Année B – Baptême du Seigneur


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

L’histoire de Jacqueline : « Je pourrai dire à Dieu, en toute vérité, notre Père…. »
Les premières générations chrétiennes étaient fort frappées par cette divine promotion qui les remplissaient de fierté et de joie...
Saint Jean… Saint Paul...
On le comprend aisément, vu la grande idée que les juifs se faisaient de Dieu, l’Inaccessible ... l’Ineffable...Le Redouté... L'Ecrasant... !

Aujourd'hui, cette promotion divine parait... banale... normale, presque due… Tout le monde serait enfant de Dieu ?!

Pourquoi notre idée de la grandeur de Dieu s’est-elle dégradée ?

- absence de contact avec la nature
- tendance généralisée au "nivellement" ... on rapetisse tout...

Comment restaurer ce sens de la grandeur de Dieu ?
La réflexion, appuyée sur la science, peut nous y conduire.

Comment ne pas désirer cet "ennoblissement" pour notre enfant….

Sens de la démarche baptismale : navrés de lui avoir mis une nature tarée, faisons l’impossible pour le désolidariser d’Adam et pour le mettre sous la mouvance du Christ.

L’enfant devra un jour ou l’autre ratifier... Il ne pourra le faire en connaissance de cause que s'il a reçu une éducation chrétienne.
Pourquoi Jésus a-t-il voulu être baptisé ?

Personne à part ses parents et Jean-Baptiste, ne sachant qui il était, il ne pouvait s’abstenir de cette démarche que s’imposait les fervents. Il aurait eu l'air de les désapprouver…

Ce récit du baptême montre la sincérité des évangélistes.


HOMELIE

ELLE S’APPELAIT JACQUELINE...

Comme tant d'autres, hélas ! elle avait été déçue au plus profond d'elle par un amour auquel elle avait cru... et elle partait... se jeter à la Seine.

Elle passa devant notre église, la cathédrale de Choisy-le-Roi et poussée par une force inconnue, elle entra... Là, elle ressentit comme une présence amicale.. Elle rentra chez elle apaisée... Plusieurs fois, elle revint. Un jour, elle s'adressa à un de nos pères qui était là, lui demandant de l’instruire. Sollicitée de dire à la Communauté ce qui frappait le plus, à la veille de son baptême qui eut lieu dans la nuit de Pâques, elle répondit simplement : « Demain, je pourrai dire à Dieu en toute vérité : "Notre Père" ! »

Oui, mesurons nous tous ce que cela représente ! Quelle est notre dignité, notre grandeur, notre noblesse !

Fils de Dieu !… D'après le Père de Lubac, dans son livre « Le drame de l'humanisme athée », il faut attribuer à la découverte de cette promotion de l'homme, appelé à devenir fils de Dieu, l'intense allégresse et ce sentiment de nouveauté radieuse partout répandu dans les premiers écrits chrétiens. (Le drame de l’humanisme athée, p 119).

Oui, pour les premiers chrétiens, comme pour les autres, c'était là quelque chose d’inouï, de tout à fait inédit ; l'Apôtre Saint Jean n'en revenait pas : « Voyez, s'écriait-il, de quelle tendresse Dieu nous a aimés pour que nous soyons appelés enfants de Dieu, et nous le sommes. » (1ère Epître de St Jean,ch.3,v1).

Saint Paul, évoquant cette vérité de notre foi dans son Epître aux Ephésiens, chante une hymne d'action de grâce : « Béni soit Dieu, le Père de Jésus, le Christ notre Seigneur, qui nous a bénis de toutes les bénédictions spirituelles dans le Christ. Avant que le monde ne fut créé, il nous a choisis dans le Christ, pour être devant lui, grâce à son amour, pur et sans péché, car, d’avance, il nous avait destinés à devenir pour lui des fils adoptifs par Jésus le Christ : dessein d'amour bienveillant à la louange de gloire de sa grâce ! » (Ephésiens, ch.l,v.3-6).

Cela n'a rien d'étonnant étant donné la haute idée que les juifs se faisaient de Dieu. Pour eux, Dieu c'était le Tout Autre, le Transcendant, l’Inaccessible, celui que l'on redoutait. « Parle-nous toi-même disaient les juifs à Moïse, mais que le Seigneur ne nous parle pas Lui-même de peur que nous ne mourrions ! » (Exode, ch.2, v.19). Dieu, c’était "l’Ineffable". Seul le grand prêtre avait le droit de prononcer le nom de Yahvé, et ce, une fois par an seulement au cours de la fête des Expiations...

Que ce Dieu si grand soit vraiment "notre Père"… que ce Nom ineffable, ce Nom de famille devienne "nôtre" grâce à cette bienveillance divine, voilà qui était vraiment inouï, impensable, comme le sera pour ces juifs la divinité du charpentier de Nazareth et du pendu de la croix !...

Le miracle des miracles, comme le dit Marcel Légaut, c'est que les Apôtres aient réussi à faire admettre de telles vérités qui étaient diamétralement opposées aux idées de ce peuple !...

Mais toutes les nouveautés finissent par s'user et s'estomper.

Aujourd’hui, on considérerait presque cette promotion divine comme un droit, comme un dû !... A en entendre certains, tous les hommes seraient enfants de Dieu... Nous n’aurions rien de plus que les autres, le Baptême ne nous apporterait rien que nous n’ayons déjà ! Quelle hérésie !

C'est renier les paroles de Jésus à Nicodème : « Nul ne peut entrer dans le royaume de Dieu s'il ne naît à une vie toute nouvelle par l’eau et l’Esprit Saint ! ».

Sans doute, nous pensons tous que ceux qui voudraient bien être baptisés, s’ils savaient et s’ils pouvaient, ont le baptême de désir et reçoivent et cette promotion et cette grâce.

Dans le même sens, on croit communément aujourd'hui que l'enfant qui n’a pu être effectivement baptisé avant de mourir mais dont les parents avaient bien l’intention de le faire baptiser, reçoit, du fait de cette intention – surtout si elle est exprimée -, les effets du baptême…

Il n’empêche qu’il reste toujours vrai que c’est le baptême effectivement reçu ou désiré au moins implicitement, qui nous fait enfants de Dieu et nous donne droit à partager avec Jésus-Christ le bonheur même de Dieu….

Mesurons-nous tout ce que cela représente ?... Quelle est notre dignité ? Quels sont nos rapports désormais avec Dieu ? Mais qui est Dieu ? Nous n’en avons pas conscience… Et cette vérité, pour nous, s’est usée tellement elle est devenue banale ! Ne pourrions-nous pas, nous aussi, en cette fête du Baptême du Seigneur, essayer de prendre un peu mieux conscience de cette immense grâce que le Seigneur nous a octroyée ?...

Si nous avons perdu ce sens de la Grandeur de Dieu, c'est sans doute parce qu'on a tendance aujourd’hui à tout niveler.

On identifie volontiers l'individu à sa fonction si bien qu'il n’est même plus de fonction si importante, si sublime soit-elle, qui puisse nous donner une petite idée de quelque chose de plus grand que l’individu qui l’exerce… Que ce soit la fonction de chef, de président, ou de prêtre, tout est rapetissé, ratatiné…

De plus, habitants de nos cités modernes, nous avons perdu ce contact avec la nature grandiose qui pouvait nous donner une petite idée de l’immensité… Je me rappelle cette nuit, lors de la dernière guerre, où, voguant vers l'Afrique me trouvais seul sur le pont du bateau… seul sous la voûte étoilée et sur l’immensité de cette mer. Comme on se sent petit, comme on peut alors se faire une petite idée de l'immensité !... N'est-ce pas le même sentiment que l'on éprouve au sommet d'une haute montagne ?...

Mais aujourd'hui, ces contacts avec la nature sont bien rares. Alors je pense que nous pouvons peut être y suppléer un peu en faisant appel aux découvertes de la science. En réfléchissant un peu à ce qu'elle nous dit, nous pouvons nous faire une petite idée de l'immensité de l'Univers...

Que nous dit-elle ?

On a presque le vertige quand elle nous dit que notre galaxie compte, à elle seule, quelque cent milliards d’étoiles, c’est-à-dire de soleils... Que notre soleil lui-même est une étoile de bien modeste calibre, puisqu’à côté de la plus grande de ces étoiles, il ferait l’effet d’une mandarine à côté d’une boule aussi haute que la tour Eiffel ! Et on nous précise que notre terre, à côté de cette grande étoile, serait comme une tête d'épingle !

Mais voici encore plus ahurissant : avec les grands télescopes, en particulier celui de Palomar en Californie qui fait 5 m 08 de diamètre, on est arrivé à découvrir plusieurs milliards de galaxie, c'est-à-dire d'amas d’étoiles semblables au nôtre qui contient déjà, je le disais à l'instant, quelque cent milliards d'étoiles.

Et, parmi ces étoiles, certaines se trouvent à deux milliards d’années-lumière, c’est-à-dire qu’elles sont tellement, tellement loin de nous, que le rayon lumineux émis par l'une quelconque d'entre elles "marchant", si je puis dire, à 300 000 kilomètres-seconde, je dis bien seconde, a mis 2 milliards d'années pour nous arriver ! Une paille !

Mieux que cela ! Voici que depuis l'invention en 1948 du radiotélescope qui permet de capter les ondes émises par les astres, on est arrivé à découvrir des galaxies (appelées radio-galaxies) situées à quelques 8 milliards d’année-lumière !... Calculez, si vous le pouvez, quelle distance cela représente : 300 000 kilomètres par seconde multipliés par autant de fois qu'il y a de secondes dans 8 milliards d'années !...

Et voilà qui est encore plus époustouflant ! Voilà qu'on s'est aperçu, assez récemment - c'est même un prêtre, le chanoine Lemaitre, de Bruxelles qui a été le premier à le constater - on s’est aperçu que le monde s'étire, s’agrandit de plus en plus à la vitesse d'au moins un septième (1/7) de celle de la lumière, donc à plus de 40 000 kilomètres à la seconde !

Alors, voyez ça ! Quand on pense que Dieu, notre Dieu, est celui qui non seulement a créé, mais crée à chaque instant tout cela, c'est-à-dire Celui qui sans cesse pense et veut tous ces mondes, toutes ces myriades de mondes gigantesques, en même temps que chacun des grains de sable des plages de mer…en même temps que le plus petit insecte, le plus petit microbe !

Oui ! à chaque instant, Dieu pense et veut tout cela ! Il suffirait que Dieu s' arrête de penser tout cela et de le vouloir pour que tout cela tombe dans le néant... un peu comme disparaît, cesse d'exister la pensée de ma mère lorsque je ne veux plus m'attarder à penser à elle...

Oui, devant ce Dieu dont l'infinité se manifeste un peu à nous quand la science nous découvre cette immensité vertigineuse de l'Univers, nous retrouvons les paroles et les sentiments que le poète juif exprimait dans les psaumes ou dans le livre, de Job : « O Seigneur, notre Dieu, qu'il est grand ton nom par tout l'Univers et qu'est-ce que l'homme pour que tu t'en soucies… qu'est-ce que l'homme perdu dans cette immensité pour que tu en fasses tant de cas » (psaume 8 - Job, ch.7,v.17-18), jusqu'à en faire ton enfant et cela non pas de façon purement juridique comme il en va dans le cas d'adoption chez les hommes, mais pour de vrai. « Voyez de quel amour Dieu nous a aimés pour que nous soyons appelés enfants de Dieu et le soyons pour de vrai ! » (Epître de St Jean, ch.3, v.1). Non, non, jamais aucune promotion, aucune dignité ne pourra même d'infiniment loin égaler celle-là.

Et je me permets d'aborder encore une fois ici ce problème si débattu aujourd'hui du Baptême des petits enfants.

Si nous sommes bien convaincus, comme nous l'ont appris les Apôtres du Seigneur Jésus eux-mêmes, que c’est le Baptême qui nous donne cette noblesse divine, comment ne pas le désirer de tout notre cœur pour notre enfant ?...

On m’objectera que le désir de le faire baptiser, surtout s’il est exprimé, suffit. Mais comment ce désir pourrait-il être sincère s'il n'aboutit pas, alors que rien ne s'y oppose, au baptême lui-même ?

On ne veut pas, dit-on, faire pression sur l'enfant et présumer de sa volonté !... Je le redirai tout à l'heure : élever l'enfant chrétiennement, le faire déjà bénéficier des grâces des sacrements, c’est lui permettre de faire plus tard son choix en connaissance de cause.

Beaucoup aussi sont opposés aujourd'hui au baptême des petits enfants parce qu’ils disent ne plus croire au péché originel. Singuliers chrétiens qui choisissent parmi les vérités enseignés par l'Eglise celles qui leur conviennent et qui rejettent les autres. Est-ce cela le libre examen ? Que faisons-nous dès lors de cette hiérarchie que, de toute évidence, nous avons déjà eu l’occasion de le montrer, Jésus a placée à la tête de son Eglise à enseigner authentiquement son message ?

Du reste, ce rejet de la foi au péché originel provient souvent conception inexacte que l'on s'en fait.

La tache, il vaudrait mieux dire "la tare", du péché originel ne provient pas en effet d'un décret arbitraire de Dieu statuant que si Adam péchait, tous ces descendants en porteraient les conséquences, ce qui nous révolte… Cette tare provient tout simplement de l’hérédité et de la solidarité humaine. Nous héritons des tares non seulement d'Adam et d'Eve, mais aussi de tous nos ancêtres. Saint Augustin, le grand Docteur du péché originel, n’enseigne-t-il pas que les proches parents de enfant peuvent alléger ou aggraver le poids du péché originel pour lui, suivant qu’ils sont eux-mêmes vertueux ou vicieux ? Quand l'enfant naît, il porte donc ces tares, il a une nature tarée qui a une propension au péché, au mal. Tant que cette tare originelle, ancestrale, cette propension au mal, ce mauvais reste imprégné, gravé en nous sans être désapprouvé, nous restons solidaires du péché d'Adam et ne pouvons pas être agréables au Seigneur : « Nous sommes par nature objets de la colère divine » dit Saint Paul (Ephésiens, ch.2,v.3).

Or, en demandant le baptême pour leur enfant, les parents montrent par là qu’ils désapprouvent cette tare qu’ils ont léguée à leur enfant, qu’ils veulent se désolidariser d'Adam et le placer sous la mouvance du Christ Jésus. Ils promettent justement, en faisant cette démarche, qu'ils feront tout ce qui dépendra d'eux pour cela en donnant à l’enfant notamment une éducation chrétienne. Il est bien vrai que lorsque l'enfant aura grandi et qu’il sera en mesure de le faire il devra ratifier cette démarche de ses parents et qu'il devra en toute liberté ratifier son baptême . Mais, redisons-le encore il ne pourra le faire en connaissance de cause, que dans la mesure où on lui aura fait connaître vraiment Jésus-Christ et dans la mesure où il aura pu expérimenter ce que c'est que de vivre "à la mode du Christ" !

J’ai beaucoup parlé de notre baptême, mais je n’ai rien dit du Baptême de Notre Seigneur.

A vrai dire, ce baptême nous étonne. Comment le Christ qui est Dieu, qui donc est sans péché, et qui le sait, peut-il venir demander à Jean-Baptiste le baptême de repentir pour la rémission des péchés ?... Comment lui, qui donne un baptême plus grand, « qui baptise dans l’Esprit », peut-il venir demander le baptême d’eau à Saint Jean ?

Cette difficulté n'a pas échappé aux évangélistes !

Saint Matthieu nous dit même que Jean-Baptiste voulait empêcher le Christ de se soumettre à ce rite : « C'est moi, lui disait-il, qui ai besoin d'être baptisé par toi, et toi, tu viens à moi ? » (Matthieu ch.3, v. 14-15).

Saint Jean, l'évangéliste nous dit de son côte que le Baptiste lui-même se met bien au dessous du Christ dont il n'est pas digne de dénouer la courroie de ses sandales ! (St Jean, ch..1,v.27).

Les exégètes, savants ès sciences bibliques, reconnaissent que nous avons là, une fois de plus, une preuve de la sincérité de nos évangélistes : ils n’escamotent même pas, dans la vie du Sauveur, ce qui semble aller à l'encontre de leur but qui est de faire connaître Jésus comme vrai Fils de Dieu... C'est ainsi que St Matthieu nous rapportera l'affirmation du Christ déclarant qu'il ne sait pas quand viendra la fin du monde... (ch.24 v. 36).

Disons simplement, pour répondre à la difficulté soulevée, que Jésus, ses parents et Jean-Baptiste étaient sans doute les seuls à ce moment-là à connaître la divinité du Seigneur. Dès lors, si Jésus s’était soustrait à cette démarche que faisaient les juifs fervents, cela aurait pu être interprété de sa part comme une désapprobation de ce rite, alors qu’il était un moyen excellent de faire prendre consciente aux gens de la nécessité de se purifier à la veille de l'arrivée du Messie.

Ayant mieux pris conscience de ce qu'est notre promotion au rang d’enfants de Dieu, éclatons en action de grâces et menons une vie qui soit à la hauteur de cette dignité inouïe, noblesse oblige !...

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