SOMMAIRE DE L'HOMELIE
La curiosité de Zachée avait été éveillée. Il voulait savoir qui était Jésus.
Et Jésus répond largement à cette curiosité il s'invite chez Zachée.
La meilleure méthode d'apostolat, c'est de "poser question" à notre entourage par notre vie.
Alors nous ne nous imposons pas, nous répondons à une attente à une question.
C'est de cette manière surtout que nous sommes "ferment".
Plusieurs qui sont ici ont été accrochés de cette façon par des camarades, membres de notre communauté...
Félicitations à ces derniers, qu'ils continuent...
Nous tous, imitons-les... que notre façon de vivre "pose question"...
Deuxième réflexion : ne pas catégoriser les gens...
Zachée était un publicain, un riche...il est pourtant devenu un excellent chrétien...
Combien de chrétiens aujourd'hui raisonnent comme ceux qui a priori conditionnaient Zachée...
Jésus, Lui, a voulu réconcilier entre elles toutes les classes de la société...
Il a eu des amis chez les pauvres et les pécheurs, mais aussi chez les riches, chez les publicains, chez les militaires !... chez les schismatiques et les païens... et prétend réunir tout ce monde-là dans son royaume...
Alors, que penser de nos ostracismes de classes, de castes, de races ou de professions?...
Certes il fut un temps où "les notables" pratiquaient par bienséance... sans que leur pratique influe sur leur vie ... d'où la méfiance...
Nous n'avons pas osé peut-être, nous prêtres, leur prêcher tout l'Evangile... par peur de nous voir "couper les vivres"...
Ce temps est maintenant dépassé...
Pourquoi déclarer à priori que tel ou tel ne peut être chrétien... et refuser de fraterniser...
C'est recréer au sein de l’Eglise le fossé de Jésus et les Apôtres se sont employée à combler : rendre vain le travail du Sauveur.
Avantages, au contraire... dans tous les milieux de la société, il y ait des âme animée de la même foi et du même esprit qui s'éclairent mutuellement et travaillent dans le même sens pour faire pénétrer dans tous les milieux le véritable esprit chrétien...
HOMELIE
POSER QUESTION, INTRIGUER, EXCITER LA CURIOSITE... C'est une excellente méthode d'apostolat et le point de départ de beaucoup de conversions ...
Il avait assurément entendu souvent parler de Jésus, Zachée, le chef des collecteurs d'impôts, et sa curiosité avait été éveillée : qui était donc ce Jésus dont tout le monde disait tant de choses, tant de bien, et qui passait pour faire des choses extraordinaires?... Et justement, par hasard, voici que ce Jésus va passer dans sa ville, à Jéricho ! Excellente occasion pour le voir. Notre homme va vite se placer sur sa route... mais il y a déjà foule ! Perdu dans cette foule, comment faire pour l'apercevoir?... d'autant plus que Zachée était de petite taille...
Il a vite trouvé la solution : il avise un des arbres qui bordaient la route, un sycomore, précise l'Evangile. Une... deux... le voici perché dans son observatoire... et voilà justement que Jésus arrive... Pas possible ! Il m'a vu ! Il m'a regardé !... Il s'arrête : " Descends vite, Zachée, je m'invite chez toi ce soir. " Quel honneur ! quel bonheur ! - La voilà bien la façon d'agir du Seigneur : dès qu'Il décèle la moindre bonne volonté, le moindre désir, le moindre appel, Il s’empresse d'y répondre au delà même de toute attente - Zachée n'en croyait pas ses oreilles... Qu'un personnage comme Jésus s'intéresse à lui, alors que tous les juifs le méprisaient comme collaborateur : il percevait les impôts pour l'occupant, pour les Romains ! Que Jésus lui fasse cet honneur d'aller loger chez lui !... Par curiosité il désirait voir Jésus et Jésus va lui donner l'occasion de Le connaître vraiment, de s'entretenir longuement avec Lui.
Beaucoup parmi vous l'ont expérimenté, mes frères : la meilleure méthode d'apostolat, c'est de "poser question" à notre entourage par notre façon de vivre. " Pourquoi celui-ci ne réagit-il pas comme tout le monde ?... Il ne parle pas, il ne pense pas, il ne juge pas, il n'agit pas comme les autres, pourquoi ?..."
Cela intrigue et, un beau jour où l'on se trouve seul à seul, face à face, on vous pose la question. "Tu es un bon - ou une bonne - camarade. Pourquoi agis-tu de cette façon-là ?" Il ne reste plus qu'à répondre franchement, la porte est ouverte ; nous ne nous imposerons pas, nous n'entrerons pas par effraction, ce qui a toujours le don d'indisposer et de mettre sur ses gardes... Dans ce cas, au contraire, nous répondons à une attente, à une curiosité, à un désir de savoir...
Je vous ai dit souvent que la meilleure méthode d'apostolat était celle que Jésus Lui-même avait prônée et appliquée : la méthode du ferment. Que le chrétien se mêle aux autres en se conduisant au milieu d'eux en chrétien authentique... Nous découvrons aujourd'hui une des façons, la plus importante peut-être, dont agit ce ferment : cette présence d'un chrétien authentique dans tel ou tel milieu qui ne l'est pas, pose question à tout l'entourage ...
Comme je suis heureux que plusieurs de ceux et de celles qui m'écoutez ce matin, vous ayiez été accrochés, ramenés à Dieu, par tel ou tel membre de notre communauté paroissiale, tel ou tel jeune de nos groupements ayant posé pour vous question par sa façon d'agir qui tranchait sur celle des autres ! Je vous félicite, chers amis, qui avez été à l'origine de ce revirement, de cette redécouverte du Seigneur ! N'allez pas pour autant vous enorgueillir, mais sachez que, vous qui souhaitez tant faire partager aux autres votre joie de chrétien, vous êtes sur la bonne voie. Continuez ... car il ne s'agit pas de faire de la réclame et d'aller "tanner" les gens... vous les feriez fuir. Il s'agit d'expliquer ce que nous vivons, ce que notre interlocuteur nous voit vivre, de lui expliquer pourquoi nous vivons de la sorte... La vie, elle ne ment pas ! on croit aisément quelqu'un qui vit ce qu'il dit, et même qui le vit d'abord avant de le dire !...
Puissions-nous tous par notre vie éveiller la curiosité de notre entourage... Cela suppose que nous n'acceptions pas le compromis avec la façon de vivre des autres, mais que nous vivions "à bloc" notre idéal et notre foi, même si nous ramons ainsi à contre-courant... Tôt ou tard la question surgira : " Pourquoi ?..." Alors nous n'aurons pas à nous imposer nous n’aurons qu'à répondre, qu'à expliquer... Comme Jésus répondant à la curiosité de Zachée par un long entretien personnel, pour nous aussi le dialogue est amorcé, nous pouvons à loisir dévoiler à notre interrogateur qui est, pour nous, Jésus, et ainsi le lui faire mieux connaître...
C'est la première réflexion sur cet Evangile.
Voici la seconde.
Par son exemple, le Seigneur nous montre que nous ne devons pas catégoriser les gens. Zachée était étiqueté ! c'était un publicain, un percepteur d'impôts à la solde des occupants, des romains ; pire que cela, c'était même le chef des collecteurs d'impôts ! Une feuille d'impôt, vous le savez par expérience, on n’y comprend pas grand chose, même aujourd'hui ! Alors, à cette époque, c'était facile de la trafiquer... on y voyait que du bleu!... Aussi ces publicains, ces collecteurs d'impôts passaient pour des voleurs. Dans le cas, le soupçon était d'autant plus facile que Zachée était riche. La richesse est toujours un peu suspecte pour le peuple. Jésus Lui-même, il y a quelques dimanches, parlait de la richesse d'iniquité. La suite du texte montre du reste que, dans le cas de Zachée, le soupçon était vrai : lui-même reconnaîtra qu'il a volé quelques gens. Zachée était donc classé comme mauvais patriote, collaborateur et... voleur. Comment Jésus pouvait-il descendre chez quelqu'un de cet acabit ? Nul n'aurait pensé que cet individu pouvait devenir un "excellent chrétien" ! D'abord il était riche et Jésus avait-il pas affirmé que son royaume était pour les pauvres, les pauvres en esprit ? (cf. St Matthieu, ch.5.,v.3).
Combien aujourd'hui, même parmi ceux qui se disent chrétiens, raisonnent de la même façon ! Il n'est pas pensable qu’un tel, à cause de sa profession, à cause de sa richesse, puisse être vraiment un frère, un chrétien... Un militaire, un policier, un patron, un riche ne peut être chrétien... On leur interdirait presque de l'être, en tout cas on doute de leur sincérité... Et si je vous disais que j'en ai connu des officiers, des policiers, des patrons qui venaient me consulter pour savoir comment ils pourraient vivre leur profession de façon chrétienne ? Il n'était pas toujours facile, vu la complexité des problèmes que l'on ne peut nier, d'y voir clair du premier coup et il m'est arrivé de réfléchir ensemble pendant des heures... En tout cas je puis affirmer que tous ces gens étaient vraiment soucieux de vivre chrétiennement jusque dans leur profession !
Oui, Zachée était un publicain, un chef des publicains. Oui, Zachée était riche, oui, Zachée - il le reconnaît lui-même - était voleur... Mais, voyez sa réaction dès qu'il connaît le Christ : il se campe devant Lui de façon bien décidée : " Seigneur, voici, je fais don aux pauvres de la moitié de tous mes biens et, si j'ai volé quelqu'un, je lui rendrai quatre fois plus !" Qui dit mieux ?... N'est-il pas chrétien, celui-là ? Ne fait-il pas partie de ces pauvres en esprit c’est-à-dire de ceux qui sont détachés de leur richesse, prêts à la partager auxquels le Seigneur a promis le royaume des cieux ? (cf. St Matthieu, ch.5,v.3).
Oh ! mes frères, arrêtons nos exclusives, arrêtons parmi nous nos oppositions systématiques, ce n'est pas cela l'esprit chrétien ! Jésus a voulu réconcilier entre elles toutes les classes de la société. Il a eu des amis dans tous les milieux parmi les pauvres et même les pécheurs assurément, mais aussi parmi les riches. Zachée était riche, Joseph d'Arimathie qui donna au Christ son tombeau (cf. St Matthieu, ch.27,.v.60) l'était aussi. Nicodème qui était venu le voir de nuit et lui resta fidèle jusqu'à la fin (cf. St Jean, ch.19,v.39) était, de l'aveu même de St Jean, "un notable parmi les juifs" (St Jean, ch.3,v.1). Jésus s'était fait des amis - Il s'est même fait un disciple : St Matthieu (ch.9,v.9-14) - parmi ces publicains exécrés. Il s'est même fait un ami de ce centurion, de cet officier - de cet officier de l'armée d'occupation s'il vous plaît - venu implorer la guérison de son fils (cf. St Matthieu., ch.8,v.5-13). Il n'a pas manqué une occasion de souligner ce qu'il pouvait y avoir de bon chez les samaritains schismatiques : leur dévouement (parabole du Samaritain : St Luc, ch.10,v.33-37), leur politesse (les dix lépreux : St Luc, ch.17,v.11-20), ce qu'il pouvait y avoir de bon chez des païens, notamment leur foi et leur confiance (cf. le centurion : St Matthieu ch.8, v.10, la Cananéenne : St Matthieu, ch.15,V.28). Aussi le Seigneur entend bien réunir tout ce monde-là dans son royaume avec Abraham, Isaac et Jacob, du moment qu'ils acceptent et essaient désormais de vivre son message. Il l'a dit expressément en vantant la foi de cet officier de l'armée d'occupation dont il guérit le fils (St Matthieu, ch.8,v.11). Il l'a dit des publicains (St Matthieu, ch.2l,v.31).
Après cela, vous voyez comme nous sommes mal venus avec tous nos ostracismes de classe, de caste, de race, de profession...
Non, non, tout cela n'est pas chrétien, tout cela n'est pas conforme à l'Evangile. Des bonnes volontés, des chrétiens sincères, il peut s'en trouver, il s'en trouve dans toutes les classes sociales et dans toutes les professions ! L'Evangile d'aujourd'hui vient de nous le montrer une fois de plus.
Sans doute il fut un temps où les "notables" se croyaient obligés de "pratiquer" parce que c'était bien porté ; une personne de leur rang (!) devait le faire, et trop souvent cette pratique par convenance sociale n'avait aucune influence sur leur vie qui était en contradiction flagrante avec cette pratique. On comprend certes que cette attitude formaliste et hypocrite ait suscité l'indignation, la révolte, la méfiance. Reconnaissons, du reste, que nous, prêtres, avons peut-être été, en partie tout au moins, responsables de cette attitude, de ce formalisme révoltant parce que, parfois, nous n'avons pas osé parler clairement à ces gens-là de peur de nous voir "couper les vivres".
Aujourd'hui cette situation est bien dépassée. Personne ne se sent plus obligé de pratiquer par simple convenance !
Dès lors pourquoi nier systématiquement, a priori, que des gens de telle ou telle catégorie, un patron, un policier, un militaire par exemple, puissent être vraiment chrétiens, être travaillés par un vrai souci de justice, de charité, de franchise, de dévouement, autant que nous, parfois même plus que nous ? Pourquoi dès lors refuser de les considérer comme des frères dans le Christ, aller même jusqu'à refuser (cela s'est vu dans certaines paroisses) de leur serrer la main au sortir d'une messe ? C'était un des miracles du Christ et des Apôtres d'avoir réussi à ce que le patricien et l'esclave convertis fraternisent vraiment. St Paul S'écriait triomphalement : " Désormais dans le Christ il n'y a plus de différence entre un patricien (un homme libre) et un esclave, entre un juif et un non juif, entre un homme et une femme, vous êtes tous un dans le Christ !" Il le crie aux Corinthiens (1ère Epître, ch.12,v.13), aux Galates (ch.3,v.28), aux Colossiens (ch.3, v.11), aux Ephésiens (ch.6,v.8) et dans sa lettre à Philémon il en fait l'application, nous l'avons vu il n'y a pas si longtemps (Philémon, v.16).
Je l'ai dit et je le redis encore, le fossé entre le patricien et l'esclave était autrement profond que celui qui peut exister aujourd'hui entre patrons et ouvriers puisque l'esclave était considéré comme une bête de somme... Entretenir au sein même de l'Eglise cette division des classes sociales, c'est creuser le fossé que Jésus et ses Apôtres s'étaient employés à combler... c'est s'inscrire - il faut le dire hautement - contre le travail même du Christ, démolir ce qu'il avait réussi à faire ! Peut-on dans ces conditions se déclarer encore chrétien, imitateur, suiveur de Jésus-Christ ?
N'est-il pas plutôt important, capital même pour le bien de la société, que dans toutes les classes de celle-ci se trouvent des chrétiens authentiques qui œuvrent dans le même sens et dans le même esprit, qui ont même tout avantage à se retrouver parfois ensemble pour voir de façon plus objective les deux points de vue d'un problème afin d'éviter de tomber dans la partialité?...
C'est bien ce que nous voulons faire ici ! St Paul refusait d'obliger les gens à se "judaïser" pour se faire chrétiens ; nous, nous refusons à les obliger à "s'ouvrieriser" ou à "s'embourgeoiser" pour le devenir de façon authentique ! Avec l'Apôtre Paul nous vous disons que "chacun de vous reste dans sa situation" mais qu'il vive en chrétien authentique et qu'ainsi il "pose question" (cf. St Paul, 1ère aux Corinthiens, ch.7,v.20-25).