Année B – Saint-Sacrement
du Corps et du Sang du Christ


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

 

Dans la mesure où l'on aime, on cherche à se rapprocher… Exemples...

 Inventions humaines pour ce rapprochement : bout de papier...photos... téléphone... télévision...

Inventions divines :

 

- L'INCARNATION : le Fils de Dieu né sur la paille...mort sur la croix...
sa vie toute simple malgré ses miracles...

- L'EUCHARISITE : pour être le plus près possible de tous, à travers tous les temps et dans tous les lieux...
Invention proportionnée au génie divin et à la puissance divine Sous les apparences de la nourriture ordinaire, Jésus est " en réalité " présent.

 

Quand un grand personnage condescend à se rapprocher de nous, nous aimons souligner d'autant plus sa grandeur qu'il s'abaisse davantage...

 

Comment traitons-nous Jésus dans l'Eucharistie ?

- Autrefois : les processions de Fête-Dieu...

- Aujourd'hui : la communion, la messe... ?

- A la messe nous prenons l'engagement d'obéir à Dieu joyeusement à la suite de Jésus-Christ...

- Nous scellons cet engagement avec le Sang du Christ

  


HOMELIE

 

JE L'AI VUE encore avant-hier, cette scène : un bébé qui pleure dans son landau ; et rien n'y fait, ni les sourires qu'on peut lui prodiguer, ni le balancement du landau pour le bercer... Il pleure, il fait même une colère jusqu'à ce que sa maman vienne et le prenne dans ses bras !

Il est frappant, vous le savez comme moi, de voir comment les enfants tiennent à !être pris dans les bras. D'où cela peut-il provenir... ? Je pense que, dès que la conscience s'éveille dans un être humain, celui-ci sent ce besoin de la proximité de celui ou de celle qui l'aime. Et si celui ou celle auquel ou à laquelle il est attaché n'est pas là, il se sent en désarroi, il est perdu et, à sa manière, il réclame cette présence sensible.

Ce besoin de tout amour, que de choses il a fait inventer au cœur humain pour supprimer les distances et rapprocher ceux qui s'aiment !

Depuis le petit bout de papier ordinaire sur lequel on a tracé quelques lignes et qui va apporter à celui ou à celle qu'on aime tout son cœur, toute sa pensée... Ce petit bout de papier de rien du tout : il contiendra un trésor Et puis ces photos que l'on échange entre personnes qui s'aiment pour avoir constamment sous les yeux les traits de celui ou de celle que l'on aime ...

Et toutes ces autres inventions de la science qui permettent un rapprochement encore plus grand : le téléphone qui permet d'entendre une voix bien connue, la bande magnétique qui permet de conserver et d'écouter à volonté une voix aimée, et pour bientôt la diffusion de cette invention qu'on aurait jugée impensable il y a moins d'un siècle : le téléphone-télévision qui permettra non seulement d'entendre la voix mais aussi de voir la physionomie et les gestes de celui ou de celle qu'on aime... !

 

Cette loi toute humaine, ce besoin de tout amour véritable, Dieu lui-même s'y est soumis. Si vraiment Il nous aime, le Seigneur, il fallait qu'il nous montre qu'il avait besoin lui aussi de cette proximité. Et nous, de notre côté, si nous l'aimons, nous chercherons aussi par tous les moyens à nous rapprocher de lui.. C'est cela qui explique et le mystère de l'Incarnation et le mystère de l'Eucharistie.

Pour se rapprocher de nous, le Créateur des Univers ' s'est fait homme, comme pour supprimer toutes ces distances qui, si légitimes soient-elles, sont insupportables à l'amour véritable.

Pour que personne ne puisse dire Il est au dessus de moi !", il est né sur la paille, dans une écurie, aux hasards du voyage. Il n'y aura pas d'être humain qui naîtra dans des conditions plus pauvres et qui pourra dire : " Jésus-Christ ? il était au dessus de moi Il est plutôt plus bas que le dernier d'entre nous, dans sa naissance.

Et dans sa mort ! Pendu au gibet comme le dernier des scélérats ! Qui encore pourra dire que sa mort est plus ignominieuse que celle du Fils même de Dieu ?

 

Oui, Lui, le Dieu de l'Univers, Lui, l'Infini, Il a été jusque-là !

Et durant son séjour parmi nous, il a mené une vie toute simple, une vie comme celle de tout le monde. Pendant les neuf dixièmes de sa vie, on n'a pu voir en lui que le fils de Joseph, le menuisier du village. Et si, durant sa vie publique, ses miracles échappent, pour ainsi dire, à sa tendresse, à sa bonté, il ne voudra pas qu'on les publie, qu'on en fasse cas. Il ne veut pas qu'ils lui donnent un prestige tel que les gens simples n'osent plus l'aborder... Il a voulu se faire tout proche parce qu'Il aimait !

Et cela ne lui a pas suffi, parce que le cœur de Jésus-Christ est aussi vaste, aussi grand que le cœur de Dieu et qu'il englobe par conséquent de sa tendresse l'humanité toute entière : il fallait que, de tous les êtres qui l'aiment et l'aimeraient au cours des temps, il soit tout proche et c'est là ce qui lui a fait inventer ce mystère de L'EUCHARISTIE que nous célébrons aujourd'hui. Il a trouvé, lui aussi, un moyen de nous mettre en contact, en contact sensible avec Lui, pour tous les temps, pour tous les lieux, pour toutes les époques.

 

Oui, son amour lui a fait trouver un moyen proportionné à son génie divin et à sa puissance divine. Si les savants ont trouvé le moyen de réaliser une chose impensable il y a à peine 50 ans, a savoir que quelqu'un, sans quitter le lieu où il est, puisse, grâce à la télévision, se trouver, tout au moins en son et en image, partout où il y a un poste de réception, Jésus, lui, grâce à son génie divin et à sa puissance divine, a trouvé le moyen de se trouver, non pas seulement en symbole ou en image, mais " en réalité ", selon un mode tout nouveau, partout où il y aura une hostie consacrée. Il a trouvé ce moyen parce qu'il nous aimait et qu'il rêvait d'une union encore plus profonde et plus intime que la simple juxtaposition... Il avait vécu à côté de ses compatriotes et près de ses disciples, mais quand on aime, on veut aller encore plus loin que la simple juxtaposition. Regardez ces deux amis qui se taisent côte à côte parce qu'ils ont l'impression que par ce silence ils arrivent à une union plus profonde, à une communion d'âmes ! Voyez surtout - je vous ai bien souvent cité cet exemple - la maman qui, dévorant son bébé de baisers, s'écrie : " Ah ! petit coquin ! je te croquerais bien ! " Oui, l'union la plus profonde que nous puissions imaginer ici-bas, c'est celle de la nourriture qui est assimilée par notre organisme.

 

C'est assurément pour exprimer et réaliser ce désir de l'union la plus profonde avec chacun d'entre nous que Jésus a pris les apparences, le déguisement, si je puis ainsi dire, du pain et du vin ! " Celui qui mange ma chair, celui qui boit mon sang, demeure en Moi et Moi en lui (St Jean, ch.6, v.57). C'est une véritable compénétration !

 

Rappelez-vous l'exemple de cette belle broche de maman que nous avions fait expertiser par un ami bijoutier pour en retirer quelque argent. On aurait juré, et tout le monde nous le disait, que c'était de très beaux diamants, mais nous, nous avons su, hélas ! que, " en réalité ", ce n'en était pas, ce n'était que des cristaux artistiquement taillés. Nous en étions sûrs parce que nous avions pleine confiance en ce bijoutier qui nous l'a dit, c'était un ami !

 

De même seule la foi, la confiance totale en Jésus et en sa parole nous assurent que cette hostie consacrée, que tout le monde prendra pour un vulgaire morceau de pain et qui en a toutes les apparences, est " en réalité le corps et le sang de Jésus glorifié.

 

Lorsqu'il nous arrive, mes frères, d’être aimés par quelqu'un de haut placé qui, justement pour supprimer la distance, a bien voulu condescendre à venir jusqu'à nous, dans la mesure même où nous estimons celui qui nous aime ainsi, dans la mesure où nous nous rendons compte de tout le chemin qu'il a dû parcourir pour venir jusqu'à nous, nous cherchons a prendre notre revanche pour ainsi dire en exaltant encore plus celui qui nous aime avec tant de condescendance. Nous cherchons à lui montrer que nous ne sommes pas dupes et que nous savons très bien que lui, qui s'est ainsi abaissé jusqu'à nous, est en fait bien plus grand que nous, qu'il est bien plus haut placé et que, s'il a voulu sauter le fossé, c'était parce que sa tendresse était débordante, et nous nous employions de notre mieux à souligner sa Grandeur...

 

Agissons-nous de même avec la sainte Eucharistie...?

 

Il fut un temps - il est déjà un peu éloigné - où, en ce jour de Fête-Dieu, on portait triomphalement le Saint Sacrement à travers les rues et je me rappelle, dans notre petit village qu'était alors Roquefort, comment les rues étaient tendues de beaux draps, comment on essayait d'y accrocher toute une ornementation, comment chacun sortait tout ce qu'il avait de plus beau en l'honneur de l'Eucharistie ! Cela faisait penser à ce triomphe de Jésus au jour des Rameaux, ce triomphe qu'il avait voulu, qu'il avait préparé puisqu'il avait demandé à ses Apôtres d'aller chercher le petit âne qu'il monterait : à l'époque c’était une monture royale ! Jésus voulait faire à Jérusalem une entrée royale et Jésus acceptait ces ovations puisque, lorsque les Pharisiens s'étaient indignés de ce qu'il soit acclamé par les enfants dans le temple de Dieu, Jésus avait riposté : " Si ces gosses se taisent, les pierres mêmes de ce temple vont crier ma gloire " (St Luc, ch.19, v.40).

 

Aujourd'hui que fait-on de l'Eucharistie ?

 

On trimbale le Saint Sacrement à droite et à gauche comme un vulgaire morceau de pain ! On s'approche de la sainte communion en oubliant totalement ce que Saint Paul lui-même - ça fait quand même belle lurette, Saint Paul recommandait aux premiers chrétiens : " Avant de communier à ce Corps et à ce Sang, que chacun fasse un examen et que ce soit seulement après qu'il ose en approcher, parce que celui qui s'en approchera indignement - c'est toujours l'Apôtre qui parle - encoure la condamnation car il a oublié que c'était le Corps et le Sang du Christ ! " (]ère aux Corinthiens, ch.11, v.27-29).

 

Combien l'oublient aujourd'hui ! On s'approchera de l'Eucharistie sans aucune préparation, les deux mains dans les poches, et même s'il y a eu une brouille avec le Seigneur, on n'en sera pas du tout gêné... On dirait qu'on y a droit, à l'Eucharistie !

 

Et qu'est-ce qu'on f ait de la messe ? Qu'est ce qu'on fait de la messe ici à Rungis ? Après tant d'années de travail, tant de Pères qui s'y sont usés, que fait-on de la messe ?

 

Parmi tous les jeunes qui sont passés dans nos groupements (on en a dépensé des forces, et du dévouement, et de l'argent dans ces groupements !), parmi tous ceux qui y sont passés, parmi tous ceux qui sont passés par les catéchismes, combien sont présents ce matin... ?

 

Alors ce rendez-vous de Jésus-Christ ! Pouvons-nous croire qu'on a la foi, la foi à l'Eucharistie, par conséquent la foi totale au Christ, et qu'on le croit sur parole, quand pour un oui ou un non on manque ce rendez-vous où il vient nous redire toute sa tendresse, où il vient nous dire qu'il serait prêt à se laisser à nouveau saigner pour nous ... ? Hum... ! On a bien d'autres choses à faire ou à penser... Et alors là, que voulez-vous, on est bien obligé de le reconnaître parce que ça crève les yeux, notre foi n'est plus la foi des premiers chrétiens. Saint Justin qui était un philosophe converti disait déjà en l'an 125 que le dimanche tous les chrétiens affluaient de la ville et de la campagne pour se retrouver afin de célébrer l'Eucharistie, C'était le grand rassemblement. Et à cette époque, quand un chrétien s'était mal conduit, eh bien ! pour le punir, on le privait de la messe, on le privait de communion ; ça s'appelait " excommunier " ... c'était la plus grande des privations, la plus grande des punitions que l'on pouvait imposer à un chrétien. Aujourd'hui, combien seraient trop heureux de n'être pas obligés d'aller à la messe le dimanche ! et l'on dira que c’est la même foi ? Alors non ! Il faut s'entendre, on n'est pas idiot 1 Il ne faut pas dire oui et non à la fois, il faudrait tout de même le faire comprendre ceci ! Disons qu'il y en a qui sont en cheminement vers le christianisme mais qui ne sont pas encore chrétiens, et que ceux-là n'ont pas encore une foi assez forte en Jésus-Christ pour le croire sur parole quand il dit : " Ceci est mon corps, ceci est mon sang !" Disons-le, si vous voulez, mais ce ne sont pas des chrétiens, ils sont en cheminement, d'accord, mais on ne nous fera pas croire que ce sont " des mordus de Jésus-Christ que ce sont des gens qui croient totalement en Jésus-Christ, ce n'est pas vrai ce n'est pas possible ! ou bien alors c'est monstrueux ce qu'ils font : dire au Christ : on s'en fiche pas mal de ton acte d'amour !... C'est tout de même vrai ce que je dis là !

 

Le temps nous manque pour nous y attarder, mais nous pourrions réfléchir aussi aux textes que nous avons lus tout à l'heure : Moise lit la loi de Dieu et tout le peuple répond : " Tout ce que Dieu nous commande, nous le ferons, nous lui obéirons ! t' Alors on immole les victimes et on répand le sang sur le peuple. Qu'est-ce que cela voulait dire, qu'est-ce que cela signifiait ? Cela voulait dire, justement, que ce peuple voulait montrer par là qu'il était prêt à obéir à Dieu coûte que coûte, jusqu'au sang s'il le fallait.

 

Je vous disais, il y a quelque temps, que lorsque deux personnes s'aiment intimement, il leur arrive de signer avec leur sang leurs déclarations d'amour. Eh bien ! là, l'homme n'osait peut-être pas signer avec son propre sang cet engagement d'amour, d'attachement au Seigneur, alors il le signait avec le sang de ces animaux auxquels il tenait beaucoup : le plus bel agneau de son troupeau C'était quelque chose pour eux !

 

Et Jésus-Christ ? Jésus-Christ, lui, oui, il est venu justement dire à son Père qu'il l'aimait jusqu'au sang. Lorsqu'il a quitté le Cénacle, il disait à ses Apôtres : " C'est l'heure des ténèbres, c'est l'heure du prince de ce monde, sur moi il n'a aucun droit, aucun pouvoir, seulement pour que le monde entier sache à quel point j'aime mon Père et que, quand il me demande quelque chose, je le fais, levez-vous et partons d'ici " (St Jean, ch.14, v.30-31) : il partait pour l'agonie, il partait verser tout son sang, il partait pour la mort !

 

C'est cela qui nous est remis sous les yeux à chaque messe pour que nous emboîtions le pas, pour que, nous aussi, chaque dimanche, au contact de cette Eucharistie, de ce sacrifice du Seigneur Jésus, au contact de son sang, nous redisions au Seigneur : " Seigneur, nous t'obéirons coûte que coûte cette semaine et nous allons signer ce pacte avec toi, non pas avec notre pauvre sang à nous, avec notre pauvre sang humain - notre volonté peut tellement trébucher mais avec le sang même de notre frère aîné, avec le sang même de Jésus-Christ !

 

C'est quelque chose... ! C'est tout cela que, pauvre petit malheureux, j'offrirai tout à l'heure au Seigneur, tout ce poids d'amour... !

Si nous mesurions tout cela, mes frères : qu'est-ce que l'Eucharistie ... ? Qu'est-ce qu'une Messe... ?

Posons-nous cette question aujourd'hui ...

 

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