Année B – 7ème dimanche de Pâques


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

 

Certains voudraient aujourd'hui confier à n'importe quel chrétien des fonctions que l'Eglise a traditionnellement réservées à ceux qui ont reçu l'ordination sacerdotale...

Cela suppose une diminution de respect, particulièrement envers l'Eucharistie.

Providentiellement le P. Feuillet, un éminent exégète, vient de montrer de façon magistrale que la prière de Jésus, en ce chapitre 17 de St Jean, est une prière de consécration sacerdotale... C'est Jésus lui-même qui, avant de nous quitter, a ordonné des prêtres : les Apôtres.

1°) Cette prière est calquée sur la prière tripartite du Grand Prêtre au jour de la fête des Expiations

- Le Grand Prêtre priait pour lui Jésus prie pour lui
- Puis il priait pour l'ordre sacerdotal Jésus prie pour ses Apôtres.
- Enfin il priait pour tout le peuple Jésus prie pour tous les chrétiens.

2°) Pour ses Apôtres, Jésus demande à son Père

- de tes garder en son Nom...

- de tes préserver du Mauvais...

 - de les consacrer...

= pour qu'ils puissent tes envoyer prêcher tes paroles de son Père qu'Il leur a transmises...
= pour qu'ils puissent exercer le culte en Esprit et en vérité.

 Pour nous, Jésus demande que nous soyons unis comme Il l'est avec son Père... Explications :

1°) Le jour des Expiations était le seul jour où le Nom de Yahvé pouvait être prononcé et ce, par te Grand Prêtre...

- Dans sa prière, Jésus insiste sur le Nom (= sa nature) que le Père lui communique...
- Quand Dieu nous adopte comme ses enfants, il nous donne son Nom ... mais pas seulement de façon extérieure comme dans l'adoption humaine ... Il nous fait participer à sa nature.

 2') Le but de la fête des Expiations était de purifier le peuple pour qu'il reflète la sainteté de son Dieu...

- Le peuple chrétien doit, lui aussi, être un reflet de la sainteté de Dieu et du Christ dont il porte le Nom...
- Mais ce Nom est celui des 3 personnes divines en lequel nous avons été baptisée. Nous devons donc, pour être à la hauteur de ce Nom., refléter cette union des personnes divine que Jésus nous a révélée...
- C'est ce que Jésus demande plus particulièrement dans cette père...

Attention de ne pas déshonorer notamment par nos divisions, le Nom de Famille (la Famille divine) que nous portons...
Mais au contraire, faisons en sorte que ce Nom soit sanctifié., honoré, estimé par tous...


HOMELIE

 

EXCUSEZ-MOI... ce n'est pas moi qui l'ai dit et d'ailleurs je ne prononcerai pas le mot : « Après tout, nous ne sommes pas plus c.. que lui, ce qu'il fait, nous pouvons le faire tout aussi bien ! »

Qui a dit cela ?... Un groupe de religieux, que vous ne connaissez pas du reste parce qu'ils ne sont pas de la région ! Oui ! voilà comment ce groupe de religieux traitait le prêtre qui venait leur donner le salut du Saint Sacrement.

Si ce propos suppose un certain mépris de ce prêtre, il suppose aussi une diminution scandaleuse de ce respect souverain dû au Saint Sacrement...

Sans doute, à la différence de la consécration de l'Eucharistie qui demande un pouvoir spécial reçu du Christ, l'exposition du Saint Sacrement ne réclame pas nécessairement ce pouvoir ; à la rigueur, un laïc pourrait le faire, mais combien la coutume et la règle de l'Eglise qui la réservent en fait au prêtre suppose un respect de ce sacrement bien plus grand que si n'importe qui était autorisé à le faire !

Il semble, en effet, que les chrétiens, conscients de la grandeur inouïe de ce Sacrement, aient préféré déléguer, pour remplir cette fonction, quelqu'un qui puisse n'avoir d'autre souci que de se sanctifier pour approcher ce Sacrement, et qu'ils aient choisi, pour ce faire, celui qui, par l'entremise de la hiérarchie, a reçu du Christ pouvoir de célébrer le sacrifice de son Corps et de son Sang... A nous prêtres, ensuite, de faire tout ce que nous pourrons pour ne pas être trop indignes de ce rôle qui nous est ainsi confié...

Avec cette règle de sagesse et de souverain respect, comme nous voilà loin de cette habitude qui se prend de plus en plus aujourd'hui, hélas ! de confier à n'importe qui, au premier venu et sans aucune préparation, le soin de distribuer la Sainte Eucharistie, alors que l'Eglise avait bien précisé les cas exceptionnels où cela pouvait être autorisé, et voulait que cette autorisation soit exprimée publiquement par une formule, qui soulignait, aux yeux de tous, la grandeur de la fonction qui était ainsi confiée !... (cf. la note de la Commission épiscopale française de liturgie du 5 mars 1970 - Documentation Catholique du 5 avril 1970)

Aujourd’hui, en écoutant cet Evangile, nous venons d'assister à première ordination sacerdotale faite par le Christ lui-même.

C'est donc Jésus Lui-même qui, avant de nous quitter, a ordonné des prêtres, à savoir ses Apôtres.

Figurez-vous, en effet, que là encore, providentiellement, au moment même où certains voudraient que les prêtres soient « des hommes comme les autres » ou, ce qui revient au même, que tout chrétien soit prêtre, que tout le monde ait les pouvoirs sacerdotaux, la science, en la personne de ce grand spécialiste qu'est le Père André Feuillet, est venue montrer que cette prière suprême par laquelle le Christ conclut ses derniers entretiens avec ses Apôtres après la Cène, cette prière est en fait une ordination sacerdotale faite par le Christ Lui-même.

Ce savant, dans un énorme livre paru en 1972, a montré en effet de façon péremptoire par une analyse minutieuse de chacun des termes, de chacune des expressions, que cette ultime prière du Christ était calquée sur celle que prononçait le Grand Prêtre, le jour de la Fête du Kippour ou Fête des Expiations.

Cette prière se divisait en trois parties : dans la première, le Grand Prêtre priait pour lui-même, dans la seconde, il priait pour tout l'ordre sacerdotal et dans la troisième, pour tout le peuple de Dieu.

Or nous retrouvons dans cette prière de Jésus exactement les trois parties. Jésus prie tout d'abord pour Lui-même : il demande à son Père de le glorifier (St Jean, ch.17, v.1-6). Dans la seconde partie, qui correspond au passage que nous venons de lire, il prie pour ses Apôtres qu'il a choisis du milieu du monde et auxquels il a révélé son enseignement divin (id. v.6-20). Dans la troisième partie, il prie « pour ceux qui, grâce à la parole de ses Apôtres, croiront en lui » (id. v.20-26).

Et que demande le Seigneur dans cette prière pour ces Apôtres que le Père lui a donnés en les retirant du monde, auxquels il a transmis lui-même l'enseignement reçu du Père et qui croient qu'Il est vraiment l'Envoyé de Dieu ? Que demande Jésus pour ces Apôtres qu'il a réussi à garder fidèles, à l'exception de Judas ? « Tant que j'étais avec eux, Père, je les ai gardés dans ton Nom que tu m'as donné, maintenant que je viens vers Toi, garde-les, à ton tour, dans ce Nom que tu m'as donné... » Je reviendrai tout à l'heure sur le sens de cette demande.

Ensuite, Jésus demande à son Père non pas de retirer du monde ses Apôtres, mais, tout en les laissant dans le monde, de les préserver du Mauvais.

Enfin il demande leur consécration.

Jésus avait dit (St Jean, ch.10, v.36) que son Père « l'avait consacré et envoyé dans le monde ! » Il lui demande maintenant de consacrer ses Apôtres qu'il va, à son tour, envoyer dans le monde pour y porter, eux aussi, ces paroles, cet enseignement que Jésus a reçu de son Père et qu'il leur a transmis.

Il demande également que ses Apôtres « soient consacrés en vérité », qu'ils soient voués non seulement à la prédication de la parole divine mais aussi consacrés au nouveau culte en esprit et en vérité dont Jésus avait parlé à la Samaritaine ( St Jean, ch.4,v.24).

Ainsi les Apôtres participeront à l'unique sacerdoce du Christ, ils seront comme le prolongement jusqu'à nous de ce sacerdoce du Christ qui a cumulé dans sa personne à la fois la fonction de prophète chargé de maintenir le peuple de Dieu dans la vérité, dans le droit chemin, et la fonction de sacrificateur. Et Jésus ajoute que c'est pour obtenir de son Père cette consécration de ses Apôtres que lui-même s'offre et se sacrifie. Le Sacerdoce apparaît donc ici comme le premier fruit de la Rédemption, de l'immolation du Seigneur, et cela devrait déjà suffire pour nous en donner une grande estime.

Ainsi au soir de sa vie, Jésus, par cette ordination sacerdotale, pourvoyait à son prolongement et à celui de son œuvre, demandant la participation à son sacerdoce pour ce groupe des Douze qu'il avait créé, institué, comme le dit St Marc lorsqu'il parle de l'appel des Apôtres (ch.13, v.14). Voilà pourquoi ce groupe des Douze occupe dans sa prière la place qu'occupait dans la liturgie de la fête des Expiations la prière pour l'ordre des prêtres.

Enfin, de même que dans la prière du Grand Prêtre au jour de la fête des Expiations la troisième partie concernait le peuple de Dieu tout entier, de même Jésus, après avoir prié pour Lui-même et pour ses Apôtres, prie dans une troisième partie (v.20-26) pour ceux « qui, grâce à leur parole, croiront en Lui, pour nous tous par conséquent. »

Et que demande-t-il ? Que nous soyons tous unis intimement comme Il est uni à son Père.

Arrêtons-nous quelques instants à cette dernière partie de la prière de Jésus.

Dans cette prière du Seigneur, on ne peut pas ne pas être frappé par la répétition du mot "Nom" qui revient jusqu'à quatre fois. « Ton Nom, dit-il à son Père, ton Nom que tu m'as donné ! » Il faut savoir que dans l'Ancien Testament, il était interdit sous peine de mort de prononcer habituellement le Nom sacré de Dieu, le Nom de "Yahvé". Seul le Grand Prêtre avait le droit de le prononcer justement lors de la flatte des Expiations. Voilà pourquoi Jésus, calquant sa prière sur celle faite par le Grand Prêtre ce jour-là, insiste à plusieurs reprises sur le "Nom" de son Père.

Nous avons vu tout à l'heure que Jésus avait demandé tout d'abord à son Père de garder fidèlement ses Apôtres dans son Nom (ce Nom que le Père lui a communiqué), comme Lui, Jésus, les y avait gardés durant sa vie. Dieu le Père communique son Nom, c'est-à-dire sa propre nature divine, à son Fils qui la possède avec Lui et le Saint Esprit, si bien que Jésus peut dire comme Yahvé : « Je suis celui qui suis ... je suis le vrai Dieu. »

En adoptant les hommes comme ses enfants, Dieu leur donne aussi, en quelque sorte, son Nom, comme un père qui adopte un enfant lui donne son nom. Mais ici, il ne s’agit pas seulement d'une dénomination juridique, extérieure, « nous ne sommes pas seulement appelés enfants de Dieu, dit saint Jean, mais nous le sommes » (lère Epître de St Jean, ch.3,v.1), Dieu nous fait vraiment participer à sa nature divine, selon l'expression de saint Pierre (2ème Epître, ch.1, v.4). C'est cela que nous appelons la grâce sanctifiante. Jésus demande donc à son Père de garder ses Apôtres en état de grâce et que, pour cela, ils fassent honneur à ce Nom qu'ils portent. Saintt Paul dira aux chrétiens d'Ephèse (ch.4,v.1) : « Conduisez-vous d'une façon digne de l'appellation dont on vous appelle. »

Autrefois, ce qui caractérisait le Peuple de Dieu, c'est qu'il était le peuple de Yahvé, qu'il se ralliait au culte de Yahvé, le vrai Dieu ; aussi devait-il être digne de Lui : « Soyez saints parce que je suis Saint, Moi Yahvé », leur répétait le Seigneur. Justement le but de la fête des Expiations était de rendre au Peuple de Dieu sa sainteté et d'en faire comme un reflet de la sainteté de Yahvé : « Vous serez saints parce que je suis saint. »

Ce même idéal est gardé dans la religion du Nouveau Testament. Le peuple chrétien qui porte le Nom de Dieu et du Christ doit refléter également la sainteté divine. Mais, dit le P. Feuillet, il y a quelque chose d'autre et de beaucoup plus profond. Le peuple de la nouvelle alliance ne doit pas seulement refléter la sainteté divine, il doit refléter l'unité du Père et du Fils, l'unité de la Trinité Sainte. Le No m auquel il est consacré, c'est en effet celui des trois divines personnes.

C'est là la grâce que Jésus demande pour ceux qui croiront en Lui grâce à la prédication des Apôtres, et cette union des chrétiens sera un témoignage qu'ils sont vraiment les disciples de ce Christ qui nous a révélé le mystère de la Communauté divine, le mystère de Dieu, le mystère de la Sainte Trinité.

Si, en agissant de la sorte, nous nous conduisons de façon digne de ce Nom divin en lequel nous avons été baptisés, si nous nous conduisons ainsi vraiment en enfants de Dieu, nous serons aimés par le Père de cette même tendresse dont il entoure son propre Fils et nous partagerons ainsi en plénitude la joie de Jésus qui est, nous le disions dimanche dernier, d'être aimé par son Père.

En terminant, réfléchissons quelques instants.

Le Nom de Dieu, c'est tout ce qui constitue le Seigneur, tout ce qui le fait. lui-même ; comme notre nom à nous exprime notre personne, ce qui nous fait nous, de même le Nom de Dieu, c'est ce qui le fait Dieu. Ce Nom, il appartient certes de plein droit à Jésus puisqu'il est le propre Fils de Dieu. Son Père lui donne totalement son Nom, sa nature divine, si bien que le Père, le Fils et le Saint Esprit ont une seule et même nature divine, un seul et même Nom. Aussi bien avons-nous été baptisés au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit... C'est là notre promotion sublime au jour de notre baptême : Dieu nous a fait participer à son propre Nom, à sa propre nature divine qui est essentiellement communautaire.

Parmi les hommes, quand on adopte un enfant, quand on lui donne son nom, un nom qui a été jadis honoré par des exploits, des prouesses, c'est tout un héritage que l'on donne et il se crée des liens de solidarité tels entre celui qui porte de droit ce nom et ceux auxquels il le donne, que leur sort est désormais lié. Si jamais celui qui a reçu le nom d'une famille, qui a été adopté dans une famille, se conduit de façon indigne de ce nom, c'est toute la famille qui en est éclaboussée, c'est le renom de cette famille qui est atteint...

De même, désormais, Dieu a partie liée avec nous, nous sommes désormais solidaires avec Lui ...

Si déjà, dans l'Ancien Testament, Dieu pouvait reprocher à son peuple de « profaner son Nom parmi les nations » (Ezéchiel, ch.36,v.23), « de faire blasphémer son Nom par les nations » (Isaïe, ch.52,v.5), il dépend de nous aussi, aujourd'hui, que Dieu et le Christ dont nous nous réclamons, dont nous portons le Nom, soient respectés ou blasphémés. Ne soyons pas comme ces riches chrétiens dont parle Saint Jacques dans son Epître, ces riches avares qui justement étaient bien loin d'être un reflet de la Communauté Trinitaire puisqu'ils ne pratiquaient pas le partage fraternel et qui, de ce simple fait, faisaient blasphémer « le beau Nom » –  le nom de chrétien – qu'ils portaient et qui avait été invoqué sur eux au jour de leur baptême (Jacques, ch.2,v.6). Mais au contraire, vivons de façon digne de « l'appellation dont on nous appelle » pour reprendre la formule de St Paul citée tout à l'heure. C'est ce que Jésus nous fait demander dans le Notre Père, quand il nous fait dire : « Que ton Nom soit sanctifié » Conduisons-nous de telle manière, notamment en nous aimant tellement les uns les autres, en étant tellement unis entre nous, que ce Nom de Famille que nous portons soit estimé, honoré par tous ...

Demandons-le avec plus de ferveur que jamais.

L'honneur de notre Dieu est en jeu...

 

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