Année C – 4e dimanche de Carême


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

 

La parabole commentée... Cette histoire c'est :

- celle-là même que nous racontent aujourd'hui tant de pauvres parents désolés...
- celle de ces gars et de ces filles qui nous quittent... toujours pour cette même raison...
- la nôtre peut-être certains jours...
- celle du monde d'aujourd'hui qui a cru trouver la liberté et le bonheur en plaquant Dieu et l'Eglise et en se livrant à toutes ses passions. Le but unique de la vie de beaucoup : se remplir le ventre... courir les filles...

Le plus dramatique, c 'est que certains moralistes, soi-disant chrétiens, cherchent à justifier l'impureté sous ses différentes formes...

Cette parabole de miséricorde pour le pécheur repentant s'adresse à ceux qui se sont écartés du droit chemin par leur inconduite...celle-ci est donc péché.
J'ai péché contre toi ! dit le fils prodigue à son père... la débauche outrage ! amour parental...

J'ai péché contre le ciel = contre Dieu

- on se moque de son œuvre, on la détourne de sa fin...
- on sabote son œuvre = nous-mêmes... l’impureté nous dégrade...

 Déjà saint Paul la proscrivait chez les chrétiens avec une extrême rigueur...

 Vient le moment du remords...

Ce moment attendu par le père ... par Dieu ... par saint Paul. (ce moment où le coupable reconnaît que le Père, que Dieu, avait raison...)

Ce moment semble venu parfois pour certains de nos jeunes.

Ce moment semble venu pour notre monde, au moins dans ses éléments les plus conscients...

Certains hésitent à faire le pas... comment seront-ils reçus?...

Voyez l'accueil du Père dans la parabole...

A nous, les Frères, de ne pas faire obstacle à ce retour en imitant l'attitude du frère aîné, en désavouant Dieu lui-même...

Notre retour à nous en cette fin de Carême...


HOMELIE

 

IL COMMENCA, IL COMMENCE A AVOIR FAIM !... Il aurait voulu se remplir le ventre...

Elle lui paraissait si vieille, si moyenâgeuse, cette maison familiale... et puis toutes ces recommandations de son père et de sa mère... Il en avait assez, ça l'agaçait : « Allons, trêve de sentiments, parlons affaires, parlons justice et droit. Donne-moi la part d'héritage à laquelle j'ai droit ! » Et le pauvre papa, qui avait tout fait pour retenir son fils, à bout d'arguments, s'y résigne. Peut-être faut-il l'éloignement de la Maison pour que ce fils se rende compte de tout ce qu'elles lui apportent, cette maison et cette tendresse... Le pauvre papa, désolé, se résigne : « Voilà ta part. » et le fils est parti en claquant la porte...

A moi, la belle vie, à moi, la liberté ! Je vais pouvoir enfin faire ce que je veux, sans entendre constamment les remontrances paternelles et maternelles... Je vais pouvoir suivre enfin librement toutes mes envies, toutes mes passions, m'y donner à cœur joie, vivre enfin, vivre à bloc, profiter de la vie !

Il avait des sous... il a fait la fête. Il a fait la fête avec des filles, des filles écervelées qui, pour quelques bijoux, pour quelques toilettes, sacrifient leur vie et leur honneur, se laissent ainsi acheter, comme vile marchandise, et n'hésitent pas à se donner...

Mais, à ce régime-là, son héritage il l'a vite dépensé puisqu'il fait fi du travail pour l'accroître ! Et maintenant, du travail, il faut bien qu'il en trouve s'il veut vivre même chichement... Il faut bien qu'il accepte celui qui se présente... Le voici porcher ! Le plus humiliant des métiers pour un juif parce qu'il mettait en contact avec les porcs, ces animaux impurs ! Le pire pour lui, c'est qu'il est payé si chichement qu'il n'a même pas de quoi s'acheter suffisamment d'aliments pour rassasier sa faim, au point qu'il en vient à envier les pourceaux qui, eux, se gavent de caroubes !... Et... c'est le point de départ du retour... Le proverbe rabbinique ne disait-il pas : « Quand Israël en sera réduit aux caroubes, alors il se repentira » ? (cf. Midrach sur le Lévitique). Voici que le prodigue en a assez de cette porcherie, voici qu'il cherche à s'en sortir, voici qu'il envisage de revenir à la maison, voici qu'au fond de sa détresse il redevient un homme puisqu'il se met à réfléchir . « En rentrant en lui-même, dit Jésus, il se dit : tant d'ouvriers chez mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je crève de faim... je vais retourner chez mon père ! » Voici qu'il va enfin suivre le verdict de sa raison...

Je ne me trompe pas : c'était bien hier, avant-hier, quelques jours avant, que je l'entendais conter, cette triste histoire, par ce papa, par cet autre et encore par d'autres... des amis, des anciens de nos groupes, qui avaient tout fait pour bien élever ce garçon, cette fille, et qui, la mort dans l'âme, ont du se résigner à les voir partir pour mener quelle vie ! Grand Dieu !

Cette histoire, combien de fois l'avons-nous vécue nous-mêmes ?... Chaque fois que nous avons vu nous quitter, s'éloigner de nos groupements, de nos catéchismes, ce garçon, cette fille que nous avions essayé d'entourer de toute notre sollicitude et qui, un beau jour, ont disparu... et qu'on ne revoit plus...

Ce fils ingrat et prodigue, ne l'avons-nous pas été, ne le sommes-nous pas parfois nous-mêmes vis-à-vis du Seigneur ?...

Cette histoire, n'est-elle pas celle de notre monde d'aujourd'hui ? Le monde d'aujourd'hui a quitté le Père, a quitté la Maison Familiale : elle paraissait si vieille, si moyenâgeuse, cette maison, l'Eglise... et le monde a cru qu'en fuyant la maison paternelle, en fuyant cette Eglise qui nous imposait des règles, qui nous faisait parfois des remontrances, en s'éloignant de ce Dieu-Père, en s'affranchissant de son autorité, on allait trouver la liberté !... Aujourd'hui encore il se construit une soi-disant morale qui a pour règle de laisser libre cours à tous les instincts : le brave Freud n'a-t-il pas prétendu que résister à ses instincts, chercher à les contrôler, c'était faire de l'homme un refoulé et par conséquent le contraire de quelqu'un d'épanoui ?... On est descendu bien bas dans le matérialisme. Pour combien tout le but de la vie c'est, d'une part "se remplir la panse", se "remplir le ventre" qui, le disait saint Paul il y a quinze jours, est devenu le dieu auquel tout est sacrifié, et d'autre part "faire la vie avec les filles" ! Chez la plupart aussi, le souci de gagner de plus en plus d'argent, au point de sacrifier parfois sa santé, sa vie de famille... ne parlons pas de sa vie spirituelle ! Chez la plupart, ce souci de gagner de plus en plus d'argent n'a d'autre but que de pouvoir se procurer ces plaisirs-là qui deviennent pour eux le but même de l'existence...

Le plus tragique dans tout cela, c’est qu'il se trouve aujourd'hui des soi-disant moralistes chrétiens qui voudraient justifier cette façon de faire.

S'il fut un temps où l'on avait tendance à considérer les fautes contre la chair comme les seules fautes graves alors que l'on fermait trop facilement les yeux sur les fautes contre la justice et la charité, aujourd'hui on tomberait facilement dans l'excès opposé en laissant entendre que tous les désordres charnels sont désormais normaux et permis... Rappelez-vous le "tollé" qu'a soulevée, même chez bien des chrétiens, même chez de soi-disant théologiens, "la déclaration sur l'éthique sexuelle" promulguée par le Pape, alors qu'elle ne faisait que rappeler l'enseignement de l'Eglise qui n'est autre que celui de la raison et de la foi !...

Jésus a raconté plusieurs paraboles pour souligner la miséricorde de son Père envers le pécheur repentant. Il est à noter que, dans les paraboles de la brebis et de la pièce de monnaie perdues, Jésus parle de cette miséricorde à l'égard de tous ceux qui, de quelque manière que ce soit, se sont égarés.

Dans la parabole du Pharisien et du publicain, Jésus souligne la miséricorde du Père envers ceux qui ont volé et qui se repentent en se reconnaissant pécheurs Pour les juifs, en effet, publicain était synonyme de voleur.

Dans cette parabole de l'enfant prodigue, la plus développée de toutes, Jésus parle de la miséricorde de son Père pour ceux qui se sont écartés de la voie par l'inconduite et qui se repentent.

 

Il est donc vrai que l'impureté est un péché...

« J'ai péché contre le ciel et contre toi ! » dit le prodigue à son père.

La débauche, en effet, déshonore l'amour parental. Le livre de l'Ecclésiastique dans la Bible le disait déjà . « Ayez honte de votre débauche devant votre père et votre mère. » (cf. Ecclésiastique, ch.41,v.17) Il faut voir, du reste, le cas que le débauché fait de ses parents ! Je le dis souvent aux enfants : se moquer de tous ces organismes merveilleux que Dieu a inventés pour transmettre la vie, c'est se moquer de ce qui a fait nos parents, c'est leur faire injure. C'est aussi faire injure à Dieu. « J'ai péché contre le ciel ! » c'est-à-dire, suivant le langage hébraïque, j'ai péché contre Dieu puisqu'on se moque de son œuvre en se moquant de cet organisme ou en le détournant de la fin que le Créateur a inscrite dans sa structure même. Nous sommes vexés quand on se moque de ce que nous avons fait en y mettant tout notre cœur ! Dieu aussi !...

L'impureté est encore une faute contre Dieu, contre son œuvre, parce qu'elle nous sabote. Ces fautes ravalent l'homme, en effet, au rang de la bête, puisque ses instincts échappent au contrôle de sa raison. Nous savons que ce que Dieu nous demande, c'est de ne pas nous abîmer. Or ces fautes-là, c'est incontestable, abîment l'homme. Elles le durcissent, elles éteignent en lui tout idéal, elles l'abrutissent. C'est l'abdication de la raison devant les instincts qui s'insurgent contre son verdict... En arriver à faire du plaisir sexuel le but suprême de l'existence, comme nous le disions tout à l'heure, avouez, quelle déchéance !...

Voyez du reste ces corps fripés, vieillis avant l'âge, ces yeux éteints et cernés, cette intelligence enténébrée, ce cœur endurci, inaccessible à tout sentiment noble et généreux, replié sur lui-même, obsédé par ce plaisir égoïste...

Aussi toute la Tradition chrétienne s'est toujours élevée là contre. Déjà au jugement de saint Paul, ces péchés revêtaient une gravité particulière. Il écrivait à ce sujet aux Corinthiens : « Tout péché que l'homme peut commettre est extérieur à son corps ; celui qui fornique, lui, pèche contre son propre corps. » (1ère aux Corinthiens, ch.6, v.18) et il leur disait : « Ne vous y trompez pas ni impudiques, ni idolâtres, ni adultères, ni dépravés, ni gens aux mœurs infâmes, ni voleurs, ni cupides, pas plus qu'ivrognes, insulteurs ou rapaces, n'hériteront du royaume de Dieu ! » (ibid. v.9). Il le redit dans l'Epître aux Galates (cf. ch.5, v.21). Il voudrait même, comme il le dit aux Ephésiens, que les noms qui désignent ces péchés contre la chair ne soient même pas prononcés chez les chrétiens (Ephésiens, ch.5, v.3-6) et il va jusqu'à demander de ne pas avoir de relation avec celui qui, tout en portant le nom de frère (c'est-à-dire de chrétien), se livrerait à l'impudicité... de ne même pas prendre de repas avec lui. (1ère aux Corinthiens, ch.5, v.11).

Et ce brave saint Paul, il n'y allait pas par quatre chemins sur ce sujet-là. Il n'hésite pas à excommunier l'incestueux de Corinthe qui, par sa conduite, devrait faire honte à toute cette communauté. Il écrit : « Que cet individu soit livré à Satan pour la perte de sa chair, afin que l'esprit soit sauvé au Jour du Seigneur. » (1ère aux Corinthiens., ch.5,v.5).

 

Qu'est-ce à dire, Seigneur ?

Il arrive un moment où, lorsqu'on a épuisé en vain tous les arguments, toutes les supplications, toutes les objurgations, pour ramener le coupable dans la bonne voie, il ne reste qu'un seul espoir, c'est qu'il s'enferre tellement dans son péché, qu'il tombe si bas, que le choc lui ouvre enfin les yeux, qu'il soit dégoûter de lui-même et obligé de reconnaître que ceux qui voulaient lui éviter cette expérience si douloureuse, avaient bien raison, que c'était de l'amour de leur part.

C'est ainsi que saint Paul disait aux Romains que « Dieu avait livré les pécheurs selon les convoitises de leur cœur à une impureté où ils avilissent eux-mêmes leurs propres corps... » (Romains., ch.1, v.24-28).

« Dieu sait, dit le Père Lebreton, que le pécheur s'épuisera en vain dans cette poursuite stérile (de ce qu'il croit être le bonheur) et que, s'il est droit et sincère, il lui reviendra. » (P. Lebreton, Vie et Enseignement de Jésus-Christ, t. II p.91).

Parents éplorés, priez et gardez toujours cet espoir ; surtout ne fermez pas vos bras...

Ainsi le père de la parabole savait bien qu'il ne servirait à rien de retenir son enfant à la maison contre son gré : « Tu veux ta part d'héritage ? là voilà ! ». Mais s'il s'est résigné à la lui donner, c'est qu'il gardait au cœur le secret espoir que, expérience faite, il lui reviendrait. La preuve ? c'est qu'il épiait son retour... et voilà qu'un jour...

Oui ! aujourd'hui aussi, mes frères , il y en a qui veulent sortir de la "porcherie"!...

On en voit souvent des garçons et des filles qui nous ont lâchés, qui ont tout abandonné et qui gardent la nostalgie du temps où ils étaient avec nous... du temps où ils étaient avec Dieu ! « J'étais tout de même plus heureux à ce moment-là ! » Alors on les voit rôder, souvent en bicyclette pour passer plus vite sans trop se faire remarquer, autour du patronage, autour de l'église, autour du foyer... sans oser rentrer !... Quel accueil leur sera-t-il réservé après ce qu'ils ont fait ? Pourtant ils ont faim... ils commencent à avoir faim d'autre chose que de la nourriture des pourceaux !...

Et il en est de même pour le monde aujourd'hui. Comment se fait-il que dans cette civilisation d'abondance où l’on peut si aisément se procurer tous les plaisirs matériels, comment se fait-il qu'il y ait tant de gens mécontents ? On vous dit : c'est une vie folle que l'on mène, on est dégoûté. Certains en ont vraiment assez, ils étouffent, ils réclament autre chose, ils commencent à avoir faim... Faim de quoi ? ils ne savent pas trop, mais faim d'autre chose que d'une nourriture de pourceaux ! Faim de redevenir des êtres humains, faim peut-être de lumière pour leur intelligence enténébrée qui voudrait tout de même voir clair, faim d'un amour vrai réclamé par le fond de leur cœur... 

Mais voilà, comment seront-ils accueillis ?

De la part de Dieu, de la part du Père, pas de question. Voyez la parabole c’est une joie folle.... Le prodigue n'a même pas le temps de faire sa confession... S'il revient, c'est qu'il reconnaît que papa avait raison, ça suffit ! ça suffit et il l'embrasse à l'étouffer, et vite la belle robe, et vite le bel anneau, et qu'on tue le veau gras, et qu'on festoie, et allez-y les musiciens, que ça danse ! Mon fils, il était mort et le revoilà vivant ! Il était perdu, le voilà retrouvé !

Oh ! mes frères, quelles que soient nos fautes, nos ingratitudes, nos trahisons, n'ajoutons pas à la peine faite à notre Père, si je puis dire, cette peine suprême de douter de sa miséricorde, de douter de son pardon, de douter de sa tendresse : elle est, entendez bien, elle est infinie, sans limites... Rendez-lui donc hommage en acceptant, comme le disait saint Paul dans l'Epître de tout à l'heure, de nous laisser réconcilier avec Dieu...

Mais faisons bien attention, nous mes frères, nous qui nous prenons facilement pour des justes "irréprochables", de ne pas faire obstacle au retour de nos frères en adoptant la même attitude que le frère aîné. « Celui-ci, celle-là ? ils se sont conduits autrefois de telle ou telle manière bien peu recommandable ça, on ne l'oubliera jamais ! » et l'on garde ses distances, et on n’admettra jamais qu'à ces "convertis", on confie tel ou tel poste dans la communauté, pensez donc !

Mes frères, quel péché ce serait faire là !... désapprouver Dieu !... Vous soupesez l'orgueil que cela suppose ? Dieu, il se trompe, il exagère, il est trop bon, trop miséricordieux !... Alors ça, comme toupet, on ne fait pas mieux !

Rappelons-nous seulement la consigne de Jésus : « Soyez miséricordieux comme votre Père du ciel est miséricordieux ! » (St Luc, ch.6, v.36) « Soyez miséricordieux si vous voulez qu'on le soit pour vous. » (St Matthieu, ch.7, v.2) et qui peut prétendre ne pas avoir besoin de miséricorde ?...

Oui, réconcilions-nous tous entre nous et profitons pour nous-mêmes en cette fin de Carême du ministère de la Réconciliation que Dieu a confié, saint Paul nous l'a dit, à ses Apôtres et à leurs successeurs.

  

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