Année B – 5ème dimanche de Pâques


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

- Enfant, je ne comprenais pas le "pourquoi" de la taille de la vigne...
- Moins que jamais aujourd'hui nous comprenons pourquoi Dieu veut "émonder"...
- Et pourtant, celui qui veut arriver à quelque chose doit bien canaliser ses efforts...émonder bien des choses...

Exemples : le sportif... l'étudiant... la maman énergique...

- Dieu veut arriver à quelque chose avec nous...il veut faire de chacun de nous "quelqu'un".
Il veut qu'avec sa grâce nous nous construisions nous-mêmes...
Ce qui compte avant tout, pour lui, c'est la valeur morale de nos actes...ce qu'ils renferment d'amour de libre choix...

- L'émondage, le renoncement fait donc partie intégrante de la vie chrétienne...
- Mais pour que ces efforts ne soient pas " à bout de bras ", stoïques, tendue, et finalement inopérants, il faut l'union au Christ... "Sans moi, etc..."
- Dès lors importance de la vie sacramentaire, de la vie de prière, du plongeon en Dieu, pour qui veut vivre en chrétien...
- La distinction entre péché véniel et péché mortel trouve ici sa base évangélique...

Le péché est mortel quand il rompt délibérément avec Dieu, avec le Christ, avec son amour et son idéal...
On se sépare du cep, on devient une branche morte tout juste bonne à brûler...
C'est le cas de celui qui capitule volontairement devant ses pulsions sexuelles... il abdique sa raison ... ce qui le rend "image de Dieu"...

 Conclusion : rendons de plus en plus explicite et consciente notre union avec le Christ... notre vie chrétienne découlera de source...


HOMELIE

SUR LE COTEAU de notre petite propriété familiale, j'entends encore le chant joyeux des vendangeurs...

Mais je me rappelle aussi comment, dans ma petite tête, j'étais scandalisé à l'époque de la taille de la vigne. Je voyais les ouvriers couper avec de grands sécateurs des branches qui me semblaient déjà remplies de sève. Non, non ! ce ne pouvait être là de vrais vignerons ! Ils n'aimaient pas la vigne puisqu'ils la maltraitaient ainsi, puisqu'ils la saccageaient. Je ne pouvais imaginer dans ma petite tête d'enfant que cet émondage était la condition de ces belles grappes qu'on allait cueillir, dans la joie, quelques mois plus tard !

Tous, tant que nous sommes, nous sommes de bien petites têtes vis-à-vis du Seigneur et sa façon de faire nous déconcerte, notamment quand il nous semble envoyer tant d'épreuves à des gens par ailleurs si chics, si braves, si généreux, si chrétiens. « Mon Père, dit Jésus, est le vigneron ; tout sarment qui porte déjà du fruit, il l'émonde pour qu'il en porte davantage encore ! »

Oui, la façon de faire de Dieu nous déconcerte, aujourd'hui surtout parce qu'elle est à l'antipode de l'éducation "à la moderne". Celle-ci en effet ne consiste-t-elle pas à laisser faire, à laisser passer, à laisser couler ? Que l'enfant pousse comme il veut... en sauvageon, sans tuteur, sans orientation, sans directivité ! Autrement, pensez donc, où serait sa liberté  ?... Car c'est ça aujourd'hui "être libre" : suivre tous ses instincts, ses déterminismes, toutes ses impressions, toutes ses envies sans les contrôler ! Suivre ! Oh ! les gentils moutons que l'on va fabriquer !

Voyez pourtant comment normalement, spontanément, agissent tous ceux qui veulent arriver à quelque chose.

Le vrai sportif va renoncer à bien des choses dans son alimentation, dans ses loisirs ; il pratiquera l'émondage ! Il s'imposera (je dis bien il S'imposera à lui-même - ce ne lui sera pas imposé de l'extérieur, comme à un esclave), il s'imposera à lui-même bien des renoncements, bien des exercices !

L'étudiant qui veut arriver devra, lui aussi, drainer sa vitalité, concentrer son temps, ses énergies sur ses études et renoncer à bien des loisirs, à bien des distractions, prendre même parfois sur son sommeil...

Je vous ai déjà parlé de la différence entre la maman énergique et la maman "gâteau". Celle-ci passe à son enfant tous ses caprices... Qu'en fera-t-elle ? Une chiffe molle, sans énergie, à la merci de tous les entraînements... La maman énergique, elle, au contraire, veut en faire "quelqu'un" de son gosse, quelqu'un qui arrivera parce qu'il saura faire effort quelqu'un qui se commandera à lui-même...

Dieu veut faire quelque chose de ses enfants. Il veut qu'ils deviennent "quelqu'un", des héros, qu'ils acquièrent une personnalité. Il veut qu'avec sa grâce nous nous construisions nous-mêmes. Il nous a fait libres justement pour que nous nous commandions nous-mêmes, il veut qu'il y ait chez nous un commandant à bord, il ne peut admettre de démission ! C'est pour cela que, pour Lui, la valeur suprême, c’est la valeur morale. Il jauge nos acte au degré d'amour, de libre choix qu'ils renferment... Alors, oui, il veut que nous nous ayons en mains ; c'est ça qui fait la beauté, la rectitude d'une vie !

Dès lors l'émondage, le renoncement, que cela plaise ou non aux novateurs, fait partie essentielle de la vie chrétienne. « Celui qui veut venir à ma suite, dit le Christ, donc celui qui veut être mon disciple, qui veut donc être un chrétien, qu'il renonce à lui-même et qu'il me suive ! »(St Matthieu, ch.16, v.24 - St Luc, ch.9, v.23)

 

Mais attention ! pour que tous les efforts, tous les renoncements que Dieu nous demande, tous les émondages qu'Il nous fait subir, ne soient pas des efforts stoïques, à bout de bras, à coups de volonté, et par conséquent fragiles et bien sporadiques, mais pour que cela découle de source, il faut que nous soyons entés sur le Christ. Jésus vient de nous le dire : « Je suis la vigne, vous êtes les sarments. De même que le sarment ne peut porter du fruit par lui-même s'il ne reste sur la vigne, de même vous, sans moi, vous ne pouvez rien faire. » Notre cri doit toujours être : « Seigneur, pas tout seul, mais avec Toi ! »

Si quelqu'un est accroché au Christ par l'amour, par l'admiration, par la grâce, si la sève divine circule en lui, alors tout lui sera relativement facile et aisé.

Voyez, les jours où vraiment vous avez fait un plongeon en Dieu par une prière en profondeur, par quelques instants de recueillement ou d'adoration, , comme vous êtes différents ensuite dans tout votre comportement. Il y a une aisance, une facilité, une aménité dans le bien, extraordinaire, qui trahit, mieux qui traduit la présence de Dieu en nous. Au fond, tout est là. Sans cette présence divine, sans cette union au Christ, la vraie vie chrétienne est impossible : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire ! » Que penser alors de ces gens qui veulent, certes, vivre chrétiennement, se comportent en chrétiens et en chrétiens authentiques, mais qui font facilement fi de la prière, des sacrements, des moments de profond recueillement, croyant pouvoir y arriver par des révisions de vie à n'en plus finir ou des résolutions ? Ce seront peut-être des "tendus", des crispés... ce ne seront jamais des "rayonnants", des rayonnants d'aisance et de joie, des rayonnants de la présence de Dieu...

Dieu sait si on s'est gaussé, tout dernièrement encore, quand, dans la fameuse « Déclaration sur certaines questions d'éthique sexuelle » qui a fait tant de bruit, on a retrouvé l'expression à la fois technique en théologie et traditionnelle mais que l'on croyait à jamais périmée, de péché mortel et péché véniel ! Eh bien ! figurez-vous, Messieurs, vous qui demandez que l'on vous parle le langage de l'Evangile, que cette expression de péché mortel, nous la trouvons justement, équitablement dans l'Evangile et dans le plus mystique de tous les Evangiles, celui de saint Jean ! Vous venez de l'entendre dans la lecture de tout à l'heure : si vous vous promenez dans les vignes à l'automne ou en hiver, ou si vous vous promenez à cette époque-là dans les bois, vous verrez des sarments ou des branches d'arbre tombés à terre. Ce sont des sarments ou des branches mortes. Pour une raison ou une autre, la sève ne circulait plus dans ces branches, ou ces sarments ; alors, ils se sont détachés du tronc et sont tombés à terre.

On ne peut plus rien en faire si ce n'est en faire du feu. C’est exactement ce que Jésus vient de nous dire dans ce passage d'Evangile : « Si quelqu'un ne demeure pas enté sur moi, c'est un sarment sec, mort, on ne peut en faire que du feu ! » Oui, si nous rompons avec le Christ, si son amour s'éteint en nous, si son idéal ne nous accroche plus, c'est fini : la sève divine ne passe plus, le contact avec le Christ n'existe plus, nous sommes des branches mortes bonnes à jeter au feu...

Et justement, c'est là que se situe la différence radicale entre les péchés. Si, à peine avons-nous fait un écart, à peine avons-nous commis une faute, nous en sommes navrés, nous nous le reprochons amèrement, nous nous demandons comment cela a pu nous arriver, c'est la preuve que l'amour du Christ, que l'attraction de son idéal nous travaille toujours, c'est que la sève divine circule toujours, le contact n'est pas coupé. Cela a pu être un moment de faiblesse, d'égarement, d'affolement, d'éblouissement... mais le cœur n'y était pas ! C'est pardonnable ! C'est cela même que veut dire "véniel", du mot latin "venia" qui veut dire pardon !

Si, au contraire, on lâche vraiment l'amour du Christ, si on renonce à son idéal, si on "s'y assoit dessus", pire encore, si on veut faire de sa faute vertu, si on veut la justifier, si on veut en faire la règle, la loi, alors c'est fini : l'idéal et l'amour du Christ ne nous tarabustent plus, le ressort est cassé, il n'y a plus de chance de relèvement. Nous nous sommes détachés du cep : ce péché est mortel. Il faudra, pour pouvoir repartir, que le Seigneur vienne, lui-même, réparer le ressort cassé, mieux, vienne remettre en nous un ressort nouveau, qu'Il fasse jaillir à nouveau en nos cœurs son amour et son idéal, bref qu'Il nous ente à nouveau sur Lui, car tout cela relève de l'ordre surnaturel...

A ce moment on comprend que quelqu'un qui, volontairement, capitule devant ses pulsions sexuelles, qui donc en devient l'esclave, qui refuse de les contrôler et de les maîtriser par sa raison, qui donc abdique ce qui le fait homme et l'élève au dessus de l'animalité, on comprend que celui-là se détruit en tant qu'être libre. Il n'a plus pour lui-même cet amour de charité que le Seigneur nous demande pour nous comme pour le prochain : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » et qui consiste à aimer en nous ce qui nous fait image de Dieu, reflet de Dieu. A la limite, on peut même dire qu'il n'aime pas Dieu puisqu'il sacrifie ce qui le fait reflet du Seigneur, comme n’aime pas Dieu celui qui ne respecte pas la dignité de son prochain qui est d'être à l'image de Dieu.

De même que celui qui est vraiment "pris par ses études", ou qui est passionné par un sport, s'impose aisément l'émondage nécessaire pour réussir, de même soyons intimement unis au Christ, rendons cette union avec Lui de plus en plus explicite et consciente par quelques instants de recueillement profond. Alors nous ferons aisément les sacrifices que demande la vie chrétienne... Le Christ agira en nous et par nous Celui qui demeure en moi et moi en lui porte beaucoup de fruits !

 

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