Année C – 25ème dimanche ordinaire


Retour au menu 

 

SOMMAIRE DE L'HOMELIE

Par le biais de cette parabole, Jésus nous accuse de détournement de fonds...

C'est bien de cela, en effet, dont s'est rendu coupable cet intendant...

St Luc, évangéliste de la miséricorde, est aussi celui des relations entre riches et pauvres...

Nous allons d'un excès à l'autre  :

- Autrefois on disait que "la religion n'avait rien à voir avec les affaires "...
- Aujourd'hui beaucoup ramèneraient la religion du Christ à la suppression de l'exploitation des uns par les autres dans le domaine des "affaires".

Par cette parabole, Jésus nous rappelle que nous ne sommes que les "intendants' et non les propriétaires, des dons et talents que Dieu nous a donnés gratuitement pour les autres (cf. St Paul ... St Pierre).

Or nous sommes portés à nous en croire les propriétaires qui peuvent en disposer comme bon leur semble...

1°) Le paresseux, qui ne fait pas valoir ses dons, considère qu'ils lui" appartiennent et qu'il peut les faire valoir ou les laisser dormir... il frustre les autres...

2°) L'économie actuelle est entièrement basée sur cette méprise... On trouve normal, non seulement de payer au chanceux le travail fourni autrefois par ses études et maintenant par l'exercice de sa fonction, et de le rembourser des frais jadis engagée..., mais encore de payer son intelligence supérieure ou ses grandes capacité...

Le chrétien, au nom de la révélation qu'il a reçue, doit réagir là contre...

- en essayant de faire évoluer les mentalités dans ce sens...
- en attendant, en reversant à ceux que ce système appauvrit la part qu'il peut considérer comme le paiement des dons qu'il a reçus gratuitement et pour les autres...

L'autre conclusion que Jésus nous demande de retirer de sa parabole, c'est que les fils de la lumière doivent être aussi malins, aussi entreprenants, aussi courageux et généreux que les "fils de ce monde"...

Que de fois ces derniers nous donnent de bonnes leçons...


HOMELIE

 

MES FRERES, JE SUIS CATASTROPHÉ!...

On nous accuse de détournement de fonds  ! ... et ce qui me bouleverse le plus, c'est le fait que Jésus Lui-même porte contre nous cette accusation !

Dites-moi pourquoi, autrement, nous raconterait-il cette parabole de l'intendant infidèle ? Pourquoi nous la raconterait-il si nous n'étions pas concernés ?

Or, cet intendant, c'est bien de détournement de fonds qu'il s'est rendu coupable. L'argent dont dispose cet intendant ne lui appartient pas : c'est l'argent de son Maître. Son rôle est de le gérer, de le faire valoir, d'en faire profiter ceux pour lesquels il lui a été confié. L'intendant est malhonnête s'il ne gère pas cet argent, ce capital, "en bon père de famille " selon l'expression consacrée, s'il le gaspille ou s'il s'en sert à son profit personnel, contrairement à l'intention de son Maître. C'est ce que faisait cet économe. D'une part il gaspille la fortune de son Maître, d'autre part il se concilie les bonnes grâces des débiteurs de celui-ci en leur faisant des "cadeaux" sur le dos de son patron : " Voici ta lettre de reconnaissance de dette, écris cinquante barils d'huile au lieu de cent, écris quatre vingt sacs de blé au lieu de cent  !" ... Voilà bien un détournement de fonds que cet intendant fait à son profit...

St Luc est par excellence l'évangéliste de la pauvreté, comme il est celui de la miséricorde. Et de même que dimanche dernier la liturgie nous proposait 3 paraboles de miséricorde  : la brebis égarée, la pièce de monnaie perdue et l'enfant prodigue, de même à la parabole de l'intendant infidèle que nous lisons aujourd'hui, fera suite celle du pauvre Lazare et du mauvais riche que nous lirons dimanche prochain.

Comme il nous est difficile, mes frères, de rester dans le juste milieu. Il fut un temps, en effet, où l'on pensait que " les affaires, c'était les affaires " et que ni la religion, ni la morale n'avait rien à y voir, et bien des chrétiens pactisaient avec cette façon de voir. Leur religion, leur pratique religieuse elle-même, n'avait guère de répercussion sur la façon de mener leurs affaires. On a voulu réagir, et on avait bien raison, mais, comme il arrive souvent, en voulant réagir on est tombé dans l'excès opposé. Aujourd'hui, à entendre certains, on pourrait presque croire que l'Evangile est un livre d'économie politique ! Certains essaieraient de faire croire que la libération apportée par Jésus-Christ se borne à une libération temporelle, se borne à supprimer l'exploitation des uns par les autres au point de vue matériel... A les entendre, Jésus serait le premier des socialistes ! Ce serait bien peu  ! A ce compte là, Jésus n'aurait guère élargi notre horizon qui resterait borné au monde matériel et temporel.

La vérité, là encore, se situe entre ces deux excès et l'Evangile de ce jour le dit très clairement.

Que nous dit donc le Seigneur Jésus dans cette parabole ?

D'abord Il nous rappelle une vérité que nous aurions tendance à oublier : nous ne sommes que les intendants des biens que Dieu nous a confiés, nous n'en sommes pas les propriétaires qui pourraient en user comme ils l'entendent.

Au risque de rabâcher - mais on ne le fait jamais assez dans un domaine où nous sommes particulièrement durs d'oreille - c'est le lieu de rappeler ce que nous dit St Paul (1ère Epître aux Corinthiens, ch.12,v.7) : les dons, les talents que Dieu nous a donnés gratuitement (c'est le sens exact du mot "charisme" employé par l'Apôtre), ces dons, ces talents, Dieu nous les a donnés "pour les autres, en vue du bien commun..." Aussi St Pierre dans sa première lettre (ch.4, v. 10) demandait aux premiers chrétiens de savoir s'accueillir, mettant chacun au service des autres le don gratuit (reçu de Dieu), comme de bons intendants (c'est le mot qu'il emploie), des multiples grâces (c'est-à-dire. des multiples dons gratuits) reçues de Dieu."

Mes frères, ces biens que Dieu nous avait donnés, qu'Il nous avait confiés pour les autres, ne les avons-nous pas détournés à notre profit ? Nous n'en étions que les intendants, nous nous en sommes faits les propriétaires, pensant, feignant plutôt de penser que nous pouvions en disposer à notre guise et à notre profit personnel ...

Comment cela ?

Tout d'abord remarquons que c'est déjà un détournement de fonds quand le détenteur de ce capital ne le fait pas valoir. Cela suppose, en effet, qu'il s'en considère comme le propriétaire qui peut en faire ce qu'il veut : le cultiver ou le laisser dormir. Alors que, je le répète une fois encore, ce capital lui a été donné pour en faire "profiter" les autres qui se trouveront frustrés si le détenteur le laisse dormir. Rappelez-vous la parabole des talents : le maître, le propriétaire se sent frustré par celui qui, n'ayant reçu qu'un talent, ne l'a pas fait valoir, mais l'a enfoui dans un coin du jardin...et il se fâche.

Les propriétaires de ces talents, de ces dons gratuits qui nous ont été confiés, ce sont les autres, notre prochain. Nous le frustrons, nous aussi lorsque nous ne les faisons pas valoir, quand nous les laissons dormir. J'allais dire que nous frustrons. aussi le Maître, le Seigneur. Ces dons, ces capacités, Dieu nous les avait donnés pour qu'il y ait sur cette terre telle ou telle amélioration. Si nous ne les faisons pas valoir, son intention ne sera pas réalisée et ainsi par notre faute, il y aura un "manque", un trou dont nous serons responsable; parce que nous n'aurons pas fait valoir au maximum ce talent que Dieu nous avait confié dans ce but...

Il est important de nous redire cela au début de cette reprise du travail, au début de cette année scolaire. Les paresseux ont-ils conscience qu'ils volent les autres en ne. faisant pas valoir, en ne développant pas les talents, les capacités que Dieu leur a donnés pour les autres ? Eux aussi sont coupables de détournement de fonds puisque leur attitude montre qu'ils pensent pouvoir disposer à leur guise da ces talents; puisqu'ils ne respectent pas l'intention pour laquelle Dieu les leur a donnés.

J'ajouterai surtout que toute l'économie actuelle est basée sur cette méprise que les dons, les talents, les capacités que nous avons la chance d'avoir, nous appartiennent en pleine propriété alors qu'en réalité nous n'en sommes que les intendants.

Je m'explique :dans notre économie actuelle, on considère comme très normal que ces dons, ces talents que nous avons reçus sans aucun mérite de notre part, par pure chance, ces dons, ces talents que nous avons reçus gratuitement de la Nature (et donc en définitive de Dieu Lui-même) pour l'utilité des autres, pour en faire profiter les autres, pour les mettre à leur service selon ce que nous enseigne la doctrine chrétienne, dans notre économie actuelle, dis-je, on considère comme très normal que nous nous les fassions payer lorsque nous en faisons profiter les autres, contrairement à ce que le Christ nous a dit : " Ce que vous avez reçu gratuitement, donnez-le gratuitement !" (St Matthieu, ch.10,v.8), consigne qui, si on y réfléchit bien, n'est au fond qu'une consigne de justice. De quel droit nous ferions-nous payer une chance que nous avons ? Comment mériterions-nous quelque chose, quelque argent que ce soit parce que nous faisons profiter les autres d'une chose qui nous a été donnée "pour eux" ? Avouez qu'il est même bien peu de chrétiens qui se sentent redevables vis-à-vis de leurs frères de leurs dons et de leurs talents ... Qui, parmi les chrétiens, reconnaît que ses frères ont un droit sur ce capital dont ils ont, si je puis ainsi dire, "la nue propriété", mais dont l'exploitation, l'usufruit doit profiter aux autres ? Se considérant comme propriétaires à part entière de ces dons reçus gratuitement, ils prétendent les faire valoir à leur profit personnel donc, si les autres veulent en profiter, qu'ils les paient, ces talents. Et c'est ainsi que les bien nantis au point de départ, non seulement vont le rester toute leur vie, mais peuvent améliorer de plus en plus leur condition C'est ainsi que " l'argent fait des petits ". Et voilà pourquoi Jésus, dans cette parabole, donne à l'argent ce qualificatif de malhonnête ou d'injuste.

J'entends les récriminations de plusieurs  : c'est bien le détenteur de ce capital reçu gratuitement, il est vrai, qui l'a fait fructifier par son travail cette intelligence qu'il a reçue, sans mérite de sa part en effet et par pure chance au point de départ, c'est bien lui qui, par son travail, ses études, l'a développée ! S'il est parvenu à une situation intéressante, d'accord, il le doit en partie à ses études : c'est vrai ... Qu'on l'indemnise des frais qu'il a dû engager pendant ce temps d'études  : cela est on ne peut plus juste. Qu'on lui paie maintenant le travail qu'il fournit quand il exerce sa fonction : là encore c’est stricte justice... Mais, mais, est-il bien sûr que dans ses honoraires ou son salaire n'entrent en ligne de compte que ces éléments ? Ne lui paie-t-on aussi son intelligence, ses capacités ? ... Ne trouve-t-on pas, sans l'avouer peut-être, qu'il est très normal que quelqu'un de plus intelligent, de plus doué que les autres, ait un standing de vie meilleur, qu'il ait plus d'aisance que celui qui n'a pas eu cette chance au départ ?...et c'est là que le bât blesse... Sans doute il est difficile, dans les honoraires ou salaires qui ont cours, de faire la part de ce qui peut !être considéré comme rémunération du travail fourni dans le passé (par les études) et dans le présent (dans l'exercice de la fonction), de faire la part de ce qui peut être considéré comme remboursement des frais engagés pendant la durée des études et de ce qui peut être considéré comme un "paiement" (vous sentez comme l'expression elle-même choque !), comme un paiement de l'intelligence ou de la capacité ... Si tout cela est bien difficile à chiffrer, il n'empêche qu'actuellement ce paiement de l'intelligence et de la capacité entre assurément en ligne de compte, et qu'un chrétien ne peut pas ne pas considérer que c'est indûment, d'après tout ce que la révélation nous dit à ce sujet. Cela suffit pour que le chrétien se sente obligé de tout faire pour que cette optique chrétienne entre dans les mœurs et, en attendant, cela suffit pour qu'il se sente obligé pour sa part de rétablir l'équilibre de la justice réclamée par sa foi en donnant à ceux qui sont appauvris, qui sont frustrés par le système économique actuel, du fait qu'on leur fait payer une chose qui a été donnée au chanceux, pour eux, pour qu'il la leur transmette. Si le chrétien ne le faisait pas il serait donc un intendant malhonnête, coupable d'un détournement de fonds , et c'est pourquoi Jésus dans cette parabole nous dit " Avec la part de richesse qui est malhonnête, injuste, faites-vous des amis qui vous accueilleront dans les demeures éternelles !" En d'autres termes, ce rétablissement de la justice et de l'équité vous sera compté pour l'éternité, quand le malhonnête argent ne sera plus d'aucune utilité.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur la deuxième conclusion que Jésus veut que nous tirions de sa parabole : " Les fils de ce monde sont souvent plus habiles (plus astucieux, plus entreprenants) que les fils de la lumière." Nous pouvons le constater tous les jours...

Que ne ferait pas n'importe quel parti politique s'il disposait d'autant de centaine de milliers de gens à plein temps qu'en possède l'Eglise avec tous ses prêtres, ses religieux et religieuses ! Je sais bien qu'il est plus facile de faire œuvre politique qu'œuvre religieuse : celle-ci atteint un niveau autrement plus profond et demande autrement de renoncements, c'est vrai, mais on peut se demander tout de même si, chez nous, il n'y a pas un certain gaspillage d'énergie, un certain gâchis qui provient peut-être d'un manque d'organisation et de coordination ... ! Un point encore sur lequel nous avons à nous examiner, au niveau paroissial tout au moins ...

Combien souvent les militants de tel ou tel parti nous en remontrent au point de vue générosité, emballement pour leur cause, au point de vue courage. Quand on voit, par exemple, la foi, le courage des témoins de Jéhovah qui parcourent Rungis le dimanche matin, en particulier, pour propager leur doctrine, qui, à notre point de vue est pourtant une erreur, j'ai eu l'occasion de vous le montrer, nous pourrions peut-être bien en "prendre de la graine", si je puis dire, pour porter nous aussi, avec plus de discrétion sans doute, mais avec le même enthousiasme, le même courage (il en faut parfois pour aborder les gens) le témoignage de notre foi, la connaissance de l'Evangile authentique...

Ne soyons pas des intendants malhonnêtes en détournant à notre profit ce qui nous a été donné par le Seigneur pour les autres.

Que notre vie, que notre façon de vivre, même dans ce domaine de l'argent et des affaires, pose question autour de nous, et alors, n'ayons pas peur de porter notre témoignage en expliquant avec enthousiasme et ferveur ce qui motive notre façon d'agir...

Haut de la page