SOMMAIRE DE L'HOMELIE
Les textes de cette messe vont nous permettre de "rabâcher" pour enfoncer le clou.
La lecture de l'Apocalypse nous présente la communauté chrétienne comme une "incursion" du ciel sur la terre...
- grâce à te présence eucharistique du Christ dans nos églises, Dieu est aussi au centre de nos paroisses...
- ce que cela peut transfigurer dans nos vies... (= rappel de ce que nous disions le jeudi saint).
La lecture des Actes des Apôtres nous rappelle ce que nous disions dimanche dernier : chaque communauté doit avoir à sa tête un prêtre...
Les missionnaires eux-mêmes doivent se considérer comme "envoyés" par cette communauté qui les soutient par sa prière et ses sacrifices...
A ce titre, cette communauté a droit de savourer avec eux les fruits de leur apostolat ... dont ils doivent lui rendre compte...
L'Evangile nous dit qu'en cette communauté doit "battre" le coeur du Christ nous devons "nous aimer comme Il nous a aimés".
C'est à cela que l'on nous reconnaîtra comme ses disciples s'il règne entre nous l'amour spécifique du Christ.
(rappel de ce qui a été dit sur la Charité sur l'accueil...)
RABACHER...
Les textes de cette messe nous incitent à rabâcher... Peu importe, puisque cela va nous permettre d'enfoncer le clou !
LES MARTIENS !... Il y a eu une époque où l'on en parlait beaucoup. Nombreux étaient ceux qui croyaient en avoir vus...et on se racontait bien des anecdotes à leur sujet...
St Jean est dans l'Ile de Patmos où il a été exilé au temps de la persécution de Néron et de Domitien. Au moment où toutes les forces du mal semblent se déchaîner contre l'Eglise de Dieu, St Jean dans une vision, qu'il nous décrit dans son livre de l'Apocalypse, voit cette Eglise comme une incursion du ciel sur la terre : " Je vis la Jérusalem nouvelle qui descendait d'auprès de Dieu, elle était belle, comme une fiancée parée pour son époux, et j'entendis une voix qui criait : « Désormais Dieu sera avec eux, Il sera leur Dieu, ils seront son Peuple. Et Dieu essuiera toutes les larmes de leurs yeux. Il n'y aura plus de mer, mais un ciel nouveau et une terre nouvelle.» " Pour les gens de ce temps-là, la mer était le symbole du mal. La mer, avec ses tempêtes que l'on affrontait à l'époque sur de bien frêles esquifs, c'était le monstre marin qui vous guettait et qui risquait de vous engloutir.
Et voici que Jean voit cette Eglise, cette communauté chrétienne persécutée, comme une descente du ciel sur la terre et, grâce à elle, grâce à cette communauté chrétienne, voici que la terre va être renouvelée. Voici qu'il y aura des cieux nouveaux et une terre nouvelle ! Et d'où vient cela ?... : Dieu sera avec eux ! au milieu d'eux... ils seront son Peuple et Lui, Il sera leur Dieu ! C'était la seconde lecture que nous venons d'entendre.
Chers chrétiens, au cours de vos voyages, vous avez pu voir toutes ces villes, tous ces villages où les maisons sont groupées autour de l'église. On dirait qu'elles se blottissent frileusement autour de ce clocher pour y puiser justement la flamme, la ferveur, la chaleur ... Et, en effet, à l'époque où il existait des communautés authentiquement chrétiennes, cette présence de Dieu parmi son peuple était la source d'une vie extraordinaire et d'une grande joie. Dieu est au milieu de son Peuple. Il est présent dans nos âmes par sa grâce, mais comme nous sommes faits de chair et d'os, nous avons besoin d'une présence ... plus sensible du Seigneur. Et c'est cela qu'Il nous a donné grâce à ses églises, grâce au tabernacle... : Dieu a sa maison au milieu de nous. Comme autrefois lorsque Jésus habitait à Capharnaüm et que l'on pouvait aller frapper à sa porte, certain d'être toujours bien reçu, Jésus a voulu établir sa maison au milieu de toutes nos maisons, et cette maison, ce sont nos églises. Il est vraiment malheureux qu'à notre époque on soit obligé dans notre banlieue parisienne de fermer nos églises à cause des vols, ou parce qu'il n'y a pas de prêtre sur la paroisse ! Cela nous prive d'une richesse... Lorsqu'on a un chagrin, une peine, lorsqu'on a une joie, lorsque le soir on rentre fourbu de sa tâche, de son travail, comme il faisait bon, et comme il devrait toujours faire bon, pour des chrétiens, de passer "chez Jésus-Christ" , le temps de faire un signe de croix, le temps de s'asseoir sur une chaise au fond de l'église, le temps de lui dire : " Seigneur je n'en puis plus ! " ou : " Seigneur ! j'en ai assez " ... et de rester là quelques instants, quelques secondes ... le temps de Lui dire : " Aujourd'hui, Seigneur, j'ai eu telle joie..." ou " Aujourd'hui, celui que j'ai rencontré dans mon travail, celui que j'ai rencontré sur ma route et qui m'a confié toutes ses peines, ou que j'ai vu dévier de ton idéal et de ta foi, Seigneur ! je Te le confie." Ce bavardage de quelques instants avec Jésus-Christ !... c'est là la source de notre vitalité chrétienne et nous ne pourrons jamais tenir, être des chrétiens rayonnants si nous n'avons pas cette présence amicale de Dieu parmi nous...
C'est ma première réflexion sur ces lectures de la messe d'aujourd'hui.
Dieu sera avec eux et cette cité de Dieu, cette communauté chrétienne sera belle ! ... belle comme une fiancée parée pour son époux au jour de ses noces.
Le passage des Actes des Apôtres que nous avons entendu comme première lecture fait suite à celui que nous lisions dimanche dernier et précise ce que je vous disais il y a huit jours.
St Paul, tout missionnaire qu'il était, n'en était pas moins soucieux des communautés chrétiennes, disons si vous le voulez des paroisses, qu'il avait fondées. En voici une nouvelle preuve :
Avec Barnabé il a donc été envoyé par la communauté chrétienne qui se trouvait à Antioche de Syrie, pour aller évangéliser toute la partie méridionale de l'Asie Mineure, de la Turquie d'aujourd'hui. Ils sont allés de villes en villes. Quand on les persécutait, quand on chahutait leurs réunions, ils allaient ailleurs et la Parole du Seigneur se semait partout, et des communautés chrétiennes surgissaient tout partout !
Arrivés à Derbé, ils se sont dit : "Maintenant, revenons sur nos pas pour voir un peu comment ça se passe dans les communautés que nous avons créées." A quoi bon, en effet, poursuivre la mission, faire de nouveaux disciples, de nouveaux chrétiens, si les déjà convertis " ne tenaient pas" ? Or, pour consolider ces communautés, ils les organisaient en mettant à leur tête des presbytres. C'est un mot grec - dont le correspondant en français est le mot "prêtre" - qui veut dire "l'Ancien". Ils mettaient donc à la tête de ces communautés des "Anciens", c'est-à-dire des gens qui avaient déjà un peu " de bouteille " dans la vie chrétienne, des gens qui étaient déjà habitués à vivre en chrétiens, qui étaient déjà un peu plus avancés dans la connaissance du christianisme et qui pouvaient, par conséquent, aider leurs frères à progresser eux aussi.
A ces "Anciens", à ces "presbytres", à ces prêtres, ils transmettaient tout au moins une part de leurs pouvoirs. La meilleure preuve, c'est qu'au retour de sa troisième tournée missionnaire, St Paul, accostant à Milet, convoquera sur le quai les presbytres d'Ephèse pour leur faire ses dernières recommandations car il ne sait pas s'il les reverra jamais. Que leur dit-il ? : " Veillez sur le troupeau dont l'Esprit Saint vous a constitués intendants pour "paître" l'Eglise de Dieu !" (Actes des Apôtres, ch.20, v.28), exactement les mêmes paroles que celles que Jésus avait adressées à Pierre : " Pais mes agneaux, pais mes brebis ", parce que, à ces Anciens qui avaient déjà l'expérience de la vie chrétienne, il confiait les mêmes responsabilités, les mêmes pouvoirs que ceux que Jésus avait donnés à Pierre.
Ce sera là la tactique constante des Apôtres : mettre à la tête des communautés chrétiennes des "pasteurs", des presbytres chargés d'entretenir la vie spirituelle, la vie chrétienne des membres de ces communautés. C'est ainsi que St Paul écrira à Tite, son collaborateur, que, s'il l'a laissé dans l'île de Crête, " c'est pour y achever l'organisation (des communautés) et pour établir dans chaque ville des presbytres conformément à ses instructions." (cf. Epître à Tite, ch. 2. 1, v. 5) .
Et St Pierre de son côté, écrivant aux communautés de la Diaspora, c'est-à-dire du Pont, de Galatie, de Cappadoce, d'Asie et de Bithynie, dira aux "presbytres" qui sont dans ces communautés : " Faites paître le troupeau de Dieu qui vous est confié, veillant sur lui non par contrainte, mais de bon gré et selon Dieu, non pour un gain sordide, mais avec l'élan du coeur, non pas en faisant les grands seigneurs, mais en devenant les modèles de votre troupeau." (lère Epître de St Pierre, ch.l,v.1 - ch.5, v.2-3).
Ainsi il est bien clair, si nous nous en référons aux textes bibliques, que le prêtre est l'âme, le centre de la communauté chrétienne. Il ne peut y avoir de communauté chrétienne sans cet "Ancien" - ancien plus par la connaissance théorique et pratique de la vie chrétienne que par l'âge - qui, par le sacrement de l'ordre, a reçu la transmission des pouvoirs donnés par Jésus Lui-même... Ceux qui voudraient accréditer l'idée qu'au fond on peut se passer du prêtre, qu'il n'est pas nécessaire qu'il y en ait à la tête des communautés chrétiennes, que les prêtres ont bien d'autres choses à faire, ceux-là s'inscrivent ni plus ni moins contre une institution, une façon de faire qui remonte indubitablement aux Apôtres eux-mêmes. C'est tout de même quelque chose !
Mieux que cela, ce passage des Actes des Apôtres nous indique les rapports qu'il doit y avoir entre la Communauté chrétienne locale (disons donc la communauté paroissiale) et les missionnaires...
En effet, quand Paul et Barnabé, nous dit le texte d'aujourd'hui, arrivent dans la Communauté d'Antioche de Syrie qui les avait envoyés en mission, ils racontent tout ce qu'ils ont fait durant cette tournée missionnaire, exactement comme nous faisons lorsque nous rentrons dans nos familles après une absence, exactement comme fait un enfant qui rentre de colonie de vacances et qui n'en finit pas de raconter à ses parents tout ce qu'il a fait. La communauté chrétienne, en effet, est elle aussi une famille.
Mais de plus n'oublions pas que c'était cette communauté chrétienne d'Antioche, donc la communauté locale, donc la paroisse, qui les avait envoyés en mission. Avant de les laisser partir pour cette tournée missionnaire, cette communauté chrétienne - nous disent les Actes des Apôtres (cf. ch.13,v.3) - avait fait des jeûnes, des sacrifices, des prières pour le succès de cette mission à laquelle ils étaient députés. Cette communauté qui les avait ainsi soutenus durant tout leur ministère, avait bien le droit d'en savourer avec eux les fruits...
Cela me rappelle ce que me disait le Cardinal Suhard pour nous encourager dans notre apostolat paroissial. Il me citait cette réflexion d'un militant chrétien : "Monseigneur, lorsque nous sommes plongés dans le monde, dans ce monde si souvent opposé au christianisme, ce qui nous soutient, ce qui nous permet de tenir le coup, c'est de savoir que derrière nous il y a toute cette communauté chrétienne qui prie, toute cette communauté qui est avec nous et dont nous ne sommes que les envoyés, les délégués, et dans laquelle nous pourrons, à notre retour, aller nous ressourcer. Si elle n'était pas là, nous ne pourrions être missionnaires ! "
Voilà pourquoi parmi les cinq conditions mises en 1953 à la reprise de l'expérience des prêtres-ouvriers figurait celle-ci : " ...qu'ils ne vivent pas isolément mais qu'ils soient rattachés à une communauté de prêtres ou à une paroisse en apportant un certain concours à la vie paroissiale." (cf. P. Andrew : Histoire des prêtres ouvriers, pp. 122-123). Il ne s'agissait donc pas de mener une action missionnaire séparée, parallèle, encore moins opposée à l'apostolat paroissial, ce qui aurait risqué de conduire à une autre conception de la religion cet apostolat missionnaire, comme au temps des Apôtres, devait émaner de la communauté chrétienne, donc de la communauté paroissiale. Hélas ! on a tellement dénigré ces communautés paroissiales que la mission a complètement rompu avec elles à la limite, on en est arrivé à créer deux Eglises !...
Si nous voulons, nous, être vraiment missionnaires, si nous avons ce souci de faire que le monde entier aime Jésus-Christ et vive fraternellement et vive de l'idéal du Seigneur, il faut D'ABORD que nous commencions à faire des communautés chrétiennes solides dans lesquelles, après nous être plongés dans le monde, nous puissions venir chercher l'antidote contre ce poison qui nous a peut-être été inoculé, afin de retrouver au sein de la famille chrétienne les vraies idées, les vrais sentiments, la vraie face de Jésus-Christ. S'il n'y a pas cela, c'est impossible, on ne peut pas tenir le coup : "que voulez-vous qu'il fasse à un contre trois !" et là, ce n'est pas seulement contre trois mais contre des centaines de gens ! Comment le chrétien pourrait-il "mordre" dans ce milieu-là, le transformer, s'il n'était soutenu par une Communauté dans laquelle il viendra reprendre force et courage ? Et ceci est important ...
Enfin, cette Communauté chrétienne d'aujourd'hui, Jésus nous dit dans l'Evangile qu'elle doit être un témoin de son amour.
On nous reconnaîtra comme chrétiens, comme disciples de Jésus-Christ, si dans chacun de nos coeurs on retrouve quelque chose de la tendresse de Jésus-Christ, si on sent que tous ces chrétiens qui sont là, à la messe le dimanche, sont au coude à coude et qu'ils s'aiment d'une façon tellement extraordinaire qu'on n'a jamais vu cela nulle part ailleurs, et que l'on puisse se dire : mais c'est fou comme ils ressemblent à Jésus-Christ, comme l'on sent battre chez eux le coeur de Jésus-Christ ! S'il n'y a pas cette union entre nous, pas besoin d'aller parler de charité à tout le monde. A ce moment-là, cette charité est un paravent et trop souvent on cache derrière ce mot tant de choses qui sont dégoûtantes, révoltantes, que ça vous donne parfois le dégoût de ce mot lui-même !
Rappelez-vous qu'autrefois - je vous l'ai déjà dit - lorsqu'on parlait du groupe des chrétiens, on disait "l'agapè". "Agapè" en grec veut dire "charité". Une communauté chrétienne s'appelait "une charité" ! St Irénée, le grand Evêque de Lyon qui écrivait au deuxième siècle, dit que l'Eglise de Rome est "la présidente de l'Agapè". C'est elle qui l'est à cause de la succession de St Pierre, à cause de la présence du Pape qui préside à l'Eglise entière, à la "Charité" toute entière.
Mériterions-nous ici, à Rungis, mes frères, d'être appelés "une Charité" ?
Rappelez-vous, je rabâche..., ce que je vous ai dit il n'y a pas si longtemps sur l'accueil des nouveaux arrivés : qu'ils ne soient pas chez nous comme " des corps étrangers " ! Rappelez-vous la méditation que nous avions faite ensemble sur l'hymne de St Paul à la charité ... (cf. Homélies du 4ème et 5ème dimanches ordinaires de cette année "C").
Je me résume :
Exploitons au maximum cette chance inouïe que nous avons de la présence eucharistique du Christ au milieu de nous, dans nos églises.
Prions pour que les prêtres qui sont à la tête de nos paroisses ne se considèrent pas comme inutiles ou comme des prêtres de seconde zone par rapport à ceux qui sont missionnaires. Prions pour que ceux-ci restent étroitement et fraternellement unis, comme le veut l'Eglise, à la communauté des chrétiens qui, malgré leurs imperfections, constituent l'Eglise de Dieu qui milite ici ou là.
Enfin, que règne entre nous une charité pleine d'attentions, de délicatesses, joyeusement ouverte à tous les nouveaux venus !