SOMMAIRE DE L'HOMELIE
La maman-gâteau laisse son gosse paresser... La maman énergique le secoue...
Jésus est doux et humble de cœur.
- Chez lui rien de hautain...
- Le cœur de Jésus est sensible à l'amitié...les 3 disciples préférés Béthanie - le jeune homme riche - les enfants
- Jésus pleure... Lazare ... Jérusalem...
- Il est blessé par l’ingratitude... Les 10 lépreux Judas...
- Il a pitié de tous ceux qui l’implorent...exemples.
- Il secourt toutes les souffrances qu'il rencontre : aveugle-né - paralytique - veuve de Naîm foule affamée ou "avachie"...
- Il a pitié des pécheurs
= Il sait patienter...(parabole du figuier stérile - Ne pas éteindre la mèche qui fume encore )
= Les paraboles de miséricorde (enfant prodigue - brebis égarée... )
= Il accueille les pécheurs repentants... (Madeleine, femme adultère, Samaritaine - Il mange avec les pécheurs...)
- Sa patience avec les Apôtres...
- Sa loi n'est pas arbitraire mais donne le repos à nos âmes en satisfaisant leurs aspirations profondes...
Mais il y a aussi dans l'Evangile
- des paroles tranchantes...
- des paraboles effrayantes (Lazare - Jugement dernier - Robe nuptiale) ...
- des invectives terribles (Pharisiens) ...
- des mouvements de sainte colère...
Aujourd'hui on passe volontiers sous silence ce second volet du parce que l'idée que l'on se fait de l'affection est celle de la maman-gâteau,
Alors que celle du Christ, comme celle de Dieu, est celle de la maman énergique ... qui aime trop son enfant pour le laisser "s’abîmer", se diminuer...
Ce doit être notre idée à nous, chrétiens
ENCORE UNE HISTOIRE DE REVEILLE-MATIN... !
Cette fois-ci il peut être sept heures du matin. Le réveil a sonné depuis quelques minutes mais personne ne bouge à l'étage. Alors maman monte pour secouer son enfant qui n'arrive pas à sortir de son lit. Le petit s'étire, il baille, il est fatigué ... Maman a pitié de lui : " Repose-toi, mon chou, tu iras à l'école demain, tu es si intelligent, tu auras vite fait de rattraper tes camarades !"
Dans la maison d'à-côté, le réveil a sonné pareillement. Maman est montée de la même manière auprès de son petit qui paresse peut-être un peu dans son lit et cette maman l'a secoué : " Dépêches-toi, dans cinq minutes je t'attends à la cuisine pour prendre ton petit déjeuner !" La maman l'a fait sortir de son lit par tendresse... elle ne veut pas qu'il soit en retard à l'école, elle ne veut pas qu'il s'habitue à flemmarder...
Paradoxe...!
" Ne craignez pas, dit le Christ, de prendre sur vous le joug de ma loi, car je ne suis pas un maître tyrannique, dur, intraitable et fier. Non, non, mais sachez-le bien, je suis doux et humble de cœur !" (St Matthieu, ch.11, v.30).
" Pour une technologie douce de la vie de foi ", c'était le titre d'un article que j'ai lu avec beaucoup d'intérêt il y a quelque temps. Cet article tendait à montrer que le joug du Christ pouvait être suave parce que lui, le Seigneur, était plein de tendresse, de compréhension, de patience et d'humilité.
Chez lui, en effet, rien de hautain, rien de despotique. Jésus n'est assurément pas un tribun fracassant. Loin de vouloir jouer au surhomme, il a voulu connaître notre condition humaine jusque dans la mort et dans les luttes de l'agonie.
Jésus, tout comme nous, a un cœur sensible. Il est capable, tout comme nous, d'éprouver envers tels ou tels le penchant d’une amitié.
Parmi ses disciples il y en a trois qu'il semble préférer, sans doute parce qu'avec eux il se sent en proximité plus grande de pensée et de sentiment. Ce sont Pierre, Jacques et Jean. Il les choisit en effet tous trois comme témoins de la résurrection de la fille de Jaïre (St Marc, ch.5, v.37), comme témoins de sa Transfiguration (St Marc, ch.9, v.2), comme témoins de son agonie (St Marc, ch.14, v.33).
Saint Jean était par excellence " le disciple que Jésus aimait. "
A Béthanie, il y avait une famille dans laquelle Jésus aimait aller se détendre et se reposer et pour laquelle il fera le plus éclatant et le dernier de ses miracles. " Jésus, note Saint Jean (ch.11, v.5), aimait Marthe et Marie et Lazare."
Saint Marc (ch.10, v.21) fait remarquer que Jésus regarda d'un regard pénétrant le jeune homme riche qui était presque décidé à le suivre et l'aima !
Jésus affectionne tout particulièrement les enfants. Il les prend dans ses bras, les embrasse, les bénit et réprimande ses Apôtres qui veulent empêcher toute cette marmaille de courir après lui (St Marc, ch.9, v.36 - St Luc, ch.18, v.15).
Jésus a un cœur sensible : Il pleure ! Il pleure en voyant la peine et les larmes des sœurs et des amis de Lazare, son ami, qui est mort. Il pleure publiquement à la pensée des malheurs qui vont fondre sur sa perfide patrie !
Le cœur du Christ est sensible : comme nous, l'ingratitude le blesse et le fait souffrir.
Lors de la guérison des dix lépreux, il fera remarquer douloureusement qu'un seul, sur les dix, est venu le remercier (St Luc, ch. 17, v.17-18) ...
Quelle tristesse douloureuse dans cette remarque adressée à Judas qui vient
le trahir "Judas, mon ami ! c'est par un baiser que tu trahis le Fils de
l'Homme !" (St Luc, ch. 22, v. 48).
Cette tendresse du cœur du Christ, elle se manifeste encore par son immense pitié pour tous ceux qui souffrent. Aucune souffrance ne l'implore jamais en vain.
Que ce soit les pauvres lépreux qui le supplient d'avoir pitié d'eux ( St Matthieu, ch. 8, v.2-4 - St Luc, ch. 17, v.11-19).
Que ce soit ce gradé de l'armée d'occupation qui vient lui demander la guérison de son serviteur malade (St Matthieu, ch. 8, v.5).
Que ce soit Jaïre, le chef de la synagogue de la ville, qui le supplie de venir guérir sa fille qui est à toute extrémité ! (St Matthieu, ch. 9, v.18-19).
Que ce soit les aveugles qui réclament Seigneur, fais donc que je vois ! " (St Matthieu, ch. 20, v.27-34).
Que ce soit ce pauvre père de l'épileptique qui, avec une foi encore bien chancelante, lui dit Seigneur, si tu peux quelque chose, aie pitié de moi (St Marc, ch.9, v.22).
La souffrance, même si elle est muette, même si elle ne le sollicite pas, il suffit qu'il la rencontre, qu'il la devine, pour qu'aussitôt il agisse pour guérir et consoler.
C'est l'aveugle-né qui mendie à l'entrée du temple et auquel il donne la vue (St Jean, ch.9, v.1-39).
C'est le paralysé de la piscine de Bézatha qui arrive toujours trop tard pour se plonger dans l'eau bouillonnante et guérissante et qu'il guérit ( St Jean, ch.5, v.1-10).
C'est la veuve de Naim qui pleure en conduisant le corps de son fils unique au cimetière et qu'il console en le ressuscitant (St Luc, ch.7,v.11 ss).
C'est la foule qui a faim, c'est la foule qui est "avachie" parce qu'elle nia pas de chef, de pasteur, qui suscite sa pitié, et aussitôt il intervient, il multiplie les pains et envoie ses Apôtres comme pasteurs à cette foule ( St Marc, ch.8, v.2 - St Matthieu, ch.9, v.36).
Et quelle mansuétude, quelle patience, quelle bonté, quelle miséricorde envers les pécheurs !
Il sait bien qu'on ne retourne pas un cœur comme une crêpe, qu'il y faut parfois beaucoup de temps et de longanimité. Il sait que le règne de Dieu dans une âme, comme dans le monde, n'arrive pas ordinairement comme un coup de foudre, mais qu'il y faut beaucoup de temps et de patience.
Et c'est la parabole de ce vigneron qui implore encore quelque délai de son patron décidé à couper le figuier qui depuis trois ans ne lui donne aucun fruit " Laisse-le cette année encore, le temps que je creuse autour et que j'y mette du fumier, peut-être alors donnera-t-il du fruit !" (St Luc, ch.13, v.6-9).
Il ne veut pas étouffer la mèche qui fume encore. Il ne veut pas étouffer la moindre parcelle de bonne volonté (St Matthieu, ch.12,v.20).
Cette pitié, cette miséricorde pour les pécheurs, elle lui inspire ces paraboles si touchantes de l'enfant prodigue ou de ce brave berger qui a perdu un de ses moutons et qui en est tellement marri et qui se met à sa recherche jusqu'à ce qu'il l'ait retrouvé ! (St Luc, ch-15,v.4-8 et v.11-32).
Avec quelle bonté, quelle condescendance, quelle tendresse, il les accueille en effet les "pauvres pécheurs" du moment qu'ils sont repentants !
C'est la pécheresse qui vient baigner ses pieds de ses larmes et dont il prend la défense auprès de l'orgueilleux Simon scandalisé (St Luc, ch.7,v.36-58).
C'est la femme adultère à laquelle il pardonne alors que tout le monde voulait la lapider (St Jean, ch.8,v.1-11).
C'est la Samaritaine dont il souligne la franchise parce qu'elle lui a avoué son péché (St Jean, ch.4,v.1-43).
Il n'hésite pas à s'attabler avec les pécheurs et les gens de mauvaise réputation, tels les publicains, pour essayer de les amener à repentance ( St Matthieu, ch. 9, v.11).
Et avec ses Apôtres si grossiers, si lents à comprendre et à croire, quelle patience ! Même si parfois il ne peut s'empêcher de se plaindre de ces lenteurs " Vous aussi, vous êtes donc sans intelligence ? " (St Matthieu, ch.15, v.16) S'écrie-t-il quand Saint Pierre lui demande de leur expliquer la parabole sur ce qui souille l'homme ! " 0 esprits sans intelligence et lents à croire tout ce qu'ont annoncé les Prophètes ! " (St Luc, ch.24, v.25) dit-il aux disciples d'Emmaüs qui ont perdu tout espoir...
Toute cette compréhension, toute cette bonté, toute cette patience, cette condescendance, cette miséricorde, nous le rendent si attirant, ce Seigneur ! Et la loi qu'il nous donne n'est pas une loi arbitraire, imposée de l'extérieur et de façon autoritaire : elle correspond à toutes les aspirations nobles de notre âme. Aussi il peut bien nous dire : " Venez à moi, chargez-vous de mon joug, vous trouverez le repos pour vos âmes !" (St Matthieu, ch.11, v.28-29).
Paradoxe !
Mais on ne peut retrancher de l'Evangile d'autres passages qui, a première vue, sembleraient à l'antipode de cette douceur, de cette mansuétude du Seigneur.
Telles ces paroles tranchantes, coupantes comme l'acier, ces paroles à l'emporte-pièce comme celles-ci : " Si ton œil, si ta main droite est pour toi une occasion de chute, arrache ton œil, coupe ta main, il vaut mieux pour toi perdre un seul de tes membres que de voir ton corps entier s'en aller dans la géhenne !" (St Matthieu, ch.5,v.29-30), ou encore Celui qui aime sa vie en ce monde la perdra " (St Marc, ch.8,v.35).
Ou encore : " Celui qui jette sur une femme un regard de convoitise est déjà adultère dans son cœur ! " (St Matthieu, ch.5,v.27-28).
Et encore : " Celui qui aime son père ou sa mère ou ses enfants plus que moi n'est pas digne de moi ! " (St Matthieu, ch.10,v.37).
Et celles-ci : " Vous ne pouvez servir Dieu et l'Argent ! " (St Matthieu, ch.6, v.24), " Celui qui n'est pas pour moi est contre moi ! " (St Matthieu, ch. 12,v.30).
Et cette conclusion du Sermon sur la montagne Etroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la Vie et il en est peu qui le trouve st Matthieu, ch.7, v.14).
On ne peut non plus supprimer de l'Evangile ces paraboles effrayantes de Lazare et du mauvais riche qui est condamné à l'enfer parce qu'il a laissé- Lazare crever de faim à sa porte (St Luc, ch.16,v.19-31).
Ou encore cette parabole du jugement dernier dans laquelle ceux qui n'ont pas secouru leurs frères dans leur détresse se voient envoyés au feu éternel. (St Matthieu, ch.25, v.31-46).
Et cette parabole de la robe nuptiale où celui qui n'a pas voulu revêtir l'habit de noces est expulsé impitoyablement de la salle -du festin et jeté dehors dans les ténèbres extérieures où il y a des pleurs et des grincements de dents (St Matthieu, ch.22,v.1-14).
On ne peut non plus retrancher de l'Evangile ces invectives terribles du Seigneur contre les Pharisiens : " Hypocrites, sépulcres blanchis, race de vipères ! " (St Matthieu, ch.23,v.13-34).
On ne peut retrancher de l'Evangile ces mouvement de sainte colère, tel ce jour où Jésus chasse du temple à coups de fouet les vendeurs qui s'y sont installés (St Jean, ch.2,v.13-18).
Beaucoup, aujourd'hui, ont bien de la peine à résoudre ce paradoxe. Aussi préfèrent-ils passer sous silence ce second volet du triptyque.
Pourquoi ?
Je pense que c'est parce que l'idée qu'ils se font de la bonté et de l'affection correspond à celle que se fait la "maman-gâteau".
Or il est incontestable que Jésus, comme Dieu son Père, s'en fait une idée toute autre, une idée qui irait plutôt dans le sens de celle de la maman énergique.
La "maman-gâteau" passera tous ses caprices à son enfant, par tendresse pense-t-elle. Elle en fera un petit capricieux qui, plus tard, se laissera ballotter au gré de ses passions, au gré des impressions qui s'exerceront sur lui, au gré des mouvements d'opinion... Elle en fera un mouton, non un homme ni une personne !
La maman énergique, au contraire, sait tout ce que son enfant recèle de richesses et elle rêve de voir s'épanouir en lui toutes ces richesses cachées. Elle sait que toutes ses facultés peuvent se développer et elle aura le souci que tous les talents, tous les dons qu'il a reçus, puissent se développer au maximum, qu'il puisse s'épanouir dans le meilleur de lui-même. Elle l'aime trop pour accepter qu'il soit médiocre, quelconque... C'est pour cela qu'elle se montre exigeante et énergique.
L'amour du Seigneur n'est pas un amour doucereux. Dieu n'est pas un " Père-gâteau " ! Nous en savons tous quelque chose et s'il nous arrive parfois de nous révolter contre la façon dont Il nous manie, c'est parce que nous ne comprenons pas que Dieu n'acceptera jamais de pactiser avec nos faiblesses, de pactiser avec tout ce qui nous fait pécheurs, avec tout ce qui diminue, avec tout ce qui " sabote " ses enfants ! Non ! Ce n'est pas possible ! Dieu nous aime trop, il a une trop grande ambition pour nous, un trop beau rêve, pour nous laisser patauger dans la médiocrité ! Dieu est exigeant et l'Evangile aussi, mais c'est par amour.
Ce Jésus plein de douceur, de patience, de pitié, de miséricorde, plein de tendresse, il ne peut supporter tout ce qui nous diminue, tout ce qui nous défigure, nous sabote.
Il ne peut supporter que nous soyons vis-à-vis de son Père des enfants irrespectueux, mal élevés en profanant son temple et il en chasse les vendeurs.
Il ne peut supporter que nous profanions l'amour humain il condamne l'adultère, ou que nous profanions notre corps par l'impureté plutôt s'arracher l'œil, se couper la main, que de s'exposer à ce sabotage...
Il ne peut supporter ces discriminations, ces mépris systématiques des autres qui brisent la famille humaine : pas de mépris systématique pour les Gentils, pour les Samaritains, pour les Publicains, pas même pour les Romains, les occupants !
Il ne peut supporter l'orgueil des Pharisiens qui se croient "parvenus" au sommet de la perfection et, de ce fait, resteront éternellement dans le "statu quo", sans aucun espoir possible d'amélioration.
Il ne peut supporter non plus leur hypocrisie qui se contente d'une façade mensongère, qui leur fait même cacher les défauts les moins avouables (leurs intempérances, leurs vols...) sous le couvert de la piété et d'une fidélité rituelle scrupuleuse.
Il ne peut accepter leur égoïsme sordide qui les recroqueville sur eux-mêmes et les empêche de voir ceux qui souffrent à côté d’eux.
En cette fête du Sacré-Cœur, redisons à satiété l'invocation que nous chantions autrefois 0 Jésus doux et humble de cœur, rendez nos cœurs semblables au votre !
Oui, que le Christ nous aide à acquérir cette simplicité toute opposée à l'esprit de suffisance, à l'esprit tyrannique et dominateur.
Qu'il nous aide à acquérir un cœur sensible qui nous rende proche de toutes détresses, de toutes souffrances, non seulement par la pitié mais aussi par l'action.
Qu'il nous aide à imiter sa douceur, sa patience, sa compréhension. Mais demandons-lui aussi un amour qui soit à l'image du sien, un amour véritable pour tous ceux que nous devons aimer, un amour qui souhaite voir s'épanouir en eux tout ce qu'il y a de meilleur et qui ne puisse jamais même avoir seulement l'air de pactiser avec tout ce qui les abîme, les diminue, les "sabote".
Qu'il vous donne spécialement à vous, parents, pour vos chers enfants, un amour de ce goût-là, un amour qui vous fasse deviner en eux tout ce qu'il y a de plus beau et qui vous fasse les aider (car ils en ont besoin) à mettre en valeur toutes ces richesses, en étant vraiment pour eux ces tuteurs qui ne fléchissent jamais et sur lesquels ils pourront s'appuyer pour monter !
Dieu sait encore une fois si cela est important aujourd'hui où l'on confond si aisément amour, charité et bonacité !
Enfin que le Christ nous fasse accepter d'être aimés par Lui et par son Père, non d'un amour doucereux, mais d'un amour énergique et vrai !