SOMMAIRE DE L'HOMELIE
Tout le monde s'indigne contre celui qui s'empare de la première place parce ce que tout le monde la lorgnait...
Dans cet Evangile, Jésus nous donne une double leçon
- une leçon de politesse...
- une leçon de désintéressement...
Une leçon de politesse = fine fleur de la charité.
Aujourd'hui où on parle tant de charité, la politesse est démodée... Pourquoi ?
1°) Cela provient de l'orgueil qui nous empêche de reconnaître ce que nous devons aux autres :
- vis-à-vis des parents...
- vis-à-vis de Dieu Lui-même
= on ne veut pas reconnaître que le capital de dons et de talents que nous avons reçu vient de Lui...
= on ne veut plus de la prière...nous devons nous suffire...
2°) Cela provient de l'orgueil qui nous empêche de reconnaître la supériorité des autres :
- au point de vue connaissances...
- au point de vue capacités...
- au point de vue mérites...
On ne veut même pas reconnaître la supériorité de Dieu ... ni donc tout ce qu'il y a de reflets divins dans ceux qui nous entourent...
3°) Ce manque de politesse provenant du refus de reconnaître aux autres (et même à Dieu) une quelconque supériorité, est :
- non seulement un péché individuel,
- mais aussi un péché collectif...
- même dans l'Eglise... On bouscule tous
ceux qui nous ont précédés et qui "n'y ont rien compris"
!
Quel orgueil ! quel scandale ! quelle bêtise !
Une leçon de dévouement désintéressé.
Le chrétien ne peut pratiquer le "donnant
donnant" : il doit se dévouer gratuitement...
Sans cependant encourager le "sans-gêne"...ce
serait se faire complice de son égoïsme....
Dans la parabole se fait remettre "en place"...
Conclusions...
NON !... MAIS ! ... Quelle audace ! quel culot !... Il bouscule tout le monde et, ma parole, je suis sûr qu'il va aller sasseoir à la première place Et tac ! ça y est ! Et tout le monde s'indigne... et tout le monde s'indigne parce que tout le monde est pareil... Cette première place, si tout le monde n'osait la prendre d'office, tout le monde du moins la lorgnait, tout le monde pensait qu'elle lui revenait de droit, et l'impoli passe pour un usurpateur... Ces invités qui protestent, ils sont vexés que cet orgueilleux ait l'audace de croire qu'il est plus qu'eux, cela les indigne !...
Dans l'Evangile d'aujourd'hui, le Seigneur nous donne une double leçon, nous recommande deux vertus qui sont spécifiquement chrétiennes : la politesse et le dévouement désintéressé.
La politesse...
Je ne me souviens plus dans quelle église j'avais lu sur un carton qui voulait recommander la bonne tenue à ceux qui y entraient, ces simples mots : "La politesse, c'est la fleur de la charité !"
Il est curieux qu'aujourd'hui où l'on parle tellement de charité et d'amour où on a plein la bouche de cette charité, et pas beaucoup dans le cur, il est étonnant de voir que la politesse n'est plus de saison, qu'elle n'existe plus elle est démodée ! D'où cela peut-il donc venir ?
Cela vient d'un orgueil... féroce ! Cet orgueil nous empêche de reconnaître deux vérités : de reconnaître qu'il y a, qu'il peut y avoir des gens qui nous sont supérieurs et de reconnaître que nous devons quelque chose aux autres.
Ce sentiment de devoir quelque chose aux autres, on essaie de l'effacer, et je n'en veux d'autre preuve que l'attitude si fréquente de la jeunesse vis-à-vis des parents aujourd'hui. Si ces jeunes ont la vie, c'est bien grâce à leurs parents qui, non seulement les ont mis au monde, mais qui ont entretenu cette vie parfois au prix de quel labeur !
Si ces jeunes ont quelque éducation, quelque instruction, ils le doivent bien à leurs parents ! S'ils ont maintenant peut-être une bonne situation, une place confortable dans la vie, bien souvent, très souvent, ils le doivent à leurs parents et, si on juge les choses simplement au point de vue de la vérité il semblerait bien qu'il y ait là une dette qu'ils devraient solder ! Or ça ! Reconnaître que l'on doit quelque chose à ses parents ? Il y en a peu qui ont cette reconnaissance dans le cur... Les parents ? il faut les effacer, les oublier, parce qu'ils soulignent, par leur simple présence, que nous ne nous sommes pas faits tout seuls ! Que ce que nous avons ne vient pas complètement de nous et cela, c'est insupportable ! On ne veut pas reconnaître que l'on doit quelque chose aux autres...
Et nous, mes frères, moi peut-être tout le premier, nous agissons de la même manière avec Dieu ! Quand nous nous enorgueillissons de nos dons, de nos talents, comme si cela venait de nous, nous agissons de la même manière envers le Seigneur !
L'humilité, cela ne consiste pas à
dire : " Je suis le dernier des derniers !" : ce n'est pas vrai !
L'humilité, cela ne consiste pas à dire
: " Je n'ai aucune qualité !" : ce nest pas vrai !
L'humilité, cela consiste à reconnaître
que ce capital, qui peut-être n'est pas médiocre, de qualités,
de talents, de dons, c'est justement un don, un don de Dieu ce capital m'a été
"donné". Je dois certes l'exploiter, le faire fructifier, mais il m'a
été "donné" par Dieu et la simple politesse demanderait
que je l'en remercie, mais l'orgueil sy oppose : il m'empêche de
reconnaître cette dépendance vis-à-vis du Seigneur !
C'est pour la même raison du reste qu'aujourd'hui la prière est si démodée !... Prier, ce serait reconnaître que nous ne nous suffisons pas à nous-mêmes, que nous avons besoin de Dieu... Non ! non ! la prière ? à quoi cela sert-il ? ne comptons que sur nous ! agissons, agissons !
Le manque de politesse vient donc d'abord du fait que nous ne voulons pas nous reconnaître dépendant ou débiteur de qui que ce soit, pas même de Dieu. Quel orgueil ! mais aussi quelle bêtise !
Mais le manque de politesse provient aussi de ce que l'orgueil nous empêche dé reconnaître une quelconque supériorité à qui que ce soit.
On ne veut pas reconnaître que celui qui a tout de même déjà un peu plus d'expérience, en sait plus que nous. Nous savons que l'expérience apprend bien des choses, nous le savons, je dirais, par expérience personnelle, mais on ne veut pas reconnaître cela. On n'ira jamais demander conseil à un ancien : on en sait autant que lui et c'est faux... ce n'est pas vrai ! C'est pour cela que c'est une faute !
L'orgueil ? il nous empêche de reconnaître une supériorité de capacités. Tout le monde se croit capable de tout ! et c'est parfois risible et ridicule de voir des gens qui parlent en docteurs de la loi sur un terrain où ils ne connaissent rien du tout et qui voudraient même en remontrer à ceux qui, tout de même, ont un peu approfondi la question ! Cela a l'air ridicule de vouloir jouer au compétent dans toutes les matières. Dieu sait encore si cette tendance est répandue aujourd'hui ! On parle, on discute, on bavarde, on fait des élucubrations sur n'importe quel sujet ... Reconnaître que l'on pourrait peut-être recevoir quelque chose d'un autre qui en sait un peu plus que nous, accepter ce qu'on appelle un enseignement magistral, ah ! ce n'est plus d'aujourd'hui ! cest périmé et c'est bête !...et c'est bête, en effet, parce que ce n'est pas vrai !
On ne veut pas non plus reconnaître les mérites des autres. Quand quelqu'un a trimé, a travaillé durement, a fait un effort pour arriver à un résultat auquel aujourd'hui, peut-être, on arrive plus facilement, en se donnant moins de peine, il y aurait, là encore, une question de vérité à reconnaître ce mérite à s'incliner devant lui ! Ah ! non...ah ! non... on s'en moquera ! Qu'il était bête de se donner tant de peine alors que nous arrivons, nous, si facilement au même résultat, en y mettant beaucoup moins de sueur ! Et voilà...
Pour nous, chrétiens, admettant la supériorité incontestable de Dieu, nous devrions reconnaître, au contraire, dans notre prochain tout ce qui est reflet divin, tout ce qui est mérité, tout ce qui est ressemblance accrue et acquise avec Dieu, et nous devrions le vénérer...
Mais au fait, aujourd'hui, reconnaît-on même cette supériorité de Dieu ? On discute avec Lui, on Lui demande des comptes, mais que Dieu ait des droits sur nous ! Ah ! quel scandale ce serait de le prétendre ! Un Dieu à notre niveau, le petit copain mais qui doit toujours être notre petit larbin ! Eh bien pour nous, chrétiens, non ! Le Seigneur nous a appris tout autre chose. Il nous a révélé cette Grandeur de son Père, cette beauté de son Père et Il nous a donné ce flair pour détecter dans tous ceux qui nous entourent ce qui ressemble à Die ces reflets de Dieu, je dirais, les paillettes de divin qu'il y a dans chaque être qui nous entoure, pour les reconnaître, les vénérer, et c'est cela la politesse...
Dans notre règle, Saint Benoît nous donne un code de politesse dans l'attitude des frères les uns envers les autres : il veut justement que le jeune moine ait ce respect, cette vénération de l'ancien, de cet ancien qui a vécu longtemps sous le joug du Seigneur, qui a acquis tout un tas de mérites et tout un tas d'expériences des voies spirituelles. Il demande que l'on se mette à son école et que, lorsqu'il passe, le jeune frère se lève et lui cède la place, qu'il le vénère, qu'il le salue. Il demande que l'on se s'appelle jamais par son seul prénom, mais qu'on le fasse précéder d'un terme de révérence, de respect : frère, pour les plus jeunes, et "nonni", qui était une expression employée par les moines d'Egypte et qui exprimait, dit St Benoît, la révérence, pour l'ancien. C'est tout autre chose, cela ! Que dire alors de la vénération, de l'adoration de Dieu ?
Le manque de politesse qui provient du refus de reconnaître à nos frères une supériorité quelconque, est vraiment un péché contemporain.
Il n'est pas simplement le fait des individus, il est aussi le fait de la collectivité et, ce qui est encore plus scandaleux, le péché d'une portion, bien grande, de notre Eglise, quand aujourd'hui on prétend découvrir l'Evangile et que l'on prétend que tout ce qui a été dit avant nous par nos prédécesseurs est faux : " Ils n'ont rien compris ! ils n'ont pas compris que tout cet Evangile, C'était des images, c'était des mythes mais nous, au 20ème siècle, avec la science que nous avons!..." Et alors, c'est le mépris pour tous ceux qui nous ont précédés... Même ces chrétiens qui ont lutté pour le Christ jusqu'au sang, ces martyrs, ces saints, ces héros du christianisme... ils disparaissent du calendrier ! On hausse les épaules d'une façon un peu apitoyée quand on apprend qu'à la génération précédente on s'est imposé tant de renoncements, tant de pénitences et que l'on croyait tellement que le Seigneur avait des exigences... On en rit ! Ah ! ah ils se sont trompés ! quel mépris ! quel orgueil ! quelle autosatisfaction !
Ce n'est pas l'esprit chrétien, ce n'est pas l'esprit de Dieu ! Déjà, même dans l'Ancien Testament, quelle vénération on avait pour les Ancêtres : Abraham, Isaac, Jacob ! C'était des personnages pour les juifs et ils en étaient fiers ! C'était " leurs saints à eux ". Et ils essayaient d'être des descendants qui ne soient pas trop dégénérés !
Aujourd'hui, nous n'en sommes plus là ! Là encore, c'est un péché d'orgueil : on va bousculer tous ceux qui nous ont précédés ... Allez, hop ! à nous la première place ! Quel scandale !
Je ne voudrais pas trop prolonger cet entretien, mais il y aurait aussi à souligner ce désintéressement que Jésus demande :
Si tu invites ceux qui vont t'inviter, la politesse
te sera rendue : ce n'est pas bien malin.
Si tu salues ceux qui te saluent : ce n'est pas bien difficile.
Si tu es bon pour ceux qui seront bons, si tu prêtes à celui qui te rendra : ce n'est pas difficile non plus. Mais... donner à ceux qui ne pourront pas te rendre : ça, c'est quelque chose !
Seulement attention ! Nous devons certes être pour le dévouement gratuit et ne pas attendre de reconnaissance, mais... il ne faut pas que notre dévouement encourage le " sans-gêne ". Il faut que celui qui croit que tout lui est du tombe sur un bec quand il s'adresse à nous. Parce que, si nous rentrons dans son jeu, nous l'encourageons dans son vice, dans son égoïsme, et dans ce cas nous sommes complices avec lui dans ce péché. Non ! il y a des limites : quand quelqu'un se croit tout permis, quand quelqu'un veut s'imposer, quand quelqu'un veut écraser les autres, quand quelqu'un est tout à fait "sans-gêne", prenez l'exemple de l'Evangile d'aujourd'hui : le Maître arrive et lui dit : " Mon petit gars, ce n'est pas ta place ici ... allez, hop ! au dernier rang !" Il se croyait tout permis, lui ! il est "tombé sur un bec" ! Et Jésus dit : c'est la même chose qui vous arrivera si vous avez le même orgueil, le même toupet
Alors, dévouement : tout à fait d'accord, dévouement gratuit : très bien, mais jamais ne se mettre au service, jamais devenir le larbin d'un type ou d'une personne qui est sans-gêne ! Ne pas accepter cela.
Voilà, mes frères, ces quelques mots aujourd'hui. C'est tellement formidable quand on vit l'esprit chrétien. Cette politesse, cette vénération, cette reconnaissance de nos supériorités réciproques, cette façon de traiter avec un souverain respect cette image de Dieu que j'ai devant moi : on doit se prosterner devant elle, dit St Benoît.
Peut-être pourrions-nous prendre cette résolution pour cette semaine : politesse, d'abord envers Dieu. Ne pas oublier de Lui dire bonjour et bonsoir. C'est de la politesse. Il y a aussi ce "merci" pour Lui quand il nous arrive quelque chose qui nous donne de la joie : c'est encore de la simple politesse Nous ne devons pas oublier la politesse envers Dieu !
Et puis envers nous. Pourquoi ne serait-ce pas une des caractéristiques de notre communauté : cette délicatesse les uns envers les autres, ce respect les uns des autres, cette salutation réciproque dans laquelle on exprime toute une vénération ? Ce serait formidable !
Et puis ensuite, notre dévouement sans compter, mais sans encourager tout de même le sans-gêne et l'égoïsme ...