Année C – 30ème dimanche ordinaire


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus remerciait Dieu, comme ce Pharisien, de n'être pas tombée dans telles ou telles fautes...

MAIS :

- Elle était sincère, elle reconnaissait qu'elle aurait été capable de les commettre si Dieu ne l'en avait préservée...

- Le Pharisien n'était pas sincère dans son remerciement à Dieu car il méprisait les autres ; il pensait au fond, dans son cœur, que s'il n'avait pas péché, c'est qu'il était d'une "autre essence" que les autres... (orgueil)

St Paul dans ses épîtres reconnaît lui aussi tout le bien qu'il a fait...

MAIS :

  - Il rappelle qu'il a été "blasphémateur et persécuteur de l'Eglise"... et que c'est à la grâce de Dieu qu'il doit être ce qu'il est devenu.

- Il reconnaît même qu’il y a en lui une double tendance  : il approuve certes la loi de Dieu mais, par ailleurs, il ressent en lui une tendance au mal dont il ne peut triompher que par la grâce de Dieu.

Nous :

- Supputons les grâces, les chances que Dieu nous a données et reconnaissons que nous leur devons d'être ce que nous sommes.
- Alors nous rendrons grâces à Dieu, nous aussi, mais de façon sincère.
- Demandons-nous si nous n'aurions pas pu mettre mieux à profit toutes ces grâces reçues...
- Et faisons "nôtre" aussi la prière du publicain.


HOMELIE

 

SAINTE THERESE DE L'ENFANT JESUS SERAIT-ELLE UNE PHARISIENNE ? ...

Vous avez entendu ce que Jésus disait du Pharisien dans cette parabole et vous vous rappelez peut-être ce que je vous disais, il y a quelques dimanches, en parlant de l'humilité : que Sainte Thérèse de L'Enfant Jésus attribuait à la miséricorde divine le fait de n'être pas tombée dans telles ou telles fautes que les autres commettaient autour d'elle et elle en rendait grâce à Dieu.

N'est-ce pas ainsi qu'agissait ce Pharisien  ? : " Mon Dieu, je Te rends grâce de ce que je ne suis pas comme les autres hommes : voleurs, injustes, adultères, ou encore comme ce publicain !" Lui aussi, "il semble bien" remercier le Seigneur de ce qu'il n'est pas tombé dans toutes ces fautes !

Alors... Sainte Thérèse, qui connaissait assurément cette parabole du Seigneur, adopterait-elle l'attitude que Jésus a condamnée ?

Regardons-y de plus près.

Non, assurément, les doux attitudes ne sont pas les mêmes parce que l'une est vraie, sincère, et l'autre ne l’est pas !

Si ce Pharisien attribuait vraiment aux grâces, aux chances que Dieu lui a données, le fait de n'être pas tombé dans les fautes dans lesquelles tombent tant d'autres, il ne mépriserait pas ces autres comme il méprise, c'est évident, ce pauvre publicain. Il ne les mépriserait pas parce qu'il se sentirait capable de commettre les mêmes erreurs, les mêmes péchés s'il avait été à leur place et si Dieu ne l'en avait protégé...

Au contraire, incontestablement dans cette parabole, le Pharisien se met en avant ; il plastronne devant Dieu, il est fier de lui-même, il fait de l'auto-satisfaction : on ne peut être plus observant, plus pratiquant, plus juste que lui ... Il se met nettement au dessus des autres, il est d'une autre essence que les autres et en particulier d'une autre essence que ce pauvre publicain qui est au fond de l'église. Il ne se demande pas du tout ce qu'il aurait fait, lui, s'il avait dû exercer la même profession, si, lui aussi, il avait été collecteur d'impôts... Ne se serait-il pas laissé entraîner à la fraude et à commettre pas mal d'exactions ? Non cela il ne se le demande pas. Voilà l'orgueil.

Le publicain, lui, au contraire, se voit tel qu'il est devant Dieu : un pêcheur. Il sent en lui-même cette tare, cette attirance vers le mal... Il sait qu'il lui a cédé bien des fois et que, pour en triompher, il a besoin de l'aide de Dieu. Il est dans la vérité ; l'autre n'y est pas !

J'ai parlé de Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, mais je pourrais parler aussi de Saint Paul.

Nous avons entendu tout à l'heure dans la seconde lecture. Le voici arrivé au bout de sa course, il sait sa fin prochaine et prochain son martyre. Il n'hésite pas à reconnaître et à affirmer : " Je me suis bien battu, j'ai tenu jusqu'au bout de la course, je suis resté fidèle, il ne me reste plus qu'à recevoir la palme du vainqueur " ... et, plusieurs fois dans ses Epîtres, il fait état, ne serait-ce que pour se justifier devant ceux qui l'attaquent, de tout ce qu'il a fait. Voyez par exemple dans sa seconde lettre aux chrétiens de Corinthe l'énumération qu'il donne de tout ce qu'il a fait, de tout ce qu'il a enduré pour le Christ : les fatigues, l'emprisonnement, les coups, les dangers, les naufrages, les persécutions, la lapidation etc ... etc... (2ème Epître aux Corinthiens, ch.11, v.23-33), si bien qu'il pense ne le céder en rien à ces "archi-apôtres" qu'on lui oppose ! (v.5) ; s'ils prétendent être les Ministres du Christ, il l'est lui autant qu'eux et même plus qu'eux puisque pour Lui il a souffert davantage (v.23).

Mais en même temps il reconnaît que ce qu'il est devenu, il l'est devenu par là grâce de Dieu, alors qu'autrefois il n'était qu’un blasphémateur et un persécuteur de l'Eglise.

Dans la première lettre aux Corinthiens (ch.15,v.9-10), il reconnaît :

" Au fond, je ne suis qu'un avorton et le moindre des Apôtres ; je ne mérite même pas le nom d'Apôtre parce que j'ai persécuté l'Eglise de Dieu...", mais il ajoute  : " C'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis, et sa grâce en moi n'a pas été stérile. Loin de là, j'ai travaillé au contraire plus qu'eux tous, oh ! non pas moi, mais la grâce de Dieu qui est avec moi !".

Et aux chrétiens de Galatie il dit de même : " Vous avez assurément entendu parler de ma conduite dans le judaïsme, de la persécution effrénée que je menais contre l'Eglise et des ravages que je lui causais..." et il ajoute de même que C'était la grâce de Dieu qui l'avait appelé... (Galates, ch.1,v.13-15).

De même dans sa première lettre à Timothée : "Je rends grâce à celui qui m'a donné la force, le Christ-Jésus, Notre Seigneur ... qui m'a appelé à son service, moi qui naguère étais un blasphémateur, un persécuteur, un insulteur... Mais il m'a été fait miséricorde ... et la grâce de Notre Seigneur a surabondé en moi ... Le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs dont je suis, moi, tout le premier." (lère Epître à Timothée, ch.1,v.13-14).

En voilà un qui est dans le vrai, qui reconnaît le vrai : ce qu'il était et ce qu'il est devenu par la grâce de Dieu !

Il ne fait pas de complexe de fausse humilité, ni d'orgueil. Il reconnaît du reste toutes les mauvaises tendances qu'il ressent en lui. Je me permets de vous citer encore un passage, cette fois un passage de sa lettre aux chrétiens de Rome (ch.7, v.14... 25) : "... Je suis un être de chair, vendu au pouvoir du péché. Vraiment je ne comprends pas : je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je hais ... je sais que nul n'habite en moi, je veux dire dans ma chair, en effet vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l'accomplir : puisque je ne fais pas le bien que je veux et commets le mal que je ne veux pas... Je découvre donc en moi cette loi : quand je veux faire le bien, c'est le mal qui se présente à moi. Car je me complais dans la loi de Dieu en mon être intime, mais j'aperçois une autre loi dans mes membres qui lutte contre la loi de ma raison et qui m'enchaîne à la loi du péché qui est dans mes membres. Malheureux que je suis ! qui me délivrera de ce corps de mort La grâce de Jésus-Christ, Notre Seigneur !..."

Oui, l'humilité, la véritable humilité, nous permet de nous voir tels que nous sommes. Elle ne nous fait pas nier le bien qu'il peut y avoir en nous, loin de là mais elle nous ouvre aussi les yeux sur le mal qu'il y a en nous également et elle nous fait reconnaître que, pour en triompher, nous avons besoin de l'aide de la grâce de Dieu, que cette aide soit intérieure par les lumières, les attraits qu'elle suscite en nous, ou qu'elle soit extérieure par les circonstances favorables dans lesquelles nous nous sommes trouvés.

Pour mieux nous rendre compte - pour employer le langage de St Paul - que c'est à la grâce de Dieu que nous devons d'être comme nous sommes, essayons pendant cette messe de faire le bilan de toutes les chances, de toutes les grâces que le seigneur nous a octroyées et qui expliquent pourquoi nous sommes en effet ce que nous sommes.

Pensons par exemple à tous ceux et celles que le Seigneur a placés sur notre route pour nous conduire jusqu'à Lui et pour nous entraîner sur son chemin, aussi bien par la parole que par l'exemple : peut-être bien les membres de notre famille, en particulier une sainte maman (c'est un drôle de trésor ... et qui a une influence inouïe !), nos catéchistes, des prêtres, mais aussi des camarades  !

Pensons à la chance que nous avons eue peut-être d'avoir souvent entendu parler du Christ et d'avoir ainsi mieux découvert sa transcendance unique, la beauté de son idéal  !

Pensons à tel ou tel groupement auquel nous avons pu nous agréger, dans lequel l'idéal du Christ était en honneur et qui nous a permis ainsi d'en faire l'expérience et de constater la joie et l'épanouissement qu'il apportait ...

Pensons peut-être à tel ou tel livre qui nous est tombé entre les mains et qui nous a emballés  !

Pensons à la chance que nous avons eue peut-être de pouvoir, très jeunes, nous approcher de ces sources de grâces que sont les sacrements !

Pensons à tel ou tel événement de notre vie qui pour nous a "fait choc", qui pour nous a été décisif !

Pensons à toutes ces lumières qui subitement sont venues éclairer d'un jour tout neuf telle ou telle vérité de notre foi, à tous ces moments de ferveur où nous nous sentions transportés au dessus de nous-mêmes...

Pensons aussi à tous les dangers, à toutes les difficultés, à tous les obstacles que nous aurions pu rencontrer et que la divine Providence a écartés de notre chemin... Qu'aurions-nous fait si nous avions été affrontés à telles ou telles difficultés, si nous nous étions trouvés dans tel ou tel milieu ? ...

Oui, le Seigneur a veillé sur nous, tenant compte de notre faiblesse... Il nous a protégés, entourés, choyés !

Rendons grâce pendant cette messe de toutes ces chances, de tous ces avantages que le Seigneur nous a octroyés ... Dans la mesure où nous aurons pris conscience de tout ce que cela nous a apporté, notre action de grâce n'aura rien de pharisaïque. Bien au contraire : plus, en effet, nous serons convaincus que c’est grâce à Dieu que nous ne sommes pas tombés dans telle ou telle faute et que nous avons été "accrochés" par Lui, et plus notre action de grâce sera sincère.

En même temps n'oublions pas ce que le Christ nous rappelait il y a quelques dimanches (cf. Evangile du 19ème Dimanche ordinaire) : " A celui auquel on a beaucoup donné, on demandera davantage !", et posons-nous la question : avantagés par le Seigneur comme nous l'avons été, avons-nous mis à profit toutes ces grâces ? Y avons-nous parfaitement répondu ? Pouvons-nous dire avec St Paul, non seulement " C'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis...", mais pouvons-nous ajouter nous aussi : "...et sa grâce en moi n'a pas été stérile." ? ...

Si nous répondons loyalement à ces questions, je gage que nous pourrons faire "nôtre" également la prière du publicain Seigneur, prends pitié du pécheur que je suis !".

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