Année C – 4e dimanche de Pâques


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

 

« Est-ce votre condamnation ou la nôtre que nous venons d'entendre ? »

Si nous ne remplissons pas la mission que Dieu nous a confiée, il y aura un manque dans le monde... Personne ne nous remplacera jusqu'au jour où Dieu "excédé" la confiera à un autre...

Le Peuple de Dieu a reçu mission de porter la vraie religion au monde...

Le Peuple juif y a souvent manqué en se mettant au diapason de ceux qui l'entouraient...

Jésus, fidèle à ce choix de son Père, s'adresse aux juifs, laissant entendre cependant que cette fois, si, ce peuple ne répond pas, Dieu confiera à d'autres le soin d'étendre son royaume...

Les Apôtres suivent cette ligne de conduite... Paul et Barnabé n'étant pas reçus à la synagogue d'Antioche de Pisidie, laissent "tomber" les juifs et s'adressent aux païens...

Beaucoup de prêtres aujourd'hui, déclarant les "pratiquants" indécrottables, les laissent tomber et vont vers les païens.

Sans doute il y a un risque de se contenter de la pratique religieuse

Cependant celle-ci est indispensable... les sacrements sont des inventions du Christ... donc pas inutiles...

Encore faut-il les employer comme il faut...

Justement nous, les prêtres, avons-nous bien rempli notre mission vis à vis de ces pratiquants ?...

Nous n'avons peut-être pas :

- suffisamment exigé les dispositions voulues pour les sacrements...
- assez insisté sur le fait que ces sacrements étaient des "moyens" pour vivre une vie chrétienne...
- assez insisté sur la dépendance entre le salut éternel et notre comportement vis à vis du prochain, même dans le domaine matériel...

 En ce dimanche du Bon Pasteur ... priez pour que nous, prêtres, remplissions bien notre mission ... pour former des chrétiens qui remplissent, eux aussi, la leur en étant témoins du Christ...

Pour cela, nous devons entretenir votre vie chrétienne, "paître le troupeau" par l'enseignement et les sacrements... Nous devons l'entraîner, le stimuler par nos exhortations et notre exemple...

S'il faut des prêtres missionnaires qui aillent vers les gens à convertir...

Il est aussi indispensable qu'il y ait des prêtres qui "paissent le troupeau du Christ"...qui s'occupent des "convertis", sinon l'Église risquerait d'être un "panier percé"

Exemple de St Paul.


HOMELIE

EST-CE VOTRE CONDAMNATION OU EST-CE LA NÔTRE que vous venez d'entendre ?...

Dieu est patient, Dieu a de la suite dans les idées, Dieu est tenace ! Quand il confie une mission à quelqu'un, Il ne la lui retire pas de sitôt, si bien que, si nous ne remplissons pas la mission qu'Il nous a confiée, personne d'autre ne la remplira et il y aura un manque, un trou dans le monde jusqu'à ce que, excédé par notre défection, de guerre lasse, Dieu la confie à un autre.

Le peuple de Dieu a reçu une mission : elle lui avait été confiée a quelque deux mille ans avant le Christ, à l'époque d'Abraham, le Patriarche, le Père des croyants. Ce peuple issu d'Abraham avait la veine de connaître le vrai Dieu alors qu'autour de lui on adorait les idoles : c'était le polythéisme. Ce peuple avait la chance de connaître le Dieu-Créateur qui en avait fait son Peuple. Avec lui, Il avait contracté une alliance, un pacte d'amitié, lui promettant sa protection toute particulière. Mais, selon la loi de l'économie divine, quand Dieu donne quelque chose, quand on a une chance, ce n'est pas pour la garder jalousement pour soi mais c'est toujours pour la transmettre, pour la faire passer. Cette vraie religion, cette foi, le peuple juif avait mission de l'apporter au monde entier. Mais que de fois hélas, au cours de son histoire, ce peuple avait failli à cette mission et avait voulu se mettre au diapason des nations qui l'entouraient adoptant leurs façons de vivre et parfois même leurs faux dieux... Dieu est patient ! Dieu est tenace !

Quand Jésus viendra apporter le complément des révélations divines, le complément des confidences de Dieu, il naîtra au sein de ce Peuple choisi et Il respectera le choix que son Père avait fait de ce Peuple pour être son héraut. C'est d'abord à lui que Jésus s'adressera, tout en laissant entendre cependant que si ce Peuple le rejette, Dieu confiera à d'autres la mission dont Il l'avait chargé. C'est la parabole des vignerons homicides (cf. St Matthieu, ch.2l, v.33-45).

Les Apôtres eux aussi respecteront cette économie divine. Ils s'adresseront d'abord aux juifs, à ceux qui fréquentent les synagogues. C'est la tactique de saint Pierre, c'est aussi celle de saint Paul.

Le voilà arrivé avec Barnabé à Antioche de Pisidie : ils se rendent à la synagogue pour y annoncer Jésus-Christ. Et là, au lieu d'être attentif à leur message qui était tout à fait dans la ligne des prophètes, voici qu'on chahute cette réunion de saint Paul. On fait du bruit, on lui lance des injures parce que les juifs étaient curieux de voir qu'il y avait beaucoup de monde qui était venu ce sabbat-là pour écouter l'Apôtre. Alors saint Paul fait ce que Jésus avait dit : « Lorsqu'on ne vous accueillera pas, sortez de cette ville ou de cette maison en secouant la poussière de vos pieds et dites : “ Même la poussière de votre ville qui a pu se coller à nos pieds, nous l'essuyons pour vous la laisser... ”, et puis partez, allez ailleurs. » (St Matthieu, ch.10,v.14 – St Luc, ch.10,v.11). Ici saint Paul leur dit cette parole terrible : « Il fallait que nous adressions d'abord à vous la Parole de Dieu, mais puisque vous la rejetez et que vous-mêmes vous vous jugez indignes de la vie éternelle, eh bien, nous vous laissons, nous vous laissons "tomber" et nous nous adresserons aux païens... » et c'est ce qu'ils ont fait.

Cette parole de saint Paul qui était dans la ligne des consignes que Jésus avait données à ses Apôtres, beaucoup de prêtres, beaucoup de nos confrères la répètent aujourd'hui. Si vous parcourez les églises de notre banlieue, la plupart du temps vous les trouverez fermées. Si vous frappez au presbytère, bien souvent la porte restera muette... Le prêtre n'est pas là. Où est-il ? ...

Eh bien ! ces prêtres qui, tout de même, sont animés par l'amour du Seigneur et par le souci de prêcher l'Evangile authentique, se sont dit, peut-être trop vite (nous n'avons ni la patience ni la ténacité du Seigneur !), que les pratiquants étaient indécrottables et que jamais, avec des pratiquants, on ne pourrait faire d'Authentiques chrétiens qui, par le simple rayonnement de leur vie, attirent et diffusent l'Evangile. Alors ils répètent – que de fois nous l'avons entendue – la parole de St Paul : « Il n'y a rien à faire avec vous, pratiquants ! Vous êtes devenus des formalistes comme les juifs au temps de Jésus-Christ ; vous avez cru que vos pratiques religieuses, que vos rites, que vos cérémonies, voire que la réception des sacrements, suffisaient, sans que cela change en rien votre vie. Eh bien ! nous aussi, nous vous laissons "tomber" et nous allons vers les païens pour leur prêcher l'Evangile tout crû  ! Avec eux, peut-être, nous pourrons construire du neuf et de l'authentique... » Et voilà le verdict de condamnation de nos paroisses, mes frères  !

Il est grave, il est même très grave, ce verdict d'abandon de la paroisse et des pratiquants par les prêtres ! Il est grave parce qu'il me semble bousculer complètement le plaid de Jésus-Christ et son idée sur l'Eglise ...

Certes, nous pouvons être tentés de nous contenter des rites de la messe du dimanche : je suis un bon chrétien puisque j'y vais régulièrement je suis un bon chrétien, je me confesse, je fais mes Pâques !... J'ai tout fait : baptême, première communion, mariage à l'église... j'ai tout fait ! Alors qu'en réalité on n'a rien fait tant qu'avec cela on adopte, tels les juifs autrefois, les moeurs et les idées païennes et matérialiste de ceux qui nous entourent ! Là se situe l'erreur !

Mais il y aurait erreur aussi pernicieuse à déclarer tout de go, à partir de là, que la pratique ne sert à rien, que la messe du dimanche est inutile puisque « ceux qui vont à la messe ne sont pas meilleurs que les autres ! », puisque bien souvent les chrétiens pratiquants ont pactisé avec l'injustice qui a éloigné toute une classe sociale de l'Eglise... A plus forte raison, ce serait une erreur monumentale de laisser entendre, comme certains ont tendance à le faire, que la pratique religieuse serait presque un empêchement à la pratique de l'Evangile !

On ne peut nier, en effet, que Jésus nous a recommandé, avec quelle insistance, la prière ; on ne peut nier que c'est Jésus qui savait tout de même ce qu'il faisait, qui a inventé ces rites, ces sacrements : le baptême, la pénitence, l'Eucharistie, et qui les a inventés comme moyens pour nous aider à vivre de sa vie  ! Il nous disait tout à l'heure dans l'Evangile qu'Il est venu pour que nous ayons cette vie éternelle et Il dira, par exemple, en parlant de l'Eucharistie que celui qui mange sa chair et boit son sang a la vie éternelle, que celui, au contraire, qui ne mangera pas sa chair et ne boira pas son sang, n'aura pas la vie en lui. (St Jean, ch.6.,v.53-54). C'est clair et catégorique... Mais il y a la façon d'employer ces moyens qui peut être faussée. Celui qui emploie mal la médication prescrite par le médecin, ne peut imputer son inefficacité au médicament, mais bien plutôt à la façon dont il s'en est servi...

Dès lors, avant de vous jeter la pierre, mes frères, avant de la jeter à tous ces pauvres pratiquants qui, aux yeux de certains, sembleraient presque faire un péché mortel en pratiquant... je crois qu'il faudrait d'abord se tourner vers nous, les pasteurs : c'est le dimanche du Bon Pasteur !

Je dirais les chrétiens, les fidèles, les pratiquants sont ce que nous les faisons...

Si beaucoup, en effet, à une époque, se sont contentés d'une pratique religieuse sans répercution sur leur vie, c'est peut-être bien parce que nous, les prêtres, nous les responsables des sacrements, nous les responsables de l'Evangile, nous qui devions vous prêcher, nous qui devions stimuler votre ferveur, votre ardeur, nous n'avons pas fait notre travail, nous avons failli à la mission qui nous était confiée...

Si nous avions parlé plus souvent des dispositions requises pour recevoir les sacrements de façon efficace, si nous avions eu le courage (il en faut, croyez-moi) de les refuser à ceux qui manifestement n'avaient pas ces dispositions, si nous avions cité plus souvent à nos fidèles ces paroles si tranchantes de l'Evangile où Jésus dit que ceux qui camouflent leurs injustices, leurs manques de charité, leurs manques de loyauté derrière de longues prières, en seront plus sévèrement punis (cf., St Marc, ch.12,v.40), sans doute que les chrétiens se seraient mis à réfléchir...

Si on avait expliqué aux pratiquants que le Seigneur a dit : « Ne me dites, pas Seigneur, Seigneur, Maître, Maître dans la prière, si ensuite vous ne faites pas ce que je vous commande. » (St Luc, ch.6, v.46), je pense que ces pratiquants auraient compris que la prière était justement un moyen de nous imprégner de ce sentiment que Dieu était notre Maître et notre Père pour qu'ensuite nous ayons plus d'élan pour lui obéir...

Si plus souvent on avait parlé à nos fidèles, a ceux qui étaient là, tous les dimanches, à la messe pour écouter l'Evangile, de ces paroles du Seigneur qui mettent notre salut éternel en dépendance de ce que nous aurons fait sur cette terre pour soulager corporellement, physiquement, matériellement, le prochain. « J'ai eu faim, j'ai eu soif, j'étais en prison, j'étais sans abri... vous ne m'avez pas secouru, allez, maudits au feu éternel ! » Si on avait commenté cela, si on avait commenté la parabole du mauvais riche qui n'avait pas fait de mal à Lazare, mais qui n'avait pas fait attention que ce pauvre homme crevait de faim à sa porte et qui, de ce simple fait, a mérité l'enfer... c'est Jésus qui le dit (St Luc, ch.16, v.19-31), si on avait fait cela, je pense que ces chrétiens qui assistaient en effet à l'office, qui venaient à la messe avec bonne intention, auraient essayé tout de même de faire passer cela dans leur vie...

C'est pour cela que nous réclamons votre prière en ce jour de la fête du "Bon Pasteur". Priez pour que nous, puissions prêcher authentiquement l'Evangile. Jésus dit que le bon pasteur doit veiller sur son troupeau et cette parole de Jésus sera tellement gravée dans la mémoire de saint Pierre, auquel Jésus a dit  : « Pais mes brebis, pais mes agneaux qu'il y reviendra dans ses Epîtres et qu'il demandera à ceux qui sont "presbytres" comme lui de veiller sur le troupeau que le Seigneur leur a confié, non pas pour faire prévaloir une autorité tyrannique, non pas par intérêt personnel, mais en se faisant les modèles de ce troupeau. » (cf. le Epître de St Pierre, ch. 5, v.2-4).

Et c'est là la première chose : si nous, les prêtres, nous ne sommes pas les premiers à marcher devant vous, à vous donner l'exemple, eh bien ! c'est raté ! Oui, le troupeau du Christ a besoin de pasteurs, de pasteurs qui marchent à sa tête, donc qui l'entraînent, qui lui donnent l'exemple. Nous, vos prêtres, nous devons être vos entraîneurs. Des entraîneurs, c'est tout autre chose que des commandants, à plus forte raison tout autre chose que des tyrans, des despotes et des entraîneurs, ce sont des animateurs, des gens qui doivent être l'âme de la communauté chrétienne parce qu'eux-mêmes sont possédés, "empaumés" par Jésus-Christ ! c'est tout autre chose que de simples administrateurs  !

Nous devons être vos pasteurs aussi parce que nous devons et par l'enseignement et par les sacrements vous donner la pâture, nourrir votre vie chrétienne... Nous devons vous stimuler et par notre exemple et par nos exhortations, sans quoi le troupeau du Christ risque fort de ressembler à ces foules qui apitoyaient le Seigneur parce qu'elles étaient "avachies", comme des brebis qui n'ont pas de pasteur...

Certes, il faut des prêtres qui soient missionnaires, qui aillent annoncer le Christ dans les milieux qui ne Le connaissent pas. C'est magnifique, saint Paul l'a fait, mais il avait aussi le souci de tous ceux qu'il avait gagnés à la cause de Jésus-Christ, qui étaient devenus chrétiens. Il mettait des "presbytres", des prêtres, à leur tête parce qu'il savait bien qu'il fallait qu'il y ait constamment quelqu'un pour attiser la flamme et ce rôle du sacerdoce n'est pas moins important que le rôle du missionnaire. Sans cela, excusez-moi l'expression, l'Eglise serait un panier percé !

Saint Paul lui-même, tout en étant missionnaire, avait le souci d'entretenir cette flamme. S'il n'avait pas eu ce souci, nous n'aurions pas ses épîtres. Ces épîtres, qu'est-ce que c'est ? C'est justement des lettres qu'il écrit à ces communauté chrétiennes qu'il avait fondées, parce qu'il y avait des déviations ou parce qu'au contraire il voulait les encourager. Il était là, par derrière, par dessous, pour stimuler ce feu afin qu'il se propage. Dans sa seconde épître aux Corinthiens, il parle du « souci de toutes ces communautés qui le hante sans cesse. » « Qui faiblit, s'écrie-t-il, sans que j'en sois malade, qui tombe sans qu'un feu me dévore ? » (2e aux Corinthiens, ch.1l, v..28-29).

 

Voilà, mes chers frères, ces quelques mots.

Que cette condamnation de la paroisse, de la communauté des pratiquants, nous ne la méritions pas et que nous soyons toute oreille pour écouter le message de Jésus-Christ, la parole de Jésus-Christ. « Mes brebis, nous dit-Il, elles écoutent ma voix et elles me suivent  ! »

Du moment que l'on nous apporte le véritable Evangile tout cru, sans aucune sauce humaine, si nous sommes avides de ce Seigneur, si nous sommes avides de sa doctrine, si nous sommes avides de son amour, mais cela doit entrer, je dirais, "comme dans du beurre".

Et puis prions pour que nous tous, prêtres, nous prenions davantage conscience de ce rôle que le Seigneur nous a confié, d'être vos animateurs, en vivant nous-mêmes de cet amour et de cet idéal de Jésus-Christ pour pouvoir le communiquer.

Puissions-nous, vos prêtres, former une petite communauté qui vous redonne du courage, vous redonne de l'élan, vous redonne la joie, vous redonne le rayonnement, afin que notre paroisse remplisse son rôle missionnaire : que ceux qui ont parfois peut-être été déroutés en voyant l'attitude de tel ou tel chrétien, voire de tel ou tel prêtre, puissent dire : « Ah ! mais là, il y a quelque chose, je vais aller voir... » et lorsqu'ils seront venus voir, puisse le Seigneur nous donner cette grâce de pouvoir les lui garder...

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