Année B – Solennité de la Toussaint


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

La Sainteté nous "panique" !

« On n'est tout de même pas obligés d'être des saints... » Réponse : saint Paul...

Beaucoup de jeunes ont peur d'entrer dans un groupement qui affiche un idéal et qui le prend au sérieux...

Pourquoi cette " panique " ?

1°) Fausse idée que l'on se fait du "saint".

- quelqu'un d'un peu niais...
- quelqu'un qui "plane"...
- quelqu'un qui est "sevré" de toutes les joies de cette pauvre terre...
- on le confond souvent avec le "dévot"...

Réponses :

- de ce qu'est le saint...
- ce qu'il apporte...
- ce n'est pas un malheureux, mais un heureux... Jésus le déclare par huit fois dans les béatitudes... vérification de chacune d'elles...

 2°) Nous "paniquons" parce que nous nous sentons seuls à poursuivre l'idéal, à faire l'ascension...

 Réponses :

a) L'Eglise doit être le regroupement de ceux "qui en veulent"…
b) L'Eglise nous "donne les moyens" d'y arriver (en particulier les sacrements et l'entraide fraternelle)... ses réussites...

Ceci doit être vrai aussi pour nos groupements de jeunes...

- n'y admettre que "ceux qui en veulent" ou tout au moins sont susceptibles d'en vouloir.
- leur donner les moyens de devenir de plus en plus chics, de plus en plus authentiquement chrétiens...
- sinon ces groupements sont inutiles il faut les supprimer.

 


HOMELIE

 

LA PANIQUE !... C'est la panique, je vous le dis ! et je n'exagère rien...

Ils ont peur !... Les Catholiques ont peur... Ils ont peur de la vérité, ils voudraient des compromis, rester dans le flou... Ils ont peur quand on leur dit des vérités ! Ils ont peur de la logique !...

Nous disions cela dimanche dernier et loyalement nous étions obligés de reconnaître que cette attaque d'André Gide à notre endroit portait parfois de plein fouet. Ils ont peur ! Mais ils ont peur surtout quand on leur parle de la sainteté !... Là alors, c'est la panique : « On n'est tout de même pas obligés d'être des saints pour être des chrétiens !  » Pardon ! Messieurs et Mesdames ! Dans ses quatorze Epîtres, pas une seule fois saint Paul appelle les chrétiens "des chrétiens ", mais toutes les fois qu'il en parle il dit : "les saints" ! Les saints, pour lui, ce ne sont pas seulement ceux qui ont atteint le but dans l'au-delà, ce sont ceux qui cheminent ici bas, ce sont ces chrétiens persécutés, ce sont ces chrétiens qui ont des hauts et des bas mais qui tendent vers la sainteté. La panique !... ça nous donne la panique : être des saints ! au moins "en herbe", en désir ! Et alors quand on s'adresse à des jeunes et que cet idéal de sainteté, on veut le concrétiser dans une loi, ne serait ce que la loi des scouts, une loi que l'on prend au sérieux, c'est toujours la panique !... Beaucoup seront rebutés, ne voudront pas aller dans ce groupement parce qu'il y a un idéal et cela fait peur !

D'où vient cette frousse ?...

Elle vient de ce que nous nous faisons une idée fausse de la sainteté et des saints.

Les saints ? ce sont des gens un peu niais... de saintes nitouches...

Les saints ? ce sont des gens qui "planent" ; ils ne sont pas dans le réel de la vie !

Les saints ? ce sont des gens qui sont sevrés de tous les plaisirs, de toutes les pauvres joies que l'on peut avoir sur la terre ! Alors on a la frousse : vous m'arrachez cet os, le seul qui me reste pour que la vie d'ici bas soit tout de même un peu moins dure !

D'où vient cette conception, cette caricature de la sainteté ?... De ce que nous confondons facilement le dévot et le saint.

Le dévot, c'est quelqu'un qui est obsédé par le souci d'être quelqu'un de bien. Il se surveille constamment, il est toujours sur ses gardes, il a peur constamment de faire des péchés, il suppute constamment le poids de ses défaillances petit péché, gros péché... Il vit sous le régime de la peur, c'est un froussard. Alors, être constamment sur ses gardes, se surveiller sans cesse, mener ainsi une vie qui sera toute guindée, cela ne peut emballer personne, et surtout pas des jeunes ! Est-ce cela un saint ?...

Un saint ?... C'est quelqu'un qui a été "empaumé" par Dieu, c'est quelqu'un qui a été emballé par Dieu, quelqu'un qui est emballé par un idéal et qui vibre de toutes ses fibres, qui a un dynamisme formidable, qui a une intelligence qui a vu clair, qui a un cœur qui est aux dimensions du cœur de Dieu ! Et vous appelez ça un petit niais ? une sainte nitouche ? quelqu'un dont la vie est étouffée ? un type tremblant qui a toujours peur ? Allons donc !

Vous les avez tournés les feuillets de la vie des saints ? Est-ce qu'ils donnent l'impression d'être des malheureux, des ratés ?... Ou bien, au contraire, n'ont-ils pas suscité tout autour d'eux un enthousiasme, une joie, un soulagement ! Tout le monde les a réclamés et s'il y a encore dans notre société d'aujourd'hui quelque chose de bien, un souci des autres, d'où cela vient il ? D'où viennent toutes ces institutions charitables, humanitaires, sociales, dont nous sommes fiers aujourd'hui ?... Dans l'immense majorité des cas, plus de 90 fois sur 100, elles sont parties du cœur d'un saint...

Un saint qui serait malheureux ? Cela supposerait que pour nous Dieu serait comme un despote qui trouverait un plaisir sadique a nous enlever les pauvres joies que nous pouvons avoir. Est ce cela notre Dieu ?...

 

Ecoutez ce que dit Jésus Christ sur la montagne : Heureux !... Heureux...

Heureux !... Heureux !... Huit fois heureux !

Ah ! le voilà le message, la voilà la bonne nouvelle ! la bonne nouvelle de la joie, du bonheur ! Et... si vous reprenez votre livre de messe en rentrant chez vous et que vous relisiez toutes ces béatitudes en réfléchissant un tant soit peu, vous serez obligés d'avouer que c'est vraiment là la formule du bonheur.

Heureux ceux qui sont pauvres de cœur ! Ceux dont le cœur est détaché des richesses de ce monde, ceux dont le cœur n'est pas accroché à la richesse que d'autres vont garder égoïstement, avarement pour eux. Un avare ? Il a peur... il a peur que son magot lui échappe, il recroqueville ses doigts, il se ratatine. Mais celui qui est pauvre de cœur, lui, il donne, il distribue... Sa joie, c'est de faire des heureux avec ce dont il dispose que ce soit des biens matériels ou que ce soit des dons, des talents que le Seigneur lui a départis. Faire des heureux, partager, en faire profiter les autres : pensez vous que cela ne doit pas apporter plus de joie que de rester égoïstement replié sur soi ?

Heureux, dit le Seigneur, les doux ! Et quand on traduit le texte à la lettre : ils posséderont la terre ! Les doux, cela veut dire ceux qui respirent la bonté. Ceux-là, ce sont les rois sur cette terre ! Tout le monde les réclame. Tout le monde veut aller avec eux, parce qu'on sent ce cœur tout vibrant, cette bonté qui transpire par tous les pores. Croyez-vous que celui qui est ainsi aimé, qui est ainsi entouré, n'est pas plus heureux que celui qui cherche toujours la "petite bête", qui trouve presque un plaisir sadique à faire de la peine et que tout le monde fuit ? Goûtez et comparez !

Heureux, dit le Seigneur, les artisans de la paix ! Ceux qui apportent la goutte d'huile pour que ça "tourne rond" et qui ne peuvent supporter de voir les gens se disputer, et qui ne peuvent supporter la guerre, non seulement à l'échelon national ou international, mais même à l'intérieur d'un foyer, à l'intérieur d'un groupe... Ils chercheront, ils s'ingénieront à trouver comment faire pour que tout le monde s'entende bien. Ne croyez-vous pas qu'ils sont plus heureux que ceux qui fomentent la dispute et la guerre, qui cherchent à mettre les gens en "bisbille" ?

Heureux, dit le Seigneur, les miséricordieux ! Ah ! ceux qui sont assez grands assez nobles, assez maîtres d'eux-mêmes pour ne pas rendre le mal pour le mal, mais qui, au contraire, répondent au mal par le bien... Les miséricordieux ceux qui donnent aux autres plus qu'ils n'ont droit ! Quelle grandeur, quelle magnanimité ! et, par conséquent, quel épanouissement et quelle joie !

Heureux les cœurs purs ! Ah ! là, il n'y a qu'à ouvrir les yeux. Regardez le visage d'un vicieux et regardez la frimousse épanouie d'un cœur pur... Hein de quel côté se trouve la vie ? de quel côté se trouve la joie ? Le vicieux... il a du plaisir ! un plaisir qui le ravale au rang des bêtes. Il a le regard sournois, ses yeux sont éteints, cernés... Il rigole, mais il n'a pas la joie ! Au contraire, le visage du cœur pur... c'est un visage d'enfant ! Il a gardé son innocence, il a gardé sa clarté, il a gardé sa limpidité : « il verra Dieu ! », il lui ressemble tellement ! Ce cœur pur, lui, il contient un rêve d'amour et il trouve que ce n'est pas trop de consacrer des années à préparer la réalisation de ce rêve pour que tous les gestes d'amour qu'il pourra faire soient sincères, vrais, porteurs d'un véritable amour, expression d'une adoration... Regardez l'autre et... choisissez !

Heureux, dit le Seigneur, ceux qui luttent pour la justice ! Cela veut dire d'abord, selon le sens de ce mot dans la Bible, ceux qui essaient constamment de se dépasser eux-mêmes parce qu'ils sont "happés" par la beauté de Dieu, par la beauté de l'idéal évangélique ! Mais cela veut dire aussi ceux qui ne peuvent pas supporter sur notre pauvre terre toutes les injustices ; celles-ci les révoltent et "ils y mettront le paquet" pour que cela change ! Ne croyez vous pas qu'ils seront plus heureux ceux-là, que leur vie sera plus dynamique, que ceux qui, ne serait ce que par leur lâcheté ou leur silence, se rendent complices de toutes ces injustices ? Il n'y a pas de comparaison...

Heureux, dit Jésus, ceux qui seront persécutés pour la Justice ! Oui ! Le Seigneur ne nous dore pas la pilule ! Il nous avertit : tu veux faire le bien ? tu veux vivre mon idéal ? tu veux me ressembler ? Eh bien ! sur toute la ligne, c'est-à-dire y compris la calomnie... y compris la persécution... parce que celui qui fait le mal ne pourra pas supporter la présence à côté de lui de quelqu'un qui est possédé par un élan, par une foi, cela lui fait trop de mal, à lui ! Il te persécutera, il dira toutes sortes de calomnies contre toi, à cause de moi, à cause de l'idéal que tu représentes !... C'est clair, mes chers frères ...

 

Mais voici une autre raison qui nous panique : c'est que, au contact du milieu dans lequel nous vivons ou dans lequel nous travaillons, nous croyons, nous sentons que nous sommes seuls à vouloir nous dépasser, à vouloir devenir plus chics, plus chrétiens, seuls a avoir ce souci, alors que tous les autres autour de nous se trouvent très bien comme ils sont... C'est à tel point que nous nous demanderions parfois si nous ne sommes pas des "anormaux" !...

Mais là, figurez-vous que justement l'Eglise, la communauté chrétienne, c'est, ce doit être le regroupement des saints, pour reprendre le langage de saint Paul, des saints au sens où l'entendait l'apôtre, non pas de ceux qui sont déjà saints, mais de ceux qui veulent le devenir, de ceux "qui en veulent" de l'idéal de Jésus-Christ ! Jésus l'a dit explicitement puisqu'Il demande que l'on exclue de son Eglise, que l'on traite en païen et en publicain celui qui, après des remontrances fraternelles réitérées, après les "semonces" de la hiérarchie chargée de maintenir l'idéal au sein de la communauté, refuse de s'amender ! (Matthieu, ch.18,v. 15 19). Je dis bien celui qui "refuse", attention ! je ne dis pas celui qui ne réussit pas à s'amender, sans quoi nous serions tous à exclure de l'Eglise. L'Eglise est constituée par des pécheurs, mais des pécheurs qui se reconnaissent comme tels et qui sincèrement le déplorent et font des efforts pour s'en sortir, même s'ils n'y réussissent pas !

Venons nous replonger fréquemment dans cette communauté et, si celle-ci est authentiquement évangélique, nous sentirons que nous ne sommes pas les seuls à être travaillés par ce souci, nous sentirons même comment, quand ce souci de s'améliorer toujours davantage anime tout un groupe, cela crée une atmosphère dans laquelle il fait "drôlement bon" de vivre !

Du reste, Jésus a voulu faire de son Eglise, de la communauté chrétienne, une "machine à fabriquer des saints !". Il l'a pourvue de tout ce qu'il fallait pour cela, notamment de ses sacrements. En ce jour de Toussaint, nous pouvons admirer par milliers et milliers les réussites dont elle peut faire état. Ces milliers et ces milliers de gens qui, grâce à l'Eglise, grâce à sa doctrine, grâce à ses sacrements, sont devenus des copies, des sosies de Jésus-Christ, qui, comme Lui, sont "passés en faisant le bien" (Actes des Apôtres, ch.10, v.38), qui ont apporté, eux aussi, joie et soulagement sur terre. Applaudissons-les aujourd'hui. Parmi eux, il y en a sûrement que nous avons bien connus, membres de nos familles ou de notre communauté paroissiale, camarades de travail ou voisins de quartier... Rappelons-nous leurs exemples ! Ils sont couronnés dans la gloire, bravo ! Ils ont gagné, ils ont fait "but", et posons nous la question : pourquoi notre communauté chrétienne de Rungis ne fabriquerait-elle pas des saints ? Si elle ne nous aide pas à devenir plus chics, plus chrétiens, elle ne sert à rien, elle est inutile, détruisons-la. Alors pourquoi ne le fait elle pas  ?...

Sans doute parce que nous ne savons pas utiliser les moyens de sainteté que Dieu lui a donnés.

Et tout d'abord cette messe du dimanche. On me disait que la messe de dimanche dernier avait suscité l'enthousiasme. J'en ai été tout heureux... Mais pourquoi toutes nos messes ne feraient elles pas la même chose ? Sans doute parce que nous n'y apportons pas tout notre cœur, toute notre foi, toute notre voix. Nous ne cherchons peut être pas assez tous ensemble comment faire pour "réaliser" l'essentiel de la messe, à savoir que le sacrifice du Christ est remis là, sous nos yeux, ce sacrifice du Seigneur qui vient nous crier : « Je t'aime tant que je me suis laissé saigner pour toi ! Cet idéal que je te propose, je l'ai prêché au risque de ma vie ! pour qu'il parvienne jusqu'à toi, parce que je savais que c'était la condition de ton bonheur et de ta joie !... »

Utilisons-nous également comme il faut, mes frères, ces sacrements donnés par le Christ à son Eglise pour nous sanctifier ?... Est-ce que pour nous, par exemple, une confession, c'est le moyen de remonter le ressort quand nous sommes découragés, quand nous n'en pouvons plus, quand nous sommes prêts à "tout laisser tomber", à nous laisser aller ? Est-ce cela, pour nous, la confession ? Recevons-nous ce sacrement de manière à en retirer ce fruit-là ?

Encore : le "jeu de la communauté" fonctionne-t-il bien chez nous ? Voilà quelqu'un qui est dans la tristesse, qui a toutes sortes de "pépins", de soucis. Est-ce que, comme disait le Christ tout à l'heure, il est heureux, il a de la chance, lui qui pleure, d'être dans la communauté parce que de nombreux consolateurs vont venir l'entourer, porter la croix avec lui ? Ou bien ne lui sert-il en rien de faire partie de notre communauté parce qu'on le laissera seul avec son chagrin, avec son désespoir ?...

Est-ce que, ça nous arrive à tous, lorsque nous avons trébuché, lorsque nous nous sommes laissés aller, l'exemple d'un frère chrétien à côté de nous est venu nous requinquer ? Est-ce que ses conseils, peut-être même ses remontrances, puisque c'est prévu dans l'Evangile, sont venus nous "redoper" pour nous permettre de raccrocher et de repartir ?

Et lorsque l'un de nous est submergé par les soucis matériels, lorsqu'il ne sait pas très bien comment faire pour "s'en sortir" ou pour "joindre les deux bouts", comme l'on dit, risque-t-il de trouver des frères chrétiens à ses côtés pour lui dire : "nous allons t'aider !" et pour le faire ?... C'est cela une vraie communauté chrétienne : l'entraide fraternelle aussi bien au spirituel qu'au temporel... Ah si cette fête pouvait faire redémarrer chez nous, avec plus d'élan que jamais, le jeu de la communauté... Oui, je vous le gage, elle en fabriquerait des saints, notre Eglise de Rungis !

 

Et ce que je dis de la communauté en général, je le dis aussi de vos groupements, chers jeunes.

Savez-vous que ces groupements, eux aussi, sont faits pour fabriquer des "saints" ?... des jeunes qui deviennent de plus en plus chics, de plus en plus chrétiens, donc de plus en plus de vrais hommes et de vraies femmes  ?...

Et pour cela, nous ne devons y admettre que ceux et celles qui " en veulent " ou, tout au moins, sont susceptibles "d'en vouloir". Pour cela, il faut qu'on n'y apprenne pas seulement des techniques... Si ce sont seulement des experts en camping, par exemple, qu'on y fabrique, à quoi bon ? c'est "râpé", comme vous dites. On peut fort bien trouver cela ailleurs.

Si au contraire ces groupements tisonnent votre flamme, s'ils vous donnent envie de devenir meilleurs, de vous dépasser, de vous surpasser, s'ils vous inoculent le désir de transformer le monde pour qu'il soit plus beau, plus épanoui ... alors, ils fabriquent des saints ! Il faut les soutenir, les encourager, ils sont dans la ligne de Jésus-Christ.

 

Voilà... De grâce, mes frères, ne faisons pas des choses qui ne servent à rien. La vie est trop courte, elle va trop vite et nous avons trop de travail à faire pour ne pas perdre notre temps ! Il faut que "ça barde" mais dans la ligne, dans le sens indiqué par Jésus Christ, parce que c'est la ligne du vrai bonheur. Heureux !... Heureux !... Huit fois heureux !...

 

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