bas les parvenus !

Jean-Baptiste ne fait pas de « crise d'identité » ... admirons et imitons son humilité… il ne se prend pas pour plus qu’il n’est…
L'Avent, c’est le temps du désir... Désirons-nous devenir plus chrétiens ?
Ne sommes-nous pas des gens « parvenus », contents d’eux-mêmes… ? qui se prennent pour des perfections ?
Et qui n'acceptent pas que Dieu ... ou ses ministres cherchent à les faire sortir de leur médiocrité...
Vous, les jeunes.... quelles sont vos ambitions ?...

Jésus s’est montré terrible pour les « parvenus » (= les Pharisiens)... Ne serions pas visés par ses invectives (la dame qui n'avait rien à se reprocher... !).
Ceux qui, après être partis avec de grandes ambitions et de beaux rêves, se sont lassés, découragés et ont abandonné...

Ne serions-nous pas du nombre... ? Acceptons-nous de trancher sur les autres... ?

La fête de Noël = occasion de faire le point par une bonne confession, pour recevoir la grâce revitalisante de ce sacrement...
La fête de Noël = occasion pour toute la communauté paroissiale de reprendre un nouveau souffle, un nouvel élan... source d'une joie renouvelée...


HOMELIE

A BAS LES PARVENUS... !

En voilà un, tout au moins, qui ne fait pas de crise d'identité ! Il sait ce qu'il n'est pas : « Je ne suis pas le Messie, ni Elie, ni le grand Prophète ! » et il sait aussi ce qu'il est et quel est son rôle : « Je suis la voix qui crie dans le désert ! ».

En voilà un qui ne cherche pas à "se faire mousser" ! « Le Messie » ? Je ne suis même pas digne de me mettre à genoux devant lui pour défaire la courroie de ses sandales !

Quel merveilleux exemple, mes frères, nous donne ce Jean-Baptiste...

L'Avent, nous le disions il y a deux dimanches, c'est le temps du désir et nous nous posions la question : « Désirons-nous que le Christ revienne ? que le monde se christianise davantage ? » Aujourd'hui, nous pourrions nous poser cette question à nous-mêmes : sincèrement, pouvons-nous dire en toute vérité que nous désirons devenir de meilleurs chrétiens ?...

Cela suppose d'abord que nous ne nous prenions pas pour des perfections. Il y a de ces gens qui se croient parfaits. Ils n'ont rien à se reprocher. On ne peut pas faire mieux qu'ils ne font. Tout ce qu’ils pensent est juste, vrai, exact. Tout ce qu'ils font est irréprochable... Ces petits Messieurs, ou... ces dames, deviennent facilement des tyrans pour leur entourage… qui doit en passer par leurs quatre volontés... Surtout, ne vous hasardez pas à leur faire la moindre remarque, vous vous feriez dévorer, vous deviendriez des ennemis, ils ne vous pardonneraient pas de mettre en doute leur "perfection" !...

Oui, notre grand mal, le grand mal de notre époque, le grand mal surtout des chrétiens, c'est trop souvent l'absence de désir, c'est d'être trop souvent des "arrivés", des "parvenus", qui, s'ils ne sont pas contents de ce qu'ils ont, sont tout au moins satisfaits de ce qu'ils sont, qui se figurent être irréprochables, être de petites merveilles, qui n'acceptent pas qu'on leur dise leurs défauts, qui n'ont pas le courage de les voir, de se les avouer, encore moins de les avouer, encroûtés dans la routine, partisans forcenés du statu quo dans ce domaine, toute leur ambition c'est de rester dans leur médiocrité. Cette médiocrité, ils l’ont dorée sur tranche et, tel le veau d'or, ils l'adorent.

Aussi, si un chrétien plus généreux vient, par sa parole et surtout par son exemple, troubler leur quiétude, ils diront qu'il fait du zèle.

Si un ministre de Dieu, tels autrefois les prophètes, veut les faire sortir de l'ornière, ils diront volontiers qu'il exagère et que Dieu n'en demande pas tant !

Si Dieu lui-même par sa grâce et ses sollicitations intérieures vient chanter à leurs oreilles l'appel des sommets : « Chante, chante, nos oreilles sont closes, nous n'entendons rien, nous ne voulons rien entendre ; ce que nous voulons, c'est dormir, dormir sur le mol oreiller de notre médiocrité... » N'ayant plus de désir, nous ne faisons plus rien parce que le désir est au principe de toute action, c’est lui qui nous met en branle. Si noua agissons, quoique nous fassions, c'est parce qu'un désir nous pousse, nous talonne, nous presse.

Et pourtant, cette course échevelée à la poursuite d'un idéal, cette course échevelée pour améliorer notre monde n’est-elle pas la plus passionnante, la plus enivrante des courses ? Chrétiens, qu'attendez-vous pour vous y engager tous ?...

Et vous, les jeunes, vous en qui monte la sève du printemps, vous qui avez la vie devant vous, qu'aspirez-vous à en faire ?... Quelles sont vos ambitions ?... En avez-vous seulement des ambitions ?... Ou seriez-vous déjà des "petits vieux"endormis et blasés...?

Ces "parvenus", Jésus ne peut les sentir. Tels étaient ces Pharisiens, ces "petits messieurs", qui pensaient faire tout ce qu'ils devaient faire, et qui, de ce fait, méprisaient si facilement les autres. Rappelez-vous comment Jésus les campe dans la parabole du « Pharisien et du Publicain » ! Extérieurement ce pharisien accomplit parfaitement toutes ses obligations : « Je jeûne deux fois par semaine, je donne la trime de tous mes revenus ! » aussi : « Je ne suis pas comme le reste des hommes qui sont voleurs, injustes, adultères, je ne suis pas comme ce publicain. » (St Luc, ch. 1, v.11-13). Ces gens-là, ces parvenus, Jésus ne peut les sentir. Aussi, Lui, si bon, Lui, si miséricordieux pour les pêcheurs, Il les traite de tous les noms, ces gens-là ! « Hypocrites, espèces d'aveugle, serpents, engeance de vipères, sépulcres blanchis qui paraissent beaux extérieurement alors qu'ils sont remplis de pourriture (autant dire "fumier") ! » (St Matthieu, ch.23,v.13-34). Ces gens qui n'avaient plus de désir ni d'ambition, ces gens qui se croyaient arrivés au sommet de la perfection mais dont toute la religion était purement formaliste, par sept fois, Jésus les maudit !... Malheur, malheur, malheur à vous !

Chers frères, ne nous sentons-nous pas visés ?... Franchement, ne sommes-nous pas trop facilement contents de nous ?... Ne pensons-nous pas que nous n’avons rien à nous reprocher, nous aussi, et qu'on ne peut pas faire mieux, être mieux que nous ?...

Tenez, je me rappelle qu'un jour, ce devait être une veille de fête, une brave dame se présente à mon confessionnal. Elle faisait assurément la démarche « pour n’avoir rien à se reprocher !... » Et elle me dit justement : « Je viens me confesser mais je n'ai rien à me reprochera je ne vois aucun pêché à vous avouer ! » Je lui ai répondu : « Mais, Madame, voilà que je m'aperçois que je dois être un saint ... puisque j'ai des visions ! Je dois me trouver en face de la très Sainte Vierge puisqu'on m’a appris que, parmi toutes les créatures, elle seule était sans péché !... »

Rêver !... J'avais rêvé, et puis j'étais parti un beau petit matin de printemps. Le soleil se levait, les oiseaux chantaient, les plantes et les fleurs s'éveillaient à une nouvelle vie sous la fraîcheur de la rosée. La nature elle-même était à l'espérance, à la joie, à la vie ! Et puis, et puis, le beau soleil s'est mis à chauffer dru... la route s'est allongée... la pente est devenue plus raide... le sac, plus lourd... et ... je me suis arrêté... Bah ! c'était pour reprendre haleine, juste un instant. Et puis, et puis... je me suis endormi. Fatigue ?... Lassitude ?... Soudain une main amicale m'a frappé à l'épaule : « Viens, on repart ! Il nous reste encore un long chemin à parcourir. » J'ai à peine entendu et, machinalement, j'ai dû murmurer : « Laisse-moi, je reste, je ne vais pas plus loin ». Et puis, et puis... je me suis rendormi… et quand je me suis réveillé de moi-même, les copains n'étaient plus là. Alors, je me suis senti seul. Alors, j'ai regretté de ne pas les avoir suivis. Alors je les ai enviés. Ils étaient déjà haut dans la montagne, bien haut au-dessus de moi. J'ai désespéré de les rejoindre... Et puis, et puis... j'ai ma fierté à moi ! Non jamais je ne leur avouerai que j'ai regretté, j'essaierai de crâner... En tout cas, je m'ennuie et je m'en veux d'avoir tout gâché...

Qui de nous, mes frères, n'a connu ces « coups de pompe » ? Qui de nous n’a été parfois tenté d'aller voir ailleurs ?... Qui de nous n'a connu l'heure de la lâcheté ou simplement de la lassitude ?...

C'est vrai des individus, c'est vrai des communautés !

Mais justement, la nuit est passée, voici le jour, voici le petit matin, voici que pour nous chrétiens, avec ce temps de l'Avent, commence une année nouvelle, voici que la rosée d'une grâce nouvelle va descendre sur la terre pour éveiller une vie nouvelle ! « Rorate coeli desuper ! Cieux, répandez votre rosée » : nous le chantons comme une prière !

Chers paroissiens, emballés par l'idéal du Christ, vous l'avez tous été plus ou moins un jour ou l'autre. Tous, un jour ou l'autre, vous avez entrevu les sommets et entendu leur appel. Puis la lassitude est venue... le découragement... Au fait, pourquoi nous donner tant de mal, pourquoi trancher sur notre entourage... Alors, nous nous sommes arrêtés... nous nous sommes endormis. Ou peut-être même nous nous sommes laissés glisser !... De grâce, voici l'Avent, reprenez donc votre rêve et... repartez : il nous reste un long chemin à parcourir...

Il y a quelques semaines, au début de cet Avent, devant toutes les turpitudes de ce monde, nous nous étions proposés de le changer, de le transformer, de le rendre plus humain, plus heureux, plus juste, plus fraternel, et, pour cela, nous nous promettions d'être le ferment que la cuisinière mêle à la pâte pour la faire lever. Le ferment ? on le fabrique en le prélevant sur la pâte et en le mettant de côté pour qu'il « travaille » pour qu’il fermente afin que, lorsqu'il sera mélangé à la pâte, il la soulève, il la fasse lever !

Chrétiens ! acceptons donc de trancher sur notre entourage... Acceptons d’être des gens « à part », qui ne pensent pas, qui n'agissent pas comme les autres…

Trancher sur les autres, en un sens être des séparés : acceptons-nous cela au point de départ ? Ou bien, selon l'expression du P. Loew dans son magnifique livret « Comme s'il voyait l’invisible », nourrissons-nous, nous aussi, un "complexe gémellin" qui fait qu'à force de vouloir être le frère jumeau des incroyants, on se paralyse. A force de vouloir leur ressembler en tout, on ne voit plus très bien ce qu'ils pourraient trouver en nous d’attirant ! (P. Loew, « Comme s'il voyait l'invisible » p. 96).

Ne croyez-vous pas que, pour préparer comme il faut cette fête de Noël, il serait bon, sous le regard du Seigneur, de faire le point avec son ministre dans le sacrement de Pénitence, pour voir où nous en sommes et repartir, à neuf, stimulés par la rosée de la grâce rajeunissante de ce sacrement... A moins que, comme la dame de tout à l'heure, nous pensions que nous n'avons rien à nous reprocher ... que l'on ne peut faire mieux que ce que nous faisons...

L'une des raisons pour lesquelles les chrétiens d'aujourd'hui boudent si souvent la Confession, ne serait-elle pas parce qu'ils estiment n'avoir rien à se reprocher, rien à accuser ?... et ne serait-ce pas là, la preuve que leur conscience s'est bien émoussée ? A moins que ce ne soit parce qu'en eux toute ambition spirituelle, tout désir de s'améliorer, de se "christianiser" davantage, s'est éteint... Parce que l'idéal et l'amour du Christ n'exercent sur eux aucune séduction....

Mais justement, comment faire naître en nous ce désir de dépassement cette soif d’idéal ? Qui- fera résonner en nous cet appel des sommets, qui nous donnera ce dégoût de notre médiocrité, ce dégoût de la "mocheté" de notre monde à transformer ?... Ce n'est pas en nous "battant les flancs" que nous arriverons à ce résultat. Seul Dieu peut agir sur notre cœur et y insuffler cette soif, ce désir... C’est justement là un des effets de la grâce rafraîchissante et revitalisante du sacrement...

A l'époque où les gens soucieux de leur santé physique acceptent volontiers de se faire faire de temps à autre un "check-up", un examen médical général, si les Chrétiens se montrent si peu empressés ne faire faire un "check-up" spirituel, n’est-ce pas parce qu’ils ne sont guère soucieux de leur tonus spirituel ? Car, c'est cela la confession. Elle ne consiste pas tant dans une accusation, dans le fait de débiter une litanie que dans une mise au point, une investigation avec le médecin spirituel sur l’état général, sur la santé de notre âme. Ce qui suppose qu’à chacune de nos confessions, nous prenions un objectif bien déterminé sur lequel nous fassions supporter nos efforts soutenus par la grâce du sacrement. Ainsi, la fois suivante, nous ferons porter notre examen plus spécialement sur ce point-là, et je gage qu’ainsi, nous n’aurons jamais la même chose à dire. Tantôt nous aurons pensé dire, ne serait-ce que pour en remercier le Seigneur, tantôt nous aurons complètement oublié le point sur lequel devaient porter nos efforts. Il pourra même se faire que ceux-ci, hélas ! n'aurons pas été couronnés de succès. Alors, suivant les cas, nous reprendrons avec une nouvelle ferveur notre résolution, ou nous changerons notre objectif...

Comme c'était beau, autrefois, à la veille des fêtes, de voir cette kyrielle de chrétiens attendant leur tour devant les confessionnaux. Sans doute, pour certains, ce n’était peut-être qu'une formalité, mais tout de même, je pense que pour beaucoup, il y avait le désir de repartir à neuf à l’occasion de cette fête, on avait ainsi l'impression que toute la communauté voulait, à cette occasion, "faire peau neuve", reprendre un nouvel élan. Aujourd’hui, avec les célébrations communautaires du sacrement de la réconciliation, cet aspect est encore plus souligné, puisque tout le monde se prépare ensemble, se confesse en secret mais devant tous ses frères, et avec eux remercie le Seigneur.

Oh oui ! puisse toute notre communauté, et chacun de ses membres, reprendre à l'occasion de cette fête de Noël 1975 un nouveau souffle, un nouvel élan, une nouvelle ferveur, et, par conséquent, savourer davantage cette joie de l'ère messianique annoncée par l’Evangile et recommandée par Saint Paul dans les textes que nous avons lus tout à l'heure...

 

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