Année C – 26ème dimanche ordinaire


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

Paraphrase de la parabole du mauvais riche...

Cette parabole évoque celle du jugement dernier en St Matthieu (ch.25,v.31-46) où ceux qui n'auront pas secouru leur prochain sont condamnés à l'enfer...

Elle évoque aussi la scène du jeune homme riche... avec la déclaration du Seigneur sur la difficulté pour un riche d'entrer dans son Royaume...

S'il serait erroné de ramener le salut du Christ à un salut purement matériel et temporel... le changement de cœur et de mentalité que vise avant tout Jésus aboutit à rétablir l'équilibre dans les situations matérielles...

- La consigne du Seigneur : reverser aux pauvres le produit du vol...
- Exemple des premiers chrétiens... pas d'indigents parmi eux...
- St -Paul, quêtant pour tes frères de Jérusalem qui sont dans le dénuement par suite de la persécution, demande qu'entre chrétiens il y ait " l'égalité "...
- Jésus, pour rétablir l'équilibre des situations, ne mise pas sur une révolution mais sur un changement des coeurs, sur la charité...

Créer chez nous un groupe qui ait pour objectif principal l'accueil des nouveaux venus, mais aussi l'attention aux pauvres qui sont chaque jour à notre porte ... ne serait-ce que par la télévision...

Ce groupe serait chargé d'entretenir constamment ce souci au sein de la Communauté.

Jésus a fait dépendre notre salut éternel du salut temporel apporté à notre prochain...


HOMELIE

 

"MESSIEURS ET DAMES, S'IL VOUS PLAIT, POUR L'AMOUR DE DIEU, UN PETIT SOU
un petit sou, Messieurs et Dames, s'il vous plaît  !"

Le pauvre Lazare ! Ce n'était pas sa faute s'il était pauvre il était malade, couvert de plaies, il ne pouvait trouver du travail et il avait faim !

Or il avait entendu dire que ce jour-là le riche propriétaire du bourg donnait une réception, alors il s'était dit : " Je vais y aller ! et peut-être que ces beaux messieurs et ces belles dames me donneront quelque argent... Je pourrai peut-être ne pas mourir de faim..."

Il se traîne jusqu'au portail du riche ... Les gens défilent, les invités arrivent... " Un petit sou, messieurs et dames, pour l'amour de Dieu, je vous en prie ... je meurs de faim  !"

Mais en voyant ce pauvre hère couvert d'ulcères, ils ont un mouvement de répulsion, on s'écarte et il ne reçoit rien. Et peut-être qu'une fois montés à l'étage, peut-être lorsqu'ils se trouveront là-haut dans la belle salle du festin, plusieurs de ces invités feront quelque reproche à leur hâte : " Comment laissez-vous à l'entrée de votre demeure quelqu'un de si répugnant !"

Le pauvre homme ne se décourage pas : "Bah ! qui sait ? peut-être tout à l'heure quand ils sortiront de ce festin, ces gens se montreront plus généreux je vais rester  !" Et il s'assoit sur le trottoir avec son brave chien, son ami fidèle, qui léchait ses plaies comme pour le soulager et le consoler, la brave bête !...

Là-haut dans la grande salle on faisait un grand banquet : on mangeait, on buvait, on chantait, on dansait, on faisait la fête...

La nuit passe, le jour commence à poindre. Le mendiant était toujours là, tremblant de fièvre et de froid, mourant de faim. Enfin, ça y est : la fête prend fin. Tout le monde sort. On descend, on est pressé. Cette fois on ne fait même pas attention que le malheureux est toujours là, tendant la main, suppliant que l'on aie pitié de lui. Tout le monde est parti ...

Mais là-haut dans la salle il y a les serveurs et les servantes qui rangent tout. " Peut-être eux, seront-ils plus charitables ! peut-être accepteront-ils de me donner les reliefs du festin, quelques restes, ne serait-ce qu'un croûton de pain !". Et le pauvre Lazare gravit péniblement les marches. Il entrebâille la porte. Oh ! que c'était beau : la salle était encore toute illuminée et une nuée de domestiques étaient en train de desservir les tables. " Oh! oh! regarde le clochard !" - " Je vous en prie, donnez-moi un petit croûton, un os comme à mon chien ... que nous ne mourions pas de faim !" - " Hélas ! non, nous ne pouvons pas ! le maître a dit qu'il ne fallait rien te donner, il a peur que tu reviennes tous les jours et que ses amis lui fassent des reproches. Non, non ! nous ne pouvons rien te donner, s'il l'apprenait, tu nous ferais mettre à la porte. Je t'en prie, va-t-en, va-t-en, je t'en prie, repars !"...

Le pauvre malheureux n'insiste pas. Il a pitié de ces domestiques, il ne veut pas risquer de leur faire perdre leur place. Il sait, lui, ce que c'est que de ne pas avoir de travail. Il redescend, découragé, tout triste. Le voici à nouveau dehors sur le trottoir. Dehors, c'est la nuit, dehors, c'est le froid. Il grelotte ; couché sur ses pieds, son brave chien n'arrive pas à le réchauffer...

Pendant ce temps, le monsieur qui a donné ce bon dîner et qui a si bien reçu ses invités, est allé dormir dans un bon lit. Lui, il a bien chaud ... il a bien bu, il est tout rouge, écarlate ... Ouf ! ouf ! il étouffe, il n'en peut plus... congestion cérébrale... il meurt !

Au même moment dans la rue, le pauvre Lazare, épuisé, affamé, rongé par la maladie, dans la rue, le pauvre Lazare, lui aussi, est mort, mort de faim, mort de froid ... Et le gros et le maigre, et le riche et le pauvre paraissent ensemble devant Dieu !

Vous avez entendu la sentence "Toi, Lazare, viens avec Abraham, le père des croyants, viens dans la béatitude  !...et toi, le riche, va en enfer !"

Nous sommes choqués, mes frères. Après tout, ce riche, il n'a pas fait de mal à ce pauvre. Il l'a ...oublié, il ne s'est pas occupé de lui, tout au plus l'a-t-il méprisé. Et, c'est le Seigneur qui le dit, et nous ne pouvons pas changer ses paroles : cela lui mérite l'enfer !

Au fait, cette parabole du Seigneur ressemble étrangement à celle qui clôture les discours de Jésus-Christ dans l'Evangile de St Matthieu. Le dernier discours du Seigneur, la dernière parabole du Seigneur avant d'entrer dans sa Passion, c'est cette parabole que nous connaissons par cœur : " J'avais faim, J'avais soif, J'étais dans le dénuement, J'étais prisonnier, J'étais malade, vous ne m’avez pas secouru, allez, maudits .... au feu éternel !" (St Matthieu, ch.25, v.31-46). La même condamnation pour des gens qui ne s'occupent pas des autres ils ne leur font pas de mal ... ils ne s'en occupent pas ! Nous avions donc bien raison lorsqu'à la porte de notre église nous avions affiché : " C'est un péché mortel de ne pas s'occuper des autres quand ils sont malheureux... Jésus l'a dit explicitement puisqu'Il a dit que cela méritait l'enfer !"

Ces passages de l'Evangile nous font aussi revenir en mémoire la scène de ce jeune homme plein de vitalité qui voulait vivre "à bloc" et qui vient demander à Jésus son secret pour vivre éternellement ! Jésus lui a répondu : " Observe mes commandements ! " Et le jeune homme de riposter  : " Je le fais depuis ma naissance, j'ai appris à le faire sur les genoux de ma mère !" - " Ah ! si tu veux faire mieux, alors vends tout ce que tu as, donne le aux pauvres et puis, viens avec moi, nous allons prêcher l'Evangile !" (cf. St Matthieu, ch.19,v.16-22). Et vous savez que le pauvre jeune homme est reparti tout triste. Les Apôtres étaient tout décontenancés  : ils avaient tellement espéré que ce gars, qu’il avait l'air si généreux, allait être un candidat de plus, une nouvelle recrue qui allait venir les aider à prêcher l'Evangile, et ... il s’en va : " Seigneur, pourquoi" ? "Il a de grands biens et " Il est difficile à un riche de rentrer dans mon royaume ! Il est plus facile de faire passer à travers le trou d'une aiguille un de ces gros câbles avec lequel ces pêcheurs du lac amarrent leur barque, que de faire rentrer un riche dans mon royaume ! " – " Mais alors, Seigneur, qui pourra donc être sauvé  ? " Et Jésus : "C'est impossible aux hommes, mais tout est possible à Dieu !". Cela va loin...

Nous l'avons dit, mes frères, il serait tout à fait inexact de prétendre que la libération que Jésus-Christ nous apporte est une libération purement matérielle, qu'il s'agit seulement de restaurer ici-bas un règne de justice matérielle, temporelle, que Jésus est le premier des économistes : ce n'est pas vrai. Et nous avons vu qu'il vise plus loin, le Seigneur : le changement du cœur c'est plus difficile, mais c’est plus solide.

Il n'empêche que, comme conséquence de ce changement du cœur, le Seigneur exige qu'il y ait un équilibre au point de vue des richesses matérielles. Le Seigneur exige qu'il y ait entre les hommes cet esprit de charité, cet esprit de fraternité, cet esprit de famille, de la famille de Dieu ! et voilà pourquoi Il demande que l'on rétablisse l'équilibre financier qui a pu être troublé par le simple jeu des forces économiques.

Voilà quelqu'un qui gagne plus qu'il ne lui en faut, qui peut "mettre de côté" et ce qu'il aura "mis de côté" va encore "faire des petits", va encore rapporter des intérêts, de l'argent, et voilà par contre un pauvre homme qui, lui, bien souvent sans que ce soit de sa faute, ne gagne que juste ce qu'il lui faut pour vivre et pour faire vivre sa famille : il ne peut pas "mettre de côté". Il y a là un déséquilibre et Jésus veut que l'on rétablisse l'équilibre...

Une fois, Jésus avait été invité chez un Pharisien et il y voyait les gens astiquer de leur mieux les plats pour les faire briller. Jésus leur dit : " Vous êtes malins, tiens, d'astiquer ainsi ces plats à l'extérieur, alors que ce que vous allez mettre dedans est le fruit du vol, de la rapine et l'aliment de votre intempérance. Si vous voulez que tout soit pur, versez de contenu du plat aux pauvres et tout sera purifié" (cf. St Luc, ch. 11,v.39-42).

Voilà le conseil, voilà le commandement que le Seigneur nous donne : rétablir l'équilibre, c’est-à-dire ce que nous recevons de trop par suite du jeu de l'économie actuelle, nous devons nous sentir obligés, nous chrétiens, de le donner à ceux qui ont été appauvris par le jeu de ces lois de l'économie actuelle.

Voyez la pratique de cette consigne du Seigneur dans la façon de faire des premiers chrétiens qui mettaient tout en commun et qui se glorifiaient de ce que chez eux il n'y avait aucun indigent parce que l'on donnait à chacun selon ses besoins.. Les Actes des Apôtres nous le disent (cf. ch.4,v.34) et lorsque St Paul fait la quête dans les diverses communautés chrétiennes au profit des frères de Jérusalem qui sont dans la gêne, il dit – je le rappelle une fois encore – : "Je ne vous demande pas de vous mettre vous-mêmes dans la gêne, dans la pénurie, pour aider vos frères, mais je vous demande de rétablir l'équilibre, que votre superflu d'aujourd'hui comble leur déficit, pour que le jour où vous serez dans la difficulté, leur superflu puisse vous venir en aide. Ce que je demande - il le répète par deux fois - c'est que règne entre-vous l'égalité.", une égalité qui vienne d'un cœur fraternel, une égalité qui n'est pas automatique, qui n’est pas du "tout cuit", mais qui se construit avec la charité, avec de l'amour ; c'est à quoi doivent s'engager les chrétiens (cf. 2ème aux Corinthiens, ch.8,v.13-16).

Pour établir sur cette terre cette justice sociale, on nous propose deux moyens. Un moyen proposé couramment : faire une révolution. Une révolution ! la plupart du temps elle ne se fait pas sans du sang versé et, on en a l'expérience après tant d'essais, une révolution n'aboutit pas à grand chose : simplement les exploités deviennent les exploiteurs et c'est sans cesse à recommencer. Jésus, Lui, croit à un tout autre moyen. Il croit à la contagion de l'exemple. Si déjà entre nous, chrétiens, nous pouvons vivre d'une vie fraternelle qui aille jusqu'au partage des biens matériels auxquels on tient d'habitude tellement âprement, il est probable que cela portera un témoignage et que nos communautés chrétiennes seront déjà comme une maquette de ce à quoi nous voudrions aboutir dans la société toute entière...

C'est pourquoi au début de cette année nouvelle, je voudrais, mes frères, que nous puissions créer ici un groupe de chrétiens (et on embauche pour cela toutes les bonnes volontés), un groupe de chrétiens dont l'objectif serait double : d'abord faite attention à l'accueil. De plus en plus il y a des gens qui viennent de l'extérieur chez nous, mais qui ne s'intègrent pas dans la communauté parce qu'ils ne connaissent personne. Il faudrait qu'il y ait quelques chrétiens qui se donnent comme but, comme objectif, de repérer ceux qui ont l'air d'être un peu dépaysés pour les mettre à l'aise, pour les mettre en contact avec d'autres personnes qui sont de la même ville, du même quartier, et qu'ainsi des liens se tissent et que personne ne reste en dehors. Ceci me semble capital !

Et puis ce que je demanderais encore à ce groupe de chrétiens, c'est d'être attentionnés à tous ceux qui peuvent se trouver dans le besoin : besoin de soutien moral, ou de soutien financier, ou de soutien quel qu'il soit. Le Lazare, il est à notre porte et bien souvent nous ne le voyons pas ! Pour nous ouvrir les yeux, il ne suffit pas d'en parler de temps à autre à toute la communauté on le fait déjà, mais ça s'oublie!... Il faut qu'il y ait quelques chrétiens qui prennent cela à cœur, qui en fassent leur objectif et qui nous le rappellent sans cesse, pour que ce souci finisse par pénétrer dans la communauté toute entière. Alors on arrivera, je crois, à quelque chose de très concret et qui durera.

Voilà notre programme, mes frères  ! Voyez comme est formidable notre Evangile. Si on le prend tout entier, eh bien ! tout rentre dedans. Il est sûr que l'économie, il est sûr que les problèmes financiers y sont inclus. Ce serait une idiotie, ce serait une contrevérité de dire qu'il n'y a que ça dans l'Evangile : ce n'est pas vrai du tout, mais ça y est tout de même, et ça y est comme une conséquence d'un changement du cœur, d'une charité, d'un amour fraternel !

Ca, c'est quelque chose ! Ce n'est pas un impôt, quelque chose que l'on ferait par amour ... pas parce qu'on y est forcé, mais quelque chose de spontané qui suppose l'amour...

Nous allons demander au Seigneur de tout notre cœur de nous donner cet amour, cette charité réelle, efficace  ! Pensons aujourd'hui à tous ceux qui sont ainsi oubliés, méprisés, et qui souffrent. Jésus fait dépendre notre salut éternel - nous venons de l'entendre une nouvelle fois - de notre sollicitude pour eux.

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